D’ailleurs, les gouvernements de ces États sont nommés sans l’avis des citoyens.
Ce faisant, ces pays seront placés sous tutelle tant de la Commission européenne, qui, au demeurant, n’est jamais apparue comme la quintessence de l’institution démocratique – de fait, elle reste sourde aux aspirations des peuples et largement sujette aux pressions des lobbies les plus divers –, que de la Cour de justice de l’Union européenne, la CJUE, devenant, par un jeu institutionnel pour le moins ahurissant, le juge en dernier ressort des politiques économiques et budgétaires des États !
Deuxièmement, cet accord ne remet nullement en question les dispositions du traité de l’Union européenne relatives à la place et au rôle de la Banque centrale européenne.
Par un stupéfiant retournement dialectique dont la logique nous échappe quelque peu, la BCE garde ainsi comme objectif fondamental la lutte contre l’inflation, et, à cette fin, elle conserve toute latitude pour limiter la création monétaire, assurant de fait la « sécurité » des moyens de paiement, c’est-à-dire le maintien du monopole réel des banquiers sur ces derniers. On croit rêver !
À ce titre, la BCE se trouve autorisée à prêter, au taux défiant toute concurrence de 1 %, aux banques privées toutes les liquidités dont elles pourraient avoir besoin pour réaliser leurs règlements interbancaires. En revanche, il est toujours interdit à la Banque centrale européenne de prêter de l’argent pour financer, en premier ressort, les politiques publiques des États membres de la zone euro et, singulièrement, toute politique d’investissement public susceptible de créer les conditions de la croissance.
L’Espagne, la Grèce ou l’Italie sont autorisées à rester aux prises avec les retards et handicaps économiques de certaines de leurs régions les moins développées, la BCE ne bougera pas d’un pouce pour y remédier !
Dans le même ordre d’idées, les États ne peuvent solliciter la BCE pour répondre aux nécessités de leurs choix budgétaires et économiques, notamment s’ils ont le mauvais goût d’être à l’origine de déficits budgétaires temporaires ou conjoncturels. Mais quel progrès la construction européenne a-t-elle donc accompli dans ces circonstances ?
Résumons-nous : la BCE prête à une banque privée au taux de 1 %. La même banque privée, pour ne pas laisser cette somme dormir dans un coin sans rapporter un peu d’argent, décide de participer à l’adjudication de titres de dette publique d’un des pays de la zone euro. Elle réalise ainsi une opération pour compte propre, si tant est que nous ayons bien compris le procédé.
Comme la France, malgré son triple A, emprunte à un taux proche de 3, 3 %, on voit tout de suite la marge qui peut ainsi se dégager de l’opération. Il en est de même des titres de dette publique d’autres pays, titres qui peuvent tout aussi bien changer de mains en tant que de besoin.
C’est donc, dans les faits, à une nouvelle poussée de fièvre spéculative que devrait conduire l’accord issu du dernier Conseil européen. C’est bien là la méthode du docteur Diafoirus, qui infligeait la saignée à ses patients déjà anémiés !
Comme nous l’avons indiqué, cet accord a justifié et validé les options prises par les politiques en œuvre dans l’Euroland, à savoir l’austérité à tous les étages !
Ces « serrages de ceinture » généralisés ont d’ailleurs eu des conséquences précises sur un plan plus directement politique : en Irlande, le gouvernement en place a été balayé par les électeurs au printemps dernier.
En Espagne, le gouvernement de M. Zapatero a été battu aux élections.
En Grèce ou en Italie, les premiers ministres en place, autant par incapacité à tenir leur programme que par usure, ont été débarqués et remplacés par des « techniciens », issus d’ailleurs des structures de conseil d’une célèbre banque américaine, Goldman Sachs, pour ne pas la nommer ; en Slovénie, le parti social démocrate au pouvoir a subi un revers électoral et ce sont d’autres forces de gauche qui ont obtenu la majorité.
En Allemagne, tous les scrutins régionaux qui se sont déroulés cette année ont conduit au recul de la CDU de la Chancelière Angela Merkel et à la quasi-disparition de son allié proeuropéen et libéral, le FDP.
Au Portugal, le parti au pouvoir a été battu par l’opposition de droite, mais celle-ci est désormais confrontée à un puissant mouvement social contre la politique d’austérité qu’elle entend mener dans le pays.
Quant à la politique d’austérité mise en œuvre par le gouvernement de droite danois, elle a également été sanctionnée par les électeurs, qui ont préféré choisir un gouvernement composé de partis progressistes.
Ainsi, partout sur le territoire de l’Union européenne, le sort des urnes a été contraire aux attentes des tenants actuels de l’austérité.
Je pourrais presque inviter les parlementaires de l’opposition sénatoriale à voter notre motion pour s’épargner cette destinée, mais là n’est pas le sujet !