La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.
La séance est reprise.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteur générale, mesdames, messieurs les sénateurs, le 7 novembre dernier, le Premier ministre présentait le plan de retour à l’équilibre du Gouvernement. À peine un mois plus tard, vous êtes saisis des dernières mesures de ce plan, qui représente, au total, 7 milliards d’euros d’efforts pour 2012 et 65 milliards d’euros de dette évitée d’ici à 2016.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans quel autre pays un effort d’une telle ampleur aura-t-il été examiné aussi rapidement ? Notre réactivité, notre réalisme et notre sérieux sont nos meilleures armes dans la bataille que nous livrons aujourd’hui : celle de la crédibilité.
Les derniers mois ont exigé la mobilisation de tous, à tous les niveaux. L’implication directe du chef de l’État tout au long de plusieurs négociations cruciales l’a démontré : avec ses partenaires, la France prend toutes ses responsabilités pour apporter des réponses extrêmement fortes à la crise, à l’échelle, non seulement de l’Union européenne, bien sûr, mais aussi à l’échelle du pays.
Monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteur générale, la représentation nationale a pris toute sa part dans cette mobilisation ; je tenais à vous en remercier. Le Gouvernement est conscient des contraintes que ces circonstances exceptionnelles ont fait peser sur votre commission.
Je remercie également l’ensemble de la Haute Assemblée pour la qualité des débats que nous avons eus dans ce contexte très particulier.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le collectif budgétaire que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui nous permet de mesurer l’ampleur du chemin parcouru.
Cette année 2011 avait commencé sous le signe de la reprise – qui s’en souvient ? –, avec une croissance de près de 1 % au premier trimestre. Mais, depuis lors, vous le savez, l’économie mondiale a commencé à ralentir. L’été a été marqué par une crise des dettes souveraines aussi brutale que soudaine. Ainsi, malgré un bon troisième trimestre, nous traversons à présent une zone d’incertitudes, lesquelles ont conduit le Gouvernement à revoir à 1 % sa prévision de croissance pour 2012.
Par deux fois, le 24 août et le 7 novembre dernier, nous avons pris les décisions qui s’imposaient face au ralentissement de l’économie mondiale. En effet, quoi qu’il arrive, la France réduira ses déficits au rythme prévu. Elle le fera sans peser sur une croissance encore fragile, grâce à 52 milliards d’euros d’efforts en 2011 et en 2012. Ces efforts reposent majoritairement sur des économies en dépenses et garantissent que nous respecterons nos objectifs de réduction du déficit public, fixés à 5, 7 % du PIB en 2011 et à 4, 5 % en 2012.
Ce collectif le démontre, nous serons au rendez-vous de nos engagements budgétaires en 2011.
Nous serons d’abord au rendez-vous de la réduction du déficit de l’État.
Là aussi, le chemin parcouru est considérable. Il y a un an, mon prédécesseur François Baroin prenait devant vous l’engagement d’améliorer le solde budgétaire de l’État de plus de 50 milliards d’euros.
Malgré une croissance plus faible que prévu, cet engagement est, un an plus tard, bel et bien tenu. Ainsi, entre 2010 et 2011, nous aurons réduit de 36 % le déficit budgétaire de l’État, qui s’établit désormais à 95, 3 milliards d’euros.
Nous serons également au rendez-vous de nos engagements en matière de dépenses.
Vous le savez, le budget pour 2012 a été construit, pour la première fois depuis 1945, autour de l’objectif de réduction des dépenses de l’État d’une année sur l’autre : nous respecterons cet objectif dès 2011.
C’est le résultat d’une gestion particulièrement économe des deniers publics. J’en veux pour preuve le niveau extrêmement bas des ouvertures brutes de crédits en fin de gestion : alors qu’elles représentaient, en 2010, 4, 7 milliards d’euros, elles se limitent, en 2011, à 1, 7 milliard d’euros.
Ces ouvertures de crédits sont essentiellement consacrées à deux priorités : d’une part, le financement des opérations extérieures de nos armées, au travers d’un décret d’avance ; d’autre part, le financement de dépenses sociales plus dynamiques que prévu, en raison notamment d’une inflation plus élevée. Preuve que nos filets de protection n’ont jamais été aussi solides, nous consacrerons 250 millions d’euros supplémentaires aux aides personnalisées au logement, 137 millions d’euros à l’allocation adultes handicapés ou bien encore 52 millions d’euros à l’allocation temporaire d’attente dont bénéficient les demandeurs d’asile.
Ces ouvertures de crédits ne dégraderont en rien le solde budgétaire de l’État. En effet, leur volume étant limité, nous pouvons les couvrir intégralement.
Nous pouvons d’abord les couvrir grâce à la réserve de précaution, dont la vocation est bien d’offrir au Gouvernement une marge de manœuvre pour respecter ses objectifs en cas d’imprévus ; il s’agit en quelque sorte d’une ceinture de sécurité. À cet égard, comme nous traversons aujourd’hui une zone de turbulences économiques, nous avons fait le choix de la prudence en portant à 6 milliards d’euros la réserve pour 2012.
Nous couvrons également les ouvertures de crédit pour 2011 grâce à la marge de manœuvre que nous avions identifiée ensemble en septembre dernier : je pense aux 600 millions d’euros de moindre consommation sur le fonds de compensation de la TVA. Madame la rapporteur générale, nous avions décidé d’un commun accord d’utiliser cette somme pour couvrir des dépenses imprévues ; nous la mobiliserons donc à hauteur de 400 millions d’euros. Nos efforts de bonne gestion sur tous les postes du budget nous permettent d’affecter les 200 millions d’euros restants à la réduction du déficit et d’atteindre, dès 2011, notre objectif de baisse des dépenses de l’État.
Mesdames, messieurs les sénateurs, bien gérer, c’est savoir se mettre à l’abri des circonstances : c’est ce que nous avons fait. L’année 2011 aura été marquée par son lot d’imprévus ; c’est le moins que l’on puisse dire ! Mais nous avons su prendre les bonnes décisions au bon moment. Au final, non seulement nous avons respecté la norme de « zéro valeur », mais nous avons même fait mieux.
Nous serons donc au rendez-vous de nos engagements en 2011. Nous le serons également en 2012.
Avec ce collectif, nous vous soumettons le dernier volet du plan annoncé le 7 novembre 2011 par le Premier ministre. Vous le savez, ce plan est essentiel pour ramener le déficit à 4, 5 % du PIB en 2012, malgré une croissance plus faible que prévu.
Mesdames, messieurs les sénateurs, lors de l’examen du budget de l’État et de celui de la sécurité sociale, vous avez d’ores et déjà examiné une première série de mesures, qui reposent sur une stratégie simple : la priorité absolue donnée aux économies sur les dépenses.
En effet, il n’existe aucune alternative crédible pour réduire nos déficits sans casser la croissance. Nos débats sur le budget 2012 l’ont prouvé : tous ceux qui, comme le Sénat, refusent de faire d’abord porter l’effort sur les dépenses condamnent le pays à une cure d’austérité fiscale sans précédent.
Eh oui ! sur les travées de l’UMP.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est certain ! C’est une question de responsabilité !
Rires sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Les hausses d’impôt que la Haute Assemblée a votées s’élèvent à 32 milliards d’euros ; c’est un record. Mais, pour atteindre ce record, vous avez modifié ou créé pas moins de cinquante-neuf taxes, que ce soit dans le projet de loi de finances ou dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Mme Valérie Pécresse, ministre. … avec, à la clef, un choc fiscal qui briserait net la croissance et dont les entreprises et l’emploi seraient les premières victimes.
Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
En vérité, votre alternative, c’est la récession programmée.
Le Gouvernement, lui, a fait le choix d’accentuer encore nos efforts d’économies : en 2012, nous diminuerons de 1, 5 milliard d’euros les dépenses de l’État et nous maîtriserons les dépenses d’assurance-maladie comme elles ne l’ont jamais été, avec un objectif national de progression fixé à 2, 5 %.
Le Fonds monétaire international comme l’OCDE n’ont pas manqué de le relever : en faisant d’abord porter l’effort sur les dépenses, nous avons su trouver le bon équilibre, le bon dosage, à savoir celui qui permet de réduire les déficits tout en préservant la croissance et le pouvoir d’achat.
Ces économies sans précédent permettent également de limiter au strict nécessaire les efforts en recettes demandés aux Français et, plus avant, de les répartir équitablement.
Le volet fiscal de ce collectif budgétaire, qui se traduira, en 2012, par 5, 2 milliards d’euros de ressources supplémentaires pour l’État, se concentre en effet sur les grandes entreprises et les ménages aisés.
Quatre des mesures qu’il comporte en témoignent.
J’en veux pour première preuve la majoration exceptionnelle de 5 % de l’impôt sur les sociétés ; cette mesure ne concernera que les grandes entreprises, à savoir celles dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros, et ne pèsera en rien sur les PME, qui, nous le savons tous, sont les plus exposées au ralentissement de la croissance.
Cette majoration exceptionnelle augmentera de 1, 1 milliard d’euros les recettes annuelles de l’État tant que notre déficit public ne sera pas revenu en dessous de 3 %. Ainsi, elle contribuera au redressement du rendement de l'impôt sur les sociétés, lequel reste durablement marqué par le choc de 2008. Au total, les mesures que nous avons prises le 24 août et le 7 novembre dernier permettront d’augmenter ce rendement de 3, 5 milliards d’euros.
Au-delà des entreprises, l’équité dans l’effort s’appliquera également aux ménages.
Ainsi, avec ce texte, nous mettons fin à la fiscalité privilégiée dont bénéficiaient les revenus du patrimoine et nous l’alignons sur celle des revenus du travail – ce qui est une petite révolution –, avec un prélèvement forfaitaire libératoire porté de 19 % à 21 % sur les dividendes et de 19 % à 24 % sur les intérêts, soit 600 millions d’euros de recettes supplémentaires. C’est la deuxième des quatre mesures que j’évoquais.
Là aussi, notre politique est claire et cohérente : en septembre, nous avions augmenté les prélèvements sociaux sur les revenus du capital. Aujourd’hui, la hausse des prélèvements fiscaux nous permet d’aller jusqu’au bout d’une convergence historique, qui devra être mise à l’actif de ce Gouvernement.
J’ajoute que, si vous souhaitez faire des comparaisons, vous constaterez que la fiscalité des revenus du patrimoine est, en France, de 10 points supérieure à ce qu’elle est en Allemagne.
J’en viens à la troisième mesure : en 2012 et en 2013, nous maintiendrons le barème de l’impôt sur le revenu à son niveau de 2011. Cet effort que nous demanderons aux Français est juste, …
Mme Valérie Pécresse, ministre. … car il pèsera essentiellement sur les foyers les plus aisés : d’abord, parce que leurs revenus augmentent plus vite ; ensuite, parce que les 10 % de ménages qui gagnent le plus sont aussi ceux qui acquittent près des trois quarts du produit de l’impôt sur le revenu. Ce sont donc avant tout ces ménages qui seront concernés par cette mesure.
Marques de scepticisme sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Celle-ci, vous le savez, entraîne mécaniquement le gel des barèmes de l’impôt de solidarité sur la fortune et des droits de succession et de donation. Là encore, ces dispositions sont applicables jusqu’au retour du déficit public à 3 % du PIB ; elles se traduiront par des recettes supplémentaires de 1, 7 milliard d’euros en 2012 et de 3, 4 milliards en 2013. Tant que la France n’aura pas entamé son désendettement, les foyers qui gagnent le plus verseront donc une contribution supplémentaire à la réduction des déficits.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’équité nous a également conduits à exclure du champ de la nouvelle TVA à 7 % – le nouveau taux réduit, égal à celui de l’Allemagne – les produits alimentaires, l’énergie, ainsi que les biens et services destinés aux personnes handicapées.
Vous le savez – et c’est la quatrième mesure majeure de ce collectif –, nous créons donc un nouveau taux réduit de TVA, au rendement de 1, 8 milliard d’euros, dans le cadre de la convergence fiscale franco-allemande. Mais en limitant le champ de ce nouveau taux, nous évitons qu’il ne touche le pouvoir d’achat des Français les plus modestes ou les plus fragiles ; …
… c’est la raison pour laquelle l’Assemblée nationale a maintenu à 5, 5 % le taux applicable aux cantines scolaires.
Le Gouvernement a également veillé, mesdames, messieurs les sénateurs, à ne déséquilibrer aucun des secteurs économiques concernés par ce nouveau taux. Avec Frédéric Mitterrand, j’ai ainsi confié une mission sur la filière du livre à Pierre-François Racine, qui vient de nous remettre ses premières conclusions : afin de permettre à la transition de se faire dans de bonnes conditions, le Gouvernement vous proposera un amendement décalant de deux mois l’entrée en vigueur du taux à 7 % pour le livre.
Face à une crise exceptionnelle, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons plus que jamais le devoir de tenir un discours de vérité. Prétendre, comme certains le font trop souvent, que l’on pourrait combler nos déficits sans faire le moindre effort, c’est mentir aux Français. Le désendettement est une exigence collective et une nécessité d’intérêt national : ce n’est pas facile, mais chacun, aujourd’hui, est appelé à y prendre sa part.
Ce collectif budgétaire, mesdames, messieurs les sénateurs, nous permet également d’intensifier encore la lutte contre toutes les fraudes, car, aujourd’hui plus que jamais, nul ne doit pouvoir se soustraire à l’effort d’intérêt national et je sais que vous y êtes particulièrement sensibles.
Depuis près de quatre ans, le Gouvernement a fait de cette lutte une priorité absolue. Notre stratégie est clairement répressive, car c’est le seul moyen de faire reculer toutes les fraudes, qu’elles soient sociales, fiscales ou douanières. Avec pas de moins de soixante mesures prises pour mieux repérer et mieux réprimer, nous nous sommes donné toutes les armes pour remporter ce combat. Vingt-trois de ces mesures concernent plus spécialement la fraude et l’évasion fiscale : nous avons ainsi consacré le droit de communication, qui permet au fisc d’avoir accès aux informations sur les transferts bancaires à l’étranger. Nous avons également créé le fichier des évadés fiscaux, mis en place la police fiscale ou bien encore renforcé la lutte contre la fraude dite « au carrousel » de TVA.
Ce combat contre la fraude, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes en train de le gagner : en 2010, grâce au contrôle fiscal, 16 milliards d’euros sont revenus à leur juste place, c’est-à-dire dans les caisses de l’État, soit un milliard d’euros de plus qu’en 2009. Année après année, nous ne cessons de faire mieux : le nombre de comptes bancaires à l’étranger déclarés a triplé entre 2007 et 2010. À elle seule, la cellule de régularisation créée en 2009 a rapporté à l’État 1, 2 milliard d’euros de droits et pénalités, qui viennent s’ajouter aux 16 milliards d’euros que je mentionnais à l’instant.
Nous conduisons la lutte contre la fraude au nom des principes républicains. C’est pourquoi nous refusons toute mesure d’amnistie, comme nous refusons de nous engager dans le dispositif proposé par l’Association des banques étrangères en Suisse, dénommé « plan Rubik », parce que cela nous aurait conduits à transiger avec nos principes : les contribuables ne seraient même plus tenus de déclarer les comptes qu’ils détiennent en Suisse. Aux yeux du Gouvernement, ce n’est tout simplement pas acceptable.
Avec ce collectif, nous poursuivons nos efforts et, grâce aux nouvelles armes qu’il offre à notre police fiscale, nous allons resserrer encore l’étau sur les grands fraudeurs, qu’il s’agisse de particuliers ou d’entreprises.
Sur l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a ainsi porté de trois ans à dix ans le délai de prescription en matière d’avoirs détenus à l’étranger, quel que soit le pays. En 2008, ce délai avait été allongé pour les seuls paradis fiscaux. Aujourd’hui, nous devons aller plus loin : même si nous avons signé des conventions d’assistance administrative avec trente-six pays, je constate que, lorsque nous formulons une demande, la réactivité n’est pas toujours au rendez-vous. Je souhaite donc que l’administration dispose de tout le temps nécessaire en cas de suspicion de fraude sur des avoirs à l’étranger. Face à des montages souvent complexes, le temps doit être l’allié et non plus l’ennemi de notre police fiscale. Or, aujourd’hui, ses agents ne peuvent intervenir que pour les soupçons de fraude liés à un paradis fiscal : dès qu’un État sort de la liste en signant une convention, la mobilisation de la police fiscale n’est plus possible. Grâce à ce collectif budgétaire, elle disposera désormais d’un délai de trois ans pour poursuivre son enquête. Ce délai nous permettra d’apprécier la réalité et l’efficacité, dans la durée, de la coopération entre les services.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce collectif budgétaire vient parachever l’effort de réduction des déficits publics engagé depuis trois ans. Par deux fois, le 24 août et le 7 novembre, nous avons démontré que la détermination de la France à tenir ses engagements était inébranlable, et cette fermeté fait aujourd’hui toute notre crédibilité.
Je le dis au Sénat : avec la crise, quelque chose a changé. Plus un seul pays au monde ne peut faire du redressement des finances publiques un objectif de second ordre. La dépense facile est un luxe que nous ne pouvons plus nous permettre. C’est pourquoi la règle d’or…
… s’impose aujourd’hui comme une évidence pour toutes les nations européennes. Toutes les forces politiques doivent prendre la mesure de ce changement.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, la règle d’or n’est ni de droite ni de gauche, elle est d’intérêt général, tout simplement.
Mme Valérie Pécresse, ministre. La France serait plus forte si, sur toutes les travées de cet hémicycle, on reconnaissait que le retour à l’équilibre budgétaire nous oblige tous.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
En France comme en Europe, l’heure n’est plus aux divisions, l’heure n’est plus aux calculs : face à une crise exceptionnelle, chacun doit écouter sa conscience et se hisser à la hauteur des circonstances. Ce collectif budgétaire vous offre à nouveau l’occasion de nous rejoindre sur le chemin du désendettement : j’espère que la Haute Assemblée, fidèle à sa tradition d’indépendance et de liberté d’esprit, saura la saisir !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, je souhaiterais aborder trois sujets : le patchwork budgétaire, les confirmations que nous apporte ce projet de loi de finances rectificative et, cela me semble nécessaire après le Conseil européen de la semaine dernière, la déclaration adoptée le 9 décembre par les chefs d’État ou de gouvernement européens.
En ce qui concerne le patchwork budgétaire, il faut constater que la liste des textes financiers pour 2012 qui se succèdent, dont ce collectif devait être la dernière pièce, n’est pas close : nous avons en effet appris aujourd’hui, par ce qu’il est convenu d’appeler une « fuite organisée », qu’il serait question d’examiner un projet de loi de finances rectificatives dès janvier 2012.
Je ne sais pas s’il s’agira du plan Fillon III, mais il est déjà annoncé.
Le Gouvernement a avancé l’objectif d’un déficit budgétaire correspondant à 4, 5 % du produit intérieur brut à la fin de l’année 2012. Il s’agit d’un minimum, sans lequel la capacité du gouvernement issu des élections du printemps à franchir la marche suivante – c’est-à-dire de passer de 4, 5 % du PIB à 3 % à la fin de 2013 – serait remise en cause. Je rappelle que jamais, par le passé, on n’a observé une baisse du déficit de 1, 5 point en une seule année. Il faut garder ces chiffres en tête.
