La séance est ouverte à quinze heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, d’une part, du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et, d’autre part, du projet de loi de finances rectificative pour 2011 ne sont pas parvenues à l’adoption d’un texte commun.
J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a procédé à la nouvelle désignation des candidats qu’elle présente pour la commission mixte paritaire qui doit se réunir sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine.
M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, et est disponible au bureau de la distribution.
M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 16 décembre 2011, deux décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (nos 2011-206 QPC et 2011-207 QPC).
Acte est donné de cette communication.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le lundi 19 décembre 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-221 QPC et 2011-222 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
J’informe le Sénat que la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives (n° 33, 2011-2012), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyée pour avis, à leur demande, à la commission des affaires sociales, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et à la commission des finances.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la rémunération pour copie privée (projet n° 141, texte de la commission n° 193, rapport n° 192).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà plus de vingt-cinq ans, à la suite de la loi Lang du 3 juillet 1985, que la copie privée contribue au financement d’une part de la création artistique française, pour un montant qui s’élevait, en 2010, à environ 189 millions d’euros.
Si 75 % de ces sommes bénéficient directement aux créateurs, le reste, soit 25 % de la rémunération pour copie privée, est obligatoirement dédié, en application de la loi de 1985, à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes. En s’acquittant de la rémunération, le public participe donc directement au financement de près de 5 000 manifestations culturelles dans une grande diversité de genres et de répertoires : grands et petits festivals, pièces de théâtre, concerts, spectacles de rue, courts métrages ou documentaires de création.
Cette institution remarquable est aujourd’hui menacée, notamment à la suite de l’arrêt Padawan rendu le 21 octobre 2010 par la Cour de justice de l’Union européenne que le Conseil d’État a été tenu d’appliquer dans une décision du 17 juin dernier.
Sous une apparence technique, le présent projet de loi répond à un enjeu simple et circonscrit dont nous saisissons cependant tous à quel point il est impérieux : il s’agit d’éviter, à très court terme, l’effondrement d’un système essentiel pour la juste rémunération des auteurs, artistes-interprètes et producteurs de la musique, du cinéma, de l’audiovisuel, de l’image fixe et de l’écrit, et pour la vitalité de la création artistique française.
Je me réjouis, dans ce contexte, du caractère particulièrement constructif des travaux et discussions dont ce texte a fait l’objet, que ce soit lors de son examen très consensuel à l’Assemblée nationale ou, plus récemment ici, à l’occasion des débats en commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Je remercie à cet égard M. le rapporteur du travail très précis et approfondi effectué malgré l’urgence qui nous contraint.
L’objet premier de ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, est donc de sécuriser le mécanisme de la copie privée, à la suite de la décision du 17 juin dernier du Conseil d’État.
Jugeant que les supports acquis pour un usage professionnel devaient être exemptés du paiement de la rémunération pour copie privée, le Conseil d’État a condamné le système mis en place par la commission copie privée qui, pour des raisons de simplicité et de prévention de la fraude, consistait à appliquer la rémunération pour copie aux supports susceptibles de servir tout à la fois pour un usage professionnel et pour un usage de copie privée – les CD-ROM, la plupart des DVD, les téléphones multimédias, les clés USB, ... –, moyennant un abattement reflétant la part des usages professionnels. Cette décision emporte des effets collatéraux très graves, car elle prive notamment de fondement juridique, à compter du 22 décembre prochain, l’essentiel des barèmes de perception de la copie privée. Elle fait ainsi peser une menace immédiate sur la perception des 180 millions d’euros.
Par ailleurs, la décision du Conseil d’État entraîne un effet d’aubaine pour les redevables de la rémunération pour copie privée qui avaient engagé une action judiciaire avant le 17 juin 2011 : ils pourraient réclamer le remboursement de l’intégralité des sommes versées, soit un montant de près de 60 millions d’euros, alors même que l’essentiel de ces sommes était effectivement dû lorsque n’étaient pas en cause des supports acquis à des fins professionnelles et que la copie privée a été répercutée sur le prix acquitté par les consommateurs.
Le projet de loi permet donc de remédier au risque d’une interruption ou d’une remise en cause de la rémunération pour copie privée, lorsque celle-ci est effectivement due, en neutralisant les effets collatéraux de la décision du Conseil d’État, et cela par deux moyens.
Le premier est le maintien, au-delà du 22 décembre prochain, des barèmes de la rémunération pour copie privée, et cela jusqu’à l’adoption par la commission copie privée de nouveaux barèmes portant sur les supports en cause dans la décision n° 11 annulée par le Conseil d’État, dans la limite toutefois d’un délai maximal que l’Assemblée nationale a réduit à un an, avec l’accord du Gouvernement.
Le second moyen consiste à procéder à une validation ciblée des rémunérations antérieures au 17 juin 2011 qui font l’objet d’une action contentieuse.
Cette réponse – j’y insiste – est conforme à la Constitution et au droit européen et a donc été approuvée par le Conseil d’État lorsqu’il a examiné le projet de loi. En particulier, conçue de manière à respecter la chose jugée, elle n’empêche pas les personnes ayant acquis un support pour un usage professionnel de faire valoir leurs droits, car elle ne porte que sur des rémunérations qui ne sont pas couvertes par le motif qui fonde la décision d’annulation du Conseil d’État, en faisant notamment obstacle à ce qu’elles soient contestées du fait d’un défaut de base légale.
J’ajoute que le projet de loi, qui répond à d’évidents motifs d’intérêt général en matière de soutien à la création et à la diversité culturelle, est en réalité indispensable pour se conformer à nos obligations juridiques au regard du droit communautaire, la Cour de justice de l’Union européenne ayant en effet consacré le principe d’une obligation de compensation effective du manque à gagner lié aux actes de copie privée.
Afin de mettre en œuvre la décision du Conseil d’État, le projet de loi organise parallèlement l’exemption des supports acquis pour un usage professionnel du paiement de la rémunération pour copie privée selon deux modalités inspirées directement de la pratique actuelle de la commission concernant certains supports déjà exemptés de la rémunération : soit sur le fondement d’une convention passée entre Copie France et les professionnels, qui permettra à ceux-ci d’être exonérés de la rémunération pour copie privée lors de l’acquisition des supports, notamment dans des circuits de distribution spécialisés ; soit par une demande de remboursement présentée auprès de Copie France et assortie de justificatifs établissant la qualité de professionnel et un usage présumé du support à des fins autres que de copie privée.
Le projet de loi comporte d’autres dispositions, de portée plus limitée, qui constituent néanmoins des précisions utiles.
Il consacre ainsi la pratique de la commission copie privée en matière d’enquête d’usage.
Il tire également les conséquences d’une autre décision du Conseil d’État, en date du 11 juillet 2008, selon laquelle la rémunération pour copie privée n’a pas pour objet de compenser les pertes de revenus liées aux copies illicites d’œuvres protégées, écartant donc de l’assiette de la copie privée les copies de source illicite, effectuées à partir de fichiers piratés.
Le projet de loi a été, sur ce point, amendé à l’Assemblée nationale, sur l’initiative du député Lionel Tardy, dans un sens qui ne doit pas susciter de malentendu. En insérant la même précision, relative aux copies de source illicite, au sein d’autres articles du code de la propriété intellectuelle relatifs à la définition de l’exception pour copie privée, cet amendement technique, de pure coordination, ne change pas le périmètre de l’exception pour copie privée par rapport au texte initial du Gouvernement. Dès lors que les copies de sources illicites ne sont pas dans l’assiette de la rémunération pour copie privée, il est clair, au regard non seulement du droit interne, mais aussi du droit communautaire, que ces copies ne sont pas couvertes par l’exception pour copie privée.
Le projet de loi prévoit par ailleurs l’information de l’acquéreur d’un support d’enregistrement concernant le montant de la rémunération pour copie privée auquel il est assujetti, ce qui représente une avancée intéressante pour la compréhension par chacun du mécanisme de la copie privée et de ses enjeux.
Au regard des interrogations techniques que cette disposition a suscitées, je tiens à préciser que le Gouvernement veillera à ce que les modalités de sa mise en œuvre réglementaire soient les plus souples et les plus pragmatiques possible.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, devant une situation d’extrême urgence, le projet de loi privilégie une réponse pragmatique, immédiatement applicable et respectueuse, qui plus est, des jurisprudences du Conseil d’État et de la Cour de justice de l’Union européenne.
Par-delà cette réponse de court terme, mon ministère a engagé une réflexion plus globale, plus ambitieuse – que nous appelons tous de nos vœux – quant à l’incidence des évolutions technologiques sur le mécanisme de la copie privée.
Cette réflexion nous permettra d’aborder l’ensemble des questions souvent légitimes que suscite l’avenir de ce mode de rémunération de la création. Elle est notamment conduite dans le cadre d’une commission spécialisée du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, présidé par Sylvie Hubac, qui a été chargée d’étudier l’incidence de l’« info nuage », ou « cloud computing », sur la rémunération pour copie privée.
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, parce qu’il y va de l’héritage d’une loi fondatrice que nos prédécesseurs ont su, à l’époque, adopter à l’unanimité, parce qu’il y va de notre responsabilité collective à l’égard de la création, je souhaite que nous puissions parvenir à l’adoption la plus consensuelle possible de ce projet de loi essentiel, qui est avant tout un texte d’urgence. Ce sera une nouvelle fois le signe de notre réactivité, de notre engagement commun pour la défense de ceux qui inventent, de ceux qui composent, de ceux qui créent.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis Beaumarchais notre pays a progressivement dégagé les principes juridiques visant à encadrer le droit d’auteur et ainsi à protéger toutes les œuvres de l’esprit.
Cette construction juridique s’est faite par étapes.
C’est la loi du 11 mars 1957 qui a établi le principe de la copie privée. Ses dispositions sont, pour l’essentiel, encore en vigueur aujourd’hui.
La loi du 3 juillet 1985, dite « loi Lang », a posé, quant à elle, le principe d’une rémunération de la copie privée au travers de prélèvements effectués sur la vente de certains supports d’enregistrement. Cette loi a également institué une commission de la copie privée pour gérer les modalités de ce prélèvement. Elle a par ailleurs instauré des « droits voisins » au profit des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes ainsi que des entreprises de communication audiovisuelle.
Toutes ces dispositions ont été codifiées en 1992 dans le code de la propriété intellectuelle, qui donne à l’auteur la possibilité de tirer profit de l’exploitation de son œuvre et d’exercer un contrôle sur cette exploitation. À ce titre, ce code réserve aux auteurs d’œuvres protégées la faculté d’autoriser la reproduction pour copie à usage privé et non collectif, dite « exception de copie privée ». En contrepartie, le titulaire des droits perçoit une rémunération forfaitaire destinée à compenser le manque à gagner croissant dû au développement des technologies permettant la multiplication des copies.
Lorsqu’il a écrit, en 1935, son fameux essai, L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, le philosophe Walter Benjamin vivait dans un tout autre monde que le nôtre. Aujourd’hui, la technologie permet la copie à l’infini, sans perte de qualité, grâce au numérique, et à un coût marginal infime, voire nul.
Avec la révolution numérique qui a débuté il y a une quinzaine d’années, notre législation se trouve engagée dans une course de vitesse incessante pour tenter d’intégrer et d’encadrer la multiplicité des pratiques et des usages nouveaux que suscitent internet et les nouvelles technologies de l’information. Parallèlement à ce défi imposé par la technologie, notre cadre juridique national en matière de droits d’auteur et de droit d’accès à la culture et à la connaissance se doit également de répondre au défi de l’intégration du droit et de la jurisprudence établis à l’échelle de l’Union européenne. Ce n’est pas une mince affaire et, je le souligne, notre pays est régulièrement rappelé à l’ordre, voire sanctionné par la Cour de justice de l’Union européenne pour ses retards ou ses transpositions parfois hasardeuses des directives européennes en droit interne.
