Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'article 1er, relatif aux conventions d'affiliation, semble presque hors sujet dans un texte portant sur la protection des consommateurs, sauf à considérer, comme le fait le Gouvernement, que la concurrence libre et non faussée peut avoir un effet de modération des prix. Nous ne partageons pas cette thèse… Il suffit d'ailleurs de lire le rapport de notre collègue Élisabeth Lamure sur le bilan de l'application de la loi LME pour se convaincre qu'il n'en est rien.
On se souvient également que l'UFC-Que Choisir avait indiqué, dans un communiqué datant du 19 février 2009, que les prix alimentaires avaient augmenté de 5, 7 % au cours des dix-huit derniers mois et que, en dépit de la chute des prix agricoles constatée depuis dix mois, les prix pratiqués en rayons étaient stables.
Devant ce constat de l'échec relatif du jeu de la concurrence, devant l'incapacité des législations successives à réguler les relations commerciales, à protéger les producteurs et les consommateurs, à garantir un revenu décent aux agriculteurs, à préserver les commerces de proximité, à protéger le pouvoir d'achat des consommateurs, vous comprendrez que nous soyons pour le moins dubitatifs quant à un éventuel effet positif de la mise en œuvre de l'article 1er du présent projet de loi sur le niveau des prix.
Outre que nous ne croyons pas que la concurrence entre enseignes soit une réponse suffisante à la question de la baisse du pouvoir d'achat, nous avons de surcroît constaté une certaine réticence des députés de la majorité à se conformer strictement aux recommandations pourtant très claires de l'Autorité de la concurrence. Le rapporteur du présent texte a proposé à la commission des affaires économiques quatre amendements visant à récrire l'article 1er afin de rapprocher le plus possible son dispositif de l'avis émis par l'Autorité de la concurrence. Cette démarche nous semble logique si l'on veut éviter que cet article n'ait d'autre portée qu'un simple affichage.
Au-delà de l'opposition de fond que je viens d'exprimer, je voudrais faire deux remarques.
Tout d'abord, si l'on veut réellement faciliter les changements d'enseigne, il faudra régler la question de l'encadrement des prises de participation des groupes dans le capital des sociétés d'exploitation de leurs magasins affiliés, qui leur confèrent, on le sait, une minorité de blocage.
Ensuite, sur un certain nombre de points, l'article 1er nous semble manquer de clarté.
En premier lieu, son alinéa 10 prévoit que « la convention naît de la signature du projet de convention par les deux parties ». Cela signifie que la signature du document engage immédiatement l'affilié, ce qui limite considérablement la portée de l'allongement du délai de réflexion. Cette disposition nous semble constituer une régression par rapport à l'article L. 330-3 du code de commerce, qui prévoit que la remise du document d'information précontractuel contenant le contrat d'affiliation ne peut valoir signature du contrat d'affiliation lui-même, donc engagement.
En deuxième lieu, l'alinéa 18 prévoit que le contrat d'affiliation « s'applique sous réserve des règles statutaires et décisions collectives adoptées conformément aux lois relatives aux associations, aux sociétés civiles, commerciales ou coopératives » ! Cela signifie que les groupes d'indépendants organisés sous forme associative, de coopérative ou de société civile ou commerciale pourront déroger à la loi ou s'en affranchir… Est-ce à dire, monsieur le secrétaire d'État, que les trois réseaux de distribution organisés sous ces formes, à savoir Intermarché, Système U et Leclerc, pourront édicter en interne des règles contrevenant à la loi ? On nous a fait remarquer, à juste titre, que si les affiliés de ces trois groupes ne bénéficiaient pas des dispositions de la loi, ils seraient discriminés par rapport aux affiliés des groupes Carrefour, Auchan et Casino, qui eux en bénéficieront. La seule « contrainte » qui continuera de peser sur Intermarché, Système U et Leclerc sera de respecter les articles L. 340-4, L. 340-5 et L. 340-6 du code de commerce, qui traitent de la durée des contrats, de la non-concurrence et du paiement des droits d'entrée. C'est bien peu !
En troisième lieu, s'agissant des dérogations aux clauses de non-concurrence post-contractuelles, il ressort des alinéas 26 à 30 de l'article 1er que l'affiliant aura l'obligation de prouver que les quatre conditions cumulatives lui permettant de rendre opposable à l'affilié une clause de non-concurrence post-contractuelle sont effectivement remplies. On comprend bien que l'affiliant ne sera pas mis en difficulté à propos des conditions de temps, de lieux d'activité ou de type de biens et services vendus ; en réalité, seule la condition de protection du savoir-faire pourra amener une limitation des dérogations à la qualification de clause abusive.
Pour conclure, l'article 1er de ce projet de loi ne nous semble pas constituer un dispositif de nature à empêcher les puissants groupes de la grande distribution d'entraver les changements de réseau en fin de contrat d'affiliation. J'en veux d'ailleurs pour preuve le fait que, depuis un certain temps, nous ne les entendons plus !
Nous ne parviendrons pas à apporter une réponse satisfaisante à la domination, sur les marchés français et européen, des grandes centrales d'achat si ce système persiste. Il est temps de concevoir d'autres formes de commerce et d'échange, qui garantiraient à la fois une juste rémunération du travail, des prix abordables pour les consommateurs et la qualité des produits.