Cet amendement a pour objet de réformer, dans les départements, les régions et les collectivités d’outre-mer, l’allocation de solidarité pour les personnes âgées. Il s’agit de l’ASPA, qu’il ne faut pas confondre avec l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.
Cette allocation constitue un montant minimum de pension de vieillesse pour les personnes âgées ayant très peu cotisé. Elle est accordée sous réserve de plafonds de ressources, dont je vous épargne le détail.
Les sommes versées aux bénéficiaires, non pas par les conseils généraux, mais par les caisses de retraite ou la Caisse des dépôts et consignations, sont récupérables sur succession au décès de l’allocataire si l’actif successoral net dépasse un montant fixé par décret à 39 000 euros.
L’importante spéculation foncière qui a eu lieu, au cours de ces dernières années, dans mon département et ma région, l’île de la Réunion – le coût du foncier a augmenté en moyenne de 120 % entre 2000 et 2006, pendant six petites années ! – a fortement valorisé des petites propriétés familiales, dont certaines étaient acquises soit par acte trentenaire, j’ignore si cela existe en France métropolitaine, soit par opérations collectives de constructions de logements évolutifs sociaux, les LES. Ce produit n’existe pas en France métropolitaine. Il s’agit en quelque sorte d’un produit livré brut de décoffrage aux intéressés, à charge pour eux, pendant des années, des décennies, clou par clou, pièce par pièce, tôle par tôle, de se constituer un petit patrimoine immobilier !
La spéculation foncière est telle aujourd’hui, à la Réunion et dans les autres départements d’outre-mer, que le seuil fixé par décret pour déclencher le remboursement est vite dépassé.
Permettez-moi de souligner l’ampleur de cette spécificité : la Réunion, depuis le 19 mars 2005, est le seul département français dans lequel la spéculation foncière est programmée sur le second marché boursier en France métropolitaine. Cette situation devrait interpeller les parlementaires que nous sommes, et j’aurai souvent l’occasion d’y revenir.
L’autre spécificité des départements d’outre-mer est un contexte socio-économique extrêmement grave : un chômage de 25 % à 30 % selon les régions – qui atteint 55 %, voire 60 % chez les jeunes de moins de 25 ans –, et 10 % d’allocataires du RSA.
Ces dernières années, les cas de surévaluation artificielle du patrimoine d’allocataires de l’ASPA se sont multipliés. Leurs héritiers se sont alors vus contraints, pour assurer le remboursement, de liquider un patrimoine familial qui n’avait pas vocation à être cédé. Or, bien souvent, ces héritiers vivent eux-mêmes de minima sociaux.
C’est ainsi que nombre de personnes âgées modestes renoncent à l’ASPA et sont donc contraintes de vivre dans une « précarité forcée », sans pour autant bénéficier de l’obligation alimentaire, dont l’application est aujourd’hui largement remise en cause.
Rappelons que l’ASPA a déjà été réformée au niveau national en 2004, 2007 et 2010, notamment au bénéfice des agriculteurs, ce qui a eu pour conséquence d’exclure purement et simplement la valeur des locaux d’habitation occupés à titre de résidence principale, et même l’ensemble du capital d’exploitation, de l’actif successoral.
En conséquence, il paraît juste de ne pas intégrer la valeur des biens immobiliers à usage d’habitation principale des ayants droit dans le calcul de l’actif net de la succession pris en compte pour déclencher le remboursement. Celui-ci est versé au bénéfice non des conseils généraux – j’y insiste ! – mais des caisses de retraite et de la Caisse des dépôts et consignations.
Permettre aux classes populaires de transmettre un tout petit patrimoine acquis par le travail, et le plus souvent à force de privations, est une exigence de justice sociale.
Par avance, je vous remercie de l’unanimité qui ne manquera pas de se faire sur cet amendement.