Dans le domaine qui nous intéresse spécifiquement, plusieurs directives européennes, en particulier celle du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, s’imposent désormais à nous. C’est dans ce cadre que s’inscrit le présent projet de loi ; son objet est circonscrit à la rémunération pour copie privée, dont la mise en œuvre dans notre pays est parfois contestable et souvent contestée. En effet, des contentieux ont abouti à l’annulation de plusieurs décisions de la commission de la copie privée, notamment celle fixant les barèmes de redevance applicables aux supports permettant de réaliser des copies. Ces supports vont du CD aux tablettes tactiles multimédias, en passant par certains équipements télévisuels, les baladeurs ou encore les téléphones mobiles.
Ayant pour ambition limitée de colmater les brèches qui se sont multipliées dans notre édifice juridique, le projet de loi a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 26 octobre 2011 et adopté par celle-ci le 29 novembre.
Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte pour prévenir un risque d’interruption ou de remise en cause du dispositif existant à compter du 22 décembre prochain, à la suite d’une décision du Conseil d’État du 17 juin 2011. Cette décision tirait les conséquences de l’arrêt Padawan du 21 octobre 2010 de la Cour de justice de l’Union européenne. Cet arrêt précise la portée de la directive de 2001 en excluant de l’assiette de la rémunération pour copie privée les supports d’enregistrement acquis à des fins professionnelles.
Le texte qui nous est soumis vise donc un double objectif : mieux encadrer les modalités de détermination de la rémunération pour copie privée et stabiliser provisoirement un dispositif ébranlé par la rapidité des évolutions technologiques et par la jurisprudence.
Mes chers collègues, M. le ministre nous ayant exposé à la fois cette jurisprudence et le contenu du projet de loi, plutôt que de vous infliger des propos redondants dans la suite de mon intervention, je préfère vous faire part de mes convictions et de mes regrets, avant de me tourner vers l’avenir.
Mes regrets ont notamment trait au calendrier plus que contraint dans lequel le Sénat se trouve enfermé. Compte tenu de la difficulté prévisible pour la commission de la copie privée de procéder, dans le délai de six mois fixé par le Conseil d’État, à de nouvelles enquêtes d’usage plus approfondies sur les supports d’enregistrement, puis d’élaborer et d’adopter les barèmes de redevance applicables, pourquoi ne pas avoir anticipé cette échéance ? Pourquoi avoir attendu le 26 octobre pour déposer le projet de loi ?
Outre des délais très courts entre l’adoption du texte par l’Assemblée nationale et son examen par notre commission – deux semaines à peine –, la menace d’une chute de la rémunération des auteurs et autres ayants droit a été brandie comme un couperet. Pourtant – j’exprime à ce titre un nouveau regret – deux modifications au moins auraient pu améliorer le texte.
La première concerne l’article 1er.
Les dispositions introduites sur l’initiative de notre collègue député Lionel Tardy sont venues modifier le champ de l’exception pour copie privée. Elles sortent donc, à mon sens, du périmètre de ce texte. Néanmoins, la commission a rejeté l’amendement que j’avais déposé visant à les supprimer et à rétablir le texte initial du Gouvernement au prétexte de la nécessité d’un vote conforme pour pouvoir promulguer cette loi dans un délai n’affectant pas le prélèvement effectué au titre de la copie privée. Les sénateurs écologistes ont cependant déposé un amendement, que nous examinerons dans quelques instants, tendant à supprimer ces dispositions.
La seconde modification souhaitable touche l’article 3 du projet de loi.
J’ai bien entendu les remarques que M. le ministre a formulées et la considération qu’il a témoignée à ce problème. Certes, cet article vise un objectif louable, puisqu’il s’agit d’informer les acquéreurs de supports du principe et du montant de la rémunération pour la copie privée. Or l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions. C’est pourquoi j’aurais souhaité que nous simplifiions la rédaction des modalités d’application de cet article afin d’atteindre au mieux cet objectif de manière adaptée à chaque support, sans créer de contrainte ou de coût disproportionné.
Monsieur le ministre, j’ai accepté de retirer mon amendement en commission sous réserve des garanties que vous nous avez apportées quant à la souplesse du décret d’application. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir les réitérer aujourd’hui.
Mes chers collègues, j’appelle également votre attention sur les risques que présente le développement d’un « marché gris », surtout pour des produits vendus à un prix facial somme toute limité, tels les CD vierges ou les clés USB, et ne nécessitant pas de service après-vente. En effet, l’insertion d’une notice spécifique intégrée à l’emballage du produit pour certains supports d’enregistrement pourrait accroître leur prix de vente, qui est déjà élevé du fait du prélèvement appliqué pour copie privée, et donc pénaliser financièrement leurs acheteurs ou les inciter à se tourner vers des offres en provenance de pays n’appliquant pas le même niveau de taxes qu’en France.
Avec l’expression de mes regrets, vous avez senti poindre celle de mes convictions.
Je l’affirme, la commission pour la rémunération de la copie privée devrait mieux intégrer certains risques encourus d’éviction du marché.
De fait, l’incidence du prélèvement effectué au titre de la copie privée sur le prix facial de vente est, aujourd’hui en France, significativement plus élevée qu’à l’étranger. Nombre de consommateurs de ces produits se tournent d’ores et déjà vers des distributeurs étrangers, ce qui se traduit par une perte sèche non seulement pour les distributeurs français, mais aussi pour les auteurs et pour l’État ; je songe notamment à la TVA qui n’est pas perçue sur ces produits achetés par des voies détournées.
À ce titre, je me suis livré à une petite recherche : pour une clé USB 2.0 de 16 gigaoctets, par exemple, la part de la rémunération pour copie privée représente 2 euros soit – selon le coût fixé par le distributeur – entre 9 % et 13 % du prix de vente. Par ailleurs, pour un CD-R 700 mégaoctets, cette somme s’élève à 3, 5 euros et représente environ 23 % du prix facial de vente.
L’acceptabilité du dispositif par le public suppose que les sociétés qui en assument la responsabilité puissent assurer une gestion transparente, vertueuse et irréprochable des sommes collectées. En 2010, celles-ci s’élevaient à 189 millions d’euros hors taxes. Je rappelle en outre que la rémunération pour copie privée a progressé de 51 % entre 2002 et 2010. Or les rapports annuels de la commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits des auteurs, artistes-interprètes et producteurs dénoncent des pratiques persistantes, même si, il faut le relever, quelques améliorations sont progressivement observées.
Sur ce sujet, je vous invite à prendre connaissance du dernier rapport publié par cette instance en mai 2011, dont un chapitre est consacré aux mesures nécessaires de transparence économique. Il fait notamment état du cumul des frais de gestion « en cascade » et de la profonde opacité qui entoure les sommes qui échoient aux sociétés de répartition des droits. J’ai annexé ce document au rapport que j’ai rédigé au nom de notre commission.
Enfin, je tiens à vous faire part de ma conviction concernant les perspectives d’avenir qu’il me semble urgent et indispensable de tracer dans les mois qui viennent.
Je l’ai déjà souligné, l’objectif bien circonscrit du projet de loi et l’urgence dans laquelle ce texte s’inscrit ne permettent pas d’opérer une véritable remise à plat de l’ensemble du système. Celle-ci nécessitera un travail de longue haleine et sera d’autant plus nécessaire que la Commission européenne travaille actuellement à l’élaboration d’un nouveau cadre politique commun à ce sujet.
En souffrance depuis quelques années, le dossier de la copie privée dans le cadre communautaire vient en effet d’être à nouveau ouvert par le commissaire européen en charge du marché intérieur, M. Michel Barnier, qui a récemment procédé à la nomination d’un médiateur européen, en la personne de M. António Vitorino. Ce dernier a notamment été chargé d’adapter la directive de 2001 en incorporant les décisions récentes de la Cour de justice de l’Union européenne et de définir le cadre d’une convergence entre les différents régimes en vigueur dans les États membres en matière de copie privée. Ses conclusions et ses recommandations seront remises au second semestre de l’an prochain et un nouveau cadre juridique communautaire devrait logiquement voir le jour dans le courant de l’année 2013. Il est donc indispensable que la commission de la culture, conjointement avec la commission des affaires européennes, se saisisse à nouveau du sujet pour en approfondir les tenants et aboutissants.
À mes yeux, les mutations en cours, pour perturbatrices qu’elles puissent paraître, doivent être considérées comme autant d’opportunités pour accroître l’accès de tous aux productions culturelles et dégager les moyens pérennes d’améliorer le financement de la création et de ses acteurs.
Ces sujets sont complexes et éminemment évolutifs.
La multiplication des usages privés, liée à l’explosion des capacités de stockage numérique, pose un défi, y compris juridique : complexité croissante du dispositif, nécessité de l’adapter aux évolutions technologiques permanentes et d’assurer la balance entre les intérêts en présence, dans la ligne du droit communautaire.
C’est un vrai défi pour les législateurs que nous sommes. Avec l’« info nuage », c’est-à-dire la possibilité d’hébergement de contenus sur des serveurs distants et dissociés des équipements personnels de l’internaute, ainsi qu’avec l’avènement annoncé de la télévision connectée, une deuxième révolution numérique est incontestablement en cours. Dans ce contexte, nous ne faisons aujourd’hui que replâtrer en urgence l’édifice. Tous les interlocuteurs que j’ai rencontrés, soit une quarantaine de personnes, ont d’ailleurs qualifié ce projet de loi de « rustine ». Pourtant, je ne nie pas la nécessité de ce texte, mais j’ai souhaité en montrer ici les limites.
Ce texte, sans lequel les barèmes perdraient toute validité juridique à compter du 22 décembre prochain, est urgent. À défaut, la redevance, qui représente une part non négligeable des perceptions des sociétés de gestion collective, ne pourrait provisoirement plus être perçue. Je n’en reste pas moins convaincu que les améliorations que j’avais proposées, en ne retardant que de trois jours l’adoption du projet de loi, n’auraient pas menacé l’équilibre financier du dispositif.
Mes chers collègues, la commission de la culture ayant opté pour l’adoption conforme du projet de loi, je vous invite, en tant que rapporteur, à suivre ses conclusions.
(M. le ministre fait mine de s’en débarrasser.), car il nous faut désormais imaginer l’avenir et sa complexité.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Sérieux et humour étant heureusement compatibles, je forme le vœu que cette « rustine » ne colle pas éternellement au code de la propriété intellectuelle, comme le sparadrap au doigt du capitaine Haddock, dans L’Affaire Tournesol§
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le développement des technologies de reproduction sur des supports analogiques, comme la copie optique ou magnétique, et l’évolution extraordinaire des moyens de reproduction numériques ont bouleversé un équilibre déjà fragile entre les titulaires des droits et les consommateurs, rendant impossible le contrôle du nombre de copies réalisées par les particuliers pour leur propre usage, et ce au détriment du revenu des auteurs et des autres ayants droit.
Le système actuel rencontre deux types de difficulté : d’une part, la loi du 3 juillet 1985, conçue à l’époque des supports analogiques et qui instaure un dispositif de rémunération forfaitaire au bénéfice des auteurs en compensation des copies d’œuvres réalisées sans autorisation préalable, ne permet plus de faire face aux effets du développement du numérique ; d’autre part, les montants en jeu étant très importants et en augmentation, il s’avère de plus en plus difficile de concilier les points de vue des ayants droit, des consommateurs et des industriels, dans un contexte de vide juridique créé par des annulations en Conseil d’État de décisions de la commission de la copie privée, lesquelles pourraient à terme menacer directement le versement de la rémunération aux ayants droit, comme l’ont d’ailleurs rappelé M. le ministre et M. le rapporteur.
La décision du Conseil d’État du 17 juin dernier va provoquer la suspension des versements de la redevance jusqu’à ce que des enquêtes d’usage aient lieu.
