Monsieur le président, madame le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que sénateur des Français établis hors de France, je me réjouis d’avoir à donner aujourd’hui un avis sur une convention fiscale concernant, en particulier, nos concitoyens installés à l’étranger, en l’occurrence au Panama. En effet, les conventions de ce type ont pour vocation, entre autres, de leur simplifier la vie en leur évitant une double imposition injuste.
Cela étant, je suis surpris de constater, une fois encore, que l’élaboration d’un tel texte ne s’est pas appuyée, en amont, sur l’expertise des conseillers élus à l’Assemblée des Français de l’étranger. Une telle concertation préalable devrait devenir une règle absolue, afin de permettre d’évaluer l’étendue des modifications éventuelles que ces conventions imposent tant à notre dispositif de présence sur place – établissements scolaires, culturels –, qu’à nos entreprises ou aux Français résidant dans le pays concerné.
Cette concertation permet aussi d’évaluer la connaissance, sur le terrain, du fonctionnement des services fiscaux locaux avant de s’engager dans une négociation.
Je me permets de souligner fermement aujourd’hui qu’aucune négociation sur cette catégorie de textes ne devrait se dispenser de ces consultations préalables. Je suis certain, monsieur le secrétaire d’État, que vous saurez mettre en œuvre cette exigence dans le cadre de vos attributions gouvernementales.
Cela étant dit, j’en viens au texte qui nous est présenté.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, de m’interroger sur le contexte d’élaboration de cette convention fiscale, à défaut de m’interroger sur l’absence de Mme la ministre du budget, qui semble être, si j’ose dire, en délicatesse avec l’approbation de ce texte. En effet, Mme Pécresse le rappelait encore il y a quelques jours, Panama figure sur la liste des États et territoires non coopératifs. Cette liste est établie dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et la fraude fiscale, afin d’identifier les pays dont le comportement et les dispositions en matière juridique et d’information fiscale ne permettent pas de mener cette lutte dans des conditions efficaces.
Pourtant, le Gouvernement nous demande d’autoriser l’approbation d’un accord qui permettrait de faire sortir Panama de cette « liste noire » dès le 1er janvier 2012, car ce type d’accord permet en effet à un territoire paradisiaque au regard de la fiscalité de reconstruire sa réputation et de sortir des listes « noires » ou « grises ».
J’ajoute que le Gouvernement est expéditif : discussion à l’Assemblée nationale mardi dernier, au Sénat aujourd’hui, réunion de la commission mixte paritaire prévue la semaine prochaine. Pour ce type de texte, c’est vraiment une procédure précipitée !
On nous annonce que, le 1er février dernier, la République de Panama a modifié sa législation pour rendre son droit des sociétés conforme aux attentes du Forum de l’OCDE, mais le rapport très complet de Mme Nicole Bricq précise dans le détail les raisons qui justifient aujourd’hui notre perplexité quant à la réalité du nouveau cours que le gouvernement panaméen souhaite adopter face à l’évasion fiscale et au blanchiment des capitaux.
Bien entendu, il faut saluer les affirmations actuelles du Panama sur son implication dans la régulation de la finance mondiale, mais nous ne pouvons nous contenter de déclarations d’intention : avant toute approbation de cet accord, un suivi des évolutions annoncées et une période probatoire s’imposent.
L’attitude du Panama vis-à-vis de l’assureur-crédit français COFACE est source d’inquiétudes et de nombreux autres points restent à revoir ou à clarifier : le secret bancaire, le mécanisme d’identification des détenteurs d’action au porteur, des sociétés offshore non sujettes aux règles de la comptabilité locale, de grosses lacunes en termes d’échanges d’informations fiscales, etc.
Tout le monde sait déjà combien il est difficile de mettre en place une coopération judiciaire entre la France et certains États de l’Union européenne pour connaître l’actionnariat réel de sociétés dont le capital est constitué de titres au porteur – nous pourrions, par exemple, parler du Luxembourg. À l’évidence, il sera beaucoup plus facile d’établir de telles coopérations le Panama…