Les modalités de mise en œuvre de la trajectoire pluriannuelle des finances publiques se caractérisent par une succession d’improvisations. Pourtant, en avril, nous avons eu un débat sur le programme de stabilité européen : à cette occasion, nous avons invité le Gouvernement à présenter plusieurs hypothèses – c’est vous-même, monsieur le président de la commission des finances, qui aviez formulé cette demande – justement de façon à anticiper des évolutions moins favorables. Le Gouvernement ne nous a pas écoutés. Il aurait pu se rattraper en juillet, lors du débat d’orientation des finances publiques pour 2012 : il ne l’a pas fait. Il faut croire que le Gouvernement estime que ces exercices sont purement formels, puisqu’il n’en tire aucun enseignement et préfère multiplier les textes financiers et les plans.
Le Gouvernement a donc justifié tout et son contraire et, en particulier, des mesures dont la logique est celle du rendement. C’est ainsi qu’il a brisé le tabou de la hausse de la TVA depuis le 7 novembre, puisqu’il nous propose, dans ce collectif, de faire passer le taux réduit de 5, 5 % à 7 %.
Ce même gouvernement a aussi fait tomber le tabou des hausses généralisées de la fiscalité : il proclamait encore, le 26 octobre, qu’il ne procéderait jamais à de telles hausses ; or il nous propose, dans ce projet de loi de finances rectificative, de ne pas revaloriser l’ensemble du barème de l’impôt sur le revenu.
Monsieur le ministre, prétendre que ceux qui vont payer ne figurent pas parmi les plus fragiles relève de la galéjade : avec le gel du barème, ceux qui ne paient pas actuellement d’impôt sur le revenu pourront entrer dans la première tranche du barème. Ce sont donc bien les couches les plus modestes qui seront touchées par cette mesure.
Les argumentaires du Gouvernement, de plan en plan, sont à géométrie variable. Lorsque le Sénat nouveau – on parle du vin nouveau, on peut bien parler du Sénat nouveau ! – a proposé de revoir l’assiette de l’impôt sur les sociétés ou d’accroître certains prélèvements sur les entreprises, le Gouvernement l’a accusé de mettre en péril l’activité et de pénaliser la croissance. Mais, miraculeusement, le même argument ne vaudrait pas lorsque le Gouvernement propose une série de mesures allant d’une surtaxe sur les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros, à la réintégration des heures supplémentaires dans le calcul des allégements généraux sur les bas salaires.
Lorsque le Sénat nouveau a proposé d’améliorer la progressivité de la taxation des revenus du capital, en soumettant les dividendes au barème de l’impôt sur le revenu, le Gouvernement a opposé l’argument du coût de trésorerie. Or que constate-t-on à la lecture l’article 13 de ce projet de loi de finances rectificative ? L’augmentation à 24 % du taux du prélèvement libératoire sur les dividendes, qui n’améliore en rien la progressivité, représente le même coût de trésorerie ! Les députés, instruits par le débat au Sénat, ont d’ailleurs ramené le taux du prélèvement libératoire à 21 %.
Le Gouvernement a vilipendé pendant toute la session budgétaire – et Mme la ministre vient encore de le faire – la gauche sénatoriale, qu’il accuse de vouloir taxer à outrance. Cet argument n’est pas recevable quand ce même gouvernement décide 43 milliards d’euros de hausses de prélèvements obligatoires en 2010, 2011 et 2012 !
Ce projet de loi de finances rectificative pour 2011 confirme plusieurs constats.
Malheureusement, la trajectoire des finances publiques retenue par le Gouvernement n’est pas crédible : l’évolution des dépenses publiques n’est plus de 0, 5 %, mais de 0, 4 %...
Autrement dit, alors que notre politique budgétaire a besoin de crédibilité, alors que la Commission européenne et le Conseil européen nous reprochent déjà, chaque année, de ne pas être assez précis sur les objectifs affichés en matière de dépenses, le Gouvernement choisit d’exposer la France à leur critique aggravée en retenant une hypothèse fantaisiste au regard des tendances passées, y compris celles des trois dernières années, et tout aussi peu documentée que par le passé. On nous annonce des réductions de dépenses, mais les projets de budget qui nous sont présentés successivement n’en portent pas la trace.
Le plan Fillon présente la faiblesse d’être « vendu » comme un plan plus exigeant en matière de baisses de dépenses que de hausses de prélèvements et de reposer, en réalité, sur des déclarations d’intention concernant les dépenses. Il n’explique pas comment il compte réaliser ces réductions de dépenses et renvoie à l’après-2012.
Le Gouvernement occulte un phénomène incontesté et incontestable : la baisse de la croissance et la possibilité d’un troisième plan Fillon. À cette fin, le Gouvernement utilise la réserve de précaution comme un « matelas » de 8 milliards d’euros de crédits susceptibles d’être annulés à tout moment. Cette réponse est surprenante et inquiétante, pour des raisons juridiques, pratiques et politiques.
Quelles sont les raisons juridiques d’abord ? Le Gouvernement semble considérer comme un détail le fait que la réserve de précaution n’ait pas été créée pour l’usage qu’il compte en faire. Aucun gouvernement n’est obligé de dépenser l’intégralité des crédits votés ; en revanche, il est interdit de dépasser les plafonds de dépense et la loi organique relative aux lois de finances a prévu, pour aider les gouvernements à respecter les plafonds, la mise en place d’une réserve de précaution. Autrement dit, cette réforme n’a pas été conçue pour faire des économies, mais pour empêcher les dérapages.
J’en viens aux raisons pratiques. Chaque année, la quasi-totalité des crédits mis en réserve est dépensée. En 2010, seuls 3 % de ces crédits ont été économisés : appliqué à 2012, ce taux permettrait d’envisager 240 millions d’euros d’économies. En imaginant que le Gouvernement déploie tous ses efforts et porte le taux d’économie à 10 %, on obtiendrait, au mieux, 800 millions d’euros d’économies. Mais, au vu de la pratique des années précédentes, il semble difficilement envisageable d’annuler l’intégralité de la réserve. Il s’agit donc d’un artifice que le Gouvernement utilise à son profit – du moins le croit-il !
J’en arrive à la raison politique. La majorité gouvernementale serait-elle prête à accepter que 8 milliards d’euros soient économisés en cours d’exercice par une simple décision réglementaire, sans que le Parlement ait son mot à dire ? Quand j’observe les difficultés auxquelles le Gouvernement a été confronté pour accroître de 1, 5 milliard d’euros, dans le projet de loi de finances pour 2012, le montant des économies, je me demande si tout cela est bien réaliste. Ces 8 milliards d’euros seraient économisés sans que le Parlement se prononce. Voilà pourquoi il a beaucoup insisté sur la non-existence d’un plan Fillon III. Cette habileté ne l’exonère pas de la vérité.
Le déficit de l’État se réduit de 53 milliards d’euros en 2011, soit 7 milliards d’euros de moins que les 60 milliards d’euros sur lesquels le Gouvernement avait fondé sa communication en début d’année. Cependant, la présentation des chiffres est biaisée par la sortie des comptes des 35 milliards d’euros du grand emprunt, soit 92% de la baisse du déficit, qui ne se reproduira évidemment pas l’année prochaine.
Dans ce projet de loi de finances rectificative, dont le volume a été multiplié par trois par l’Assemblée nationale, nous trouvons, plus encore que d’habitude en cette fin de législature, une multitude de dispositions relatives aux recettes, qui touchent à tous les aspects de notre vie économique. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des articles, en particulier pour ce qui concerne les dispositions relatives au contrôle fiscal et à la lutte anti-fraude.
Je voudrais consacrer la fin de mon intervention à la déclaration adoptée par les chefs d’État et de Gouvernement à l’issue du Conseil européen du 9 décembre dernier. Cette déclaration comporte trois volets, que je voudrais commenter.
Il convient d’abord de ne pas trop s’emballer. La réaction des marchés a d'ailleurs été prudente : une légère hausse, suivie d’une baisse. Les analystes ont compris qu’il s’agissait avant tout d’un emballage.
Le volet consacré à la croissance et à la coordination des politiques économiques a été singulièrement oublié. Il figure « pour ordre » dans le texte final mais n’apporte rien de neuf. Le président du Conseil européen devra remettre en mars 2012 un rapport sur « la manière d’approfondir encore l’intégration budgétaire », il est donc peut-être « permis d’espérer ».
Toutefois, sur les perspectives de mutualisation des dettes et de soutien à la croissance, en d’autres termes sur tout ce qui aurait pu indiquer une direction ou une vision pour l’Europe au-delà de la discipline budgétaire, l’accord est muet.
Ensuite, il y a les mesures à prendre dans l’immédiat pour faire face, le cas échéant, aux difficultés de financement que pourraient rencontrer des États de la zone euro – tout le monde pense aux risques qui pèsent sur l’Espagne et l’Italie.
Cet accord nous apprend que la question de l’effet de levier, c’est-à-dire la capacité d’intervention dont dispose l’Europe, n’est toujours pas réglée.
D’un côté, on nous indique que les deux dispositifs décidés le 27 octobre seront mis en œuvre, même si l’effet de levier que l’on en attend est bien inférieur aux prévisions initiales. D’un autre côté, on reporte au mois de mars 2012 le débat sur le plafond global de 500 milliards d’euros du Fonds européen de stabilité financière, le FESF, et du futur Mécanisme européen de stabilité, le MES.
Nous apprenons aussi que la règle de l’unanimité pour la prise des décisions du futur Mécanisme européen de stabilité va être assouplie. Une majorité de 85 % pourra s’appliquer, mais malheureusement dans des cas très restreints.
Nous apprenons enfin que l’entrée en vigueur du MES va être anticipée à la mi-2012, au lieu de 2013. Cela pose trois questions.
Première question : quand le traité relatif au MES sera-t-il soumis aux assemblées, car la mi-2012, c’est demain ?
Ma deuxième question porte sur le contexte, diplomatique notamment. Le Gouvernement confirme-t-il que le Royaume-Uni ne s’oppose pas à la révision de l’article 136 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, nécessaire à la mise en place du Mécanisme européen de stabilité ?
Ma troisième question est d’ordre budgétaire. La France doit contribuer à hauteur de 16 milliards d'euros environ au capital du MES. Cette opération est neutre sur le solde maastrichtien, mais évidemment pas sur le déficit budgétaire et sur notre endettement. La France va payer par tranches, mais il faudra, selon l’accord, accélérer les versements. Comment l’échéancier de ces versements sera-t-il programmé ? C’est sans doute la raison pour laquelle la « fuite » organisée à laquelle j’ai fait allusion tout à l’heure évoque un plan Fillon, un nouveau collectif budgétaire qui interviendrait au début de l’année 2012 : est-ce pour libérer la première tranche de ce financement ?
J’aborderai, pour finir, ce que la déclaration du 9 décembre qualifie de « nouveau pacte budgétaire ».
La mise en œuvre du schéma retenu le 9 novembre nous imposerait deux règles de fonctionnement : le pacte de stabilité et de croissance, conséquence du traité de Maastricht, et la fameuse règle d’or, qui devient une règle de platine, si j’ai bien compris Mme la ministre tout à l’heure.
Concernant le pacte de stabilité et de croissance, cela signifie l’application de sanctions automatiques que le Gouvernement a déclaré refuser, et une modification profonde du processus budgétaire national.
Les projets de loi de finances devront être soumis à la Commission européenne. Si la Commission constate des écarts avec la trajectoire, elle demandera un projet de plan budgétaire révisé. Elle pourra en tout état de cause venir présenter son avis sur le budget devant les parlements nationaux.
Le projet de règlement de la Commission indique que l’avis serait rendu dans les quinze jours suivant la présentation des projets de loi de finances, c'est-à-dire, pour nous, vers le 15 octobre. À cette date, l’Assemblée nationale a déjà bien entamé l’examen de la première partie. Que se passerait-il s’il fallait l’ajuster ? Doit-on désormais s’attendre à un plan complémentaire chaque année au début du mois de novembre ? Nous devions déjà articuler deux lois financières, un collectif de fin d’année et un décret d’avance qui devient régulier à cette époque ; il nous faudrait maintenant intégrer les corrections demandées par la Commission européenne ! C’est une modification profonde du processus budgétaire national.
La troisième nouveauté est que les hypothèses économiques sur lesquelles sont construits les budgets nationaux devront être élaborées de manière indépendante.
J’ai interrogé plusieurs fois différents membres du Gouvernement sur la manière dont nous allions traiter cette question en France : je n’ai jamais reçu de réponse.
Le projet de règlement de la Commission prévoit aussi un conseil budgétaire indépendant. Il importe à la représentation nationale de savoir comment le Gouvernement l’envisage.
Au vu du renforcement du rôle de la Commission européenne, on est donc loin de l’« intergouvernemental » proclamé à longueur de déclarations par le Président de la République.
Quant à la fameuse règle d’or, il faut en dire quelques mots.
Le Gouvernement s’est placé dans une impasse en acceptant une règle contraire à tout ce qu’il a préconisé au printemps dernier lorsque nous débattions de la révision constitutionnelle. La règle qui figure dans la déclaration du 9 décembre est la règle allemande, exprimée en termes de solde structurel. Elle avait été jugée au printemps politiquement inexplicable et économiquement impraticable – il n’y a qu’à voir à ce sujet les travaux de la commission Camdessus.
C’est cette règle que nous devrions transcrire dans notre droit, selon des modalités dont la Cour de justice de l’Union européenne devrait vérifier qu’elle est bien conforme à l’esprit du futur accord intergouvernemental.
Il s’agit ni plus ni moins d’un pilotage automatique des finances publiques de la France.
Une règle en termes de solde structurel et non de solde nominal, un objectif d’équilibre plutôt qu’une définition de la trajectoire laissée au législateur national, une correction automatique des écarts au lieu de l’entière appréciation par le juge constitutionnel : tous les principes de la réforme que vous avez votée, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues de la majorité, en juillet 2011, sont rendus caducs par le nouveau pacte budgétaire européen. Le Gouvernement va donc devoir proposer une autre règle que celle qu’il a fait voter au Parlement. Il ne répond pas à la question posée et, pour se sortir de l’impasse, il déplace le débat sur le terrain de la politique intérieure, comme Mme la ministre vient encore de le faire, …
… en faisant valoir que les socialistes ne jouent pas le jeu. Cela lui évite de décliner ses propositions, et il espère tenir sur cette ligne jusqu’aux élections. Cela ne trompera personne !
Nous entrons dans une période où, plus encore qu’à l’accoutumée, le Gouvernement s’ingéniera à mettre en scène une réalité politique virtuelle, …
… sans se soucier de savoir si elle correspond à la politique qu’il conduit. Monsieur le président de la commission, nous n’avons pas cessé de dénoncer le décalage entre le discours et les actes.
L’accumulation des textes montre bien le hiatus qui existe entre les deux.
Nous nous attachons au contraire à dissiper les écrans de fumée. Nos compatriotes doivent pouvoir faire leur choix en toute connaissance de cause : c’est pour cela que nous nous livrons, au Sénat, à cet exercice de vérité !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur de nombreuses travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a décidé de se saisir pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2011 que l’Assemblée nationale vient d’adopter. En effet, plusieurs dispositions concernent des sujets transversaux, tels que la TVA, ou plus sectoriels, comme le patrimoine archéologique, l’audiovisuel public, la production cinématographique et le spectacle vivant, lesquels nous concernent.
À l’article 9, le Gouvernement propose d’ouvrir 44, 9 millions d’euros tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement pour financer, d’une part, le déménagement de Radio France Internationale et de Monte Carlo Doualiya, dont le coût est estimé à 20, 5 millions d’euros, et, d’autre part, le second plan de départs de salariés lié à la réorganisation du groupe consécutive à la fusion de RFI et de France 24. Son coût est quant à lui estimé à 24, 3 millions d’euros.
Je rappelle que la commission de la culture s’est opposée, lors du débat sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » dans le projet de loi de finances pour 2012, à la fois au projet de déménagement, coûteux et mal organisé, de RFI et à la fusion des différentes entités de l’audiovisuel extérieur de la France que la rapporteur pour avis, Mme Claudine Lepage, a qualifié de complexe et hasardeuse.
La commission de la culture a donc naturellement adopté un amendement de suppression de ces crédits.
Toujours à l’article 9, l’Assemblée nationale a adopté, contre l’avis du Gouvernement, un amendement du rapporteur général tendant à réduire de 2 500 000 euros à 500 000 euros les crédits prévus pour la préfiguration de l’éventuel futur Centre national de la musique.
Deux raisons sont invoquées pour justifier ces réductions de crédits : la somme est apparue trop importante pour une simple préfiguration et des inquiétudes ont été exprimées sur le projet lui-même, qui devrait entraîner une augmentation du financement public de la filière musicale.
Je vous rappelle que ce projet a pour objet de rationnaliser l’organisation de la filière musicale, en fusionnant les organismes existants dans ce domaine et en complétant les aides allouées aux professionnels concernés.
Sur les 2, 5 millions d’euros initialement inscrits au projet de loi de finances rectificative, 500 000 euros devaient servir à la préfiguration technique et 2 millions d’euros à expérimenter le tuilage des subventions avec les dispositifs existants.
Il a semblé plus sage à notre commission d’attendre les résultats de cette mission de préfiguration avant d’engager de nouveaux financements.
L’article 11 nous préoccupe tout particulièrement puisqu’il tend à porter le taux réduit de TVA de 5, 5 % à 7 %, à l’exception de certains biens de première nécessité. Ses conséquences sont particulièrement graves pour la culture, dont il touche tous les secteurs, déjà affectés par un contexte difficile.
Une telle mesure aurait des conséquences particulièrement néfastes pour le secteur de l’édition. Elle représenterait un surcoût de 42 millions d’euros, ainsi que des incertitudes et des difficultés techniques lourdes pour la filière du livre.
Nous avons entendu Mme la ministre évoquer un délai de deux mois pour la mise en œuvre de cette augmentation. Or notre opposition porte non pas sur la date d’application de cette mesure mais sur le fond. Les librairies notamment seraient mises en difficulté alors que la situation économique des librairies indépendantes est déjà très fragile.
Si nous sommes par principe hostiles à une hausse de la TVA, nous insistons sur les difficultés d’application au secteur du livre d’une telle mesure, y compris d’un point de vue strictement pratique et comptable. Une telle hausse poserait des problèmes de délai en raison de la nécessité d’intégrer les nouveaux prix dans les systèmes d’information et de modifier les prix de plus de 700 000 références. Enfin, elle poserait des difficultés de gestion des retours et d’information du public sur les prix.
Enfin, en cas de répercussion de la hausse de la TVA sur le prix de vente du livre aux lecteurs et aux bibliothèques, c’est à l’accès à la lecture, et donc à la culture, que l’on porterait atteinte.
Par ailleurs, nous savons à quel point il faut encourager l’accès aux autres produits culturels pouvant concourir à la préservation du lien social, tout particulièrement en temps de crise.
Le relèvement du taux de TVA applicable au spectacle vivant fragiliserait de nombreuses structures, déjà obligées de réduire leurs marges artistiques, comme l’a relevé notre collègue Maryvonne Blondin dans son rapport pour avis sur le sujet. Certes, le taux de 2, 10 % restera appliqué aux 140 premières représentations, mais la hausse de la TVA aurait un impact sur les contrats de cession et de coproduction de spectacles. Les compagnies et les petites structures non fiscalisées seraient les plus touchées, ainsi que les structures qui achètent les spectacles toutes taxes comprises.
En outre, la situation est cruciale pour le secteur des concerts donnés dans des établissements où il est d’usage de consommer pendant les séances, car il ne pourra plus bénéficier du taux de 2, 10 % sur les 140 premières représentations, cet avantage étant non conforme à la législation européenne. Le taux de TVA qui leur est applicable risquerait ainsi de passer brutalement de 2, 10 % à 7 %.