C’est ce dispositif de rémunération pour copie privée qu’il s’agit de préserver aujourd’hui, tout en nous mettant en conformité avec les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État. Une intervention législative est donc impérative ; au-delà de la date butoir du 22 décembre – je rappelle que nous sommes le 19 décembre ! –, nous courons le risque d’une désorganisation de la rémunération pour copie privée, ce qui menacerait également, par ricochet, une partie du système de financement de la création.
J’ajoute que le projet de loi, s’il répond à une nécessité immédiate et ponctuelle, a également prévu des avancées sur plusieurs questions. Je pense notamment à l’exclusion du dispositif pour les pirates de fichiers et à l’information du consommateur sur l’existence du prélèvement et sa destination culturelle.
Ces mesures bienvenues, monsieur le ministre, ne doivent pas nous faire oublier la nécessité d’une réflexion plus globale sur la rémunération pour copie privée, qui devra évoluer avec son temps. Il nous appartient, en tant que législateur, de ne pas nous laisser distancer par la progression, que l’on peut qualifier de fulgurante, du numérique et de l’« info-nuage ».
En commission, vous avez comparé l’apport du présent texte à une « rustine ». Nous vous faisons donc toute confiance pour mener à bien une réforme de plus grande ampleur, qui s’annonce compliquée mais aussi particulièrement motivante.
Notre groupe approuve bien évidemment ce premier pas et salue le consensus qu’il suscite sur les diverses travées de notre assemblée.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, texte « rustine » ou patch, projet de loi transitoire ou d’attente... Les choses sont claires : les présentes mesures répondent à une situation d’urgence.
Mes collègues du groupe de l’Union centriste et républicaine et moi-même avons entendu l’appel à soutenir ce texte, au nom du risque encouru. Nous le soutiendrons donc, puisqu’il s’agit d’encourager la création et d’aider les artistes, comme nous l’avons toujours fait, dans le respect, bien évidemment, d’équilibres qu’il convient d’atteindre lorsque les intérêts des uns viennent contredire ceux des autres. Je pense notamment à des textes comme HADOPI, la télévision du futur, la nouvelle télévision publique ou encore le prix du livre numérique.
Aujourd’hui, nous nous penchons sur le système de rémunération pour copie privée, qui s’appuie sur la loi Lang de 1985. Comme l’a déjà fort bien expliqué M. le rapporteur, la rémunération pour copie privée des ayants droit se base sur des barèmes établis par une commission ad hoc. Or, on le sait, le Conseil d’État, dans son arrêt du 17 juin 2011 Canal+ distribution et autres, a annulé les derniers barèmes établis. Ce faisant, il a en quelque sorte transposé en droit français la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, fondée sur le fameux arrêt Padawan du 21 octobre 2010.
Le Conseil d’État a reporté l’effet de sa décision pour motif d’intérêt général. Las, ce report est insuffisant pour permettre à la commission de conduire les enquêtes et d’effectuer leur traitement en vue de l’élaboration et de l’adoption de nouveaux barèmes dans le délai imparti. Dans ces conditions, la décision Canal+ distribution et autres prendra pleinement effet dans trois jours. Aujourd’hui, lundi 19 décembre, il y a donc bien urgence !
Il est tout de même permis de se demander si le présent texte n’aurait pas pu nous être soumis plus tôt. En effet, tout le monde savait que les six mois de délai accordés par le Conseil d’État seraient trop courts. Monsieur le ministre, il est difficile pour des parlementaires, ne serait-ce que pour des questions de principe, de se voir ainsi contraints, surtout lorsqu’ils se disent que le texte aurait pu être amélioré, même à la marge. Profitons donc de cette discussion générale pour clarifier certains points, car, on le sait, les débats éclairent toujours la loi.
M. le rapporteur avait notamment envisagé d’adopter à l’article 3, qui porte sur l’information de l’acquéreur d’un support d’enregistrement, une rédaction plus sobre et plus claire, ce qui aurait sans doute été préférable, la loi ne gagnant jamais à être trop bavarde. Ainsi, l’obligation faite au fabricant de fournir une « notice explicative » relative à la rémunération pour copie privée inquiète les industriels. Mais sans doute pouvons-nous d’emblée les rassurer, en précisant qu’une notice peut être une « brève indication écrite ». Les industriels n’auront donc pas forcément à éditer un fascicule, l’important étant que l’information soit diffusée et adaptée au produit.
De même, l’article 4, qui vise à établir un système de remboursement pour les professionnels, donc d’avance de trésorerie, fait grincer des dents ces derniers.
Nous n’avons pas déposé d’amendements sur le projet de loi, car nous attendons un réel débat, plus global, sur la rémunération de la création à l’ère numérique. Aussi, au-delà de ce seul texte, qui nous permet de mettre en conformité notre droit interne avec le droit communautaire, il convient, selon nous, de réfléchir aux évolutions à apporter à un système frappé d’obsolescence.
Le présent projet de loi révèle une faiblesse intrinsèque au système, à savoir le fonctionnement de la commission pour la rémunération de la copie privée, qui ne semble guère satisfaisant. Censée être le lieu de la concertation et du consensus, cette commission a « dysfonctionné » suffisamment pour que certains de ses membres aient longuement pratiqué la politique de la chaise vide et que les autres aient formé recours sur recours à l’encontre de ses décisions. L’arrêt Canal+ distribution et autres est d’ailleurs le résultat de l’un de ces recours. Il n’est pas normal que les industriels se sentent marginalisés et ne fassent le choix que de soumettre systématiquement à la justice les décisions de la commission.
Le système français de rémunération pour copie privée doit aussi tenir compte de l’intégration communautaire dans ce domaine. C’est bien sous le double effet de la législation européenne et de la jurisprudence communautaire que nous sommes aujourd’hui conduits à l’adapter de manière provisoire. Mais, demain, c’est l’évolution technologique qui pourrait tout bonnement le faire voler en éclats, si nous ne sommes pas capables d’aller plus loin.
Le système avait été imaginé pour un monde analogique, celui des radiocassettes et des magnétoscopes. Le passage au numérique le fait déjà vaciller. Pourtant, l’essentiel du bouleversement est à venir, avec le développement très rapide des usages liés aux technologies de la deuxième révolution numérique que sont l’« info nuage », ou « cloud computing », et la télévision connectée. Cela signifie que nous disposerons bientôt de techniques permettant de stocker toutes nos données, qu’il s’agisse de musiques, de films ou de livres, sur des serveurs distants hébergés, pas forcément en France, par un prestataire de services. Nous y accéderons par internet.
Comment la question de l’utilisation de nos espaces de stockage dans « les nuages », pour transférer des contenus protégés et y accéder, devra-t-elle être appréhendée non seulement juridiquement, mais aussi concrètement ?
Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique a lancé un groupe de travail sur le sujet. Je rejoins à ce propos les vues de M. le rapporteur : le Parlement ne doit pas être tenu à l’écart de la détermination des modalités d’adaptation de l’exception de copie privée, qui constitue une mutation de très grande ampleur.
Quoi qu’il en soit, le système ne pourra être remis à plat qu’en concertation avec l’Union européenne. En tant que membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, ainsi que de la commission des affaires européennes, permettez-moi d’être particulièrement sensible à cet aspect.
Nous savons que la Commission de Bruxelles travaille déjà à l’élaboration d’un cadre juridique commun, qui aurait été de nature à nous éviter les difficultés actuelles. Les industriels ont pointé du doigt les différences de barèmes d’un pays de l’Union à l’autre, ceux pratiqués en France figurant, semble-t-il, parmi les plus élevés d’Europe. Ne serait-il pas souhaitable, toutes choses étant égales par ailleurs, de tendre vers une harmonisation des tarifs ?
De manière encore plus générale et fondamentale, l’évolution technologique remet purement et simplement en cause la totalité du financement de la culture.
Je rappelle que l’exception de copie privée n’est pas la seule source de rémunération des ayants droit. Par définition, elle est même exceptionnelle. Or la déterritorialisation et la délinéarisation de la consommation, liées à l’évolution des technologies, n’ébranlent pas seulement la copie privée, mais tout le système des droits d’auteur. En effet, nous entrons dans un monde où le droit d’auteur, pouvant de moins en moins être perçu sur un produit physique, devrait l’être de plus en plus sur le moyen permettant de jouir de l’œuvre. Il s’agit de mettre en place non pas une licence globale – vous savez que je n’y suis pas favorable –, mais un nouveau cadre pour la vente individuelle des œuvres.
Je le répète : c’est au moins à l’échelon européen que la partie va se jouer, car c’est toute la question de la coordination et de l’harmonisation fiscale qui se trouve posée. Il n’est pas normal en effet que les géants de l’ère numérique, principalement américains, alors qu’ils ne vivent que grâce à ce qu’ils qualifient de « contenus » – banalisant ainsi l’idée même d’œuvre, donc l’acte de création et la notion d’auteur –, ne participent pas du tout au financement desdits « contenus ».
Ce sujet a déjà été maintes fois évoqué dans notre hémicycle, mais il doit continuer de nous mobiliser, comme il doit mobiliser l’ensemble des acteurs de la nouvelle chaîne de valeur, devenue mouvante à l’heure d’internet et de la numérisation, à savoir les acteurs traditionnels ainsi que les nouveaux entrants et les nouveaux bénéficiaires.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Françoise Laborde applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la rémunération pour copie privée a été instaurée en France par la loi du 3 juillet 1985. Exception au droit d’auteur, elle autorise la reproduction d’une œuvre protégée aux fins d’usage privé et prévoit une compensation financière au bénéfice des titulaires du droit d’auteur.
Ce mécanisme compense le manque à gagner résultant du développement des moyens de reproduction. Il prend la forme de redevances applicables aux supports vierges, aujourd’hui toujours plus variés : les CD et les DVD, les appareils MP3, les clés USB et autres disques durs externes. Sont assujettis à ces redevances les fabricants ou importateurs de supports d’enregistrement.
En 2001, la directive sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, en définissant la notion de « compensation équitable » des ayants droit, a confirmé l’exception pour copie privée qui existe dans le droit français.
L’importance de la redevance pour copie privée, qui a rapporté 189 millions d’euros en 2010, n’est pas négligeable : 25 % des sommes collectées sont consacrées à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes, 75 % étant affectées aux ayants droit.
Le projet de loi ne bouleverse pas fondamentalement le principe de la rémunération pour copie privée ; il l’aménage, dans un contexte juridique dont M. le ministre et les orateurs précédents ont rappelé qu’il est difficile, pour le mettre en accord avec la directive européenne de 2001. Il tire surtout les conséquences de l’interprétation qu’a donnée de cette directive la Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt Padawan du 21 octobre 2010. Ainsi, la CJUE a jugé que le fait d’assujettir les équipements, appareils et supports de reproduction numériques réservés à des usages autres que privés n’était pas conforme à la directive sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.
Or, en 2008, la décision n° 11 de la commission de la copie privée, dite Copie France, a fixé les barèmes de rémunération des supports et a soumis à la rémunération pour copie privée des supports hybrides, susceptibles d’être utilisés à des fins personnelles comme à des fins professionnelles.
En se fondant sur l’arrêt Padawan, le Conseil d’État a annulé l’intégralité de cette décision et des barèmes qu’elle prévoyait, donnant à la commission de la copie privée un délai de six mois pour tenir compte des motifs de cette annulation et jugeant que celle-ci ne devait pas avoir d’effet rétroactif sous réserve des instances en cours.
En l’absence de nouveaux barèmes, les actions destinées à contester les paiements effectués sur le fondement de la décision n° 11 pourraient permettre à ceux qui les ont intentées d’obtenir le remboursement de la totalité des sommes versées, y compris celles qui correspondent à des usages à des fins de copie privée, ce qui représente environ 60 millions d’euros.
