Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 13 décembre 2011 à 14h30
Sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé — Discussion d'un projet de loi en nouvelle lecture

Xavier Bertrand, ministre :

Le présent projet de loi est vital pour l’avenir de notre système de santé. Grâce à lui, j’en ai la conviction, il y aura un avant et un après Mediator. Je sais que beaucoup sont de cet avis, même s’ils ne l’admettent pas publiquement !

Ce texte refonde le système de sécurité sanitaire des produits de santé, afin de concilier sécurité des patients et accès au progrès thérapeutique.

Comme je l’ai indiqué, je ne me contenterai pas de ce projet de loi. Des décrets seront pris, et il y aura une refonte de l’organisation de l’agence chargée de la sécurité du médicament. Cette réforme aura une dimension européenne.

Par ailleurs, je souhaite que soit fixé dès à présent un rendez-vous, à deux ou trois ans, pour que le Parlement et l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, vérifient que la loi aura bien été appliquée dans l’esprit ayant présidé à son élaboration. L’importance du sujet l’exige : il doit y avoir un « service après-vote ».

Permettez-moi de revenir sur plusieurs points majeurs.

Je pense tout d’abord à l’interdiction de liens d’intérêts pendant les trois ans précédant la nomination des dirigeants de la Haute Autorité de santé, la HAS, de l’Institut national du cancer, l’INCa, de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l’AFSSAPS, qui a été supprimée après les débats à l’Assemblée nationale.

Cette proposition pouvait apparaître intellectuellement satisfaisante, mais il faut veiller à ne pas confondre liens d’intérêts et conflits d’intérêts.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est votre pouvoir d’appréciation qui devra s’exercer lors des auditions parlementaires des candidats. Si la situation n’apparaissait pas suffisamment claire, la nomination ne serait pas validée.

En tout état de cause, si une telle interdiction avait existé à l’époque, M. Maraninchi n’aurait jamais pu être nommé à la tête de l’INCa, ce qui eût été dommage.

Nous avons besoin de personnalités compétentes, disposant d’une réelle expérience. Faudrait-il exiger des candidats qu’ils viennent de la planète Mars, afin que nous soyons sûrs qu’il n’y aura aucun risque de liens d’intérêts ? Je caricature, mais je pense réellement qu’il serait préférable d’apprécier la situation des candidats lors des auditions parlementaires et de s’opposer le cas échéant à leur nomination si les choses ne sont pas suffisamment claires plutôt que d’adopter la solution que vous aviez proposée.

J’en viens à la question du nom de l’agence chargée de la sécurité du médicament. Dans un dossier comme celui-ci, les querelles sémantiques n’ont pas leur place, mais c’est néanmoins un point qui a son importance. Il faut donner un nouveau nom à cette agence, car, qu’on le veuille ou non, celui d’« Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé » est indissolublement lié au dossier du Mediator. Bien sûr, ce changement de nom n’est pas l’alpha et l’oméga de la réforme, mais pour prendre un nouveau départ, il faut un nouveau nom : tout ayant changé, il faut aussi changer le nom. Cela permettra en outre d’affirmer de manière plus forte la vocation de l’agence en matière de police du médicament.

Un autre point important est l’interdiction, que vous aviez inscrite à l’article 5, aux associations de patients recevant des subventions ou des avantages des entreprises pharmaceutiques de siéger au conseil d’administration de l’agence.

Nous avions longuement débattu de cette question au cours de la première lecture du projet de loi. L’adoption de cette mesure aurait exclu la quasi-totalité des associations de patients et créé une inégalité de traitement entre les professionnels de santé et les associations.

Alors que l’information et la transparence fondent la confiance, cette interdiction aurait marqué un véritable recul pour la démocratie sanitaire. L’Assemblée nationale a supprimé cette mesure : sans opposer une assemblée à l’autre, je veux saluer la sagesse dont elle a fait preuve ce faisant.

Par ailleurs, selon vous, le renvoi à des textes réglementaires viderait le projet de loi, en particulier l’article 9 bis, d’une grande partie de sa portée.

Soyons très clairs sur ce sujet : je l’ai dit dès le 15 janvier dernier, pour qu’un médicament soit admis au remboursement, les essais cliniques devront avoir été réalisés contre comparateurs actifs, lorsque ceux-ci existent. L’objet du décret sera seulement de définir avec précision, en envisageant toutes les situations possibles, la mise en œuvre pratique de cette mesure. Ne nous trompons pas de débat : je défends cette position y compris à l’échelon européen.

S’agissant des autorisations temporaires d’utilisation, les ATU, je crois sincèrement que le durcissement de leur régime, tel que vous l’aviez souhaité, aurait immanquablement pénalisé les patients nécessitant un traitement de longue durée. Dans sa rédaction issue de la nouvelle lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale, l’article 15 permet de conserver un juste équilibre entre la sécurité des patients et l’accès aux progrès thérapeutiques.

Sans me faire le porte-parole de quiconque, je tiens à souligner que nombre d’associations engagées dans la lutte contre les maladies rares s’étaient émues d’un tel durcissement, craignant qu’il ne s’accompagne d’une perte de chances pour les patients : cela ne serait pas acceptable.

S’agissant du régime de responsabilité, de la charge de la preuve ou des actions de groupe, vous conviendrez que, compte tenu de leur ampleur, les réformes correspondantes ne peuvent pas être introduites au détour de l’examen de ce projet de loi, de surcroît sans concertation avec les associations de patients, les entreprises et les secteurs ministériels concernés, ni surtout sans études d’impact.

J’en arrive à la question de l’expérimentation d’une visite médicale collective à l’hôpital, c’est-à-dire au fameux article 19…

Ma position est très simple : même si je suis le dernier dans ce cas, je continue à croire que nous ne pouvons pas conserver la visite médicale telle qu’elle existe.

Ce sont non pas les visiteurs médicaux qui sont en cause, mais les consignes données à une époque par les firmes qui les employaient.

Il reste que, sur ce point, la rédaction du projet de loi qui vous est soumise ne me satisfait pas : si l’on exclut de son champ les médicaments réservés à l’hôpital ou de prescription hospitalière, ainsi que les dispositifs médicaux, cela revient à vider cette expérimentation de tout son sens.

Je le répète, il ne s’agit pas pour moi de stigmatiser la profession de visiteur médical, mais la visite médicale doit aujourd’hui profondément évoluer ; les professionnels en sont d’ailleurs conscients. Les firmes auront la responsabilité d’accompagner cette évolution, mais la visite collective à l’hôpital, dite « en staff », existe déjà : elle représente de 30 % à 40 % des visites médicales pratiquées à l’hôpital.

On nous dit que, pour améliorer la sécurité sanitaire, la visite collective doit s’accompagner de visites individuelles. Ces activités de suivi de l’utilisation des médicaments pourront se poursuivre dans un cadre individuel, mais je veux que lorsqu’un délégué médical hospitalier vient présenter son portefeuille de médicaments ou de dispositifs médicaux, il le fasse devant plusieurs professionnels de santé. J’ai conscience que, dans les hôpitaux locaux, l’organisation d’une telle visite collective peut être compliquée, mais « plusieurs » commence à deux…

C’est donc une réforme d’ampleur que Nora Berra et moi-même proposons. Nous serons particulièrement attentifs à sa mise en œuvre effective. Elle doit permettre de redonner aux Français confiance dans notre système du médicament. N’ayons pas de réflexes partisans sur un tel sujet, car la santé est l’affaire de tous !

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