Pour le secteur du cinéma, le relèvement de la TVA sur les prix des tickets est évalué à 18, 5 millions d’euros.
La commission des finances ayant adopté un amendement de suppression pure et simple de l’article 11, que nous soutiendrons, nous n’avons pas eu à intervenir spécifiquement. Cette situation déplorable est ainsi réglée, à notre plus grande satisfaction.
J’insiste sur le fait que, selon nous, la commission mixte paritaire devra aboutir sur ce point au minimum à une prise en compte des spécificités du secteur de la culture et de son économie propre. Une majorité devrait d’ailleurs pouvoir être trouvée, des députés de sensibilités diverses s’étant également émus de cette question.
L’Assemblée nationale a supprimé, là encore contre l’avis du Gouvernement, le II de l’article 16, qui prévoyait d’ajuster une modalité de calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, afin de tenir compte des spécificités du secteur cinématographique.
La commission de la culture a adopté un amendement tendant à rétablir les dispositions supprimées. Il s’agit de permettre aux entreprises concernées de reporter les dépenses relatives à un film dans le calcul de la CVAE de façon qu’elles soient prises en compte en même temps que les recettes se rattachant au même film, comptabilisées lors de l’obtention du visa d’exploitation. À défaut, le droit applicable générerait une valeur ajoutée fictive résultant de la prise en compte de recettes de financement avant celle des dépenses afférentes.
La commission de la culture avait d’ailleurs défendu un amendement en ce sens il y a un an, lequel n’avait malheureusement pas été adopté par le Sénat. J’espère qu’elle sera davantage entendue aujourd’hui.
L’article 17 relatif à la modernisation du recouvrement prévoit notamment une réforme de la procédure de dation en paiement, qui, je vous le rappelle, permet d’acquitter des dettes fiscales – impôt de solidarité sur la fortune, droits de mutation à titre gratuit, droit de partage – par la remise de certains biens, notamment des œuvres d’art. Comme l’a rappelé notre collègue Jean-Pierre Plancade dans son rapport d’information sur l’art d’aujourd’hui, ce dispositif est précieux, car il permet d’enrichir considérablement les collections publiques. La valeur de l’ensemble des biens transmis à l’État depuis 1972 s’élève ainsi à 809 millions d’euros.
La proposition n°20 que notre commission avait adoptée le 18 octobre dernier visait à sécuriser davantage la procédure afin d’éviter un effet d’aubaine et des situations telles que celle qu’a connue le Centre Pompidou, lequel a perdu la dation de Claude Berry après un accord entre les parties.
Les mesures proposées à l’article 17 du projet de loi de finances rectificative, aux alinéas 43 à 55, visent précisément à rationnaliser et à sécuriser la procédure de dation en paiement. La commission de la culture a donc émis un avis favorable sur l’adoption de ces dispositions.
L’article 22 prévoit la réforme de la redevance d’archéologie préventive, la RAP, annoncée depuis plusieurs mois. Avant de vous en présenter quelques éléments techniques, j’aimerais rappeler les objectifs de l’archéologie préventive, son sens et son utilité.
Si, dès le milieu du XIXe siècle, l’État français mit en place des structures de recherche archéologique en Italie, en Grèce, en Égypte, en Syrie et en Extrême-Orient, il faudra attendre 2001 pour qu’il se dote d’une loi garantissant la « sauvegarde par l’étude » du passé de son propre territoire.
Nous sommes ainsi passés de l’archéologie de sauvetage à l’archéologie préventive, décrite par nos anciens collègues Pierre Bordier et Yves Dauge dans leur récent rapport d’information. L’archéologie préventive constitue ainsi le seul moyen de faire progresser la connaissance de notre passé et la recherche scientifique archéologique. Il s’agit d’assurer la sauvegarde du patrimoine archéologique menacé par des travaux d’aménagement.
De toute évidence, la mise en œuvre technique de cette politique publique n’a pas été à la hauteur des enjeux. Nous le voyons chaque année à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, le financement de l’archéologie préventive, défini par la loi du 1er août 2003, n’a pas permis de couvrir les coûts engendrés, provoquant des retards dans la mise en œuvre des diagnostics et des chantiers de fouilles conduits par l’INRAP, l’Institut national de recherches archéologiques préventives.
Malgré des ajustements votés en 2004 et en 2009, le rendement de la redevance d’archéologie préventive ne permet pas de couvrir les besoins. Il a péniblement dépassé les 70 millions d’euros tandis que l’évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances estime à 77 millions d’euros le rendement pour 2011. Or l’inspection générale des finances a estimé à environ 125 millions d’euros les besoins pour mettre en œuvre les différentes étapes de l’archéologie préventive, y compris la phase de recherche et de valorisation, laquelle constitue la raison d’être de cette politique publique, et pour créer la réserve pluriannuelle qu’elle recommande.
Faute de moyens suffisants, l’État a chaque année procédé à des sauvetages financiers en accordant des crédits supplémentaires à l’INRAP, soit 154 millions d’euros cumulés depuis 2002. L’ouverture de 60 millions d’euros en autorisations d’engagement est d’ailleurs proposée dans le projet de loi de finances rectificative afin de tenir compte du décalage dans le temps des effets de la réforme proposée.
Deux axes doivent être envisagés pour traiter ce problème. Le premier est la rationalisation de la gestion de l’INRAP. C’est justement ce que vise le contrat de performance présenté par l’établissement public le 12 juillet dernier aux ministères de tutelle. Le deuxième axe est la réforme de la redevance d’archéologie préventive, soumise à notre examen.
Sans revenir sur le détail du dispositif actuel, rappelé dans le rapport d’information d’Yves Dauge et de Pierre Bordier, je rappelle qu’il existe deux filières de liquidation, une filière « urbanisme » pour les aménagements soumis à autorisation préalable et une filière « DRAC » ou « culture » pour les aménagements soumis à étude d’impact.
La réforme présentée dans la version initiale du projet de loi de finances rectificative concerne principalement la filière « urbanisme » et prévoit d’adosser la redevance d’archéologie préventive à la taxe d’aménagement créée par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010. Elle permet d’élargir l’assiette, en revenant notamment sur une série d’exonérations : construction d’une maison individuelle par une personne physique pour elle-même, construction de logements sociaux, hormis les prêts locatifs aidés d’intégration ou PLAI, travaux de construction créant moins de 1 000 mètres carrés de surface de construction, etc.
J’indique toutefois que sont désormais exonérées les constructions destinées à un service public, au même titre, par exemple, que les constructions agricoles ou les PLAI.
Avec un taux abaissé de 0, 5 % à 0, 4 %, cet élargissement de l’assiette permet d’augmenter considérablement le rendement pour atteindre un total estimé à 123 millions d’euros, conformément aux exigences que je rappelais il y a un instant.
Enfin, la réforme doit être complétée, dans un deuxième temps, par la création d’un compte d’affectation spéciale, lequel permettra de clarifier la gouvernance et d’éviter les confusions de gestion entre l’INRAP et le Fonds national pour l’archéologie préventive, le FNAP. L’objectif financier semble atteint avec ce nouveau dispositif, qui devrait permettre de ne plus avoir à revenir de façon récurrente au secours de l’INRAP.
Or ce dispositif a été modifié par l’Assemblée nationale. En contrepartie du retrait par la commission des finances de son amendement de suppression de l’article 22, le Gouvernement a déposé un amendement tendant à exonérer les constructions de maisons individuelles, que les députés ont adopté.
La version de l’article 22 transmise au Sénat ne lui paraissant pas satisfaisante, la commission de la culture a adopté un amendement visant à revenir sur cette exonération.
En effet, elle soulève trois types de question : une question de justice sociale, par rapport notamment aux logements sociaux ; une question économique, la chute induite du rendement de la redevance d’archéologie préventive remettrait en cause une fois de plus la réforme ; enfin, une question de développement durable puisqu’elle favoriserait l’étalement urbain. J’y reviendrai plus précisément lorsque je vous présenterai l’amendement de la commission de la culture, dont l’adoption me semble indispensable si l’on veut éviter de renouer avec les situations désastreuses rencontrées ces dernières années, à la source de nombreux retards et blocages. Nous avons tous été témoins de telles difficultés, qu’il convient de surmonter.
L’article 30 nouveau, issu d’un amendement gouvernemental, vise à permettre la mise en œuvre effective du droit à la formation professionnelle continue des artistes auteurs – plasticiens, compositeurs, écrivains, scénaristes, etc. En effet, ceux-ci ne bénéficient pas aujourd’hui de ce droit reconnu à tout travailleur faute d’un dispositif de financement mutualisé et adapté.
Le dispositif reposera sur une contribution des artistes auteurs et de leurs diffuseurs, à hauteur respectivement de 0, 35 % et de 0, 1 % de leur chiffre d’affaires. Cette contribution sera recouvrée par les organismes agréés pour le recouvrement des contributions au régime de protection sociale des artistes auteurs. Une section particulière sera créée au sein du Fonds d’assurance formation des secteurs de la culture, de la communication et des loisirs, l’AFDAS.
Cet article est le fruit d’une concertation approfondie entre les professionnels et les pouvoirs publics, qui a duré plus de dix ans et a permis d’aboutir à un accord global. Notre commission soutient fortement l’adoption de cet article.
Je tiens cependant à vous faire part des inquiétudes et des souhaits d’un certain nombre de représentants des professions concernées afin que ce texte soit appliqué de façon équitable.
Ce droit à la formation professionnelle doit bénéficier à l’ensemble des artistes auteurs qui cotiseront au nouveau régime instauré.
Afin d’assurer l’équité entre les artistes auteurs œuvrant dans chaque secteur de la culture, la répartition des fonds collectés entre les secteurs concernés – livre, musique, audiovisuel, arts plastiques – et la répartition des sièges au sein du collège « artistes auteurs » du conseil de gestion du fonds concerné doivent s’effectuer en fonction de l’effort contributif de ces différents secteurs.
La validation des contenus de formation proposés et la définition des critères d’éligibilité et des éventuelles priorités d’accès à ces formations devront relever de chacune des commissions sectorielles.
Il s’agit ainsi de s’assurer que la formation continue des artistes auteurs sera mise en place dans des conditions garantissant que cette charge nouvelle pour les auteurs sera cohérente, utile et supportable pour eux.
Monsieur le ministre, nous souhaitons, d’une part, que ces préoccupations soient prises en compte dans le décret d’application de cet article et, d’autre part, que les commissions parlementaires concernées soient informées de l’impact de ce dispositif. Pouvez-vous prendre des engagements à cet égard ?
Enfin, l’article 47 quater nouveau tend à corriger certains effets négatifs de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et à rétablir l’égalité fiscale entre les acteurs du spectacle vivant. Il s’agit d’intégrer les spectacles musicaux et de variété à la liste des activités culturelles que les collectivités territoriales peuvent faire bénéficier d’exonération de cotisation foncière des entreprises. Il s’agissait d’une forte demande des producteurs de spectacles, qui semblent avoir été oubliés lors de l’établissement de cette liste. Notre commission soutient l’adoption de cet article.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons ce soir le dernier collectif budgétaire de l’année 2011, avant d’examiner, peut-être dans peu de semaines, le premier de l’année 2012
Un collectif budgétaire est un exercice de vérité et celui-ci traduit bien, ce dont nous ne pouvons nous attrister, notre réactivité face à une situation économique et financière imprévisible.
Je commencerai en reprenant quelques-unes des affirmations de Mme le rapporteur général, afin d’engager le dialogue avec elle.
On nous parle d’« improvisation », alors qu’il s’agit de « réactivité » !
Mais que ne dirait-on si l’on s’était cramponné aux fausses certitudes du début de l’année 2011 ? Une telle posture n’aurait-elle pas été pulvérisée par notre environnement économique et financier ? Car enfin, comment peut-on critiquer ces approches successives, permettant de s’adapter au terrain et aux circonstances ? J’ai vraiment de la peine à comprendre ce procès en improvisation !
Mais vous nous faites aussi un procès en crédibilité.
J’ai peut-être encore plus de mal à le comprendre.
J’ai écouté avec grand intérêt le rapporteur pour avis de notre excellente commission de la culture nous expliquer qu’il fallait absolument renoncer à la mesure la plus productive du plan Fillon, …
… c'est-à-dire la très modeste remontée du taux de TVA !
Il nous a également fait, comme on pouvait s’y attendre, l’éloge des professions du secteur dont s’occupe, d’ailleurs fort bien, la commission de la culture, en nous expliquant qu’il fallait surtout ne rien changer et donner satisfaction à toutes ces estimables corporations.
Parallèlement, la majorité des missions sont rejetées en loi de finances initiale au motif qu’il n’y a pas suffisamment de crédits…
Je crois donc être fondé à affirmer que la crédibilité et le courage sont du côté du Gouvernement, tandis que l’opposition, devenue majorité sénatoriale, n’a pas encore digéré la culture majoritaire !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Vous, en tout cas, vous avez du mal à digérer d’être passés dans la minorité !
Et que dire, a fortiori, de l’exercice de dénigrement du sommet européen ?
Je comprends fort bien que l’opposition combatte, voire caricature le chef de l’État.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le Président de la République est notre chef de file, notre candidat.
Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste-EEL.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Chacun a son candidat ; c’est bien la moindre des choses en démocratie !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Mêmes mouvements.
Mes chers collègues, je ne comprends pas les mouvements divers sur vos travées. Sincèrement, c’est l’honneur de la politique…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et, pour nous, celui qui définit la stratégie et la met en œuvre, d’ailleurs fort bien, au niveau européen, c’est le Président de la République. Il est notre candidat naturel !
Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues, dénigrer le sommet de Bruxelles, c’est dénigrer non pas le chef de l’État, mais l’accord intergouvernemental auquel sont parvenus vingt-six États.
M. Charles Revet acquiesce.
Loin des chimères fédéralistes, cet accord consacre la suprématie de la méthode intergouvernementale et comporte plusieurs avancées que, à mon avis, on n’a pas suffisamment analysées.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais est-ce que ce sont les analystes, ou les marchés, qui font la loi ?
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Je vous ai entendue, chère rapporteur général, vous référer au jugement des marchés.
Si ! Vous avez dit que les marchés ne réagissaient pas très bien aux résultats du sommet !
C’est vous qui parlez sans cesse du triple A ! D’ailleurs, il est où, notre triple A ?
Je me suis donc interrogé sur vos instruments de mesure. Et votre remarque ne m’a pas semblé très cohérente avec la culture de la gauche.
M. Marc Daunis. Un jour, nous vous enseignerons la culture de la gauche ! Ça prendra du temps, mais vous finirez par comprendre !
Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Ne fallait-il pas que la clarification avec le Royaume-Uni intervienne un jour ? Elle est intervenue en ce début de mois de décembre. Cela a probablement débloqué la situation institutionnelle de l’Europe : nous ne sommes plus dans une contrainte d’unanimité ingérable.
Ceux qui veulent avancer dans le sens d’une gouvernance de la zone euro pourront le faire. Ils vont se doter, par un nouveau traité, de nouveaux outils.
En effet – et c’est là une difficulté sérieuse, à laquelle nous allons, je l’espère, nous atteler collectivement, dans l’intérêt de tous –, les vingt-six États devront définir ensemble une gouvernance, une règle budgétaire, une expression commune du frein à l’endettement. Je préfère cette terminologie à l’expression « règle d’or », que, pour ma part, je trouve beaucoup trop simplificatrice.
Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Je suis heureux que vous m’approuviez et que nous passions aux choses sérieuses.
Comment allons-nous collectivement coopérer à la mise en œuvre du mécanisme de clarification européenne ?
Si nous voulons que l’Europe fonctionne, il faudra bien aboutir.
Par conséquent, notre pays devra se doter, dans sa Constitution, et probablement aussi dans une loi organique, d’une disposition conforme à notre ordre juridique national et permettant de respecter une telle contrainte. Et nous devrons bien accepter de raisonner en termes de cycle économique, d’effort structurel. Nous devrons être capables de nous référer à des instances d’expertise indépendantes…
Sourires sur les mêmes travées.
… pour définir ce qu’est le cycle et pour pointer les parts respectives du conjoncturel et du structurel.
Je forme le vœu que nous sachions le faire ensemble, des deux côtés de l’hémicycle. Car, au-delà des critiques toujours faciles, il est véritablement de notre intérêt collectif, national, de parvenir à une définition homogène de la gouvernance budgétaire au sein des États ayant l’euro en partage.
Par ailleurs, …
Rires sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Peut-être de tels sujets sont-ils un peu trop techniques pour ceux qui préféreraient s’en tenir à la facilité des promesses…
L’accord comporte des avancées tout à fait essentielles.
Je pense aux dispositions prises par la Banque centrale européenne pour consolider sur trois ans le financement de la liquidité bancaire. Voilà qui me semble ouvrir au système européen des banques centrales et à chaque banque centrale nationale une capacité de négociation et de décision assurant le suivi de la recapitalisation des banques et de leur politique d’investissement ; je parle évidemment des investissements en titres de dette souveraine des États de la zone euro. C’est bien d’un nouvel instrument que le système européen des banques centrales s’est doté. Cela ne sera certainement pas sans conséquence.
En outre, l’accord des 8 et 9 décembre voit réapparaître les banques centrales nationales, qui alloueraient un financement au Fonds monétaire international, lequel serait en mesure à son tour de prêter aux États en utilisant des instruments juridiques existants et en faisant en sorte que les moyens ainsi alloués s’ajoutent à ceux du mécanisme européen de stabilité et du Fonds européen de stabilité financière.
Mes chers collègues, je vous invite à réfléchir à ce fait nouveau qu’est la réapparition d’un rôle actif des banques centrales nationales au sein, bien entendu, du système européen de banques centrales. Mais ce rôle actif ne nécessite pas de décision positive particulière de la Banque centrale européenne.
La question des modes d’action de cette dernière est assurément l’aspect le plus délicat pour compléter le dispositif de pare-feu. À cet égard, il faut supposer que les comportements évolueront.
Certains seraient fondés à dire que la Banque centrale européenne aurait vraisemblablement pu être plus « impressionnante » vis-à-vis des investisseurs et des marchés si elle avait eu une politique de communication plus directe.
Cela aurait peut-être nécessité une intervention moindre que les 200 milliards d’euros environ que représente le stock de titres de dettes souveraines figurant actuellement au bilan de la BCE. On peut au moins se poser la question, mes chers collègues.
Maintenant, croyez-vous que c’est en dénigrant ce qui a pu être fait que l’on améliorera nos chances de sortir du trouble financier et de doter l’euro de la pérennité ? J’ai cru comprendre que, de ce côté-ci de l’hémicycle
L’orateur en désigne la partie gauche.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais comment voulez-vous qu’il y ait un quelconque projet européen si la zone euro devait se briser ? Comment cela serait-il possible ?
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Sourires sur les mêmes travées.
Mais le texte, mes chers collègues, nous allons avoir tout loisir, au cours de plusieurs journées et nuits, de l’examiner article par article.
D’ailleurs, nous avons déjà pu entendre une sorte d’introduction à tous les articles qui portent sur des domaines relevant du champ de compétence de notre excellente commission de la culture.
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
Nous ferons de même point par point, et la commission des finances jouera naturellement tout son rôle dans cet examen.