Ainsi, le projet de loi relatif à la rémunération pour copie privée est avant tout dicté par la situation d’urgence que l’arrêt du Conseil d’État a provoquée – d’ailleurs, comme mes collègues l’ont souligné, son examen aurait pu être anticipé de quelques semaines… Il vise donc à remédier au risque d’interruption de la rémunération pour copie privée en créant des dispositions transitoires destinées à éviter l’impasse dans laquelle le système risque de se trouver à compter du 22 décembre, lorsque prendra effet la décision d’annulation des barèmes prononcée par le Conseil d’État.
Il s’agit de proroger, jusqu’à l’entrée en vigueur de nouveaux barèmes, ceux que prévoyaient la décision n° 11 de la commission pour la copie privée. De plus, pour des motifs d’intérêt général, le projet de loi procède à une validation législative des paiements intervenus antérieurement pour des supports destinés à un usage de copie privée. De cette façon, le financement des droits d’auteurs et de la création par le produit de la redevance ne sera pas remis en cause par les redevables de celle-ci, à la faveur d’un effet d’aubaine momentané.
Le projet de loi met également un terme à la prise en compte des usages professionnels dans la rémunération pour copie privée via des conventions d’exonération avec Copie France ou, à défaut, des demandes de remboursement conditionnées.
Il prévoit enfin plusieurs dispositions annexes : non-assujettissement des copies réalisées à partir de sources illicites, obligation de fonder l’établissement des barèmes de rémunération sur des études d’usage et renforcement des obligations d’information de l’acquéreur sur la rémunération pour copie privée.
Nous ne sommes pas opposés à ce projet de loi, dont le principal objet est d’assurer le maintien de la rémunération pour copie privée dans une période de transition consécutive à l’annulation des barèmes de rémunération par le Conseil d’État. S’il n’était pas adopté, le vide juridique qui résulterait de cette annulation serait propice à la remise en cause de la taxe frappant les usages professionnels comme privés, donc aussi à celle de la rémunération des auteurs que la redevance vise à assurer.
Parce qu’il ne faut pas affaiblir le principe de la rémunération pour copie privée, mais au contraire le renforcer, nous voterons le projet de loi. Le faire est d’autant plus important que les fabricants de supports taxés n’ont de cesse de remettre en cause le fondement même de cette taxe. Par exemple, le tribunal de Nanterre, dans un jugement du 5 décembre 2011, a condamné Copie France à payer 1 million d’euros à Rue du Commerce au motif que le manque d’harmonisation européenne a permis l’apparition d’un marché parallèle de cybercommerçants étrangers ne s’acquittant pas de la rémunération pour copie privée.
Si donc le projet de loi relatif à la rémunération pour copie privée est nécessaire, il n’est pas suffisant : il procède d’une vision de court terme qui nie toute évolution technologique et ne repense pas un système de rémunération qui, parfaitement adapté aux modes d’élaboration et de diffusion de la création dans les années 1980 et 1990, est incapable de répondre à l’actuelle dématérialisation des contenus.
Nous nous accordons sur la nécessité de maintenir une compensation des droits des auteurs par la collecte d’une redevance dans le cadre de la reproduction privée et de rechercher une harmonisation européenne sur ce sujet. Mais force est de constater que, en reconduisant le système inchangé, le Gouvernement se contente de soustraire une partie des usages de reproduction des copies privées et maintient un dispositif législatif de fait partiellement obsolète. En effet, le cloud computing, qui met à disposition des données sur des serveurs, prive la rémunération pour copie privée de son assiette, les fichiers copiés n’étant plus stockés sur des supports physiques, seuls à être aujourd’hui taxés. La notion d’usage à des fins privées est ainsi rendue inopérante, puisque les contenus sont accessibles à tous et partout.
Je le répète, nous voterons le projet de loi, car, sans lui, la rémunération pour copie privée serait considérablement affaiblie. Nous restons cependant persuadés que, en raison de l’incapacité du Gouvernement à saisir l’ampleur des modifications de l’environnement culturel à l’heure numérique, il n’est qu’un simple pansement, une rustine – on peut utiliser une série de synonymes collants –, qui retarde seulement l’effondrement d’un système devenu anachronique. Peut-être que, avec plus de temps, les parlementaires auraient pu apporter à ces problèmes des réponses plus ambitieuses que celles prévues par le projet de loi ! §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi correspond à une nécessité. Le versement de la rémunération pour copie privée dépend de son adoption ; la rémunération des ayants droit en dépend ; de nombreuses actions culturelles en dépendent. Il était donc urgent que la Haute Assemblée lui apporte son soutien.
En 2010, la rémunération pour copie privée s’est élevée à 189 millions d’euros hors taxes.
La décision du 17 décembre 2008 de la commission de la copie privée, qui établissait le barème de la rémunération pour une dizaine de supports, a été annulée par le Conseil d’État le 17 juin 2011. À compter du 22 décembre prochain, c’est-à-dire dans trois jours à peine, les rémunérations reposant sur la décision annulée ne pourront plus être prélevées.
En ce qui concerne les instances en cours, les requérants pourront se prévaloir devant le juge de l’annulation de la décision de la commission.
Si le projet de loi n’était pas adopté, il en résulterait une multiplication des contentieux et une perte de recettes pour les ayants droit et les actions culturelles ; l’étude d’impact évalue ce manque à gagner à 58 millions d’euros !
Vous le savez, une décision annulée par le Conseil d’État est réputée n’être jamais intervenue. Les décisions applicables, dès lors, sont celles que la commission de la copie privée a prises auparavant ; mais celles-ci, adoptées entre 2002 et 2005, établissent des barèmes aujourd’hui obsolètes.
La nécessité d’adopter définitivement une loi susceptible d’être promulguée pour le 22 décembre est démontrée par le fait que le Conseil d’État a décidé de moduler les effets de son annulation afin d’éviter des « conséquences manifestement excessives » ; elle est démontrée aussi par le délai de six mois qu’il a accordé à la commission de la copie privée afin qu’elle établisse de nouveaux barèmes. Mais, monsieur le ministre, le projet de loi arrive un peu tard…
Les barèmes annulés s’appliquent aussi à des copies destinées à un usage privé. En adoptant le projet de loi, nous pourrons éviter que des personnes normalement assujetties se prévalent, de manière illégitime, de l’annulation des barèmes pour obtenir le remboursement de la rémunération qu’elles ont versée. Tel est le principal enjeu juridique de ce débat.
Par ailleurs, le projet de loi pose les fondements d’une plus grande conformité du droit national au droit de l’Union européenne et à la jurisprudence.
L’exclusion des supports destinés à un usage professionnel est attendue depuis longtemps. En effet, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, un lien doit exister entre l’application de la rémunération pour copie privée et l’usage présumé à des fins de reproduction privée. Les supports destinés à un usage professionnel ne doivent pas être soumis à la rémunération pour copie privée, car celle-ci, comme son nom l’indique, est réservée aux usages privés. Est-il normal que, depuis 1985, la rémunération pour copie privée ait été appliquée aux professionnels ?
L’exclusion des sources illicites est, elle aussi, conforme à la jurisprudence du Conseil d’État, telle qu’il l’a définie dans sa décision Simavelec du 11 juillet 2008. La rémunération pour copie privée ne peut bien évidemment pas servir à réparer le préjudice résultant, pour les ayants droit, du piratage et des copies illégales ; ce n’est pas son objet.
Cette raison a conduit à écarter l’amendement par lequel notre rapporteur proposait de supprimer la distinction entre les sources licites et illicites. Il lui avait été inspiré par la crainte que le consommateur ne puisse pas être en mesure de trancher sur la licéité de la source : en d’autres termes, par le fait que la charge de la preuve puisse être inversée. II faudra, mes chers collègues, nous pencher sur ce problème très important lors de la remise à plat du système.
Rendre obligatoire le recours à des enquêtes d’usage procède aussi de la volonté de se conformer à la directive européenne du 22 mai 2001. La fixation du niveau de la rémunération doit bien évidemment dépendre de l’utilisation qui est faite du support d’enregistrement : on ne peut prélever davantage sur un support dont les études d’usage établissent qu’il est rarement utilisé pour réaliser des copies.
Dans sa décision du 17 juin 2011, le Conseil d’État a rappelé que la rémunération « doit être fixée à un niveau permettant de produire un revenu, […], globalement analogue à celui que procurerait la somme des paiements d’un droit par chaque auteur d’une copie privée s’il était possible de l’établir et de le percevoir ; ».
Quelques mesures permettront aussi d’améliorer la transparence d’un système en réalité bien opaque. C’est ainsi qu’une note, éventuellement dématérialisée, sera communiquée au consommateur lors de la vente pour lui expliquer le fonctionnement de la rémunération pour copie privée, notamment son montant et l’utilisation qui en est faite.
L’information des commissions permanentes compétentes des deux assemblées par la communication du rapport produit par les sociétés de perception constitue également une bonne initiative.
Cependant, n’oublions pas que le projet de loi, comme cela a été répété, constitue seulement un pansement sur un dispositif inadapté ; c’est ce dernier, dans son ensemble, qu’il convient de revoir !
La réforme globale qui s’impose du régime de la rémunération pour copie privée nécessite une réflexion approfondie ; celle-ci a déjà commencé au sein du groupe de travail mis en place par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique.
Il faudra revoir le fonctionnement de la commission pour la copie privée ainsi que les modalités de la rémunération.
À propos du fonctionnement de la commission pour la copie privée, les contestations qui existent sont justifiées. Des dysfonctionnements sont constatés, qui ne sont pas récents. Est-il normal que les décisions de cette commission fassent l’objet de contestations devant les tribunaux et que les cinq dernières aient été annulées ?
D’autres contestations ont émergé, partout en Europe, sur le fait que la rémunération pour copie privée repose sur une simple présomption d’usage privé. En effet, on ne peut ni identifier les utilisateurs privés ni surveiller ce que ces derniers font des supports achetés. Or la rémunération doit avoir un lien avec l’usage qui en est fait.
Il faudra aussi réfléchir à une modification de l’assiette de la rémunération pour copie privée, car les habitudes des utilisateurs changent. Avec le développement du cloud computing – M. Legendre préfère parler de « nuage informatique »
Sourires.
L’harmonisation sur le plan européen est nécessaire, notamment pour éviter le recours au « marché gris » et les distorsions de concurrence qui en résultent, qui font, là encore, l’objet de contestations. Les fabricants et importateurs français subissent un taux de rémunération pour copie privée trop élevé par rapport à leurs voisins, ce que confirme le rapport de la commission de la culture – j’en profite au passage pour remercier M. le rapporteur pour son travail sur ce sujet quelque peu indigeste.
En attendant, il nous faut un régime transitoire, aussi imparfait soit-il. Le Gouvernement s’est engagé sur une réforme globale du régime de la rémunération pour copie privée, et nous voulons vous faire confiance, monsieur le ministre.
Compte tenu de cette considération ainsi que des délais qui nous sont impartis pour examiner ce texte, les membres du RDSE apporteront leur soutien à l’adoption du présent texte.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent texte répond à une nécessaire évolution du droit à la suite de plusieurs jurisprudences qui sont venues fragiliser les pratiques actuelles concernant la rémunération de la copie privée. Le Conseil d’État comme la Cour de justice de l’Union européenne ont en effet mis à mal dans leurs arrêts successifs les résolutions de la commission de la copie privée, et, en conséquence, un certain nombre de ses sources de revenu.
Il convient donc d’adapter les usages à l’évolution de la jurisprudence, car il est juste de vouloir ainsi pérenniser le système de rémunération de la création. L’enjeu ne doit pas être négligé : la rémunération de la copie privée permet en effet de payer, en partie, notre création artistique.
