Intervention de Yvon Collin

Réunion du 13 décembre 2011 à 21h30
Quatrième loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur général, mes chers collègues, à peine avons-nous achevé la discussion du projet de loi de finances pour 2012 que nous examinons une quatrième loi de finances rectificative pour 2011.

Cette accumulation de collectifs budgétaires illustre la difficulté qu’éprouve le Gouvernement à juguler la crise économique et à enrayer la dégradation des finances publiques qui en résulte.

Sachant que les prévisions de croissance pour l’année prochaine s’établissent entre 0 % et 1 %, on peut considérer que nous ne sommes pas encore au bout du tunnel… L’environnement économique, hélas ! ne donne aucun signe d’amélioration, alors que la crise de la dette souveraine alimente une spirale dont la France peine à s’extraire. Et, pour faire bonne mesure, ajoutons que se profile le spectre d’une crise des liquidités, qui, au-delà de la récession, pourrait nous entraîner dans une véritable dépression.

Malheureusement, les différentes initiatives menées sur le front européen, si louables soient-elles, ne parviennent pas à inverser cette tendance. Si je ne sous-estime pas les bénéfices que pourraient apporter, à long terme, les différents accords qui sont récemment intervenus, j’observe qu’ils n’ont pas encore réussi à restaurer un climat de confiance à court terme.

En effet, malgré un certain volontarisme, que je reconnais volontiers, quinze pays de la zone euro sont récemment passés sous la surveillance négative de l’agence de notation Standard & Poor’s.

Par ailleurs, si les marchés boursiers saluent, dans un premier temps, les annonces spectaculaires de sauvetage de la zone euro, on constate que, passé les premiers jours d’euphorie, le pessimisme finit par regagner les acteurs économiques.

Est-ce là une mauvaise manière des marchés financiers ou bien ceux-ci perçoivent-ils, à bon droit, les limites des dispositifs successivement annoncés ?

Comme l’a très justement expliqué notre collègue Nicole Bricq dans son excellent rapport, le double dispositif annoncé par le Conseil européen du 26 octobre 2011 n’a pas écarté le risque de contagion du cas grec à d’autres pays. L’effet de levier attendu pour le financement du Fonds européen de stabilité financière devrait être en deçà des espérances. Les investisseurs rechignent de plus en plus à investir dans la dette publique, et on peut les comprendre ! Nous ne pourrons donc pas compter sur les 1 000 milliards d’euros escomptés, mais peut-être seulement sur la moitié, 500 milliards d’euros, soit un tiers des besoins de financement de l’Italie et de l’Espagne pour les deux prochaines années…

Si l’on ajoute à cela les difficultés liées au dispositif d’assurance, le Fonds de stabilité reste fragile, voire très fragile. C’est désormais une évidence pour tous. La recherche d’un nouvel accord européen – celui-ci est intervenu le 5 décembre et a été précisé le 9 décembre dernier – n’est-elle d’ailleurs pas le reflet de cette fragilité ?

Bien sûr, une étape supplémentaire a été franchie avec le principe d’une sanction quasi automatique des États en déficit excessif et celui de la fameuse règle d’or. Il est difficile, aujourd’hui, de s’opposer au vœu de discipline budgétaire quand les comptes de l’État accusent un solde négatif de 95, 3 milliards d’euros et que notre pays se trouve dans une situation plutôt alarmante.

Je pense que nous aurons d’autres occasions de discuter au fond des avantages et inconvénients du nouvel accord européen. Je rappellerai seulement en quelques mots mon engagement précoce en faveur de politiques budgétaires et fiscales plus coopératives au sein de la zone euro. Il est urgent que l’Europe prenne conscience des problèmes structurels qu’elle devra affronter à plus long terme, du fait des perspectives de croissance très disparates des pays membres.

Il faudra mieux asseoir la convergence économique en Europe et, pour cela, mieux assurer la rencontre entre l’épargne et l’investissement dans l’ensemble européen.

Il faudra également résoudre les graves problèmes de concurrence fiscale qui minent les finances publiques de pays qui, comme la France, intègrent de nombreuses normes sociales, environnementales et sanitaires.

En attendant, l’urgence commande de rendre soutenable chacune des dettes nationales. C’est dans cet esprit que le présent projet de loi de finances rectificative pour 2011 vise à mettre en œuvre le second plan de rigueur, à hauteur de 5, 2 milliards d’euros en 2012 et de 1, 7 milliard d’euros en 2013.

Avons-nous d’autres choix que celui d’un rétablissement rapide de nos comptes publics ? Hélas, non, mes chers collègues, et nous le savons tous ! Mais il est bien dommage, monsieur le ministre, que ce gouvernement ait attendu d’être au pied du mur pour tenter de rectifier le tir. Depuis 2007, vous n’avez pas su, ou pas pu, trouver les moyens les plus justes et les plus efficaces pour soulager les finances publiques. Surtout, vous avez peut-être trop longtemps brandi la RGPP comme principale arme de lutte contre les déficits publics, sans compter les cadeaux fiscaux qui n’ont pas eu l’effet de levier attendu.

Certes, ce collectif budgétaire comporte un point positif, qui mérite d’être souligné – il n’est jamais trop tard pour bien faire, monsieur le ministre ! –, en ce sens que la norme de dépense est respectée, même si cet effort résulte en grande partie de la bonne tenue des dépenses d’investissement local.

Finalement, contrairement à ce que l’on entend trop souvent, les collectivités locales se montrent dans l’ensemble très responsables, tandis que, de son côté, l’État a bien du mal à contracter ses dépenses. En effet, le détail des mesures du projet de loi de finances rectificative pour 2011 montre que l’effort porte essentiellement sur les recettes, comme l’a excellemment rappelé Mme le rapporteur général.

Or, même si des marges de manœuvre existent pour trouver des ressources pertinentes et soucieuses du principe d’équité fiscale – la majorité sénatoriale l’a démontré à l’occasion de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2012 –, elles ne sont pas infinies, en particulier dans un contexte économique dégradé.

Comment, avec ce budget concrétisant un peu plus la rigueur, le Gouvernement compte-t-il agir sur la relance, en dehors bien sûr des différents plans qui ont été élaborés ? Quelles mesures structurelles entend-il prendre pour soutenir la demande et encourager l’investissement ? Nous attendons ces mesures depuis 2007, mais nous ne voyons toujours rien venir. La crise, installée depuis 2008, ne doit pas lui servir d’éternel paravent !

Dans ces conditions, vous le comprendrez sans doute, monsieur le ministre, mes chers collègues, la majorité des membres du RDSE ne votera pas ce quatrième collectif budgétaire de l’année 2011.

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