Pour ma part, je souscris à l’essentiel de ce qui a été proposé par le Gouvernement. Je salue, en particulier, la première retouche de l’architecture des taux de TVA. Elle me semble d’ailleurs proche de ce que je proposais dans mes anciennes fonctions voilà un an. À mes yeux, la remontée de 5, 5 % à 7 % n’est, pour le bâtiment et pour la restauration, que la réduction de 10 % de l’avantage fiscal accordé par rapport au droit commun. Ce n’est donc qu’un coup de rabot selon moi tout à fait indolore. Il est, en tout cas, beaucoup plus indolore que ne le serait la suppression brutale des allégements de charges sociales sur les heures supplémentaires !
Une telle suppression représenterait un choc pour le pouvoir d'achat bien plus redoutable et massif que cette toute petite remontée de taux de TVA.
S’agissant enfin des libraires, dont je pense être l’ami comme je suis celui des livres, n’ont-ils pas d’ordinateurs ? Franchement, ne sont-ils pas en mesure de modifier leurs références compte tenu de la période de transition prévue par le dispositif qui nous est proposé ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour finir, mes chers collègues, je vous remercie de vous associer toujours très nombreux à l’examen des articles des projets de loi de finances.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’abord un petit aparté au sujet du propos que vient de tenir le président de la commission des finances, un propos dans lequel nous avons plutôt entendu le militant de l’UMP… Au passage, je rappellerai que, nous, nous ne l’avons pas choisi pour présider cette commission, malgré les talents qu’il possède dans le domaine concerné.
Puisqu’il nous a parlé de règle budgétaire, je lui réponds que nous voyons aujourd'hui les limites de la LOLF, un texte dont il a ici, en son temps, imposé l’adoption, mais que, pour notre part, nous n’avons pas voté. Ces limites, nous les avons perçues en particulier lorsque nous avons adopté le projet de loi, modifié, de finances pour 2012 !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2011 présente, à bien des égards, les caractéristiques d’un collectif de fin d’année.
Il vise notamment à solder les comptes de l’exercice en cours dans le contexte d’un ralentissement relatif de l’activité économique. Ce ralentissement montre encore une fois – une fois de trop, pourrait-on dire – que la politique économique du Gouvernement n’est pas vraiment couronnée de succès…
Quelques chiffres, madame la rapporteur générale, permettent de se représenter les réalités économiques de cette fin 2011.
Au mois d’octobre, la production industrielle comme la consommation des ménages ont connu une progression nulle.
En incluant les données relatives à l’outre-mer, les chômeurs représentent 9, 7 % de la population active : environ 3 millions de personnes sont ainsi privées d’emploi.
Le mois de septembre, malgré la rentrée des classes, n’a pas été bon pour l’économie : l’activité a baissé de 1, 6 % dans le commerce de gros et s’est contractée de près de 2 % dans le commerce de détail et la restauration ; la production industrielle a enregistré un repli du même ordre. On n’ose imaginer, mes chers collègues, les conséquences que va avoir, dans un environnement aussi déprimé, la hausse de la TVA prévue par le présent projet de loi de finances rectificative…
Quant au petit rebond de la consommation, il semble tenir essentiellement à la hausse des prix de l’énergie et des carburants, dont les ménages ont particulièrement souffert ces dernières semaines.
Les ferments d’une récession durable paraissent bel et bien présents dans la politique actuellement menée. Celle-ci consiste notamment à s’attaquer au pouvoir d’achat des ménages par une série de mesures dont une partie figure dans le présent projet de loi de finances rectificative ; d’autres ont été intégrées au projet de loi de finances pour 2012 – sur laquelle la commission mixte paritaire, réunie hier matin, n’est pas parvenue à trouver un accord.
Je vous propose, mes chers collègues, d’examiner successivement quelques-unes de ces dispositions.
Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit, entre autres mesures, le gel de la rémunération des agents du secteur public. Je rappelle que cette population, qui représente plus de cinq millions de personnes, contribue tout de même de manière importante à faire tourner l’économie par sa consommation, son épargne et l’acquittement de quelques impôts… Que deviendrait, mes chers collègues, le rendement de l’impôt sur le revenu s’il n’y avait pas les fonctionnaires ?
Que deviendraient aussi nos établissements de crédit, s’ils ne pouvaient compter sur une clientèle aux ressources stables, régulières et de plus en plus enviables au vu des salaires pratiqués dans le secteur privé, une clientèle qui leur assure un véritable fonds de roulement et, surtout, leur permet de gérer une épargne à vue à moindre coût ?
Combinant ce gel des rémunérations avec la poursuite de la politique imbécile et dogmatique de réduction des effectifs – un départ en retraite sur deux n’est pas remplacé –, le budget pour 2012 crée encore un peu plus les conditions de la dégradation économique, tant à court qu’à moyen et long terme.
Pour faire bonne mesure, il intègre aussi des mesures aussi intelligentes que le gel des allocations de logement ou le ralentissement de leur progression… Comme s’il ne suffisait pas, mes chers collègues, de voir des familles consacrer d’ores et déjà 30 %, voire 40 % de leurs maigres revenus au logement, devenu le premier poste de dépense dans le budget des ménages les plus mal lotis !
C’est, nous dit-on, la contribution, au nom de l’« équité », des plus modestes à la réduction des déficits publics, des déficits dont, je ne me lasserai jamais de le répéter, ils sont, qu’on le veuille ou non, assez peu responsables…
Le projet de loi de finances pour 2012 est un peu comme la première lame des rasoirs à deux lames ; la seconde lame, c’est le présent collectif budgétaire.
Quelles riches idées ont donc germé dans la tête des techniciens et conseillers de Bercy pour trouver à l’État des recettes nouvelles en évitant de frapper aux bonnes portes, c’est-à-dire celles des plus riches et des grands groupes, tous grands bénéficiaires des cadeaux fiscaux distribués depuis dix ans ?
Après la baisse du tarif de l’ISF intervenue au mois de juillet – à l’époque, les comptes publics ne devaient pas être suffisamment en déficit pour justifier des mesures de redressement ! – et la hausse de la taxe sur les mutuelles solidaires et responsables, décidée au mois de septembre, quoi de neuf ?
On note une hausse limitée des prélèvements libératoires sur les revenus financiers, qui préserve cependant le régime fort enviable dont ceux-ci bénéficient par rapport au barème de l’impôt sur le revenu.
Pour le reste, le projet de loi de finances rectificative repose sur trois mesures phares.
L’une, assez symbolique, consiste à majorer de façon exceptionnelle – quoique un peu « chichiteuse » puisqu’on se contente d’une hausse de 5 % – l’impôt sur les sociétés.
Je n’étais pas parlementaire en 1995, mais, parce qu’il en a beaucoup été question les années suivantes, notamment à droite, je me souviens que l’équipe Balladur-Sarkozy avait laissé les comptes publics dans une situation tellement désastreuse que le gouvernement Juppé avait dû créer une surtaxe de 10 points – 10 points ! – de l’impôt sur les sociétés.
La hausse prévue cette année – seulement cette année – est limitée à 5 % et concerne uniquement les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 250 millions d’euros. Cette mesure est censée rapporter 1, 1 milliard d’euros aux comptes publics, ce qui représente environ 1 % des bénéfices déclarés par les entreprises du CAC 40... On est loin, mes chers collègues, d’un effort insupportable !
On est même loin de la mesure issue de l’article 1er de la loi du 4 août 1995 de finances rectificative pour 1995 : alors que le niveau du déficit était à l’époque moins préoccupant qu’aujourd’hui, la hausse de l’impôt sur les sociétés touchait l’ensemble des entreprises assujetties et la cotisation, nette de tout correctif éventuel, s’élevait à 10 % !
À la vérité, on nous propose aujourd’hui une simple mesure d’affichage : elle égratigne plus qu’elle ne blesse et, surtout, sert à mieux faire passer la pilule des autres mesures.
Je pense en particulier à la hausse de la TVA, ou plutôt à l’invention d’un nouveau taux réduit de 7 % – qui a d’ailleurs un air de déjà vu – frappant l’ensemble des biens et services aujourd’hui taxés à 5, 5 %, à l’exception des produits alimentaires.
Cette mesure est évidemment plus rentable que la majoration de l’impôt sur les sociétés, qui n’est qu’un simple gadget ! Surtout, c’est sur le consommateur qu’elle pèse en dernier ressort.
C’est pourquoi je suis toujours surpris d’entendre certains professionnels se plaindre de la hausse de la TVA : tout le monde sait qu’en dernière instance, ce n’est pas eux qui la paieront, mais le consommateur final, c’est-à-dire tout un chacun, lorsqu’il ira chercher sa baguette de pain, acheter un faux-filet, faire réparer ses chaussures ou qu’il paiera sa facture d’électricité !
Le produit de ce racket fiscal s’élèvera, selon les prévisions les plus basses, à 1, 9 milliard d’euros, ce qui représente un effort 60 euros par an et par foyer fiscal, soit, au niveau du SMIC, une perte d’achat d’un demi-point !
Non contents de vous attaquer au pouvoir d’achat des ménages – l’augmentation de la TVA payée par les consommateurs annulant le bénéfice tiré de la défiscalisation des heures supplémentaires –, vous prenez, l’air de rien, une autre mesure particulièrement rude : je veux parler du gel du barème de l’impôt sur le revenu. Même s’il s’étend à un certain nombre d’autres impôts dont l’évolution est liée à celle de l’impôt sur le revenu, ce gel coûtera beaucoup aux ménages populaires.
Cette mesure devrait rapporter à l’État 1, 752 milliard d’euros de recettes supplémentaires : elle revient donc à prélever, en moyenne, 100 euros par an et par contribuable aujourd’hui imposable.
Et c’est sans compter que cette mesure aura des effets différés particulièrement pervers, par exemple sur les prestations sociales, notamment les allocations logement : ainsi, le relèvement du revenu fiscal de référence risque fort de faire baisser l’aide personnalisée au logement.
Ce gel est d’autant plus dangereux que le Gouvernement anticipe le doublement de son rendement en 2013 : c’est donc à 200 euros que s’élèvera alors la ponction fiscale supplémentaire moyenne par foyer imposable ! Bien sûr, elle évoluera avec le montant du revenu du foyer, mais il va de soi qu’elle sera beaucoup plus lourde, en termes relatifs, pour les ménages les plus modestes. Au demeurant, comme ils sont les plus nombreux, c’est en les visant qu’on peut faire rentrer le plus d’argent !
Ce sont bien les plus modestes, en effet, que frappe avant tout la politique du Gouvernement.
Je rappelle que les salaires constituent 62, 6 % de l’assiette de l’impôt sur le revenu ; les pensions représentent pour leur part 25 % de la base imposable. Ce sont donc d’abord les salariés et les retraités qui paieront la facture du gel du barème.
Si l’on considère que ce sont les mêmes foyers qui subiront les effets de la réduction des services publics, du gel des allocations logement, de la hausse des tarifs publics et de la progression des taux de TVA, on constate que c’est bien sûr les plus modestes que portera l’essentiel de l’effort.
En conclusion, je dirai que ce projet de loi de finances rectificative est un inventaire de mesures prises à la va vite. C’est devenu une habitude ! La session budgétaire de rattrapage permet de solder les dépenses sociales sous-provisionnées au départ et de payer nos aventures, notamment celle de Libye : alors qu’on nous avait promis qu’aucune troupe ne serait engagée au sol, 462 millions d’euros sont à solder au titre des opérations extérieures !
Tout cela ne change pas grand-chose aux problèmes. Ou plutôt, le projet de loi de finances rectificative confirme le caractère profondément discutable du dispositif financier mis en place par le Gouvernement, sous la pression des agences de notation et des marchés financiers : il se compose de mesures ponctuelles qui sont autant de bouche-trous et de dispositions antisociales, évidemment inacceptables pour nous.
C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas le projet de loi de finances rectificative ; nous ne le voterons pas même dans sa version modifiée, car nous pensons qu’elle ne sera pas plus acceptable !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur général, mes chers collègues, à peine avons-nous achevé la discussion du projet de loi de finances pour 2012 que nous examinons une quatrième loi de finances rectificative pour 2011.
Cette accumulation de collectifs budgétaires illustre la difficulté qu’éprouve le Gouvernement à juguler la crise économique et à enrayer la dégradation des finances publiques qui en résulte.
Sachant que les prévisions de croissance pour l’année prochaine s’établissent entre 0 % et 1 %, on peut considérer que nous ne sommes pas encore au bout du tunnel… L’environnement économique, hélas ! ne donne aucun signe d’amélioration, alors que la crise de la dette souveraine alimente une spirale dont la France peine à s’extraire. Et, pour faire bonne mesure, ajoutons que se profile le spectre d’une crise des liquidités, qui, au-delà de la récession, pourrait nous entraîner dans une véritable dépression.
Malheureusement, les différentes initiatives menées sur le front européen, si louables soient-elles, ne parviennent pas à inverser cette tendance. Si je ne sous-estime pas les bénéfices que pourraient apporter, à long terme, les différents accords qui sont récemment intervenus, j’observe qu’ils n’ont pas encore réussi à restaurer un climat de confiance à court terme.
En effet, malgré un certain volontarisme, que je reconnais volontiers, quinze pays de la zone euro sont récemment passés sous la surveillance négative de l’agence de notation Standard & Poor’s.
Par ailleurs, si les marchés boursiers saluent, dans un premier temps, les annonces spectaculaires de sauvetage de la zone euro, on constate que, passé les premiers jours d’euphorie, le pessimisme finit par regagner les acteurs économiques.
Est-ce là une mauvaise manière des marchés financiers ou bien ceux-ci perçoivent-ils, à bon droit, les limites des dispositifs successivement annoncés ?
Comme l’a très justement expliqué notre collègue Nicole Bricq dans son excellent rapport, le double dispositif annoncé par le Conseil européen du 26 octobre 2011 n’a pas écarté le risque de contagion du cas grec à d’autres pays. L’effet de levier attendu pour le financement du Fonds européen de stabilité financière devrait être en deçà des espérances. Les investisseurs rechignent de plus en plus à investir dans la dette publique, et on peut les comprendre ! Nous ne pourrons donc pas compter sur les 1 000 milliards d’euros escomptés, mais peut-être seulement sur la moitié, 500 milliards d’euros, soit un tiers des besoins de financement de l’Italie et de l’Espagne pour les deux prochaines années…
Si l’on ajoute à cela les difficultés liées au dispositif d’assurance, le Fonds de stabilité reste fragile, voire très fragile. C’est désormais une évidence pour tous. La recherche d’un nouvel accord européen – celui-ci est intervenu le 5 décembre et a été précisé le 9 décembre dernier – n’est-elle d’ailleurs pas le reflet de cette fragilité ?
Bien sûr, une étape supplémentaire a été franchie avec le principe d’une sanction quasi automatique des États en déficit excessif et celui de la fameuse règle d’or. Il est difficile, aujourd’hui, de s’opposer au vœu de discipline budgétaire quand les comptes de l’État accusent un solde négatif de 95, 3 milliards d’euros et que notre pays se trouve dans une situation plutôt alarmante.
Je pense que nous aurons d’autres occasions de discuter au fond des avantages et inconvénients du nouvel accord européen. Je rappellerai seulement en quelques mots mon engagement précoce en faveur de politiques budgétaires et fiscales plus coopératives au sein de la zone euro. Il est urgent que l’Europe prenne conscience des problèmes structurels qu’elle devra affronter à plus long terme, du fait des perspectives de croissance très disparates des pays membres.
Il faudra mieux asseoir la convergence économique en Europe et, pour cela, mieux assurer la rencontre entre l’épargne et l’investissement dans l’ensemble européen.
Il faudra également résoudre les graves problèmes de concurrence fiscale qui minent les finances publiques de pays qui, comme la France, intègrent de nombreuses normes sociales, environnementales et sanitaires.
En attendant, l’urgence commande de rendre soutenable chacune des dettes nationales. C’est dans cet esprit que le présent projet de loi de finances rectificative pour 2011 vise à mettre en œuvre le second plan de rigueur, à hauteur de 5, 2 milliards d’euros en 2012 et de 1, 7 milliard d’euros en 2013.
Avons-nous d’autres choix que celui d’un rétablissement rapide de nos comptes publics ? Hélas, non, mes chers collègues, et nous le savons tous ! Mais il est bien dommage, monsieur le ministre, que ce gouvernement ait attendu d’être au pied du mur pour tenter de rectifier le tir. Depuis 2007, vous n’avez pas su, ou pas pu, trouver les moyens les plus justes et les plus efficaces pour soulager les finances publiques. Surtout, vous avez peut-être trop longtemps brandi la RGPP comme principale arme de lutte contre les déficits publics, sans compter les cadeaux fiscaux qui n’ont pas eu l’effet de levier attendu.
Certes, ce collectif budgétaire comporte un point positif, qui mérite d’être souligné – il n’est jamais trop tard pour bien faire, monsieur le ministre ! –, en ce sens que la norme de dépense est respectée, même si cet effort résulte en grande partie de la bonne tenue des dépenses d’investissement local.
Finalement, contrairement à ce que l’on entend trop souvent, les collectivités locales se montrent dans l’ensemble très responsables, tandis que, de son côté, l’État a bien du mal à contracter ses dépenses. En effet, le détail des mesures du projet de loi de finances rectificative pour 2011 montre que l’effort porte essentiellement sur les recettes, comme l’a excellemment rappelé Mme le rapporteur général.
Or, même si des marges de manœuvre existent pour trouver des ressources pertinentes et soucieuses du principe d’équité fiscale – la majorité sénatoriale l’a démontré à l’occasion de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2012 –, elles ne sont pas infinies, en particulier dans un contexte économique dégradé.
Comment, avec ce budget concrétisant un peu plus la rigueur, le Gouvernement compte-t-il agir sur la relance, en dehors bien sûr des différents plans qui ont été élaborés ? Quelles mesures structurelles entend-il prendre pour soutenir la demande et encourager l’investissement ? Nous attendons ces mesures depuis 2007, mais nous ne voyons toujours rien venir. La crise, installée depuis 2008, ne doit pas lui servir d’éternel paravent !
Dans ces conditions, vous le comprendrez sans doute, monsieur le ministre, mes chers collègues, la majorité des membres du RDSE ne votera pas ce quatrième collectif budgétaire de l’année 2011.
Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la perspective des élections présidentielles pèse inévitablement sur nos débats. Efforçons-nous néanmoins, dans une période où nous sommes observés par les autres membres de l’Union européenne et par des agences de notation au verdict parfois suspect, de faire coïncider nos convictions et l’intérêt du pays.
Il n’y a pas eu, cette année, de véritable débat budgétaire au Sénat. Nous nous sommes enfermés dans de vaines controverses, alimentées par des préoccupations purement politiciennes, qui, autrefois, étaient le plus souvent étrangères à cette assemblée. Malheureusement, le ton a changé, la nouvelle majorité sénatoriale ayant, semble-t-il, considéré que tout ce qui avait été voté précédemment était nul et non avenu. J’ai connu l’Assemblée nationale pendant deux mandats : il n’y régnait pas la même convivialité qu’au Sénat, mes chers collègues. Je souhaite que, quelle que soit la majorité, nous ne perdions pas cet état d’esprit.
Ce collectif budgétaire est le quatrième de l’année 2011. Cela prouve la gravité de la situation. L’enjeu le plus pressant de ce texte est de garantir la sincérité d’un budget qui, espérons-le, prépare le terrain à de futurs équilibres budgétaires.
Notre taux de prélèvements obligatoires étant de dix points inférieur à la part des dépenses publiques dans le PIB, la très délicate alternative devant laquelle nous nous trouvons est la suivante : soit nous augmentons fortement les impôts de manière à nous garantir les ressources nécessaires au désendettement, mais les investisseurs se désintéresseront alors de notre pays tandis que la consommation baissera, soit nous diminuons sévèrement la dépense, et, dans ce cas, le risque de récession sera important.