Toutefois, en tant que législateur, nous nous inquiétons d’être sans cesse à la traîne lorsqu’il s’agit de prendre en compte les évolutions techniques et de permettre la mutation des pratiques. Nous donnons ainsi l’impression d’être dans la réaction plus que dans l’action, dans l’improvisation plus que dans la stratégie. J’en veux pour preuve le fait que nous soyons contraints d’examiner ce texte en ayant recours à la procédure accélérée et que nous soyons presque contraints de le voter conforme, puisque nous devons proposer une solution législative avant le 22 décembre, selon la décision du Conseil d’État du 17 juin 2011. En d’autres termes, si nous voulons améliorer ce texte, lever telle ou telle ambiguïté en choisissant les mots les plus justes et les plus précis, nous prenons le risque de mettre Copie France dans une situation périlleuse d’un point de vue financier, puisqu’une partie de son financement pourra être contestée.
Il est ennuyeux que nous soyons constamment incapables de faire évoluer notre modèle autrement que dans la précipitation. Internet n’est pourtant plus un phénomène nouveau. Nous en discutons régulièrement dans cette assemblée, souvent dans l’urgence, et nous avions tout loisir de réfléchir à la manière de faire évoluer notre droit pour l’adapter de manière adéquate aux évolutions des habitudes des consommateurs et aux moyens dont ils disposent. Ce n’est pas comme si l’usage hybride de certains matériels venait d’être inventé. Nous aurions donc dû réinventer notre système, en discutant avec l’ensemble des acteurs concernés.
Tous ceux que nous avons rencontrés ont d’ailleurs reconnu l’intérêt du système actuel et la nécessité de préserver un financement stable en faveur de la création et une rémunération juste des auteurs. On trouvera certes des points de vue différents sur les moyens d’adapter ce système, mais la base commune de négociation demeure : personne ne souhaite assécher la rémunération de la création. Autrement dit, nous avions les moyens de mettre l’ensemble des acteurs concernés autour de la table pour négocier une évolution de notre modèle.
Les fondements du texte que nous devons examiner aujourd’hui ont été largement exposés par les orateurs qui se sont exprimés avant moi. M. le rapporteur en a notamment fait une description très précise. Il semble toutefois important de replacer rapidement le texte actuel dans son contexte législatif.
Le droit d’auteur est lié à la production d’une œuvre intellectuelle. En conséquence, il semble nécessaire que ce droit puisse s’adapter aux mutations du support qui le véhicule. Le législateur se trouve ainsi dans la nécessité de protéger ce droit tout en veillant à ce qu’il laisse se développer les supports adéquats et leurs usages. En 1957, par la loi n°57-298 sur la propriété littéraire et artistique, le législateur a ainsi autorisé une exception au droit d’auteur au travers de la copie privée – j’insiste sur le fait qu’il ne s’agissait que d’une exception. Il autorise effectivement la reproduction partielle ou totale d’une œuvre protégée par le droit d’auteur, à condition que ce soit pour en faire un usage privé. En d’autres termes, la copie privée constitue, non un droit de l’utilisateur, mais bien une dérogation au droit d’auteur. La Cour de cassation l’a rappelé dans son arrêt du 27 novembre 2008 : l’exception de copie privée n’est pas un droit, mais une exception légale au principe prohibant toute reproduction.
Cela explique d’ailleurs que cette dérogation soit limitée à des cas précis. Elle repose sur une liste qui ne peut être modifiée que par un acte administratif. Il s’agit donc d’un concept fermé, que le juge ne peut modifier comme il l’entend. En outre, cette liste se fonde sur un critère dont le périmètre semble difficile à délimiter. La copie privée nécessite en effet que le copiste en fasse un usage privé. À juste titre, M. le rapporteur a souligné dans son rapport que ce droit visait initialement un public d’érudits, à savoir des universitaires disposant du matériel suffisant pour réaliser des copies analogiques. La loi votée en 1957 s’adressait donc à un public restreint.
Progressivement, le coût des matériels est devenu moins prohibitif et leur usage s’est démocratisé : magnétoscopes, reprographie, imprimantes ont fait leur apparition dans les foyers français et sont venus considérablement accroître l’ampleur de la copie privée. Conséquemment, la rémunération du droit d’auteur a diminué, nécessitant une adaptation de la législation pour limiter les conséquences de ces mutations.
C’est aux socialistes que l’on doit cette évolution souhaitable et souhaitée au travers de la loi Lang de 1985, qui est à l’origine du droit que nous connaissons aujourd’hui. Cette loi relative aux droits d’auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle instaure une « rémunération pour copie privée ».
S’appuyant sur un principe fondamental du droit de propriété intellectuelle, selon lequel toute utilisation d’une œuvre implique une rémunération, la loi Lang vise donc à compenser le manque à gagner des auteurs. On parle indifféremment de rémunération, de redevance ou de compensation, mais il s’agit, de fait, d’un prélèvement relevant du droit d’auteur. Notre droit actuel repose sur cette loi.
Les auteurs sont ainsi rémunérés par un prélèvement sur les supports servant aux copies privées – on pense aux cassettes vierges, par exemple. Il va de soi que les supports vierges qui ne sont pas spécifiquement destinés à la création ne sont pas concernés. Ainsi, les cassettes de dictaphones ou celles qui s’insèrent dans les caméscopes ne sont pas l’objet de cette redevance. Elles ne seront en effet pas concernées par une copie privée mais serviront, au contraire, à l’expression d’une œuvre originale, même si celle-ci est personnelle la plupart du temps.
Le droit français a donc été élaboré de manière précise et équitable, en répondant aux exigences d’une époque donnée.
En outre, l’exception au droit exclusif de reproduction a également fait l’objet d’une intégration dans le droit européen par la directive européenne du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Il est intéressant que l’Europe se soit saisie la première de la question de l’évolution du droit d’auteur par rapport aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. La Commission a ainsi initié une réflexion que nous aurions aimé voir le Gouvernement poursuivre autrement que sous le prisme essentiellement répressif de la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, ou loi DADVSI, et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, la HADOPI. Nous aurions ainsi pu prévoir les évolutions des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne et nous y adapter en conséquence.
L’article 5-5 de la directive de 2001 dispose en effet que « les exceptions [...] ne sont applicables que dans certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ou autre objet protégé ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du droit. » En d’autres termes, la directive confirme le fait que le droit à la copie privée constitue une exception, une dérogation au principe prohibant toute reproduction. Il y a donc bien une affirmation des droits d’auteur moyennant la faculté des États membres de prévoir des exceptions ou limitations à ce droit, à condition que les auteurs reçoivent une compensation équitable.
Sur le plan tant européen que français, le droit d’auteur constitue donc la règle et la copie privée l’exception, celle-ci devant par ailleurs faire l’objet d’une compensation. On retrouve cet état d’esprit dans le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui, ce qui est positif. Ce dernier vise à inscrire dans notre droit les adaptations rendues nécessaires par la jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle, dans son arrêt du 21 octobre 2010, a estimé qu’un lien était nécessaire entre la redevance et l’usage qui sera fait du support. En d’autres termes, on ne peut prélever la redevance que si le support vierge est nécessairement acheté à des fins de copie privée. Ainsi, les disques durs externes ou les clés USB, dont les usages sont hybrides, ne peuvent réellement entrer dans cette catégorie. Lorsqu’il existe un doute sur l’usage possible du matériel acheté ou lorsqu’il n’est pas clairement établi qu’il ne peut servir qu’à des fins de copie privée, il est alors impossible de prélever la redevance.
Le Conseil d’État a tiré les conclusions de cet arrêt dans sa décision du 17 juin 2011 Canal+ distribution et autres, en considérant qu’il était impossible de prélever une redevance pour l’achat de matériel par des sociétés privées quand il n’était pas établi que ce matériel n’avait pas un usage professionnel. Conséquemment, le Conseil d’État imposait à Copie France, organisme en charge de la collecte et de la redistribution de cette redevance, de revoir son mode de prélèvement et ses règles de financement, donnant au législateur jusqu’au 22 décembre pour proposer une évolution législative.
Ce projet de loi, qui constitue donc une réponse tardive aux demandes du Conseil d’État, se veut une manière de prolonger l’action de Copie France et d’adapter notre modèle à cette jurisprudence particulière. Une fois encore, à l’instar de M. le rapporteur et des orateurs qui m’ont précédé à cette tribune, je regrette cette hâte et cette absence de réflexion.
Au lieu d’un simple patch de sécurité, j’aurais préféré que l’on réfléchisse à une réelle mutation du droit de copie privée qui tiendrait compte des évolutions des comportements et des mutations techniques. Nous avons besoin d’une réponse durable aux défis qui nous sont lancés, et l’on ne peut pas dire que ce texte y réponde. Dans la précipitation et l’urgence, nous ne pouvons aboutir qu’à des textes de facture modeste qui ne correspondent que partiellement aux enjeux gigantesques qui se posent.
La jurisprudence a mis au jour les failles de notre système, ses faiblesses et ses difficultés. Ce projet de loi ne vient que partiellement les combler, colmatant ça et là quelques brèches mais n’offrant pas de réponses viables à long terme. Je crains même qu’il n’occasionne in fine une perte de revenus non compensée pour Copie France, à court comme à moyen terme.
M. le rapporteur le souligne avec force : l’assiette de Copie France va nécessairement se réduire, ce qui aura pour principale conséquence de réduire rapidement ses revenus. On ne peut guère se réjouir de cette perte de financement annoncée de la culture. Il est à craindre également que le « marché gris » ne se développe plus fortement du fait d’une législation maladroite et peu efficace. Nous risquons de témoigner d’une moindre activité des professionnels français qui importent ces produits supports, lesquels sont, désormais, exclusivement fabriqués à l’étranger.
Ce texte n’est donc qu’une rustine sur un système dépassé à certains égards. Il nous aurait fallu plus globalement le renouveler et le faire évoluer, ce que vous avez refusé de faire. Après l’échéance politique de 2012, j’espère que s’ouvrira une réflexion pour mettre à plat notre système et proposer des adaptations conformes aux évolutions des pratiques, susceptibles d’établir un juste équilibre entre création et usage.
M. le rapporteur a souligné à juste titre que le développement du cloud computing, le fameux nuage, ainsi que de la TV connectée constitue un enjeu majeur pour notre modèle juridique. Le cloud permet de stocker des données sur un serveur hébergé par un prestataire de service. Quel statut aura ce cloud ou l’action d’y déposer puis de rechercher des données ? Cette question technique est délicate à traiter et il nous faudra prêter attention à un certain nombre de données et consultations avant de lui apporter une réponse efficace.
La télévision connectée interroge aussi notre modèle. En effet, la redevance ne s’applique que lorsque la source de la copie privée est licite. Il va en effet de soi que l’on ne peut prélever quoi que ce soit sur une copie privée d’une source illicite qui s’apparente au contraire à de la contrefaçon, c’est-à-dire à un délit. Au sein de ces sources licites, on trouve la télévision, qui est considérée comme bénéficiant d’une licéité totale.
Or la télévision connectée permet de visionner des images, vidéos et contenus provenant du web, notamment, et d’autres opérateurs que les chaînes habituelles. En d’autres termes, il n’est pas certain que l’on pourra la considérer comme source nécessairement licite. À bien des égards, ces mutations technologiques interrogent notre système et l’on n’y répond pas vraiment de manière adéquate par ce texte, qui est de portée limitée.
Pour l’heure, nous nous contentons de modifier le code de la propriété intellectuelle par petits ajouts de manière à prendre en compte les jurisprudences. Nous cherchons à remettre sur les rails un cadre légal de la copie privé qui a été ébranlé sur certains points. Cette ambition limitée, frappée d’urgence, imposera donc prochainement de proposer un texte plus global, mettant tout à plat et offrant des solutions complètes.
L’examen des articles ainsi que des modifications apportées par l’Assemblée nationale permet de se faire une idée des manques et limites de ce texte, des problèmes qu’il pose sans les résoudre de manière satisfaisante.
