Cet article est intéressant sur le plan du droit : après avoir pris une décision, une haute juridiction demande aux autorités de la République, au Gouvernement et au Parlement, de prendre des dispositions transitoires dans l’urgence, c'est-à-dire dans un délai de six mois, tout en reconnaissant que cette décision pourra difficilement s’appliquer sans avoir de conséquences financières importantes pour le secteur concerné. Mais, avec cette validation législative, elle risque de s’autocensurer, car la disposition prévue est contraire au droit constitutionnel.
Si nous votons l’article 5 de ce projet de loi et si le Conseil constitutionnel ne le censure pas, cela signifiera que le Parlement peut réduire le champ d’application d’une décision prise par la juridiction concernée, en l’occurrence le Conseil d’État, et ce avec l’accord de celle-ci. Voilà qui fera jurisprudence.
Pour ma part, je suis extrêmement surpris par la formulation de cet article, les délais allant au-delà de ce qu’a prévu le Conseil d’État, même s’ils ont été réduits de vingt-quatre mois à douze mois.
En réalité, cet article va plus loin et je pourrais développer plus longuement les nombreuses raisons qui me conduisent à penser qu’il est totalement inconstitutionnel. Mais je note que, dans l’urgence, M. le rapporteur et M. le ministre sont bons princes : ils essaient d’être accommodants pour tenir les délais.
Toutefois, on peut lire à la page 64 du rapport : « Cependant, le président de la Commission de la copie privée a expliqué à votre rapporteur que cette prorogation ne suffirait pas, justifiant ainsi les dispositions de l’article 5. » Tout est dit ! Après un tel préambule, les justifications juridiques semblent bien faibles, et on verra si le Conseil constitutionnel s’en accommode.
Avec cet article, nous prenons, à mon avis, un risque important. Au demeurant, cette démarche est intéressante pour le Parlement et pour les pouvoirs respectifs des institutions de notre pays.