Le Gouvernement a choisi de préparer un assemblage de hausses d’impôts et de réductions de dépenses, en complément du travail déjà réalisé dans le PLF et le PLFSS. Ce choix suscite certaines réserves.
La création d’un second taux intermédiaire de TVA à 7 % rejoint les recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport de février dernier sur la compétitivité de la France et de l’Allemagne. Ce taux intermédiaire doit participer à l’harmonisation de nos fiscalités en vue d’instaurer un impôt commun sur les sociétés, et cela nous semble positif.
Le Gouvernement a introduit dans notre droit le principe anglo-saxon bien connu des sunset laws, à savoir des dispositions législatives à durée de vie limitée. Je pense à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus instituée par le PLF pour 2012, mais aussi à l’augmentation de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros par an.
Je formulerai au moins deux réserves à ce sujet. Premièrement, une contribution exceptionnelle n’est-elle pas de nature à rendre notre système fiscal encore moins lisible qu’il ne l’est déjà ? Deuxièmement, pourquoi ne pas revoir l’assiette et le taux de nos impôts ? On peut tout à fait comprendre qu’il faudra beaucoup de temps pour cela, mais nous nous privons volontairement, là encore, du débat de fond que les circonstances exigent.
S’agissant des collectivités territoriales, le compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », le FACÉ, remplace le fonds qui existait précédemment, ce qui soulève aussi plusieurs interrogations.
Sans doute l’information et le contrôle du Parlement sur ce compte d’affectation spéciale seront-ils plus efficaces, mais je m’interroge sur la latitude des élus ruraux pour exercer leur maîtrise d’ouvrage du secteur électrique dans leurs collectivités. Je suis dubitatif sur la création d’un compte d’affectation spéciale…
… dont les ressources attendues pourraient être affectées à d’autres finalités, comme ce fut le cas pour le compte d’affectation spéciale destiné à recueillir le produit des amendes.
Pouvez-vous garantir, monsieur le ministre, la pérennité de ce dispositif et la sanctuarisation de ces ressources ?
Je suis convaincu qu’accroître la charge fiscale pesant sur la production est une mesure très risquée, et même dangereuse, alors que nous craignons une croissance nulle, voire une récession en 2012. La compétitivité doit être l’aiguillon de notre politique économique et fiscale. À l’inverse, celle-ci ne doit pas être guidée par la recherche de recettes peu substantielles. Ce n’est pas en pénalisant nos champions nationaux que nous parviendrons à rassurer les marchés et à faire baisser le chômage ! Je rappelle que notre déficit commercial atteint 75 milliards d’euros…
En ce qui concerne la réduction de la dépense, le compte n’y est pas. Le Premier ministre a annoncé, le 7 novembre dernier, un effort sans précédent en la matière, qui serait ventilé jusqu’en 2016. S’agit-il, là encore, de cacher la poussière sous le tapis et de remettre à l’été 2012 les véritables décisions ? La part de notre dépense publique dans le PIB est supérieure à 54 % ! Je me rappelle encore une époque où l’on considérait que, passé 40%, on entrait dans un système soviétique...
Le stoïcien Épictète nous enseigne que « notre salut et notre perte sont en nous-mêmes ». Soyons stoïques, mais soyons aussi entreprenants et optimistes : stimulons l’initiative privée en encourageant la compétitivité. La croissance économique durable viendra de tous ceux qui contribuent au PNB : les entreprises, les artisans, les agriculteurs, les salariés ou les professions indépendantes. Nous devons tout faire pour supprimer les entraves inutiles qui, trop souvent, freinent leur travail.
Nous sommes en pleine guerre économique. Sur un champ de bataille mondialisé, les États-Unis, la Chine, l’Union européenne et les pays émergents luttent pour conquérir des parts de marché. L’une des armes dont nous pourrions disposer dans cette guerre, c’est la TVA « anti-délocalisations ».
Quels sont nos atouts pour défendre notre industrie ? La haute technologie, la qualité industrielle, la spécificité de notre industrie agroalimentaire et le luxe, mais pour le reste...
Le coût comparé de l’heure entre le Pakistan et la France est de 1 à 50. Les salaires et les charges sont la cause de cet écart. Il est évidemment exclu d’aligner nos salaires sur ceux du Pakistan. Nous reste alors la possibilité de baisser les charges et de faire porter celles-ci sur la consommation. Le Gouvernement et les entreprises peuvent et doivent absolument trouver un accord pour que ce transfert soit à somme nulle pour le consommateur.
Soyons conscients qu’il n’y a pas plusieurs remèdes pour guérir de ce « haut mal » qu’est la dette. La règle d’or, si elle ne guérit pas, permet d’arrêter la propagation de la maladie.
M. Aymeri de Montesquiou. La règle d’or est une façon de contraindre tout gouvernement, de droite ou de gauche, à respecter une discipline budgétaire qu’aucun, jusqu’à aujourd’hui, n’a eu le courage de mettre en œuvre.
Très bien ! sur les travées de l ’ UMP.
Pourquoi refuser le dialogue entre les protagonistes ? La règle d’or proposée par le Gouvernement est, bien sûr, perfectible ; l’opposition peut présenter des amendements, l’améliorer.
L’Allemagne et l’Espagne, dirigées par des gouvernements se réclamant de politiques différentes, ont réussi sur ce point à faire l’union nationale.
Les forces politiques doivent savoir oublier les querelles picrocholines face à l’ampleur des enjeux et faire primer l’intérêt du pays, objectif infiniment plus important qu’une carrière politique.
L’œuvre passée de Gerhard Schröder plane sur tous les exécutifs politiques. Dix ans après une politique économique et sociale difficile, il apparaît comme l’homme qui a permis à son pays de tenir un rang envié pour la solidité de son économie et son consensus social.
Les solutions proposées par le futur président ne pouvant différer beaucoup de celles qu’aurait mises en œuvre son rival malheureux, commençons dès maintenant !
Il faut avoir à l’esprit que les agences de notation nous surveillent. On peut s’interroger : sont-elles de connivence avec les banques, puisque les intérêts touchés par celles-ci dépendent de la notation des pays ? Il y a un mois, une agence plaçait la France sous surveillance négative, puis se ravisait, prétendant avoir commis une erreur. Des spéculateurs se sont-ils enrichis ? Y aura-t-il des sanctions ? Le risque est avéré, c’est pour nous tous une évidence. Nous savons tous qu’une dégradation de notre notation entraînera une hausse des intérêts de nos emprunts et donc de nos coûts de production.
Notre rapporteur générale l’a très justement rappelé, en cas de perte du triple A, le financement de notre dette deviendra très tendu et la crise européenne est structurellement « auto-réalisatrice ». Un accord sur cette règle d’or ne serait-il pas un signal positif très fort ? Il serait facile de présenter cet accord comme ne faisant ni vainqueur ni vaincu, mais comme participant à la défense commune de l’intérêt national. Nous devons, toutes tendances confondues, marquer d’un geste sûr et fort notre volonté intangible de revenir dans le giron des critères de Maastricht en 2013, préalable au retour à l’équilibre budgétaire à moyen terme.
M. Claude Haut s’exclame.
Je conclurai avec la leçon d’optimisme d’un ressortissant d’un pays émergent, Han Seung-soo, ancien Premier ministre sud-coréen, qui souligne que le terme « crise » a deux sens en chinois : danger et chance à saisir. Monsieur le ministre, j’invite le Gouvernement à saisir cette chance en suivant l’exemple de Gerhard Schröder. Les électeurs ne croient plus aux promesses de Merlin l’enchanteur. Ils sont conscients de ce que les prochaines années seront ardues et que, pour les rendre plus acceptables pour tous, un effort immédiat est nécessaire. Les Français sont prêts à l’effort, ils le savent inéluctable. Ils attendent du Gouvernement courage et justice sociale.
Le groupe UCR votera le projet de loi de finances rectificative.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.
M. Francis Delattre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans une pâle copie du célèbre éloge du Sénat par Gambetta, qui saluait, en 1876, la participation de tous les maires de France, pour la première fois, à l’élection des sénateurs, les nouveaux conventionnels que sont Mme Aubry et M. Hollande, dans un même souffle pressé, nous assuraient sur le perron de l’auguste maison, enfin prise d’assaut ce dimanche 25 septembre 2011, que la République allait être refondée.
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
En cette date historique qui allait les conduire inévitablement au pouvoir, la Chambre haute devait servir ce dessein et se transformer immédiatement en laboratoire des idées et projets du futur pouvoir socialiste.
Dans l’euphorie, ils avaient déjà oublié que Gambetta préconisait en outre un Sénat modérateur des pouvoirs publics et des pulsions, mais aussi un Sénat des Républiques qui veulent persister et durer, madame le rapporteur générale.
Nous, très modestement, saluons aujourd’hui un gouvernement qui travaille, qui a réduit de 36 % le déficit budgétaire. En 2011, il présente des dépenses de l’État qui, hors dettes et pensions, baissent en valeur pour la première fois depuis 1945.
Aussi, dans ce singulier exercice qui a vu la gauche détricoter le budget présenté par le Gouvernement – que nous soutenons – et voté par l’Assemblée nationale, la vraie question pour vous, chers collègues socialistes, est de savoir si cela vous donne vraiment un sursaut de crédibilité auprès de l’opinion publique.
La République qui veut durer doit respecter la volonté populaire jusqu’aux échéances électorales suivantes.
Prélever fiscalement 30 milliards d’euros supplémentaires, dont 20 milliards d’euros sur les entreprises, …
… augmenter ou créer une soixantaine de taxes nouvelles, supprimer vingt-deux missions sur trente-deux ressortit à de la démolition, et les 617 millions d’euros de recettes nouvelles pour les collectivités territoriales relèvent, à l’évidence, du clientélisme le plus basique.
Naturellement, l’Assemblée nationale, en vertu de ses pouvoirs constitutionnels, tranchera en dernier ressort et rétablira le budget 2012 tout comme le présent collectif pour 2011 en l’état de ses votes initiaux, mais tout cela ne sera pas, au passage, sans lourdes conséquences sur l’influence et la plus-value du Sénat.
Le jusqu’auboutisme partisan qui a prévalu ces dernières semaines a pour effet immédiat d’écarter le Sénat de toute discussion sérieuse dans les commissions mixtes paritaires.
Les amendements manifestement utiles à l’amélioration d’un certain nombre de mesures et défendus sur toutes les travées, à défaut de rejoindre le droit positif, connaîtront la postérité dans les mémoires des étudiants…
Chers collègues socialistes, la crédibilité que vous recherchez à travers ces démonstrations budgétaires virtuelles, peut-être la trouveriez-vous plus facilement en tenant aux Français un langage de vérité.
Sur ce thème, ce n’est pas faire une injure aux socialistes d’aujourd’hui que de citer Pierre Mendès France : « L’élément fondamental du système démocratique, c’est la vérité. »
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
En revanche, le mensonge, l’hypocrisie, la tricherie sont incompatibles avec la notion de démocratie. Là où vous nous annoncez une fiscalité plus juste, nous ne relevons, pour l’essentiel, que de la confusion et des mensonges.
Vous mentez en présentant la loi TEPA comme l’instrument servant les riches, alors que 50 % des réductions fiscales instituées par cette loi portent sur des heures supplémentaires qui profitent à des salariés gagnant moins de 1 500 euros par mois.
Mme Marie-France Beaufils s’exclame.
Vous mentez en insinuant que la réforme relative aux successions profite surtout aux grandes fortunes, alors que seules les successions en ligne directe pour chaque part d’un montant maximum de 159 000 euros sont exonérées, c’est-à-dire les plus modestes.
Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.
Mme Aubry et le site internet du parti socialiste, que vous connaissez bien, madame Bricq, mentent quand ils disent que le chef de l’État a distribué 75 milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux riches, …
… à tel point que vous, madame le rapporteur général, vous avez dû rectifier ces chiffres en disant qu’il ne s’agissait en réalité que de 49, 8 milliards d’euros.
Cette information est parue dans le quotidien Le Parisien du 9 décembre dernier.
Dans ces 49, 8 milliards d’euros, mes chers collègues, que relève-t-on ? Pour les riches, il faut intégrer non seulement la loi TEPA, dont je viens de parler, mais aussi la baisse de la TVA dans les restaurants. Est-ce à dire que, si l’un d’entre vous est allé manger dans un restaurant, il a profité de la loi et il est donc forcément un nouveau riche ?
De même, vous intégrez la réforme de la taxe professionnelle, dont j’entends sans cesse parler depuis que je suis arrivé dans cette assemblée. Pour combien de milliards d’euros ? On ne sait pas trop… Mais le premier volet de la réforme de la taxe professionnelle, cet impôt que François Mitterrand qualifiait d’idiot, c’est vous qui l’avez fait en enlevant de l’assiette la part « salaires ».
En retirant la part des investissements industriels, n’est-ce pas notre industrie, ne sont-ce pas nos emplois que nous essayons de défendre, par la lutte contre les délocalisations ? Et n’est-ce pas de la désinformation de prétendre qu’il s’agit là de cadeaux faits aux riches ?
C’est également sous le gouvernement de Pierre Bérégovoy – j’ai un peu de mémoire ! – que le déficit a doublé. Les déficits de ce pays ont crû par sauts successifs, et le plus grand a été fait en 1993, quand Michel Sapin était ministre de l’économie et des finances. Cela promet pour l’avenir !
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
Bien sûr, vous avez du mal à accepter un certain nombre de réalités, mais ce n’est pas fini ! Dès lors que vous nous dites que vous voulez faire la politique, nous allons en faire !
Certes, le poids de notre dette sera passé en cinq ans d’environ 60 % du PIB à 80 % du PIB, soit vingt points de plus !
Mais, dans le même temps, la dette espagnole du socialiste Zapatero a augmenté de trente points, …
… celle des États-Unis de M. Obama de trente points et celle de la Grande-Bretagne de 34 %.
L’explication de ce creusement de la dette partout dans le monde s’appelle la crise !
Vous nous infligez tous les jours votre logorrhée en prétendant que nous menons une politique de classe, alors que cette majorité que vous accusez d’être au service des riches a augmenté de 25 % le minimum vieillesse, instauré le revenu de solidarité active, consolidé l’allocation aux adultes handicapés, …
… revalorisé l’allocation de rentrée scolaire, instauré une prime aux salariés pour les entreprises de plus de 50 personnes, développé le prêt à taux zéro, qui touche chaque année 380 000 jeunes ménages primo-accédants à la propriété, construit 120 000 logements sociaux en 2010, soit trois fois plus que sous le gouvernement Jospin, …
… revalorisé les territoires avec les plans de rénovation urbaine, qui concernent 500 quartiers en difficulté et 3 millions de foyers, sans oublier le plan « Espoir banlieues », qui accompagne le plan de rénovation urbaine.
Il a permis d’investir 500 millions d’euros pour désenclaver les quartiers par le développement des transports et financer les écoles de la deuxième chance.
L’actuelle majorité défend encore aujourd’hui un plan contre la précarité des étudiants.
C’est aux Français qu’il va falloir dire tout cela, mais ils ne vous croient pas !
Le Gouvernement a, par ailleurs, augmenté la taxation réelle des plus hauts revenus à l’ISF, des plus grosses successions, des retraites chapeaux, et encadré pendant la crise les bonus des traders.
Mais, chers collègues, vos éternels discours sombrent plus encore dans l’hypocrisie quand vous versez des larmes de crocodile sur la pénibilité au travail, qui ne serait pas suffisamment prise en compte dans la réforme des retraites…
… alors que, pendant cinq ans, j’ai vu, comme d’autres, le gouvernement Jospin refuser d’engager la moindre discussion sur ce thème avec les partenaires sociaux.
Vous avez triché, et cela a eu des conséquences lourdes pour nos retraites, avec cette création du Fonds de réserve pour les retraites, une prétendue solution miracle !
Michel Rocard, Premier ministre, avait fait ce pronostic : une réforme des retraites peut faire sauter trois, quatre ou cinq gouvernements. Il avait raison !
Bien entendu, lorsque Lionel Jospin est arrivé aux affaires, il n’a pas plus voulu toucher au régime des retraites. Toutefois, sous la pression des réalités, on a inventé le Fonds de réserve pour les retraites, alimenté par le produit des ventes des privatisations. Car le gouvernement Jospin est celui qui a le plus privatisé !
Or ce fonds n’a bénéficié que de 10 % environ du produit des privatisations.
Cette négligence qui a privé ce fonds de ressources suffisantes, au point qu’il ne représente plus que 13, 8 % du budget de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, nous oblige aujourd'hui à emprunter sur les marchés internationaux pour servir des retraites correctes.
Le Fonds de réserve, c’est vous qui l’avez siphonné ! C’est du délire total !
Alors, ne nous dites donc pas que vous n’y êtes absolument pour rien ! Au cours de ces trente dernières années, vous avez gouverné pendant quinze ans ; vous portez donc, en la matière, une responsabilité au moins égale à celle tous les autres gouvernements !
Vous trichez toujours en laissant croire que vous remettrez l’âge de la retraite à 60 ans, alors même que l’Italie vient de le porter à 67 ans. Le parti socialiste est, en Europe, le seul parti de gauche à oser promettre la retraite à 60 ans !
Laisser émerger de fausses espérances sur un tel sujet contribue à déconsidérer l’action politique.
Et, dans le même registre, que dire des 60 000 postes d’enseignants que vous promettez de créer ? Mais vous vous gardez bien de nous dire comment vous allez les financer !
Au travers de ces exercices contre-budgétaires fictifs, vous souhaitez avant tout communiquer ; en témoigne le nombre de communiqués de presse que vous publiez. Mais, en réalité, vous êtes surtout dans le déni. Le Sénat n’aurait jamais dû être le théâtre de telles manipulations de l’opinion.
Quand vous promettez l’enchantement, mentez-vous par omission ou déjà par défaut ? Où sont donc les mesures réellement novatrices dont le Sénat devait avoir la primeur ? Où est le prétendu big bang ?
En réalité, votre apathie lors de l’examen des missions portant sur l’industrie, sur l’énergie et sur la recherche a révélé votre incapacité à clarifier vos positions sur les sujets les plus porteurs d’avenir.
Notre enceinte a échappé aux sordides négociations auxquelles se sont livrés le parti socialiste et les Verts pour échanger de bonnes circonscriptions législatives contre d’utiles centrales nucléaires. Le Sénat aurait pu être le lieu d’un débat fécond sur notre indépendance énergétique.
Et si vous nous parliez du projet de loi de finances rectificative ?...
… les Verts n’ont quasiment pas déposé d’amendements sur ces questions, ce qui démontre que vous êtes bien plus préoccupés par la lutte des places que par la fonte des glaces !
Pourtant, le modèle allemand que vous préconisez, avec le retour des centrales à combustible fossile – avec du charbon que nous n’avons pas et du gaz dont les tuyaux sont contrôlés par M. Poutine, …
… le tout à un coût majoré de 50 % au minimum pour les consommateurs ! – aurait pu faire l’objet d’un débat qui aurait intéressé la Haute Assemblée ! Voilà où sont les vrais enjeux !
Ce n’est pas le sujet ! Il s’agit d’un projet de loi de finances rectificative !
Enfin, que penser des déclarations ambiguës sur l’amitié franco-allemande faites hier par quelques séides irresponsables ?
Aujourd'hui, François Hollande indique même que, s’il est élu, il reniera les engagements de la France auprès de ses vingt-six partenaires européens !