L’article 1er précise que la rémunération pour copie privée ne concerne que les copies réalisées à partir de sources licites, ce qui consacre une pratique de la commission de la copie privée et une décision du Conseil d’État du 11 juillet 2008.
L’Assemblée nationale a cependant adopté un amendement proposé par le député Lionel Tardy visant à étendre l’exclusion des copies de source illicite aux articles L. 122-5 et L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle de manière à préciser que l’exception de copie privée présuppose un support licite. Le député Tardy a jugé que la rémunération de la copie privée avait fini par devenir progressivement dans les esprits une compensation pour le piratage qu’elle excusait en quelque sorte. Il se proposait, par un amendement qualifié d’anodin – vous avez parlé de « coordination », monsieur le ministre –, de revenir aux fondements de cette exception pour mettre fin à cette dérive. L’auteur, lui, n’a pas parlé de coordination !
Je partage l’avis du rapporteur sur le fait que cette mutation est tout sauf anodine et qu’il est quelque peu cavalier de la présenter ainsi. La licéité implique non pas que le copiste soit propriétaire du support, mais que son accès soit autorisé par les personnes disposant du droit d’auteur. Dans le cas inverse, la source est illicite.
Cet amendement semble créer une condition supplémentaire dans certains cas de copie privée, susceptible de se retourner contre le consommateur. Celui-ci pourrait bien perdre ainsi la présomption de licéité de la source, voire pis de devoir prouver que sa source est bien licite, ce qui correspondrait à un renversement de la charge de la preuve. Un simple consommateur devrait ainsi attendre d’être assuré de la parfaite licéité de sa source ainsi que d’avoir l’assurance du plein accord de l’auteur pour son acte avant de le réaliser. Ce n’est pas sérieux et cela relève de la fiction.
Nous devons bien convenir avec le rapporteur que le principe même de la rémunération de la copie privée repose sur le fait que le consommateur de bonne foi bénéficie d’une dérogation au droit d’auteur sous la présomption que la source de sa copie est licite. Retirez cette présomption et vous ôtez du même coup toute effectivité à la copie privée. L’amendement du député Tardy pose donc des problèmes d’interprétation.
Monsieur le ministre, nous souhaiterions – j’y insiste – que vous fermiez les diverses interprétations possibles afin d’éviter de sanctionner le consommateur. Ainsi, les ambiguïtés et les sources de contentieux seront levées et nous pourrons voter ce projet de loi, qui est utile, en toute connaissance de cause.
Reste que nous devons adopter ce texte conforme, car nous voulons que rien ne puisse altérer les ressources de Copie France. L’amendement n° 3 vise donc à ce que vous nous apportiez des réponses précises en attendant la remise à plat du système. Quant aux amendements présentés par M. Dominati, ils posent également une vraie question.
Le problème de la procédure accélérée, c’est le risque de ne pas lever toutes les ambiguïtés. Évitons que le Conseil constitutionnel mette à mal ce vote ! À légiférer trop vite, nous pouvons perdre beaucoup plus que deux jours. Nous n’aurons donc pas gagné de temps.
Sous toutes ces réserves, le groupe socialiste-EELV votera le projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission.
Chapitre Ier
Dispositions modifiant le code de la propriété intellectuelle
(Non modifié)
I. – L’article L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « réalisées » est remplacé par les mots : « réalisée à partir d’une source licite » ;
2° Au second alinéa, après le mot : « réalisée », sont insérés les mots : « à partir d’une source licite ».
II. – Au 2° de l’article L. 122-5 du même code, après les mots : « copies ou reproductions », sont insérés les mots : « réalisées à partir d’une source licite et ».
III. – Au 2° de l’article L. 211-3 du même code, après le mot : « reproductions », sont insérés les mots : « réalisées à partir d’une source licite, ».
L'amendement n° 3, présenté par M. Gattolin, Mmes Blandin, Aïchi, Archimbaud, Benbassa et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Ronan Dantec.
Cet amendement fait écho à l’intervention de David Assouline : le projet de loi est examiné dans la précipitation, alors que, on le sait, de nombreuses réflexions sont en cours à l’échelon européen.
L’amendement adopté par l’Assemblée nationale renverse d’une certaine façon la charge de la preuve et crée une véritable insécurité juridique pour le consommateur. Or l’objectif du présent texte était d’aboutir à un consensus et à un vote conforme.
Quoi qu’il en soit, si nous avons déposé cet amendement, c’est parce que nous avons besoin d’obtenir des éclaircissements de la part du Gouvernement.
Mes chers collègues, en tant que rapporteur, j’avais proposé le même amendement la semaine dernière en commission. Vous venez d’entendre les raisons pour lesquelles je suis toujours convaincu de son utilité. C’est en effet un domaine où nous devons être très vigilants. Nous ne devons donc pas modifier le code de la propriété intellectuelle à la légère.
Cela étant, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat et souhaite obtenir des précisions de la part du Gouvernement quant à l’interprétation de l’amendement Tardy.
L’article 1er du projet de loi tire les conséquences d’une décision du Conseil d’État, en date du 11 juillet 2008, selon laquelle la rémunération pour copie privée n’a pas pour objet de compenser les pertes de revenus liées aux copies illicites d’œuvres protégées et écartant donc de l’assiette de la copie privée les copies de source illicite, effectuées à partir de fichiers piratés.
L’amendement dont cet article a fait l’objet à l’Assemblée nationale – sur l’initiative du député Tardy, très chevronné dans ces domaines – ne doit pas susciter de malentendu : en insérant la même précision, relative aux copies de source illicite, au sein d’autres articles du code de la propriété intellectuelle relatifs à la définition de l’exception pour copie privée, cet amendement technique – je reprendrai le terme que j’avais utilisé et que vous avez souligné, monsieur Assouline –, « de pure coordination », ne change en aucun cas le périmètre de l’exception pour copie privée par rapport au texte initial du Gouvernement. Dès lors que les copies de sources illicites ne sont pas dans l’assiette de la rémunération pour copie privée, il est clair – au regard du droit interne mais aussi du droit communautaire – que ces copies ne sont pas couvertes par l’exception pour copie privée.
La reproduction dans un cadre privé n’a jamais eu pour objet de « blanchir » une source « contrefaisante ». En d’autres termes, ce texte ne crée en aucun cas un nouveau délit de contrefaçon.
La préoccupation du rapporteur quant à la capacité ou non d’une personne à distinguer le caractère licite ou illicite de l’acte de copie qu’elle est en train d’effectuer est tout à fait légitime, mais c’est une question totalement différente, qui se pose en dehors du champ de la copie privée et qui concerne l’information de l’internaute ainsi que la pédagogie qu’il faut déployer à son égard.
Je souhaite vivement que, au bénéfice de ces éclaircissements, l’article 1er, qui se borne lui aussi à consacrer une jurisprudence du Conseil d’État, demeure consensuel, à l’image du reste du projet de loi.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
… sont de nature non pas à régler le problème, mais, dans ce moment de transition – car nous sommes, me semble-t-il, dans un moment de transition et il faudra remettre les choses à plat –, à nous rassurer.
Je regrette l’amendement de M. Tardy, présenté dans la nuit, sur un sujet qui nous fait débattre et qui n’est donc pas si anodin. Toutefois, au regard de l’enjeu et de la nécessité importante que nous avons soulignée d’un vote conforme à cause des délais, et eu égard aux précisions que vous avez apportées, je souhaite le retrait de cet amendement.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Il nous semble tout à fait pertinent de préciser l’exclusion de l’assiette de rémunération pour copie privée des copies réalisées à partir de sources illicites, comme le fait l’article 1er.
Nous comprenons également – je le dis avec force – la préoccupation de notre rapporteur. Celui-ci craint, en précisant que la source doit être licite dans les articles qui définissent les exceptions de copie privée, que cela fasse reposer sur le consommateur et non sur le diffuseur, la responsabilité de vérifier si cette source est licite ou non.
Nous pensons, comme lui, qu’il n’appartient pas au consommateur de porter la responsabilité de cette illicéité éventuelle. Cela ne doit en aucun cas être à lui de vérifier si la source est légale ou non. Si responsabilité il y a, elle doit reposer avant tout sur le diffuseur et non sur le consommateur.
Cependant, il ne nous paraît pas non plus opportun de supprimer les alinéas qui ajoutent cette condition de licéité des sources dans l’autorisation de copie pour usage privé. L’exception au droit d’auteur ne peut évidemment se faire que dans la mesure du respect de la loi, et c’est bien là tout ce que ces alinéas visent.
La question soulevée par cet amendement est tout à fait légitime – j’y insiste –, mais préciser la mention d’une source licite dans le code de la propriété intellectuelle ne nous paraît pas pour autant faire peser la responsabilité de la vérification de la licéité de la source sur le consommateur.
Le dépôt de cet amendement fait suite à un vrai débat au sein de la commission. On peut dire que c’est un appel pour le futur. Cela étant, on peut rejoindre le souhait de M. Assouline de voir cet amendement retiré. S’il était maintenu, notre groupe s’abstiendrait. Nous soulignons en effet après d’autres la nécessité urgente d’une réflexion globale sur les incidences des évolutions technologiques sur la copie privée.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Je dirai de nouveau – comme je l’ai fait en commission –, au nom des membres du groupe de l’Union centriste et républicaine, que nous ne voterons pas cet amendement.
Nous avons en effet vérifié, lors des auditions des personnalités constitutives de cette fameuse commission privée, bref des différentes forces en présence – qui représentent bien sûr des intérêts différents –, que l’amendement de M. Tardy visant à réécrire l’article 1er ne créait pas d’ambiguïté et était vécu comme un simple amendement rédactionnel.
Dans ces conditions, nous choisissons d’en rester au texte qui nous vient de l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, je remercie M. le ministre de sa réponse.
Certes, on peut faire œuvre de pédagogie, mais je ne suis pas sûr que cela suffise eu égard à l’extrême complexité de la question et au fait qu’un équilibre avait été trouvé.
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste-EELV maintient cet amendement.
Je tiens simplement à préciser que le rapporteur et moi-même voterons cet amendement à titre personnel.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
(Non modifié)
L’article L. 311-4 du même code est ainsi modifié :
1° A Au deuxième alinéa, après le mot : « durée », sont insérés les mots : « ou de la capacité » ;
1° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Ce montant est également fonction de l’usage de chaque type de support. Cet usage est apprécié sur le fondement d’enquêtes.
« Toutefois, lorsque des éléments objectifs permettent d’établir qu’un support peut être utilisé pour la reproduction à usage privé d’œuvres et doit, en conséquence, donner lieu au versement de la rémunération, le montant de cette rémunération peut être déterminé par application des seuls critères mentionnés au deuxième alinéa, pour une durée qui ne peut excéder un an à compter de cet assujettissement. » ;
2° Au début de la première phrase du dernier alinéa, les mots : « Ce montant » sont remplacés par les mots : « Le montant de la rémunération ». –
Adopté.
(Non modifié)
I. – Après le même article L. 311-4, il est inséré un article L. 311-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 311 -4 -1. – Le montant de la rémunération prévue à l’article L. 311-3 propre à chaque support est porté à la connaissance de l’acquéreur lors de la mise en vente des supports d’enregistrement mentionnés à l’article L. 311-4. Une notice explicative relative à cette rémunération et à ses finalités, qui peut être intégrée au support de façon dématérialisée, est également portée à sa connaissance. Cette notice mentionne la possibilité de conclure des conventions d’exonération ou d’obtenir le remboursement de la rémunération pour copie privée dans les conditions prévues à l’article L. 311-8.
« Les manquements au présent article sont recherchés et constatés par les agents mentionnés au II de l’article L. 450-1 du code de commerce, dans les conditions fixées à l’article L. 141-1 du code de la consommation. Ces manquements sont sanctionnés par une amende administrative dont le montant ne peut être supérieur à 3 000 €.
