Le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2011 présente, à bien des égards, les caractéristiques d’un collectif de fin d’année.
Il vise notamment à solder les comptes de l’exercice en cours dans le contexte d’un ralentissement relatif de l’activité économique. Ce ralentissement montre encore une fois – une fois de trop, pourrait-on dire – que la politique économique du Gouvernement n’est pas vraiment couronnée de succès…
Quelques chiffres, madame la rapporteur générale, permettent de se représenter les réalités économiques de cette fin 2011.
Au mois d’octobre, la production industrielle comme la consommation des ménages ont connu une progression nulle.
En incluant les données relatives à l’outre-mer, les chômeurs représentent 9, 7 % de la population active : environ 3 millions de personnes sont ainsi privées d’emploi.
Le mois de septembre, malgré la rentrée des classes, n’a pas été bon pour l’économie : l’activité a baissé de 1, 6 % dans le commerce de gros et s’est contractée de près de 2 % dans le commerce de détail et la restauration ; la production industrielle a enregistré un repli du même ordre. On n’ose imaginer, mes chers collègues, les conséquences que va avoir, dans un environnement aussi déprimé, la hausse de la TVA prévue par le présent projet de loi de finances rectificative…
Quant au petit rebond de la consommation, il semble tenir essentiellement à la hausse des prix de l’énergie et des carburants, dont les ménages ont particulièrement souffert ces dernières semaines.
Les ferments d’une récession durable paraissent bel et bien présents dans la politique actuellement menée. Celle-ci consiste notamment à s’attaquer au pouvoir d’achat des ménages par une série de mesures dont une partie figure dans le présent projet de loi de finances rectificative ; d’autres ont été intégrées au projet de loi de finances pour 2012 – sur laquelle la commission mixte paritaire, réunie hier matin, n’est pas parvenue à trouver un accord.
Je vous propose, mes chers collègues, d’examiner successivement quelques-unes de ces dispositions.
Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit, entre autres mesures, le gel de la rémunération des agents du secteur public. Je rappelle que cette population, qui représente plus de cinq millions de personnes, contribue tout de même de manière importante à faire tourner l’économie par sa consommation, son épargne et l’acquittement de quelques impôts… Que deviendrait, mes chers collègues, le rendement de l’impôt sur le revenu s’il n’y avait pas les fonctionnaires ?
Que deviendraient aussi nos établissements de crédit, s’ils ne pouvaient compter sur une clientèle aux ressources stables, régulières et de plus en plus enviables au vu des salaires pratiqués dans le secteur privé, une clientèle qui leur assure un véritable fonds de roulement et, surtout, leur permet de gérer une épargne à vue à moindre coût ?
Combinant ce gel des rémunérations avec la poursuite de la politique imbécile et dogmatique de réduction des effectifs – un départ en retraite sur deux n’est pas remplacé –, le budget pour 2012 crée encore un peu plus les conditions de la dégradation économique, tant à court qu’à moyen et long terme.
Pour faire bonne mesure, il intègre aussi des mesures aussi intelligentes que le gel des allocations de logement ou le ralentissement de leur progression… Comme s’il ne suffisait pas, mes chers collègues, de voir des familles consacrer d’ores et déjà 30 %, voire 40 % de leurs maigres revenus au logement, devenu le premier poste de dépense dans le budget des ménages les plus mal lotis !
C’est, nous dit-on, la contribution, au nom de l’« équité », des plus modestes à la réduction des déficits publics, des déficits dont, je ne me lasserai jamais de le répéter, ils sont, qu’on le veuille ou non, assez peu responsables…
Le projet de loi de finances pour 2012 est un peu comme la première lame des rasoirs à deux lames ; la seconde lame, c’est le présent collectif budgétaire.
Quelles riches idées ont donc germé dans la tête des techniciens et conseillers de Bercy pour trouver à l’État des recettes nouvelles en évitant de frapper aux bonnes portes, c’est-à-dire celles des plus riches et des grands groupes, tous grands bénéficiaires des cadeaux fiscaux distribués depuis dix ans ?
Après la baisse du tarif de l’ISF intervenue au mois de juillet – à l’époque, les comptes publics ne devaient pas être suffisamment en déficit pour justifier des mesures de redressement ! – et la hausse de la taxe sur les mutuelles solidaires et responsables, décidée au mois de septembre, quoi de neuf ?
On note une hausse limitée des prélèvements libératoires sur les revenus financiers, qui préserve cependant le régime fort enviable dont ceux-ci bénéficient par rapport au barème de l’impôt sur le revenu.
Pour le reste, le projet de loi de finances rectificative repose sur trois mesures phares.
L’une, assez symbolique, consiste à majorer de façon exceptionnelle – quoique un peu « chichiteuse » puisqu’on se contente d’une hausse de 5 % – l’impôt sur les sociétés.
Je n’étais pas parlementaire en 1995, mais, parce qu’il en a beaucoup été question les années suivantes, notamment à droite, je me souviens que l’équipe Balladur-Sarkozy avait laissé les comptes publics dans une situation tellement désastreuse que le gouvernement Juppé avait dû créer une surtaxe de 10 points – 10 points ! – de l’impôt sur les sociétés.