Pour notre part, nous sommes autant attachés à Charles de Gaulle et Konrad Adenauer scellant l’indispensable réconciliation sur les marches de la cathédrale de Reims qu’à Helmut Kohl et François Mitterrand s’inclinant sur nos morts à Verdun. C’est notre histoire, et elle fut tragique ! Aussi faisons-nous, en ce qui nous concerne, confiance à Angela Merkel et à Nicolas Sarkozy pour continuer d’avancer sur ce chemin, qui va bien au-delà du statut de la Banque centrale européenne et des eurobonds.
Or, en dénigrant systématiquement, comme vous le faites, les efforts de ces dirigeants pour sauver notre monnaie commune, vous vous écartez dangereusement de ce chemin. Ce n’est pas sur nos travées que vous trouverez des Munichois !
Notre pays est sur un chemin de crête difficile entre, d’un côté, le coût prohibitif d’une dette à circonvenir et, de l’autre, la nécessité de garder une croissance qui, seule, à terme, permettra de retrouver ce qui nous manque le plus : des emplois. Mais nous croyons en la capacité de ce gouvernement à faire les bons choix.
Face à la nécessaire réduction de la dette – tel était le principal objet du budget et du collectif budgétaire que Mme la ministre du budget a présenté à l’Assemblée nationale, et que nous soutenons –, …
… nous nous opposons aux caricatures budgétaires d’un programme socialiste inabouti et dangereux par ses incohérences fiscales, qui ne vise en réalité qu’à séduire des clientèles électorales très diverses et à détériorer un peu plus encore la compétitivité de notre économie.
Mes chers collègues, j’en termine par ce constat incroyable, mais dressé en toute bonne foi. Le bouquet final, le voici : je vous mets au défi de trouver, dans le capharnaüm de vos amendements, …
… car il s’agit d’un ensemble fait, j’ose le dire, de bric et de broc, une authentique mesure visant à favoriser une plus grande justice sociale.
Mes chers collèges de la droite républicaine et du centre, il nous reviendra, à nous, au cours des prochains mois, de relever ce défi, à la Malraux, dans l’honneur d’un discours de vérité aux Français et la grandeur d’une France courageuse, opiniâtre et volontaire, dont le drapeau est acclamé par le peuple de Benghazi !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en sommes au quatrième collectif budgétaire.
Pour la commission des finances, on le sait, le collectif est toujours, en fin d’année, un exercice difficile ; il l’est encore plus cette année…
… dans la mesure où nous avons eu une semaine de moins que d’ordinaire pour examiner ce texte, un texte dont l'Assemblée nationale a considérablement accru le volume puisqu’il comporte maintenant plus de 70 articles.
Monsieur le président de la commission des finances, j’ai été surpris de vous entendre parler de tout, sauf de ce projet de loi de finances rectificative ! Vous avez parlé de l’Europe dans sa diversité, des accords de ces derniers jours.
C’était de la diversion ! D’ailleurs, personne à droite n’a parlé de ce collectif !
De même, j’ai été surpris de constater que Mme la ministre du budget s’est surtout attachée, lors de la présentation de ce texte, à critiquer les propositions de la gauche, …
Nous avons bien le droit, nous aussi, de critiquer ! À critique, critique et demie !
… évoquant un certain nombre de taxations. J’aurais souhaité qu’elle parle davantage des options politiques qu’elle a retenues dans ce texte.
Quant à la diatribe à laquelle nous avons eu droit à l’instant, elle nous a permis de nous entendre traiter de « menteurs », de « tricheurs », d’« hypocrites », de « Munichois », de « sordides négociateurs »… Je laisse à l’auteur la responsabilité de ses propos.
Mais je ne pense pas que beaucoup de mes collègues siégeant sur les travées de gauche – pour ne pas dire aucun ! – se reconnaîtront dans de telles invectives.
Quelle est la finalité de ce projet de loi de finances rectificative ? Je crois qu’elle est toute simple. Le Premier ministre a annoncé le 7 novembre dernier un plan de réduction du déficit de 17, 4 milliards d’euros à l’horizon de 2016. Ce collectif fait donc suite à cette décision en intégrant une baisse non négligeable de la prévision de notre taux de croissance.
Que penser de cette nouvelle prévision ? La Banque de France n’indiquait-elle pas récemment que la croissance économique serait sans doute nulle en France au quatrième trimestre ? La persistance d’une croissance atone pourrait nécessiter des mesures complémentaires à hauteur de 15 milliards d’euros. Dès lors, l’idée d’un nouveau plan Fillon en janvier 2012 prend naturellement corps…
En tout cas, ce qui paraît le plus préoccupant dans ce projet de loi de finances rectificative, c’est l’incapacité du Gouvernement à soutenir la croissance économique dans notre pays. Il commet une très grave erreur, car il oublie que la faculté d’une économie à rembourser sa dette est jugée autant au regard des équilibres des finances publiques que de son potentiel de croissance.
En outre, je veux relever une innovation qui n’est pas des plus heureuses. Alors que le projet de loi de finances pour 2012 fait toujours l’objet d’une navette entre les deux assemblées, on nous soumet déjà un projet de loi de finances rectificative qui aura un impact lourd sur le budget prévu pour l’année prochaine.
Le président de la commission des finances a parlé de réactivité ; je crois qu’il vaudrait mieux parler d’un procédé expéditif.
Et je n’oublie pas non plus le parti pris, tout aussi critiquable, que trahit la façon dont nous a été présenté ce texte. Peut-on parler de dissimulation ? Beaucoup aujourd'hui en sont convaincus...
Il est assez déplaisant que le Gouvernement entretienne le flou sur l’importance réelle des plans qu’il propose, se référant tantôt à la période 2012-2016, tantôt à 2012-2013 ou encore à 2011-2012. La principale « astuce » dont use le Gouvernement est de raisonner à l’horizon de 2016, en affichant des mesures d’économies, essentiellement virtuelles, au-delà de 2012. Que penser de cet artifice de présentation ? Est-ce bien sincère du point de vue comptable ? On peut sérieusement en douter.
Je veux attirer votre attention, mes chers collègues, sur le fait que l’on doit tenir compte, pour l’exercice 2011– sur lequel le Gouvernement aurait, paraît-il, été très vertueux –, du fait que la réduction du déficit tient pour 92 % à des facteurs exceptionnels liés à la non-reconduction des investissements d’avenir, tels le plan Campus ou le plan de relance, ainsi que l’a souligné tout à l'heure Mme la rapporteur générale. Bref, ces économies relèvent de la pure illusion et, si l’on affiche une réduction du déficit en 2011, c’est bien par la non-reconduction de certaines mesures.
Contrairement à ce que continue d’affirmer le Gouvernement, le plan global qui nous est ici proposé ne repose pas majoritairement sur les dépenses. Il consiste très clairement à augmenter les impôts de façon considérable, et ce en contradiction avec les engagements de Nicolas Sarkozy. Nous avons encore en mémoire ses propos : « Cette folie qui consiste à augmenter les impôts, à augmenter les taxes, je vous le dis clairement, je n’ai pas été élu pour ça et je ne le ferai donc pas. »
Rires sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Or qu’a fait le Gouvernement avec le premier plan de rigueur ? Il a réalisé 11 milliards d’euros d’économies, mais avec des augmentations de taxes à hauteur de 10 milliards d’euros !
Aujourd'hui, ce collectif prévoit des hausses d’impôts supplémentaires en 2013, pour près de 8 milliards d’euros.
Ainsi, au total, les plans de rigueur Fillon I et Fillon II constituent une ponction globale de 18 milliards d’euros d’impôts nouveaux.
Ces prélèvements s’expliquent évidemment par l’emballement de la dette, qui atteindra 1 807 milliards d’euros en 2012, et nous ne pouvons que constater l’accroissement du déficit structurel.
Pourquoi ne pas avoir récupéré une partie des cadeaux fiscaux consentis en début de mandat via des niches fiscales très nombreuses ? Cela aurait été très simple, car notre fiscalité regorge, chacun le sait, de niches inefficaces et injustes.
Depuis 2002, les gouvernements de droite auront créé ou élargi plus de 230 niches fiscales.
Entre 2004 et 2009, elles ont augmenté de 142 %, et le Conseil des prélèvements obligatoires a repéré pas moins de 538 mesures dérogatoires fiscales et sociales, à propos desquelles un rapport officiel de Bercy a indiqué qu’elles étaient improductives pour la moitié d’entre elles, représentant 50 milliards d’euros !
Au lieu de revenir sur ces largesses inconsidérées des années écoulées, le Gouvernement a choisi d’augmenter la TVA, l’impôt le plus injuste qui soit.
Mes chers collègues, augmenter la TVA ne se justifie pas : c’est un choix dangereux, qui entame l’indispensable soutien à la demande intérieure et pénalise majoritairement les plus modestes. De plus, il s’agit d’une mesure contreproductive. Les acteurs économiques eux-mêmes nous font part de leur désarroi. Le dispositif est source de complexité pour les entreprises.
Quelle est la cohérence de cette politique fiscale ? La création d’un deuxième taux réduit, supérieur de 1, 5 point seulement au premier, n’obéit finalement à aucune logique.
À titre de comparaison, souvenons-nous que la baisse de l’ISF accordée en juin dernier représentait un montant équivalent au produit qui sera issu de l’augmentation de la TVA, c'est-à-dire près de 2 milliards d’euros.
En choisissant d’augmenter la TVA, le Gouvernement donne corps, encore un peu plus, à sa préférence pour l’impôt proportionnel plutôt que pour l’impôt progressif.
Mes chers collègues, je crois que ce projet de loi de finances porte en lui la ligne de clivage essentielle entre la droite et la gauche.
D’un côté, se trouve la volonté de s’appuyer sur l’impôt progressif. C’est le choix que nous préconisons.
Nous estimons en effet que la logique républicaine, qui a guidé l’action des gouvernants français pendant tant de décennies, doit trouver son prolongement dans un dispositif qui réhabilite l’impôt progressif.
Au lieu de cela, le Gouvernement veut accentuer la part des impôts proportionnels. Cela conduit à pénaliser les revenus modestes bien plus que les revenus élevés. On a pu le constater ces dernières années, les décisions prises dans le champ de l’impôt sur les sociétés – mais je pourrais tout aussi bien évoquer celui de l’impôt sur le revenu – ont surtout pénalisé les PME, et non pas les grandes entreprises ! Bref, il est clair que notre système fiscal est de moins en moins progressif. En l’occurrence, on pourrait même parler de « régressivité ».
Mes chers collègues, un chiffre illustre parfaitement la dérive de notre fiscalité vers une montée en puissance de l’impôt proportionnel, préconisée par les libéraux et défendue, ce soir encore, par le président de la commission des finances. Il nous a dit, en effet, que la TVA était un bon impôt, sur lequel il fallait davantage s’appuyer pour remplir les caisses de l’État, proposition qu’il avait déjà formulée il y a un an.
Le chiffre sur lequel je veux attirer votre attention est le suivant : entre 2002 et 2012, la part des ressources fiscales provenant de la TVA, l’impôt le plus injuste qui soit, est passée de 44 % à plus de 50 %.
En dix ans de pouvoir exercé par la droite, l’impôt proportionnel, essentiellement la TVA, est devenu une ressource de plus en plus significative, alors que la part de l’impôt progressif a diminué.
Face à ce constat, on comprend mieux le portrait social de la France récemment dressé par l’INSEE, et l’on se convainc aisément de la nécessité d’un traitement beaucoup plus équitable et plus juste des contribuables français.
Pour conclure, je dirai que la situation de nos finances publiques est très difficile. Nous avons clairement indiqué notre préférence pour la progressivité de l’impôt et le respect du grand principe républicain qui veut que chacun contribue selon ses capacités. Or nous avons le sentiment que ce projet de loi de finances rectificative n’intègre pas suffisamment cette exigence.
Cela nous conduira à proposer au Sénat de nombreux amendements qui viseront à établir un système fiscal à la fois plus équitable et mobilisateur. Le présent collectif ne recueille pas, en l’état, notre assentiment. Les amendements que nous allons présenter sont de nature lui donner une autre ambition, une ambition pour l’avenir ! §
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de vous entretenir du présent projet de loi de finances rectificative, je voudrais faire aimablement remarquer à notre collègue Francis Delattre que son propos aux intonations gaulliennes, à moins que ce ne soit des fulgurances du général Boulanger
Rires et applaudissements sur de nombreuses travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.
M. François Fortassin. … réserve un peu trop facilement le privilège de la vérité à la droite, et le mensonge, l’hypocrisie, la confusion et l’utopie – j’en passe et des meilleurs ! – à la gauche !
Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.
Son propos est d’autant plus étonnant que Mme Pécresse a utilisé à plusieurs reprises, au cours de son intervention, le mot « équité ». Nous sommes tous, bien entendu, favorables à l’équité.
M. François Fortassin. Or le quinquennat de Nicolas Sarkozy a surtout été marqué par… le manque d’équité, flagrant pendant dix ans.
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président de la commission des finances, l’UMP était déjà au pouvoir avant 2007 !
L’absence d’équité, en tout cas, a particulièrement marqué ces cinq dernières années, et nos compatriotes n’acceptent pas que l’éventail des revenus, au lieu de se réduire, comme cela devrait être le cas dans une véritable démocratie, s’élargisse.
Mais cela suffit-il à nous satisfaire, monsieur le président Marini ? On trouvera toujours, en Asie du Sud-est, par exemple, des travailleurs qui acceptent des salaires horaires inférieurs à ceux de la France.
Les pays concernés doivent-ils pour autant être considérés comme des modèles ?
À cette heure, je ne m’étendrai pas plus sur ce sujet, d’autant que d’autres en ont parlé avant moi.
Pour ma part, sans négliger la nécessité de rétablir des comptes publics solides dans notre pays, je veux souligner l’importance qu’il y a, en matière économique, à redonner confiance.
Car, malheureusement, nous n’avons plus la confiance des investisseurs. Le Japon, bien qu’écrasé par une dette abyssale, a une économie toujours solide parce que le peuple japonais a confiance en son gouvernement.
Les 10 % qui séparent une économie en relativement bonne santé d’une économie qui connaît une grave récession s’expliquent bien souvent par la confiance.
Nous nous emploierons donc à restaurer la confiance que vous avez dilapidée, car tel est l’héritage que vous allez nous laisser.
Bravo ! et applaudissements sur de nombreuses travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur générale, mes chers collègues, j’ai entendu avec surprise M. Delattre, dans un plaidoyer manichéen, s’en prendre uniquement à la gauche, qui essaie pourtant de reconstruire un budget, sans parler un seul instant de l’action du Gouvernement.
Ma surprise n’était pas moindre lorsque je l’ai entendu évoquer Mendès-France avec des trémolos dans la voix. Dois-je lui rappeler comment ses amis traitaient Mendès-France quand il était au gouvernement ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Dois-je rappeler quels ont été les efforts menés sous Pierre Bérégovoy, que vous avez tour à tour encensé et vilipendé, pour élever le pouvoir d’achat des plus démunis et consolider les acquis sociaux ?
M. Francis Delattre. Les nouveaux pauvres, c’est Pierre Bérégovoy ! Le RMI, c’est nous !
M. le rapporteur pour avis s’exclame
Dois-je rappeler qu’à l’époque de Lionel Jospin les comptes de la sécurité sociale étaient équilibrés, le commerce extérieur était excédentaire, la croissance était au rendez-vous, le partage était équitable et le nombre de chômeurs était en baisse ?
Mendès-France aussi les a perdues. Pourtant, il était courageux et il a fait de bonnes choses pour la France !
Monsieur Delattre, j’aurais aimé vous entendre parler des investissements et des investisseurs. Les agents économiques ne se fondent pas sur la prévision officielle d’une loi de finances rectificative. Ils regardent les statistiques de l’OCDE et prennent en compte le consensus des économistes.
Vous pouvez afficher une prévision volontariste, monsieur le ministre, mais celle-ci ne créera pas la croissance à elle seule. Proclamer un taux de croissance de 1 % devant le Parlement ne suffit pas à l’établir dans notre pays !
Nous allons entrer en 2012 avec une perspective de croissance nulle et un taux de chômage en hausse, qui rejoint celui de la fin des années 1990, soit plus de dix ans de lutte pour l’emploi à refaire.
Surtout, la compétitivité de nos entreprises s’est particulièrement dégradée, et je n’ai pas besoin d’insister sur le déficit de notre commerce extérieur. Là encore, vous n’êtes pas au rendez-vous de vos engagements !
Le taux de marge des entreprises n’a jamais été aussi bas dans notre pays. Il se situe à 28 %, ce qui entame très dangereusement l’investissement, l’innovation et la recherche.
L’investissement, encore l’investissement, toujours l’investissement : voilà ce qui devrait figurer dans le présent projet de loi de finances rectificative. C’est ce que nous avons appelé de nos vœux en 2008, mais nous n’avons jamais été entendus.
La politique d’exonération fiscale, votre politique fiscale depuis 2008, peut-être acceptable en temps de croissance, n’a eu aucun effet contracyclique en temps de crise, car elle ne favorise pas l’investissement, dont on connaît pourtant la contribution majeure à la croissance économique de notre pays.
Souvenez-vous de Mme Lagarde qui, ici même, disait que la loi TEPA allait créer un « choc de croissance » et un « choc de confiance » ! Quelle croissance ? Quelle confiance ?
Pour ne prendre qu’un exemple, nous n’avons eu de cesse de défendre, avec Nicole Bricq, le régime fiscal et social des jeunes entreprises innovantes, raboté en 2011. Il a pourtant fallu attendre ce projet de loi de finances rectificative pour que votre propre majorité se rattrape et rétablisse en partie ce régime, au moins pour corriger le préjudice subi par les jeunes entreprises innovantes après la réforme de 2011.
Je rappelle que 80 % des entreprises ont déclaré avoir réduit leurs investissements en recherche et développement, que 54 % ont limité leurs recrutements liés aux activités dans ce domaine, et que 17 % ont même dû licencier du personnel affecté à ces activités. Voilà le handicap pour la croissance de demain !
Bien que vous ayez refusé de revenir, comme l’avait proposé Mme la rapporteur générale, au dispositif en place avant la réforme de 2011, je soutiendrai le dispositif tel qu’il a été adopté à l’Assemblée nationale et voterai l’article 14 ter de ce projet de loi de finances rectificative.
La droite et la gauche tombent d’accord pour dévier cette « balle perdue » figurant au budget de 2011, pour défendre l’innovation et la contribution à la croissance de nos entreprises les plus dynamiques. J’espère, monsieur le ministre, que le Gouvernement suivra le Parlement sur ce point.
En dehors de cette mesure, ce quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2011 ne comporte toujours pas de mesure d’ampleur visant à relancer l’investissement. Il ne contient, encore et toujours, que des mesures d’austérité. On l’a dit, la réduction des déficits passe non par une politique d’austérité, mais par une politique macroéconomique qui s’attaque simultanément à tous les déficits.
L’emploi, la justice fiscale, le soutien à la croissance : voilà ce qui a manqué dans tous ces textes, qui prétendent seulement répondre momentanément à l’inquiétude des marchés.
Le soutien à la croissance est aussi le grand absent du dernier accord européen, qui ne résout rien à la crise de la zone euro.
Votre plan d’économies porte essentiellement sur des recettes dont les deux tiers pèseront sur les ménages. Les hausses d’impôts représentent plus de 60 % des mesures cumulées de réduction du déficit.