« Les conditions d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. »
II. – Au premier alinéa de l’article L. 311-5 du même code, la référence : « du précédent article » est remplacée par la référence : « de l’article L. 311-4 ». –
Adopté.
(Non modifié)
L’article L. 311-8 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« I. – La rémunération pour copie privée n’est pas due lorsque le support d’enregistrement est acquis pour leur propre usage ou production par : » ;
2° Sont ajoutés des II et III ainsi rédigés :
« II. – La rémunération pour copie privée n’est pas due non plus pour les supports d’enregistrement acquis notamment à des fins professionnelles dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée.
« III. – Une convention constatant l’exonération et en fixant les modalités peut être conclue entre les personnes bénéficiaires des I ou II et l’un des organismes mentionnés au premier alinéa de l’article L. 311-6. En cas de refus de l’un des organismes de conclure une convention, ce dernier doit préciser les motifs de ce refus.
« À défaut de conclusion d’une convention, ces personnes ont droit au remboursement de la rémunération sur production de justificatifs déterminés par les ministres chargés de la culture et de l’économie. » –
Adopté.
(Non modifié)
La première phrase du dernier alinéa de l’article L. 321-9 du même code est complétée par les mots : « et aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ». –
Adopté.
Chapitre II
Dispositions transitoires
(Non modifié)
I. – Jusqu’à l’entrée en vigueur de la plus proche décision de la commission prévue à l’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle et au plus tard jusqu’au dernier jour du douzième mois suivant la promulgation de la présente loi, sont applicables à la rémunération pour copie privée les règles, telles que modifiées par les dispositions de l’article L. 311-8 du même code dans sa rédaction issue de la présente loi, qui sont prévues par la décision n° 11 du 17 décembre 2008 de la commission précitée, publiée au Journal officiel du 21 décembre 2008, dans sa rédaction issue des décisions n° 12 du 20 septembre 2010, publiée au Journal officiel du 26 octobre 2010, et n° 13 du 12 janvier 2011, publiée au Journal officiel du 28 janvier 2011.
II. – Les rémunérations perçues ou réclamées en application de la décision n° 11 du 17 décembre 2008 de la commission prévue à l’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle au titre des supports autres que ceux acquis notamment à des fins professionnelles dont les conditions d’utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée qui ont fait l’objet d’une action contentieuse introduite avant le 18 juin 2011 et n’ont pas donné lieu, à la date de promulgation de la présente loi, à une décision de justice passée en force de chose jugée sont validées en tant qu’elles seraient contestées par les moyens par lesquels le Conseil d’État a, par sa décision du 17 juin 2011, annulé cette décision de la commission ou par des moyens tirés de ce que ces rémunérations seraient privées de base légale par suite de cette annulation.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Philippe Dominati.
Cet article est intéressant sur le plan du droit : après avoir pris une décision, une haute juridiction demande aux autorités de la République, au Gouvernement et au Parlement, de prendre des dispositions transitoires dans l’urgence, c'est-à-dire dans un délai de six mois, tout en reconnaissant que cette décision pourra difficilement s’appliquer sans avoir de conséquences financières importantes pour le secteur concerné. Mais, avec cette validation législative, elle risque de s’autocensurer, car la disposition prévue est contraire au droit constitutionnel.
Si nous votons l’article 5 de ce projet de loi et si le Conseil constitutionnel ne le censure pas, cela signifiera que le Parlement peut réduire le champ d’application d’une décision prise par la juridiction concernée, en l’occurrence le Conseil d’État, et ce avec l’accord de celle-ci. Voilà qui fera jurisprudence.
Pour ma part, je suis extrêmement surpris par la formulation de cet article, les délais allant au-delà de ce qu’a prévu le Conseil d’État, même s’ils ont été réduits de vingt-quatre mois à douze mois.
En réalité, cet article va plus loin et je pourrais développer plus longuement les nombreuses raisons qui me conduisent à penser qu’il est totalement inconstitutionnel. Mais je note que, dans l’urgence, M. le rapporteur et M. le ministre sont bons princes : ils essaient d’être accommodants pour tenir les délais.
Toutefois, on peut lire à la page 64 du rapport : « Cependant, le président de la Commission de la copie privée a expliqué à votre rapporteur que cette prorogation ne suffirait pas, justifiant ainsi les dispositions de l’article 5. » Tout est dit ! Après un tel préambule, les justifications juridiques semblent bien faibles, et on verra si le Conseil constitutionnel s’en accommode.
Avec cet article, nous prenons, à mon avis, un risque important. Au demeurant, cette démarche est intéressante pour le Parlement et pour les pouvoirs respectifs des institutions de notre pays.
L’amendement n° 2, également présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
avant le 18 juin
par les mots :
après le 16 mai
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
Il s’agit d’un amendement de repli, visant à neutraliser les effets d’aubaine. Entre le moment où l’on a compris, au cours de l’audition du Conseil d’État, que le jugement remettrait peut-être en cause la décision de la Commission de la copie privée, il s’est écoulé un délai.
L’amendement n° 2 vise à étendre le délai en prévoyant que les dispositions transitoires, qui sont, je le répète, selon moi totalement inconstitutionnelles et feront sans doute l’objet d’autres décisions de justice, prendront effet après l’audition de la juridiction, c'est-à-dire aux alentours du mois de mai, et non pas lorsque la décision sera rendue, au mois de juin.
Si l’intention du Gouvernement avait été de résoudre, dans ce projet de loi, le problème d’une manière pragmatique, il aurait dû au moins prendre la précaution de fixer une autre date d’effet.
Mais j’ai bien compris que nous essayons de régler, dans des délais qui ne sont pas vraiment convenables pour le Parlement – je l’ai dit, vous êtes, monsieur le ministre, bon prince ! –, et dans l’insatisfaction générale, un problème technique et mécanique, qui aura des effets ultérieurs. C’est pourquoi nous devrons revoir cette problématique sur le fond.
La commission, qui s’est réunie au début de cet après-midi, a émis un avis défavorable sur ces deux amendements, et ce pour rester fidèle à son choix de voter ce texte conforme. Mais je pense que M. le ministre va nous donner des explications juridiques plus approfondies.
Monsieur Dominati, ma réponse ne s’inscrit pas du tout dans une logique de contingence ou d’urgence, des notions largement évoquées et, en l’occurrence, à juste titre par nombre d’entre vous ; elle portera sur le fond.
Même si je n’ai pas les connaissances constitutionnelles qui sont les vôtres, monsieur le sénateur – j’en ai tout de même certaines –, il me semble intéressant et souhaitable d’aborder précisément ces questions.
L’amendement n° 1 priverait de son effet la disposition en cause.
Contrairement à ce qui a été indiqué, cette disposition, dont la constitutionnalité et la conventionnalité ont été confirmées par le Conseil d’État lors de l’examen du projet de loi, constitue une mesure de validation ciblée, respectueuse de la chose jugée par le Conseil d’État, et qui répond à d’impérieux motifs d’intérêt général.
Cette mesure de validation est ciblée et respectueuse de la chose jugée parce qu’elle ne porte que sur des rémunérations qui ne sont pas couvertes par le motif qui fonde la décision d’annulation du Conseil d’État, en faisant notamment obstacle à ce qu’elle soit contestée du fait d’un défaut de base légale.
Par ailleurs, elle répond à d’impérieux motifs d’intérêt général, car elle permet d’empêcher les redevables qui ont intenté un recours devant le juge judiciaire avant le 18 juin 2011 de bénéficier d’un double effet d’aubaine.
En effet, je tiens à rappeler que, d’une part, les sommes en cause étaient de toute façon dues lorsqu’elles correspondaient à des passages de copie privée et que, d’autre part, elles ont d’ores et déjà été répercutées sur les consommateurs.
Monsieur le sénateur, je n’ai pas besoin d’insister sur les motifs d’intérêt général d’ordre culturel qui s’attachent à la préservation du mécanisme de la copie privée. Nous avons tous à l’esprit la contribution essentielle de la copie privée à l’économie de la création. Or, en l’espèce, les remboursements en jeu pourraient s’élever à 58 millions d’euros, sur un total de 464 millions d’euros hors taxe perçus depuis l’entrée en vigueur de la décision n° 11.
Pour ces raisons, je souhaite, monsieur le sénateur, que vous retiriez vos deux amendements ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Comme vous, monsieur le ministre, je n’ai pas une connaissance particulière du droit constitutionnel. J’ai même laissé entendre précédemment que je souhaitais presque que cet article fasse jurisprudence puisqu’il va accroître les pouvoirs du Parlement à l’égard du Conseil d’État, ce dont je me réjouis.
Cependant, dans la note juridique que j’ai à ma disposition, de nombreux éléments m’incitent à penser que cette décision est totalement inconstitutionnelle. Permettez-moi de vous en citer deux.
Dans sa décision n° 2005-531, le Conseil constitutionnel a jugé qu’une disposition législative était contraire à la Constitution si elle avait pour objet principal de priver d’effet une décision du Conseil d’État. C’est précisément le cas ici.
Le Conseil constitutionnel subordonne ensuite la validation par le législateur d’un acte administratif par un intérêt général suffisant. Or vous avez parlé d’un intérêt général d’ordre culturel.
Sur le plan financier, nombreux ont été, au cours de la discussion générale, les orateurs ayant parlé d’un effet d’aubaine en sens inverse, c'est-à-dire une très forte progression des recettes. Lorsque le Conseil d’État a pris sa décision, il savait très bien que celle-ci entraînerait des conséquences financières négatives, que le Parlement essaie aujourd'hui de colmater.
Si j’avais au moins le sentiment que cela profiterait, en cette période des fêtes, aux consommateurs, je serais beaucoup plus insistant. Mais, dans l’incertitude juridique, je retire les amendements n° 1 et 2, monsieur le président.
L'article 5 est adopté.
(Non modifié)
Les demandes de remboursement formées par les personnes bénéficiaires du II de l’article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle dans, sa rédaction issue de la présente loi, s’appliquent aux supports d’enregistrement acquis postérieurement à la promulgation de ladite loi. – (Adopté.)
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous aurons, je l’avoue, rarement légiféré en ayant autant de doutes sur la légitimité de nos positions. Nous sommes face à un conflit entre le secteur de la production intellectuelle, dans son ensemble, et celui de la production mécanique.
Comme je suis enclin, pour ce qui me concerne, à favoriser les intellectuels, les créateurs, plutôt que les fabricants de matériels, je voterai ce projet de loi, car il nous faut absolument colmater les brèches. Je le répète, nous ne sommes absolument pas sûrs d’avoir raison sur le plan juridique, mais on verra bien comment les choses évolueront.
Je veux simplement dire que la décision consensuelle de la Haute Assemblée et l’examen très sérieux et remarquable réalisé par la commission et le rapporteur sont un bon exemple de convergence républicaine.
Avant de passer au vote de ce texte, il me semble important de souligner que nous ne faisons ici que franchir une étape. Le régime de la copie privée, qui est le fruit d’un travail remarquable réalisé par l’un de mes prédécesseurs, Jack Lang, doit être l’objet d’une remise à plat complète dans la mesure où elle a été adoptée il y a maintenant plus de vingt-cinq ans. Chacun d’entre nous devra réfléchir à cette question et en débattre.
Dans ce domaine, tout a changé. Il est donc tout à fait légitime de retravailler sur ce sujet en en rappelant l’enjeu essentiel : il s’agit d’un élément indispensable au maintien de la création. M. Gaillard l’a évoqué à l’instant.
Je pense que, en protégeant les créateurs confrontés à l’échéance très inquiétante du 22 décembre prochain, nous avons, tous ensemble, fait acte de responsabilité. Cet effort doit évidemment être poursuivi, approfondi, peaufiné, par un véritable travail sur la copie privée.
