Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 20 décembre 2011 à 16h20
Droits protection et information des consommateurs — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens à féliciter d'emblée M. le rapporteur et Mme le rapporteur pour avis du remarquable travail qu'ils ont effectué. Je salue également l'ouverture des auditions à toutes les sensibilités du Sénat.

Voilà plus de cent ans, le Parlement adoptait la loi sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles, promulguée le 1er août 1905. Dans son exposé des motifs, Jules Méline expliquait que des « fraudes, provoquées par la soif des gains excessifs et favorisées par la concurrence de plus en plus acharnée qui a amené la baisse générale des prix et par la crédulité du public [...] nuis[aient] à la fois aux consommateurs et aux intérêts généraux du pays ».

Le législateur organisait en conséquence un système de répression des tromperies et des falsifications en raison de leurs effets économiques, sanitaires et sociaux. Dans le même temps, il instituait un contrôle scientifique des produits alimentaires avec la création d'un corps de contrôle, ancêtre de la DGCCRF. Lorsqu'on lit les comptes rendus des débats parlementaires, on s'aperçoit que, même si les techniques de vente ont évolué avec la production et la distribution de masse, mais aussi avec les nouvelles technologies, les problématiques d'hier et d'aujourd'hui sont similaires.

Si la loi de 1905 était avant tout un texte de régulation entre producteurs et commerçants, elle posait la question de la sécurité sanitaire et de la qualité des produits en raison des fraudes sur le lait et le vin. Au XXe siècle et au début du XXIe siècle, la sécurité sanitaire des produits dans le domaine alimentaire, mais également médical, leur qualité et leur innocuité pour le consommateur ne sont toujours pas pleinement assurées ; l'affaire du Mediator, ou celle des prothèses mammaires défectueuses, en atteste.

C'est pourquoi nous partageons la préoccupation du Gouvernement de renforcer les droits, la protection et l'information du consommateur, et ce dans tous les domaines abordés par le projet de loi.

Cependant, le texte gouvernemental, même si la procédure législative l'a enrichi, reste en deçà de nos exigences pour garantir une véritable protection du consommateur, et ce pour deux raisons principales. D'une part, il s'inscrit dans un projet politique global de libéralisation de l'économie, d'augmentation de la pauvreté et de diminution du pouvoir d'achat de la grande majorité de nos concitoyens. D'autre part, l'effectivité des avancées en termes d'information et de protection du consommateur – délai de rétraction, clause abusive, délai d'engagement en matière de téléphonie, etc. – est relativisée par la perte de puissance des outils de contrôle de ces droits.

Sur ce projet global de libéralisation de l'économie, je formulerai trois séries de remarques.

En premier lieu, garantir des droits au consommateur, c'est avant tout lui permettre de consommer et, de surcroît, des produits de qualité. Or, monsieur le secrétaire d'État, contrairement à ce qui a été affirmé, ce texte ne conduira pas à une relance par la consommation, car il manque l'essentiel, à savoir le pouvoir d'achat.

Je rappelle que, au troisième trimestre 2011, le chômage a encore augmenté et que, d'après les travaux de l'Observatoire des inégalités, la pauvreté ne cesse de croître depuis 2002. En 2009, plus de 8 millions de personnes vivaient avec moins de 954 euros par mois. Comment consommer dans ces conditions ? Dans le même temps, les dépenses contraintes représentent 48 % du budget des ménages les plus fragiles.

À ce sujet, je rappellerai ici l'effet de « double peine » que subissent les personnes aux revenus les plus modestes et qu'a souligné Martin Hirsch dans un article récent du Monde. Ainsi, en matière de téléphonie, ne pouvant assumer financièrement un forfait, ces personnes ont le plus souvent recours aux cartes prépayées, dont la tarification à la minute est plus chère. De même, en matière de logement, elles ne peuvent occuper que des petites surfaces, dont les loyers sont beaucoup plus chers au mètre carré. Malheureusement, ce schéma se reproduit dans de nombreux autres postes de dépenses contraintes.

Finalement, pour reprendre les propos de Martin Hirsch, c'est « comme si les personnes les plus modestes payaient une TVA supplémentaire ». C'est pourquoi, afin que les consommateurs jouissent des droits qui leur sont reconnus par le projet de loi, nous considérons essentiel de mettre en œuvre une politique de revalorisation des faibles revenus, qui, de notre point de vue, passe notamment par une augmentation du SMIC à 1 700 euros brut mensuels.

En second lieu, comme en témoigne l'article 1er relatif aux conventions d'affiliation, le Gouvernement considère toujours que la concurrence est la solution pour régler à la fois la question du déséquilibre des relations commerciales et celle du pouvoir d'achat. Ainsi, faciliter le changement d'enseigne devrait entraîner mécaniquement une baisse des prix. En réalité, on occulte encore une fois le problème du déséquilibre dans les relations commerciales, celui de la concentration des centrales d'achat et des distributeurs.

On le constate, la concurrence libre et non faussée ne garantit pas la baisse des prix. Il suffit de lire le dernier rapport de l'Observatoire des prix et des marges ou les nombreuses études des associations de consommateurs. Je pense à celle, récente, de l'UFC-Que Choisir sur le lait et le poulet. Il est donc urgent d'encadrer les marges de l'industrie agroalimentaire et de la distribution, qui se font au détriment des producteurs et des consommateurs. Nous déposerons un amendement visant à instaurer un coefficient multiplicateur sur les produits alimentaires. L'alimentation recouvre également des enjeux de santé publique. On comprend les limites d'une politique fondée exclusivement sur la baisse des prix et qui n'assure pas une alimentation de qualité accessible à tous.

En troisième lieu, le projet de loi impose la figure du consommateur plutôt que celle de l'usager. Il oublie les principes de service public et de solidarité, qui sont au cœur de notre projet de société.

L'article 2 du projet de loi, qui traite du logement et des liens entre bailleurs et locataires, a été sensiblement amélioré. Toutefois, les auteurs de cet article font une lecture encore trop restrictive des problèmes que rencontrent nos concitoyens pour se loger. Nous avons déposé des amendements visant à interdire les expulsions locatives pour ceux qui ont été reconnus prioritaires au titre de la loi DALO, à prévoir le retour de la rétroactivité des aides personnalisées au logement, le relèvement du plafond pour l'accès au logement social, le relèvement de la surface minimale permettant de considérer un logement comme décent.

Cependant, force est de constater que la crise actuelle du logement ne pourra se résorber que lorsque le financement public du logement public sera à la hauteur des besoins – ils sont évalués aujourd'hui à 900 000 habitations – et que l'on revalorisera les aides à la pierre. Il est vrai que, sur le sujet du logement, nos divergences sont grandes ; la ministre du budget nous l'a rappelé en proposant de prélever de l'argent destiné au relogement d'urgence pour… financer les gilets pare-balles de la police municipale !

J'en viens aux autres postes de dépenses contraintes.

La disposition qui est prévue à l'article 5 et qui instaure une tarification sociale de l'internet ne nous paraît pas suffisante au regard du prix excessif envisagé, de l'ordre de 23 euros. Nous reviendrons sur cette question lors de la discussion des articles.

Sur l'énergie, là encore, nos divergences sont fortes. En témoignent les dernières déclarations de François Baroin, qui dit « préserver » le pouvoir d'achat en augmentant les tarifs réglementés du gaz de 4, 4 %. Comprenne qui pourra...

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