Il faut certes ramener le déficit budgétaire à 3 % du PIB. Mais votre politique d’austérité, qui coupe dans les dépenses, aura pour effet de casser un peu plus la croissance, d’aggraver la récession et, finalement, de rendre encore plus difficile la réduction des déficits.
Dans ce contexte, je trouve impensable que, après avoir abandonné aux marchés et aux agences de notation notre souveraineté nationale en matière de politiques publiques, nous devions à terme abandonner notre souveraineté nationale budgétaire à des instances supranationales, telles que la Cour de justice de l’Union européenne.
Comment, dès lors, notre inquiétude ne serait-elle pas vive ?
Je conclurai mon intervention en étant aussi manichéen que M. Delattre :…
M. François Patriat. … les Français retiendront que les cinq années écoulées auront été celles du déclin, de la hausse du chômage et de l’endettement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur de nombreuses travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, le dernier devait être l’ultime, mais les habitudes s’installent. Voici donc que vient à nous le quatrième collectif budgétaire pour l’année 2011.
Si j’ai bien tout compris, alors que le Parlement n’a pas encore voté la loi de finances pour 2012, le Gouvernement nous propose, dans ce rectificatif au budget de 2011, de redresser le futur budget pour 2012...
L’enchevêtrement de ces textes et l’imbrication de leur lecture installent un sentiment de confusion, pour ne pas dire d’impréparation.
Certes, on en conviendra, la conjoncture financière n’est pas des plus paisibles. Mais, enfin, si le Gouvernement se trouve contraint d’empiler les textes à ce rythme, c’est tout simplement parce que ses hypothèses de croissance sont systématiquement – et donc délibérément – surévaluées.
En septembre, alors que vous présentiez un budget fondé sur une croissance de 1, 75 %, déjà accompagné d’un premier plan de rigueur, le consensus des prévisions s’établissait autour de 1 %.
Ainsi, le budget alternatif que les écologistes ont exposé le 4 octobre dernier devant la presse reposait déjà sur une croissance de 0, 8 %, qui se situe encore aujourd’hui dans la fourchette des prévisions.
L’hypothèse de 1 % sur laquelle, pour votre part, vous vous ajustez aujourd’hui est, en revanche, cette fois encore, un peu trop optimiste.
Tout à sa course folle derrière une note que nous avons d’ailleurs déjà virtuellement perdue, le Gouvernement échoue ainsi à conserver un cap à une politique qui n’aura pas résisté longtemps à l’épreuve des faits.
M. Sarkozy s’était engagé à diminuer les impôts ; les prélèvements obligatoires, sous son quinquennat, ont augmenté de plus de 20 milliards d’euros.
Il prétendait cibler sa politique budgétaire sur les économies plutôt que sur les recettes ; la dépense publique, représentant 56, 6 % du PIB, atteint aujourd’hui un niveau record ! Voilà les chiffres, mon cher collègue Francis Delattre.
Il propose une règle d’or, censée assurer la vertu budgétaire ; c’est sous son quinquennat que la dette a explosé, à coup de libéralités accordées aux plus riches.
Les demi-mesures contenues dans ce projet de loi de finances rectificative témoignent de ces contradictions : plutôt que de diminuer les dépenses, comme vous vous plaisez à l’afficher, ce sont bel et bien à des augmentations d’impôts que vous procédez, mais sans aller au bout de leur logique !
Vous augmentez le taux de l’impôt sur les grandes sociétés, mais vous oubliez que la plupart d’entre elles échappent en fait méthodiquement à son assiette.
Vous augmentez le taux du prélèvement forfaitaire libératoire sur les intérêts et les dividendes, sans pour autant aller jusqu’à intégrer ces revenus dans le barème de l’impôt progressif.
Vous gelez indistinctement ce barème, faisant ainsi porter l’effort par tous, plutôt que d’y ajouter une tranche supérieure sur les plus hauts revenus.
Vous sacrifiez, enfin, à une augmentation partielle de la TVA, prélèvement injuste entre tous, qui frappe chacun indépendamment de sa capacité contributive.
Cette politique d’austérité, que vous préconisez pensant rassurer les marchés, n’est pas seulement injuste, c’est avant tout une erreur. Vous considérez que les politiques sociales et la redistribution sont des luxes de pays riche, des freins à l’économie, à l’investissement, à la sacro-sainte croissance.
En réalité, que constate-t-on ? Comme le démontre un récent rapport de l’Organisation internationale du travail, l’OIT, les profits, ces dernières années, n’ont cessé de croître et ils ont été accaparés par le capital, au détriment des salaires et de l’investissement.
Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.
Or c’est la conjugaison de ces deux phénomènes qui est à l’origine de la crise ! Certes, les marchés ont été par trop dérégulés, mais cette crise n’est pas que financière : c’est aussi une crise de la répartition des richesses. C’est parce que des travailleurs américains ont été contraints de s’endetter plus que de raison qu’est survenue la crise des subprimes.
En Europe, les déficits structurels des pays montrés du doigt ne sont que la contrepartie des excédents structurels de pays comme l’Allemagne. Or c’est parce qu’il affiche des salaires très bas par rapport à sa productivité et recèle de grandes inégalités sociales que ce pays est à même de dégager de telles marges.
Une politique de sortie de crise ne pourra pas faire l’économie d’un meilleur partage de la valeur ajoutée entre travail, investissements et dividendes.
L’autre déterminant totalement ignoré de cette crise – vous ne m’en voudrez pas d’en parler ce soir, même à cette heure tardive –, c’est, bien sûr, la crise écologique.
Alors que s’achève la conférence de Durban, éclipsée par la conjoncture financière, on apprend que les émissions de dioxyde de carbone, loin de s’être stabilisées comme on avait pu le croire un temps, ont atteint en 2010 le niveau inégalé de 9, 1 milliards de tonnes.
Cher collègue Francis Delattre, vous avez fait part de votre préoccupation, qui vous honore, relative à la fonte des glaciers. Non seulement elle se poursuit, mais elle s’accélère...
... et les épisodes cycloniques se multiplient dans les zones tropicales.
La France a connu en 2011 des records de sécheresse qui ont provoqué des pénuries de fourrage.
Le climat est sur une trajectoire de réchauffement de 3, 5 degrés, alors que la communauté internationale avait fixé à 2 degrés le plafond à ne pas dépasser.
L’empreinte écologique mondiale est aujourd’hui de l’ordre de 1, 3. Cela signifie que, chaque année, l’humanité consomme en ressources naturelles l’équivalent d’environ une planète un tiers. Concrètement, cette année, c’est le 27 septembre que nous avons achevé de consommer les ressources que notre environnement est à même de produire en une année sans compromettre leur renouvellement. Depuis cette date, et jusqu’au 31 décembre, nous vivons à crédit écologique.
Alors, certes, il n’est venu à l’idée d’aucune agence de notation d’en tenir rigueur aux États des pays écologiquement les plus dispendieux. Et pourtant, ce déficit est autrement plus grave que le déficit budgétaire ! La dette financière reste une abstraction avec laquelle l’homme peut composer. Notre climat, nos aliments, notre santé environnementale, tout cela ne se restructure pas.
Comme la crise sociale, la crise écologique est un soubassement de la crise financière. Lorsque, dans les années soixante-dix, les néolibéraux ont cru bon de financer par l’endettement la création de valeur qu’ils accaparaient ensuite au profit d’une minorité, on a vu croître dans un même mouvement les dettes des États et la consommation des énergies fossiles. Les courbes se superposent !
Aujourd’hui, les matières premières, notamment les matières agricoles, deviennent les dernières valeurs refuge de marchés déboussolés, causant parfois de grandes tensions financières sur des produits essentiels à la survie des populations. Même en France, on a vu ces dernières années le prix du pain considérablement augmenter.
Répondre à la crise écologique et restaurer une justice sociale sont des conditions absolument nécessaires à une sortie de crise. Malheureusement, votre politique, monsieur le ministre, ne va pas dans ce sens. Vous tenez les considérations sociales et écologiques pour des suppléments d’âme. Vous devriez plutôt y voir les limites intrinsèques du modèle libéral productiviste que vous défendez sans discernement, alors qu’il est de toute façon condamné à se désagréger rapidement.
Quoi qu’il en soit, votre politique d’austérité, fût-elle européenne, ne le sauvera pas, mais sa chute risque, en revanche, d’être dramatique pour les peuples.
À Europe Écologie Les Verts, nous avons depuis longtemps compris que la solution sera nécessairement européenne. Mais ce n’est pas celle que vous préconisez ! Votre Europe ne porte que sur la discipline budgétaire et vous nous proposez une concertation intergouvernementale comme horizon indépassable de la démocratie !
Les écologistes appellent de leurs vœux des institutions véritablement démocratiques, élues au suffrage universel européen, et tiennent pour inéluctable le cheminement vers une plus grande intégration économique. Celle-ci devra reposer sur une mutualisation des dettes et l’émission d’obligations européennes, une gestion concertée des divergences macro-économiques, les pays vertueux n’étant pas toujours ceux que l’on croit – je parlais de l’Allemagne à l’instant –, une harmonisation fiscale reposant sur la majorité qualifiée et, enfin, un budget fédéral bénéficiant de ressources propres pour entamer, à l’échelle européenne, la reconversion écologique de l’économie.
Malgré la gravité de la situation, des chemins existent, à la fois démocratiques et soutenables. Les écologistes ne vous suivront donc pas, monsieur le ministre, sur la voie de l’austérité. Très sincèrement – j’espère que cela fera plaisir à mes amis radicaux ici présents –, le bon conseil à donner au Gouvernement est, selon moi, non pas de se fixer sur le triple A des agences de notation, mais plutôt de faire attention à un triple A qui est plus ancien, mais bien plus révolutionnaire, celui de Danton à l’Assemblée législative, qui exhortait : « De l’audace, encore de l’audace et toujours de l’audace ! »
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, tout au long de cette session budgétaire, nos débats auront fait apparaître la profondeur des divergences qui séparent désormais le Gouvernement et la Haute Assemblée.
Je remercie l’ensemble des orateurs qui viennent de s’exprimer et j’adresse un merci tout particulier à ceux qui ont tenu à soutenir ce projet de loi de finances rectificative.
Il convient de prendre l’exacte mesure des divergences que j’évoquais.
À la suite du président Marini, dont je salue, une fois encore, la clairvoyance et la lucidité, je voudrais, madame la rapporteure générale, rappeler quelques faits qui parlent d’eux-mêmes.
Tout d’abord, en matière d’anticipation, je ne peux croire que la Haute Assemblée cède ainsi aux illusions rétrospectives.
Madame la rapporteure générale, la prévision est un art difficile.
Je le dis à François Patriat, ainsi qu’à Jean-Vincent Placé, au printemps dernier, l’immense majorité des observateurs français et étrangers prévoyait une reprise, personne ne peut le nier, et les chiffres de croissance du premier trimestre le confirmaient, c’est un fait que personne ne peut contester non plus.
Mais il y a eu la crise, une crise certes française, mais aussi européenne et mondiale. Or le propre des crises, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est d’être soudaines et brutales. Oui, l’été dernier, nous sommes entrés dans une période de turbulences auxquelles il faut faire face.
L’honneur de ce gouvernement, madame la rapporteure générale, c’est d’avoir mesuré, en toute lucidité, l’ampleur de cette crise et d’avoir pris immédiatement toutes les décisions qui s’imposaient. Je remercie la majorité présidentielle qui les a soutenues.
Dans l’histoire récente de notre pays, une attitude aussi responsable est rare ; elle est si rare qu’elle mérite d’être signalée, nul ne peut le contester.
Philippe Marini a dit une chose très vraie, à savoir qu’un projet de loi de finances rectificative est un exercice de vérité, de réactivité face à une situation imprévisible. Nous sommes exactement dans ce cas-là !
Nul ne peut le contester, la stratégie de ce gouvernement est marquée du sceau de la constance, d’abord dans les objectifs.
Les objectifs pour 2011 et 2012 étaient très clairs : réduire le déficit public à 5, 7 % en 2011 et à 4, 5 % en 2012. Malgré les circonstances, ces objectifs restent intangibles et sont notre ligne de mire.
La stratégie du Gouvernement est ensuite marquée du sceau de la constance dans la méthode. Celle-ci repose d’abord et avant tout sur les économies en dépenses, et ce collectif démontre l’importance des efforts que nous avons engagés.
Pour la première fois depuis 1945, les dépenses de l’État baissent. Là aussi, c’est un fait, mais je ne vous ai pas entendus en parler. Pourquoi ne pas le reconnaître ?
Pour être concret, quelles sont les sources d’économies ? La réponse est simple : ce sont la baisse des dépenses et les réformes que vous avez combattues point par point qui ont rendu possibles ces économies.
Je pense, par exemple, à la révision générale des politiques publiques engagée dès 2007. Prévoyants, nous l’avons été. Le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique de l’État est l’une des mesures prises qui nous permet aujourd’hui de faire face à la situation.
Je songe à la réforme de la carte militaire, engagée en 2008, à la réforme de la carte judiciaire, que nous avons menée en 2009, et, bien sûr, à la réforme des retraites, sur laquelle vous souhaitez revenir, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, mais sans la moindre crédibilité, comme l’a justement souligné Francis Delattre.
Dans la perspective de la campagne présidentielle qui s’annonce, espérons que le candidat socialiste clarifiera bientôt sa position : comptez-vous, oui ou non, revenir, comme vous vous y êtes engagés, à la retraite à 60 ans ?
Ces réformes, vous les avez toutes combattues ; vous n’en avez voté aucune ! C’est votre droit le plus strict, nul ne le conteste. Toutefois, le combat que vous avez mené contre ces réformes ne vous autorise pas aujourd’hui à critiquer les principes d’action que traduit ce projet de loi de finances rectificative, par lequel le Gouvernement entend précisément adapter le budget de la France au contexte de crise.
Madame Beaufils, il faut être cohérent dans le temps. Je viens d’évoquer une série de réformes accomplies depuis 2007 ; nous sommes à présent en 2011. Vous combattez cette politique, soit ! Mais vous ne pouvez pas défendre l’inverse de ce que vous souteniez hier : dans ce cas, il aurait fallu nous appuyer naguère. C’est la logique.
Vous ne pouvez pas à la fois combattre ces réformes et nier qu’elles nous permettent aujourd’hui de réaliser des économies que je qualifierai d’historiques. Dans ce domaine également, la crédibilité est du côté du Gouvernement.
Monsieur Collin, cette crédibilité est le fruit de cinq ans d’actions et de réformes qui nous permettent de réduire, pour la première fois, la masse salariale de l’État hors dette et pensions. C’est dire le travail qu’il a fallu accomplir !
Les efforts que nous avons consentis en 2011 et auxquels nous nous préparons pour 2012 s’inscrivent dans la droite ligne de cette politique rigoureuse. Ils atteignent 52 milliards d’euros, dont plus de la moitié consiste en des réductions de dépenses.
Voilà quelques instants, lors de la discussion générale, certains orateurs ont évoqué les dispositions votées par le Sénat dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, notamment les nombreuses taxes que vous avez créées, à hauteur, me semble-t-il, de 40 milliards d’euros.
Ce sont les chiffres que j’ai lus dans la presse, madame la rapporteure générale, pardonnez-moi si je me trompe...
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il ne faut pas lire le journal, monsieur le ministre !
Sourires.
Quoi qu’il en soit, l’adoption de telles taxes ferait peser 20 milliards d’euros de charges supplémentaires sur les entreprises. Je reviendrai sur ce point.
Le Gouvernement fait également preuve de constance en matière de recettes : en effet, notre stratégie est encore et toujours d’opérer des prélèvements ciblés dans un esprit de justice. Deux exemples l’illustrent.
Premièrement, la majoration exceptionnelle de l’impôt sur les sociétés ne concerne que les grandes entreprises.
Monsieur Foucaud, je précise que les sociétés réalisant plus de 2, 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires contribueront à hauteur de 50 % du produit de cette majoration. Il s’agit bien des grands groupes que vous mentionniez tout à l’heure ! Vous devriez non seulement reconnaître cette réalité, mais aussi approuver l’action du Gouvernement en la matière. D’ailleurs, à mes yeux, vous auriez dû voter ces dispositions, qui répondent au constat que vous dressez. Je vous lance donc un appel à la cohérence.
Cette mesure n’est en aucun point comparable à la hausse générale de l’impôt sur les sociétés que vous avez adoptée lors de l’examen du projet de loi de finances, et qui aboutirait à augmenter de 50 % l’imposition de toutes les entreprises, y compris les PME – je le souligne ! – que, pour notre part, nous souhaitons protéger.
Deuxièmement, la hausse du prélèvement forfaitaire libératoire ne concerne, par définition, que les ménages percevant des revenus du capital et relevant des plus hautes tranches du barème de l’impôt sur le revenu. Voilà la vérité !
Dans ce domaine, également, la constance et la crédibilité sont de notre côté. En effet, cette augmentation vient parachever notre effort historique de rapprochement de la fiscalité du capital et du travail. Elle s’ajoute à la hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, à la refonte du régime des plus-values immobilières et à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, dont l’assiette comprend à la fois les revenus du capital et ceux du travail. Voilà la vérité !
Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, telle est la réalité des mesures que nous proposons, aux antipodes de l’image que vous en donnez ! Ces mesures sont tout simplement sans précédent. Les leçons de justice fiscale, comme le soulignait Francis Delattre, nous sommes donc en mesure de les donner – j’en suis persuadé et je suis du reste en train de le démontrer – non de les recevoir.
Je le rappelle à François Marc comme à François Fortassin ainsi qu’à Jean-Vincent Placé : les principes d’équité et de progressivité sont au cœur de notre politique fiscale. Le plafonnement des niches en matière d’impôt sur le revenu a été décidé par le Gouvernement. Il a ainsi mis un terme aux mécanismes d’optimisation fiscale, qui, en 2000 – alors que M. Jospin était au pouvoir –, permettaient à un ménage percevant 1 million d’euros de ne pas verser le moindre centime au titre de l’impôt sur le revenu ; aujourd’hui le même ménage acquitte au moins 340 000 euros.
Monsieur Marc, vous semblez étonné : je le répète, cette situation correspond à l’époque où M. Jospin était Premier ministre !
Monsieur le rapporteur pour avis, vous savez que le Gouvernement veille à ce que la création du nouveau taux de TVA ne déséquilibre aucun secteur. C’est la raison pour laquelle nous avons confié à Pierre-François Racine une mission de suivi consacrée exclusivement à la filière du livre.
De plus, c’est pour lui permettre d’appliquer cette mesure dans de bonnes conditions que nous différons de deux mois, pour ce seul secteur, l’entrée en vigueur du nouveau taux. Il s’agit là d’un geste très fort qui exprime la détermination du Gouvernement à prendre en compte sa situation très particulière.
J’espère que vous approuvez cette mesure, monsieur le rapporteur pour avis.
De surcroît, je vous rappelle que, sous l’impulsion du Président de la République, nous avons créé le label « librairie indépendante », assorti d’une exonération de cotisation économique territoriale ; nous aurons l’occasion d’aborder de nouveau ce sujet, comme les autres points que vous avez évoqués, lors de l’examen des articles de ce collectif budgétaire.
Madame la rapporteure générale, les différents textes que le Sénat a examinés relèvent donc de la même stratégie et des mêmes principes : constance et réactivité.
Monsieur Marc, je vous l’affirme : le Gouvernement a pris les décisions qui s’imposaient chaque fois qu’elles étaient nécessaires. Comme l’a parfaitement souligné M. le président de la commission des finances, si nous n’avions pas agi, vous n’auriez pas manqué de nous le reprocher, et en quels termes !
