Intervention de Édouard Courtial

Réunion du 15 décembre 2011 à 15h00
Convention fiscale avec la république de panama — Discussion et rejet d'un projet de loi en procédure accélérée

Édouard Courtial, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des Français de l'étranger :

Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, est soumise aujourd’hui à l’approbation du Sénat la convention signée entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu, signée à Panama le 30 juin 2011.

Cet accord a deux objectifs principaux.

Il vise avant tout à mettre en place un cadre juridique général permettant de procéder à un échange de renseignements effectif et sans restriction, cadre qui prévoit notamment la levée d’un éventuel secret bancaire.

À cet égard, l’accord est conforme aux standards internationaux en matière de transparence et d’échange d’informations fiscales, notamment à l’article 26 du modèle élaboré par l’OCDE en 2008.

Lors des négociations, la France a voulu aller plus loin que la simple lettre du modèle de l’OCDE et a pris toutes les précautions nécessaires pour que cet accord puisse être suivi d’effets.

Le Panama sera donc tenu, dans le cadre de la convention aujourd’hui examinée, de mettre en œuvre toutes les mesures et de déployer tous les moyens administratifs pour que l’échange de renseignements fonctionne, et qu’il fonctionne sans restriction.

C’est un élément essentiel de la politique conventionnelle de la France dans ce domaine et une exigence très renforcée par rapport aux standards de l’OCDE. Le Panama a accepté cette discipline supplémentaire.

Outre sa contribution à la lutte contre les pratiques fiscales dommageables, cette convention a également pour objectif d’éliminer les situations de double imposition pour les personnes physiques et morales opérant sur les deux territoires. En effet, aucun accord visant à éliminer les doubles impositions ne liait jusqu’à ce jour la France au Panama, ce qui constituait une source d’insécurité juridique. Le potentiel d’investissements croisés entre nos deux pays va, dès lors, s’en trouver renforcé.

Je tiens également à souligner que cet accord comporte de nombreuses clauses anti-abus, afin d’éviter que des opérateurs puissent tirer parti des bénéfices de la convention pour aboutir à une exonération totale, en profitant de structures interposées, de sociétés écrans ou de montages destinés à éviter l’impôt.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la signature et l’approbation de cette convention ne sont en aucun cas une fin en soi, mais elles s’inscrivent dans le cadre de la mise en place d’un véritable dispositif de lutte contre les pratiques fiscales dommageables.

Je souhaiterais m’arrêter quelques instants sur ce dispositif.

La France, vous le savez, est à l’avant-garde de la lutte contre les pratiques fiscales dommageables.

Depuis le 1er janvier 2011, dans le cadre de la présidence française du G20, cette action s’est vue renforcée, le Gouvernement choisissant de faire de la régulation financière internationale l’une des grandes priorités de sa présidence.

La lutte contre les États et territoires non coopératifs est l’un des volets majeurs de cette entreprise.

C’est à la demande du G20, au sommet de Londres, en avril 2009, sur une initiative conjointe de la France et de l’Allemagne, que les fameuses listes grise et noire de paradis fiscaux de l’OCDE furent publiées. Grâce à cela, plus de 600 accords bilatéraux permettant l’échange de renseignements fiscaux ont, à ce jour, été signés dans le monde.

La France est l’un des pays les plus actifs en la matière, avec la signature d’une quarantaine d’accords de ce type à ce jour, parmi lesquels celui qui nous réunit aujourd’hui.

Parallèlement, la communauté internationale s’est organisée au sein du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales. Cette enceinte, qui regroupe actuellement plus d’une centaine d’États et territoires, s’est fixée pour mission d’évaluer le degré de transparence fiscale non seulement de chacun de ses membres, mais également de tout autre territoire qui présenterait des risques dans ce domaine.

À cet effet, le Forum mondial a mis en place un mécanisme d’évaluation par les pairs, présidé par M. François d’Aubert, délégué général à la lutte contre les paradis fiscaux. Ces évaluations détaillées permettent d’apprécier la réalité des engagements pris par chacun de ces États. Sont notamment passés au crible la législation interne ainsi que le nombre et la qualité des accords signés ; dans un deuxième temps, sera également évaluée la mise en application effective des échanges de renseignements.

Les résultats de ces évaluations ont d’ailleurs été repris par le Président de la République, lors de son discours de clôture du G20 à Cannes, à l’occasion duquel il a exhorté les onze États n’ayant pas réussi la première phase de l’examen par les pairs, au nombre desquels figure le Panama, à se mettre au plus vite en conformité avec les standards internationaux.

Ne vous y trompez pas : c’est bien dans cette perspective que s’inscrit cet accord.

Le Président de la République, lorsqu’il s’est exprimé, intervenait en tant que président du G20 et, à ce titre, appuyait son propos sur les évaluations publiées par le Forum mondial. Il ne faut cependant pas oublier que l’évaluation du Panama remonte à l’automne 2010. Depuis plus d’un an, le gouvernement panaméen a pris de nombreuses mesures pour se mettre en conformité avec les exigences du Forum mondial, notamment l’adoption de la loi « Connais ton client » au début de l’année 2011.

Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement a pris le temps d’examiner les réformes adoptées par le Panama avant de procéder à la signature de cet accord.

Arguant de ces progrès accomplis, mais aussi des réformes actuellement en cours, le Panama a demandé un nouvel examen par le Forum mondial au premier semestre 2012 : on peut en attendre des conclusions différentes de celles de 2010.

Sur le plan national, la France s’est dotée de sa propre liste noire d’États et territoires non coopératifs. Les territoires figurant sur cette liste sont soumis à des sanctions fiscales lourdes, telles que le refus, pour les sociétés françaises, de se voir accorder le bénéfice du régime mère-fille pour leurs filiales situées dans ces territoires.

Le Panama, qui figure actuellement sur cette liste, pourra effectivement en sortir si l’accord est ratifié avant le 31 décembre.

Pour autant, s’il s’avérait que l’évaluation par le Forum mondial soit à nouveau négative, ou que l’assistance administrative prévue par l’accord ne se déroule pas de manière satisfaisante, la réinscription du Panama sur la liste noire française serait sérieusement envisagée.

Comme vous le voyez, l’approbation et l’entrée en vigueur de cet accord ne sont qu’une étape, qui permettra au Gouvernement et aux instances multilatérales en charge de ces questions, c'est-à-dire l’OCDE et le Forum mondial, d’évaluer concrètement les progrès accomplis par le Panama au cours des dernières années.

Il serait en effet contradictoire que, après avoir encouragé le Panama pendant plusieurs années à aller vers une plus grande transparence fiscale, on refuse de conclure avec lui un accord qui viendrait pourtant renforcer ses obligations en la matière.

En conclusion, je voudrais souligner non seulement l’importance de la convention fiscale franco-panaméenne dans le dispositif de lutte contre les paradis fiscaux, mais aussi sa portée symbolique.

Cette convention permettra de confirmer les engagements affichés par le gouvernement panaméen, qui a affirmé à de nombreuses reprises sa volonté de se conformer aux attentes de la communauté internationale en matière de transparence fiscale.

Plus concrètement, il permettra aussi d’éprouver les dispositifs législatifs de transparence fiscale que le Panama a récemment adoptés.

Soyez-en assurés, mesdames, messieurs les sénateurs : la mise en œuvre de cette convention sera suivie avec la plus grande attention par les services de l’État.

Telles sont les principales observations qu’appelle la convention fiscale franco-panaméenne qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui proposé à votre approbation.

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