Il y a maintenant un an, nous débattions dans cet hémicycle de la proposition de loi déposée par notre groupe visant à interdire le recours aux expulsions locatives dans certaines situations. Malheureusement, cette proposition de loi, comme le texte présenté par notre collègue Gosnat à l'Assemblée nationale, le 1er décembre dernier, ont été balayés par la majorité présidentielle.
Toutefois, vous le constatez, nous sommes tenaces et nous proposons systématiquement les mesures qui nous semblent indispensables pour nos concitoyens, pour le droit des hommes à vivre dans la dignité. L'an passé, le comité de suivi du droit au logement opposable, le DALO, exhortait l'État à ne pas rester hors la loi. Il y a quelques semaines, il présentait de nouvelles conclusions accablantes, évoquant même une situation de crise humanitaire et concluant que l'État était encore plus hors la loi depuis un an.
Il est donc urgent d'agir et de donner voix aux préconisations du comité de suivi, afin que cesse cette situation paradoxale : la non-mise en œuvre d'un droit reconnu par la loi. Ce n'est d'ailleurs par seul – je songe notamment à l'eau.
Ainsi, le comité de suivi de la mise en œuvre du DALO a demandé que l'État assure sa propre cohérence, en appliquant les quatre principes suivants.
Premièrement, toute personne faisant l'objet d'un jugement d'expulsion doit être informée par le préfet de la possibilité de déposer un recours au titre du DALO en vue d'un relogement.
Deuxièmement, lorsqu'une personne a déposé un tel recours, la décision d'accorder le concours de la force publique doit être suspendue dans l'attente des conclusions de la commission de médiation.
Troisièmement, lorsqu'une personne a été désignée comme prioritaire par la commission de médiation, aucun concours de la force publique ne doit être accordé avant qu'elle n'ait reçu une offre de logement adaptée à ses besoins et à ses capacités.
Quatrièmement – je le souligne même si cet élément ne figure pas dans le texte de cet amendement –, le refus de concours de la force publique doit donner effectivement lieu à indemnisation du propriétaire, ce qui suppose l'abondement du budget concerné à hauteur des besoins. On est loin du compte !
Interdire l'expulsion des prioritaires DALO n'est pas une question mineure. En effet, selon les chiffres fournis par le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, au 31 décembre 2010, alors que plus de 200 000 demandes ont été déposées auprès des commissions de médiation DALO, seules 25 189 personnes ont pu être logées ou hébergées à la suite d'un recours. Le nombre de personnes déclarées prioritaires et n'ayant pourtant reçu aucune offre de relogement reste donc important. Ainsi, au 30 juin 2010, 14 000 ménages étaient dans cette situation ; 12 500 d'entre eux avaient été déclarés prioritaires par les commissions franciliennes, dont 10 000 par la seule commission de Paris.
Ajoutons que la procédure DALO visant à « écrémer » au maximum les dossiers n'est déclarée prioritaire que pour une infime minorité de demandeurs de logement. C'est ainsi que, à la fin de juin 2010, seuls 43 % des dossiers faisaient l'objet d'un avis favorable. L'écart entre le nombre des ménages déclarés prioritaires et celui des ménages effectivement relogés, ou simplement entre le nombre des demandeurs et celui des personnes relogées, qui continue à se creuser, est le plus sûr révélateur des carences de l'action publique.
Pour mettre un terme à cette situation de non-droit et pour renforcer la portée du droit au logement opposable, nous demandons donc, comme le préconise le comité de suivi, ainsi que le Conseil économique, social et environnemental, que le Gouvernement respecte le droit qu'il a lui-même édicté. Cet amendement, faisant siennes des préconisations communes au Conseil économique, social et environnemental et à au comité de suivi du DALO, devrait normalement gagner l'assentiment de notre assemblée, pour que le droit au logement ne reste pas un droit fictif.