M. François Marc s’exclame.
Nous ne vous en avons pas laissé l’occasion, ce qui ne vous empêche pas de formuler des critiques...
M. le président de la commission des finances manifeste son approbation
À l’évidence, les circonstances imposaient au Gouvernement d’agir ; c’était notre responsabilité, et nous y sommes restés fidèles.
Madame la rapporteure générale, on ne peut pas prétendre en permanence redresser les finances publiques tout en rejetant le moindre engagement contraignant à ce sujet : c’est impossible !
Vous aurez tout loisir de vous entretenir de ce sujet avec Mme la ministre du budget au cours de ce débat : lors de l’examen des articles, elle vous détaillera l’ensemble des engagements contraignants pris par le Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans la crise que nous traversons aujourd’hui, les mots ne suffisent plus, seuls les actes comptent.
Précisément, madame la rapporteure générale, c’est vous qui, tout à l’heure, parliez des observateurs internationaux, des marchés, des agences, etc. Ces acteurs ne jugent que les actes ; ils ne se contentent plus des paroles depuis belle lurette. Or le Gouvernement s’honore de prendre avec courage et réactivité les mesures qui répondent aux attentes de ces observateurs, pour ne pas dire à celles des marchés !
Passer aux actes, c’est également instituer la règle d’or, …
… cette disposition qui fait consensus dans l’Europe tout entière. Madame la rapporteure générale, en Allemagne, en Espagne et dans d’autres pays de l’Union européenne, les socialistes – dont les convictions sont aussi sincères que les vôtres – se sont unis aux forces politiques de droite pour adopter la règle d’or. Je regrette que, en France, nous ne parvenions pas à un consensus républicain, dans l’intérêt de notre pays, dans l’intérêt de la protection des Français et de la France, et ce dans un contexte aussi difficile sur les plans européen et mondial.
Un tel consensus honorerait notre Parlement, notre démocratie, si, pour une fois, nous parvenions à dépasser les clivages partisans et à nous accorder, dans l’intérêt national, sur la règle d’or !
Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, je n’ai pas la prétention de vous lancer un quelconque appel. Toutefois, je souligne que le monde entier nous regarde, que les marchés nous observent et qu’ils analysent vos réactions, car ils savent que nous souhaitons adopter une semblable règle d’or. Je ne cesserai de vous répéter qu’il serait bon que vous acceptiez d’accomplir un effort, à l’image de vos amis socialistes des pays voisins, qui ont déjà entrepris une semblable démarche.
Partout en Europe, les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, ont pris conscience de la nécessité d’apporter des réponses nationales et européennes à la crise ; or, alors même que l’Europe est en train de se rassembler, vous semez la division en remettant en cause des avancées qui unissent les membres de la zone euro autour de ce bien commun qu’est la monnaie unique.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx proteste.
Je songe tout particulièrement à l’accord du 9 décembre dernier : lorsque vingt-six des vingt-sept États membres de l’Union européenne parviennent à s’entendre, en partie sous l’impulsion de la France et de l’Allemagne – et j’en suis très fier –, ne peut-on pas considérer qu’un progrès exceptionnel a été accompli ? Pourquoi ne pas le reconnaître ? pourquoi ne pas s’engager avec enthousiasme dans la voie du consensus européen ? Ce serait bon pour la France, pour l’Europe et pour notre monnaie unique, l’euro !
C’est pourquoi je salue le souci exprimé par Aymeri de Montesquiou de parvenir à un consensus national, auquel j’appelle également, monsieur le sénateur. Mesdames, messieurs les sénateurs, dans les circonstances exceptionnelles que nous traversons, nous pouvons faire fi de nos divergences, …
… et nous accorder sur une règle de conduite qui occulte, quelques mois durant, nos divergences. Elles reparaîtraient assez rapidement ensuite, au cours de la campagne présidentielle, j’en suis bien conscient ! Mais, d’ici là, nous aurions pu marcher quelque temps côte à côte pour sauver l’Europe, l’euro et notre pays.
Monsieur de Montesquiou, vous avez raison d’appeler au consensus. Sachez que le Gouvernement est prêt à appuyer tout effort en ce sens, mais encore faut-il que les conditions nécessaires soient réunies. J’espère très sincèrement que tel sera le cas et que la Haute Assemblée sera présente à ce rendez-vous.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.
Personne ne demande plus la parole ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Je suis saisi, par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 195.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011 (n° 160, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Éric Bocquet, auteur de la motion.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’appel à l’union nationale face à la crise qui vient d’être lancé, les propos que je tiendrai seront quelque peu différents.
Selon les experts, le déficit public des pays de la zone euro s’élèvera, en 2012, aux alentours de 4 % de leur produit intérieur brut. Au Japon et aux États-Unis, ce déficit atteindrait même 9 % du PIB. La réduction des déficits n’est donc pas une priorité absolue, et encore moins le Graal de la gestion financière !
Ainsi, très récemment, au mois d’août, l’économiste Henri Sterdyniak, de l’Observatoire français des conjonctures économiques, commentant les politiques budgétaires actuellement en vigueur en Europe, écrivait ceci : « Les pays européens ne peuvent pas vivre en permanence dans l’angoisse des agences de notation. Cela reviendrait à dire que ces agences auraient un droit de regard perpétuel sur les politiques économiques. La bonne stratégie est de faire la politique économique que nous jugeons bonne et de compter sur la Banque centrale européenne, la BCE pour maintenir des taux d’intérêt relativement bas. La BCE doit dire que, si nécessaire, elle achètera des titres de la dette publique. Aujourd’hui, des pays qui sont hors zone euro, comme le Royaume-Uni, les États-Unis, le Japon, ont des déficits et des dettes publics plus importants que la zone euro mais ont des taux d’intérêts beaucoup plus bas. »
Bien évidemment, je ne me livrerai pas à l’exégèse du discours de l’un de ces économistes « atterrés » qui n’ont, bien entendu, pas l’oreille de l’Élysée, de Bercy et de Matignon. Je relèverai malgré tout quelques points.
Tout d’abord, depuis la semaine dernière, les tenants de l’actuelle politique gouvernementale laissent croire à qui veut bien l’entendre que l’Europe a pour ainsi dire été refondée par l’accord entre les deux partenaires du couple franco-allemand, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.
Une telle lecture des faits appelle plusieurs observations.
Premièrement, elle nie l’évidence, c’est-à-dire le fait que la démocratie apparaît bel et bien comme le cadet des soucis des auteurs de l’accord, puisque les politiques budgétaires de tous les pays de la zone euro et de l’Union européenne se trouveront ainsi placées sous tutelle.
D’ailleurs, les gouvernements de ces États sont nommés sans l’avis des citoyens.
Ce faisant, ces pays seront placés sous tutelle tant de la Commission européenne, qui, au demeurant, n’est jamais apparue comme la quintessence de l’institution démocratique – de fait, elle reste sourde aux aspirations des peuples et largement sujette aux pressions des lobbies les plus divers –, que de la Cour de justice de l’Union européenne, la CJUE, devenant, par un jeu institutionnel pour le moins ahurissant, le juge en dernier ressort des politiques économiques et budgétaires des États !
Deuxièmement, cet accord ne remet nullement en question les dispositions du traité de l’Union européenne relatives à la place et au rôle de la Banque centrale européenne.
Par un stupéfiant retournement dialectique dont la logique nous échappe quelque peu, la BCE garde ainsi comme objectif fondamental la lutte contre l’inflation, et, à cette fin, elle conserve toute latitude pour limiter la création monétaire, assurant de fait la « sécurité » des moyens de paiement, c’est-à-dire le maintien du monopole réel des banquiers sur ces derniers. On croit rêver !
À ce titre, la BCE se trouve autorisée à prêter, au taux défiant toute concurrence de 1 %, aux banques privées toutes les liquidités dont elles pourraient avoir besoin pour réaliser leurs règlements interbancaires. En revanche, il est toujours interdit à la Banque centrale européenne de prêter de l’argent pour financer, en premier ressort, les politiques publiques des États membres de la zone euro et, singulièrement, toute politique d’investissement public susceptible de créer les conditions de la croissance.
L’Espagne, la Grèce ou l’Italie sont autorisées à rester aux prises avec les retards et handicaps économiques de certaines de leurs régions les moins développées, la BCE ne bougera pas d’un pouce pour y remédier !
Dans le même ordre d’idées, les États ne peuvent solliciter la BCE pour répondre aux nécessités de leurs choix budgétaires et économiques, notamment s’ils ont le mauvais goût d’être à l’origine de déficits budgétaires temporaires ou conjoncturels. Mais quel progrès la construction européenne a-t-elle donc accompli dans ces circonstances ?
Résumons-nous : la BCE prête à une banque privée au taux de 1 %. La même banque privée, pour ne pas laisser cette somme dormir dans un coin sans rapporter un peu d’argent, décide de participer à l’adjudication de titres de dette publique d’un des pays de la zone euro. Elle réalise ainsi une opération pour compte propre, si tant est que nous ayons bien compris le procédé.
Comme la France, malgré son triple A, emprunte à un taux proche de 3, 3 %, on voit tout de suite la marge qui peut ainsi se dégager de l’opération. Il en est de même des titres de dette publique d’autres pays, titres qui peuvent tout aussi bien changer de mains en tant que de besoin.
C’est donc, dans les faits, à une nouvelle poussée de fièvre spéculative que devrait conduire l’accord issu du dernier Conseil européen. C’est bien là la méthode du docteur Diafoirus, qui infligeait la saignée à ses patients déjà anémiés !
Comme nous l’avons indiqué, cet accord a justifié et validé les options prises par les politiques en œuvre dans l’Euroland, à savoir l’austérité à tous les étages !
Ces « serrages de ceinture » généralisés ont d’ailleurs eu des conséquences précises sur un plan plus directement politique : en Irlande, le gouvernement en place a été balayé par les électeurs au printemps dernier.
En Espagne, le gouvernement de M. Zapatero a été battu aux élections.
En Grèce ou en Italie, les premiers ministres en place, autant par incapacité à tenir leur programme que par usure, ont été débarqués et remplacés par des « techniciens », issus d’ailleurs des structures de conseil d’une célèbre banque américaine, Goldman Sachs, pour ne pas la nommer ; en Slovénie, le parti social démocrate au pouvoir a subi un revers électoral et ce sont d’autres forces de gauche qui ont obtenu la majorité.
En Allemagne, tous les scrutins régionaux qui se sont déroulés cette année ont conduit au recul de la CDU de la Chancelière Angela Merkel et à la quasi-disparition de son allié proeuropéen et libéral, le FDP.
Au Portugal, le parti au pouvoir a été battu par l’opposition de droite, mais celle-ci est désormais confrontée à un puissant mouvement social contre la politique d’austérité qu’elle entend mener dans le pays.
Quant à la politique d’austérité mise en œuvre par le gouvernement de droite danois, elle a également été sanctionnée par les électeurs, qui ont préféré choisir un gouvernement composé de partis progressistes.
Ainsi, partout sur le territoire de l’Union européenne, le sort des urnes a été contraire aux attentes des tenants actuels de l’austérité.
Je pourrais presque inviter les parlementaires de l’opposition sénatoriale à voter notre motion pour s’épargner cette destinée, mais là n’est pas le sujet !
Il convient de rompre clairement avec la politique et les plans d’austérité menés en France et dans la plupart des pays de la zone euro. D’ailleurs, s’il fallait une preuve de la nécessité de cette mesure, elle résiderait très exactement dans l’examen de la situation des pays aujourd’hui frappés par ces plans.
La Grèce, qu’on a voulu affubler du bonnet d’âne européen, connaît cette année une récession plus grave encore que celle qu’elle avait dû affronter jusqu’alors.
Nous avions, en son temps, rejeté le plan européen relatif à ce pays, au motif, précisément, qu’il ne lui permettait pas de se remettre dans le bon chemin. Les faits semblent malheureusement nous donner raison !
La situation de l’Irlande n’est pas meilleure ; quant à la Hongrie, l’appauvrissement de sa population est particulièrement significatif.
Et l’on dit désormais que près d’un ménage français sur six renonce à se chauffer, en raison de la hausse continue des prix de l’énergie domestique !
Le débat sur le projet de loi de finances pour 2012 a été l’occasion, pour la nouvelle majorité sénatoriale, de faire valoir un certain nombre de propositions alternatives face à la volonté dogmatique de réduire les dépenses publiques, volonté utilisée, pour l’heure, pour justifier les choix gouvernementaux.
Mes chers collègues, permettez-moi, à ce stade, de rappeler un certain nombre de faits.
Comment pouvons-nous continuer à lever un impôt sur le revenu dont le produit, proche de 60 milliards d’euros, subit des mesures correctrices atteignant au moins 40 milliards d’euros et bénéficiant d’abord et avant tout aux revenus les plus élevés, en particulier aux revenus financiers ?
Comment pouvons-nous continuer à tolérer un impôt sur les sociétés rapportant péniblement, les bonnes années, 50 milliards d’euros, alors que 110 milliards d’euros environ, soit deux fois plus, sont utilisés pour en « corriger » l’application ?
Un impôt dont nous abandonnons les deux tiers du produit, ce n’est plus un impôt à 33 %, c’est un impôt à 10 % !
Comment, au moment où les comptes publics sont dans le rouge, pouvons-nous accepter qu’un allégement de l’impôt de solidarité sur la fortune de 2 milliards d’euros soit encore accordé, d’autant que cela vient s’ajouter à l’exonération des biens professionnels et à quelques autres niches venant « miter » cet indispensable impôt ?
Comment pouvons-nous accepter le maintien du dispositif « heures supplémentaires », dont le coût s’avère d’autant plus élevé qu’il est devenu un obstacle à la création d’emplois, notamment d’emplois intérimaires ?
Comment pouvons-nous accepter que persiste un dispositif d’allégement général des cotisations sociales, dont le coût est également très élevé, et qui, depuis dix ans, a ouvert tout grand la « trappe à bas salaires », dans laquelle des millions de travailleurs ont été jetés, sans respect ni pour leurs droits ni pour leurs compétences et qualifications ?
Ces questions, mes chers collègues, nous y avons répondu au cours du débat budgétaire pour 2012. Elles seront, quoi qu’il arrive, au cœur du débat politique des mois à venir. C’est bien parce que notre pays souffre d’un déficit résultant d’abandons successifs et massifs de recettes, qu’il s’agisse de l’impôt sur les sociétés, de l’impôt sur le revenu des plus riches, de la taxe professionnelle ou de la participation des entreprises au financement du développement local, que nous devons changer totalement de braquet !
La dette publique, mes chers collègues, n’est pas due à un excès de dépenses publiques, aux effectifs pléthoriques de la fonction publique ou à je ne sais quelle dérive des dépenses sociales ; elle résulte bel et bien de décennies de cadeaux fiscaux – ils ont été particulièrement importants au cours de ces dernières années –, qui ont entraîné une diminution des recettes, alors que les besoins sociaux s’accroissaient.
Des années de politique libérale ont laissé aux plus riches, aux grands groupes, des sommes toujours plus considérables à leur libre disposition. Qu’en ont-ils fait ? Nous avons un niveau de dette publique rarement égalé en temps de paix, des déficits publics dont ni le montant ni le niveau n’avaient encore été atteints sous la ve République, un déficit de notre commerce extérieur d’une ampleur également inégalée, et il faudrait continuer, faire comme si de rien n’était et laisser ceux qui ont usé et abusé de l’argent public laissé à leur discrétion continuer de le gaspiller ?
Au moment où les conditions de réalisation du nouveau ministère de la défense en formule « PPP », ou « partenariat public-privé », et l’attribution de ce marché au groupe Bouygues nourrissent désormais les doutes les plus sérieux, on comprend que le gaspillage des deniers publics doit effectivement cesser !
Une réforme fiscale de grande ampleur est la condition sine qua non du redressement de nos comptes. Or, force est de le constater, elle ne figure aucunement dans ce collectif, qui ne comporte que des mesures de portée conjoncturelle, faussement présentées sous couvert d’équité, en faisant évidemment abstraction de ce que je viens de rappeler de notre histoire fiscale récente.
La question de la dépense publique est également au cœur d’un projet réellement alternatif de gestion budgétaire. En effet, nous ne souffrons aucunement d’un trop haut niveau de dépenses publiques.
Au risque d’en étonner certains, je me permets tout de même de vous rappeler, mes chers collègues, qu’il est heureux, pour nos banquiers, nos compagnies d’assurance, nos commerçants, qu’il existe dans notre pays une population de plusieurs millions de fonctionnaires. Comment feraient-ils s’il n’y avait cette population disposant d’un revenu assuré, versé de manière régulière ?
Je me demande, dans les mêmes termes, ce que ferait l’État lui-même, notamment du point de vue de la régularité de ses propres ressources fiscales.
J’irai même au bout de cette réflexion. Certains se sont gaussés d’une proposition visant à créer 60 000 postes nouveaux dans l’éducation nationale, dont le coût serait prétendument « insupportable » pour les deniers publics. Mais les vingt années passées par 60 000 jeunes diplômés en attente de ces emplois sur les bancs de nos écoles, collèges, lycées et universités, combien cela coûte-t-il à la nation ?
Telles sont donc les raisons qui nous conduisent à vous demander, mes chers collègues, de voter cette motion tendant à opposer la question préalable.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
L’adoption d’une question préalable aboutirait soit à rejeter la totalité du texte soit à considérer qu’il n’y a pas lieu de délibérer.
Or la discussion générale nous a montré, mes chers collègues, qu’il y avait lieu de délibérer, puisque deux visions s’opposent à propos de ce texte, sur lequel près de 200 amendements ont été déposés. Il paraît donc important de les examiner intégralement pour montrer, justement, comme nous l’avons fait lors de l’examen de la loi de finances pour 2012, qu’un autre chemin est possible.
Par conséquent, la commission n’est pas favorable à l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable.
Mme la rapporteure générale vient très justement de rappeler les termes de l’article 44 du règlement du Sénat, je n’y reviendrai donc pas.
Contrairement à ce que vous avez voulu dire, monsieur Bocquet, il y a urgence à délibérer.
Ce texte est une étape essentielle sur le chemin du désendettement de la France puisqu’il prévoit 5, 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour l’État. Il faut donc le voter.
Pareillement, il est de notre responsabilité collective d’assurer jusqu’à la fin de l’année civile, et sans discontinuité, le fonctionnement normal de l’État et des services publics, ce que ce collectif budgétaire permet.
Par exemple, il ouvre des crédits pour la couverture de dépenses en faveur des plus fragiles. Je pense aux 250 millions d’euros pour les aides personnalisées au logement, aux 137 millions d’euros pour l’allocation aux adultes handicapés, aux 52 millions d’euros pour l’allocation temporaire d’attente dont bénéficient les demandeurs d’asile.
Monsieur Bocquet, si la motion que vous défendez était adoptée, il faudrait alors renoncer à l’ensemble de ces crédits, et cela se ferait au détriment des personnes qui en ont besoin. Cela dit, il est encore temps de la retirer.
Pour toutes les raisons que Mme la rapporteure générale a évoquées, il est impératif d’aller jusqu’au bout de l’examen de ce texte. Le Gouvernement est donc défavorable à l’adoption de la motion.
Je mets aux voix la motion n° 195, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances rectificative.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 14 décembre 2011, à quatorze heures trente et le soir :
- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2011 (n° 160, 2011-2012)
Rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances (n° 164, 2011-2012).
Avis de M. Vincent Eblé, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 163, 2011-2012).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 14 décembre 2011, à zéro heure quarante-cinq.