Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 15 décembre 2011 à 15h00
Convention fiscale avec la république de panama — Discussion et rejet d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Face à la rapidité avec laquelle le Panama révise son droit interne, le Forum de l’OCDE reste très perplexe et demande d’attendre 2012 pour signer une telle convention, le temps de voir comment ce nouvel environnement juridique se mettra en place avant de modifier notre attitude à l’égard de cet État.

Tel est d’ailleurs le constat dressé par Mme Aurillac, rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale : « Panama a été examiné en 2010 dans le cadre de la procédure d’évaluation du Forum de l’OCDE sur ses dispositifs législatifs et réglementaires – ce que l’on appelle “ la phase 1 ”. Le Forum, dans son rapport de septembre 2010, a relevé certaines carences […] »

Mais c’est surtout la suite de l’intervention de Mme Aurillac qui doit aujourd’hui retenir notre attention : « Depuis, Panama a engagé des réformes pour remédier à ces carences. Il les soumettra à une commission du Forum qui devrait se réunir début 2012. Ces changements n’ont donc pas été pris en compte par le Forum de l’OCDE pour son rapport remis à l’occasion du G20 de Cannes le 4 novembre dernier, qui classe Panama parmi les onze juridictions qui ne sont pas en mesure de passer à la phase 2 de l’évaluation, c’est-à-dire à l’examen de la coopération effective. »

Quelle raison pourrait donc motiver un changement de position aussi précipité de la part de la France ?

Des éléments de réponse nous ont été donnés lors de la discussion générale de ce texte à l’Assemblée nationale. Par exemple, M. Jacques Remiller, député de votre majorité, monsieur le secrétaire d’État, a donné, dans son intervention, lecture d’un formidable publireportage : « Carrefour régional pour les échanges, le Panama figure parmi les économies les plus dynamiques d’Amérique latine avec un taux de croissance d’environ 8 % en 2011. Son économie “dollarisée” et ouverte sur le monde, sa stabilité, ses zones économiques spéciales et la loi 41 de 2007 facilitant l’installation de sièges régionaux de multinationales, sont autant d’atouts dont dispose le pays pour attirer les investisseurs étrangers. »

Comment s’étonner que de grandes entreprises exercent des pressions pour que le Panama soit retiré de notre « liste noire », afin qu’elles puissent s’ouvrir sans état d’âme aux formidables perspectives de développement de ce marché ? Par ailleurs, ne serait-ce pas le message transmis par M. Ricardo Martinelli, président de la République du Panama, à Nicolas Sarkozy lors de son récent voyage en France, en novembre dernier ?

En une année, probablement pour des raisons d’opportunité commerciale, six pays membres de l’Union européenne ont signé une convention visant à éviter les doubles impositions et deux l’ont déjà ratifiée. À l’heure où l’on parle de convergence fiscale et budgétaire au sein de l’Union européenne, est-il vraiment raisonnable que des États membres participent à une « course à l’échalote » pour obtenir les bonnes grâces d’un pays, en signant dans le désordre des conventions fiscales permettant à ce pays de se racheter une conduite ?

En ces temps difficiles, obtenir des marchés à l’exportation est essentiel pour nos entreprises, mais pas au point d’obliger la France à brader sa politique de lutte contre les paradis fiscaux. Celle-ci doit constituer le cœur des politiques publiques et internationales visant à endiguer la dérégulation financière mondiale, qui est l’une des causes fondamentales de la crise. Sans une lutte acharnée, la sortie de crise ne sera pas envisageable, car la régulation restera impossible. Pour nous, ce point n’est pas négociable.

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