Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 20 décembre 2011 à 16h20
Droits protection et information des consommateurs — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

« Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. » Si Lacordaire avait vécu à la fin du xxe siècle ou au début du xxie siècle, il aurait probablement pu ajouter qu'entre le marketing et le consommateur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. Aujourd'hui, nous tentons précisément d'affranchir le consommateur par la loi.

Pour les libéraux, le droit de la consommation est un exercice improbable et compliqué, qui vise à protéger le faible, l'« abusable », tout en assurant la pérennité et le développement sans limite d'un modèle économique fondé sur le consumérisme.

La limite physique et temporelle du droit de la consommation, c'est d'une part l'inventivité du marketing, d'autre part l'extension du champ de la marchandisation, qui a transformé les usagers en clients, et le dogme de l'ouverture à la concurrence, qui a amené non pas, comme on l'avait promis, une baisse des tarifs, mais une multiplication des offres dissimulant habilement la captivité des clients, que la libre concurrence devait précisément affranchir de l'enfermement du monopole.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez parlé de la crise financière mondiale que nous traversons actuellement comme si cette crise n'était pas aussi celle de l'épuisement d'un modèle consumériste, qui repose sur la production d'une profusion de biens de consommation et dont la finalité implicite est de vendre n'importe quoi à n'importe qui, au mépris des besoins des individus et des règles sociales, sanitaires, environnementales et morales les plus élémentaires.

L'économie consumériste est violente, immorale et dangereuse.

Elle est violente, car elle est fondée sur l'illusion de la satisfaction immédiate du désir. Elle crée l'illusion de l'évitement de la frustration, alors que, in fine, elle ne fait qu'aggraver et renforcer celle-ci, engendrant dans nos sociétés des comportements dangereux.

Elle est immorale, car elle bafoue l'autorité parentale. J'ai souvent entendu le Gouvernement et sa majorité prétendre vouloir restaurer l'autorité parentale, en jetant l'opprobre sur les parents défaillants à cet égard. Mais une société qui tolère que, dans les hypermarchés, des produits destinés aux enfants soient présentés autour des caisses, ce qui conduit ces derniers, transformés en prescripteurs de consommation, à harceler leurs parents occupés à faire la queue pour payer leurs achats, n'est pas une société qui renforce l'autorité parentale et qui aime la famille.

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