Et si cela donne lieu à des affrontements, tant mieux ! Telle est la loi de la République.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté définitivement.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante.
Le Gouvernement ayant décidé de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
- Titulaires : Mme Annie David, MM. Jean-Pierre Godefroy, Ronan Kerdraon, Jacky Le Menn, Mme Catherine Deroche, MM. Jean-Louis Lorrain et Gérard Roche ;
- Suppléants : MM. Gilbert Barbier, Luc Carvounas, Mmes Caroline Cayeux, Colette Giudicelli, M. Marc Laménie, Mmes Gisèle Printz et Patricia Schillinger.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire (projet n° 187, texte de la commission n° 195, rapport n° 194).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande d'abord de bien vouloir excuser l’absence de Michel Mercier, garde des sceaux, qui, du fait d’un déplacement en province, ne peut être présent cet après-midi dans l’hémicycle.
Le projet de loi organique relatif à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire, que je vous présente aujourd’hui, a pour objet d’accélérer la montée en charge de l’augmentation, par génération, de la limite d’âge de ces magistrats, prévue par la loi organique n° 2010-1341 du 10 novembre 2010.
Ce texte est le pendant, pour les magistrats, de la modification du calendrier de l’augmentation des âges d’ouverture des droits et d’annulation de la décote proposée par le Gouvernement pour l’ensemble des fonctionnaires civils ainsi que pour les militaires. Cette mesure fait partie du plan d’équilibre des finances publiques, annoncé par le Premier ministre le 7 novembre 2011 « afin de réduire plus rapidement le déficit des régimes d’assurance vieillesse et de sécuriser ainsi les pensions de retraites ».
Initialement, le présent projet de loi comportait un article unique, alignant le calendrier de relèvement de la limite d’âge par génération applicable aux magistrats sur celui prévu pour l’ensemble des fonctionnaires civils relevant des trois fonctions publiques, ainsi que pour les militaires.
Le texte laisse inchangée la limite d’âge précédemment fixée pour les magistrats nés avant le 1er janvier 1952. En revanche, pour les magistrats nés à compter de cette date, l’accélération du relèvement de la limite d’âge interviendra à raison d’un mois pour ceux nés en 1952, de deux mois pour ceux nés en 1953, de trois mois pour ceux nés en 1954 et de quatre mois pour ceux nés en 1955.
Votre commission des lois a supprimé cet article. Le Gouvernement présentera donc un amendement visant à le rétablir.
Lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, quatre amendements du Gouvernement, relatifs eux aussi à la carrière des magistrats et à la gestion du corps judiciaire, ont été adoptés.
Ces mesures proviennent toutes du projet de loi organique relatif au statut de la magistrature, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 27 juillet 2011. Elles ont fait l’objet d’une concertation avec les organisations syndicales, les chefs de cour et ceux de la Cour de cassation. Elles ont par ailleurs été présentées aux organisations syndicales lors de la réunion de la commission permanente d’études, le 7 juillet 2011.
Le Gouvernement a donc retenu ces quatre dispositions en lien direct avec l’objet du présent texte : la gestion de la carrière des magistrats.
La première de ces dispositions modifie les règles relatives aux magistrats placés auprès des chefs de cour d’appel. Votre commission des lois l’ayant supprimé, le Gouvernement a déposé un amendement visant à rétablir l’article 2 du projet de loi organique.
La deuxième disposition assouplit la règle relative à la priorité d’affectation à la Cour de cassation des conseillers et des avocats généraux référendaires, afin d’éviter certains blocages, sans pour autant supprimer ce mécanisme de quota, qui permet à la Cour de cassation de bénéficier des compétences de ses anciens référendaires.
Un emploi vacant de conseiller ou d'avocat général à la Cour de cassation sur six serait pourvu par la nomination d'un magistrat du premier grade ayant exercé les fonctions de conseiller référendaire ou d'avocat général référendaire pendant au moins huit ans. Cette proportion est apparue de nature à concilier, d’une part, les contraintes de nomination pesant sur la Chancellerie et le Conseil supérieur de la magistrature et, d’autre part, le besoin que les postes de conseiller ou d’avocat général à la Cour de cassation soient pourvus par des magistrats ayant acquis la technique de la cassation.
La troisième disposition concerne le nouvel article 5, qui modifie l’article 69 de l’ordonnance statutaire du 22 décembre 1958, lequel, issu de la loi organique du 5 mars 2007, a créé un comité médical national propre aux magistrats pour connaître des demandes de placement d’office en congé de maladie. Il s’agit de pouvoir mettre en œuvre pratiquement ce dispositif, en étendant la compétence du comité médical national aux congés de longue maladie et de longue durée et en instituant un comité médical national d’appel.
La quatrième disposition concerne l’article 6, qui assouplit les règles de la mobilité statutaire, afin d’assurer dans les faits la réussite de ce dispositif introduit par la loi organique du 5 mars 2007.
Je souhaite enfin revenir sur l’interdiction pour les magistrats judiciaires de se voir décerner la Légion d’honneur et l’ordre national du Mérite durant l’exercice de leurs fonctions, que la commission des lois a adoptée. §
Vous le savez, ce débat a également eu lieu à l’Assemblée nationale.
Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, est-ce à dire que, du seul fait de sa profession, aucun magistrat ne pourrait être décoré pour des « mérites éminents » ou des « mérites distingués » rendus à la Nation, en particulier pour des actions personnelles remarquables, comme des actes de courage ?
Surtout, le risque est grand d’y voir une mesure de défiance à l’égard des magistrats judiciaires, qui seraient donc les seuls agents publics à être exclus du bénéfice d’une distinction, alors même que, comme d’autres, ils œuvrent quotidiennement pour le service public de la justice.
Je rappelle que le statut des magistrats leur assure leur indépendance et que, s’agissant des décorations, le Conseil supérieur de la magistrature a rappelé, dans son recueil des obligations déontologiques des magistrats publié en 2010, que « les magistrats en activité ne sollicitent pas pour eux-mêmes des distinctions honorifiques, afin d’éviter toute suspicion, dans l’esprit du public, sur la réalité de leur indépendance ». Par ailleurs, des règles de procédure – le déport, la récusation – organisent le respect de l’impartialité.
Je vous demande de réfléchir, mesdames, messieurs les sénateurs. En tout état de cause, le Gouvernement sera favorable à l’amendement visant à la suppression de l’article 3.
Le débat concernant les retraites a d’ores et déjà été tranché par le Parlement. Le présent projet de loi organique relève donc d’une simple démarche d’équité à l’égard des agents des trois fonctions publiques.
Les dispositions que l’Assemblée nationale a ajoutées représentent des avancées réelles pour le statut des magistrats. Ce texte participe donc à l’amélioration des dispositifs de gestion de la carrière des magistrats et de l’attractivité de celle-ci.
En conséquence, je souhaite que le Sénat en débatte en toute sérénité et qu’il accorde à ce texte un vote favorable.
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est une nouvelle fois saisi, selon la procédure accélérée, d’un projet de loi organique appliquant aux magistrats de l’ordre judiciaire des mesures relatives aux retraites adoptées dans une autre loi. Cela avait déjà été le cas lors de la réforme des retraites.
En effet, à la suite des annonces faites le 7 novembre dernier, le Gouvernement a souhaité accélérer, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, le calendrier de relèvement progressif de 60 ans à 62 ans de l’âge d’ouverture des droits à pension et de 65 ans à 67 ans de l’âge de départ à la retraite sans décote.
L’application aux magistrats de l’ordre judiciaire de l’accélération du calendrier applicable au relèvement de l’âge limite de départ en retraite exige l’adoption d’une loi organique, en vertu de l’article 64 de notre Constitution.
En effet, il s’agit d’un élément du statut des magistrats. Or ce statut est placé sous la protection de la loi organique, ce qui constitue une garantie de l’indépendance de la magistrature.
L’accélération du calendrier de déploiement de la réforme des retraites était, à l’origine, l’objet du présent texte. Toutefois, le Gouvernement a saisi l’occasion de l’examen d’un projet de loi organique pour y ajouter, par voie d’amendements déposés à l’Assemblée nationale à peine une semaine après l’adoption du texte en conseil des ministres, plusieurs dispositions relatives au statut des magistrats. Le projet de loi qui nous est soumis dépasse, ainsi, largement son strict objet initial.
Le nouveau calendrier proposé par le Gouvernement est celui qui résulte de l’adoption d’un amendement gouvernemental en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Initialement, la réforme des retraites, qui repoussait de deux ans l’âge d’ouverture des droits à pension et la limite d’âge de départ en retraite, devait, par application du principe de garantie générationnelle, monter en charge progressivement, par paliers de quatre mois par génération, pour les générations nées après 1951.
L’accélération du calendrier voulue par le Gouvernement consistait à ajouter un mois à chaque palier, ce qui, au total, avance d’une année l’achèvement de la réforme. L’objet de l’article 1er était d’appliquer cette accélération aux magistrats.
Les articles 2, 4, 5 et 6 du projet de loi résultent d’amendements déposés par le Gouvernement devant la commission des lois de l’Assemblée nationale et adoptés sans modification par celle-ci.
Ils reproduisent quatre articles parmi les neuf que comptait le projet de loi organique relatif au statut de la magistrature, déposé devant l’Assemblée nationale le 27 juillet 2011, qui n’a pas encore été inscrit à l’ordre du jour du Parlement.
L’article 2 prévoit deux modifications au régime des magistrats « placés », pour revenir sur deux jurisprudences du Conseil d’État qui posent à la Chancellerie des difficultés de gestion.
L’article 3 résulte, quant à lui, d’un amendement du député René Dosière adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi organique aujourd’hui soumis à notre appréciation. Il tend à interdire aux magistrats judiciaires de recevoir pendant l’exercice de leurs fonctions, ou à raison de ces fonctions, une décoration publique. L’Assemblée nationale a néanmoins voté la suppression de l’article 3 en séance publique.
L’article 4 tend à assouplir la règle actuelle selon laquelle les conseillers ou avocats généraux de la Cour de cassation doivent être recrutés, dans une proportion de un sur quatre, parmi les anciens conseillers ou avocats généraux référendaires de cette même cour. Nous passerions à un sur six.
L’article 5 vise à remédier aux difficultés procédurales qui ont empêché le comité médical national compétent pour les magistrats d’être enfin mis en place.
L’article 6 tend à modifier le dispositif de la mobilité statutaire obligatoire pour l’accès aux fonctions hors hiérarchie, d’une part en portant à deux ans la durée de cette mobilité actuellement d’un an renouvelable, d’autre part en supprimant l’impossibilité actuelle d’accomplir cette mobilité statutaire au sein des juridictions administratives, financières et internationales. En outre, cet article prévoit que les services accomplis au titre de la mobilité statutaire comptent comme services judicaires effectifs. Cette évolution par rapport aux dispositions sur la mobilité s’inspire des recommandations de la commission d’enquête sur les dysfonctionnements de la justice dans l’affaire d’Outreau. Elle nous apparaît comme utile et acceptable.
La commission des lois a considéré que tous ces articles ne posaient pas les mêmes difficultés.
Ainsi, la commission a estimé que l’article 1er posait plusieurs problèmes de fond.
En effet, lors de la réforme des retraites en septembre 2010, la commission s’était inquiétée des effets délétères que le relèvement de l’âge de départ à la retraite aurait sur les perspectives de carrière des magistrats ou sur la situation des polypensionnés, notamment pour les magistrats du troisième concours. Elle avait souhaité qu’il soit remédié à ces difficultés dans un futur projet de loi réformant le statut des magistrats. La question de la pyramide des âges au sein de la magistrature et les besoins de ce corps conduisent également la commission à émettre de fortes réserves sur le relèvement de la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire.
Or le Gouvernement, loin de lever les réserves émises par le Sénat précédemment, n’a pas tenu compte de nos observations : le projet de loi organique déposé en juillet dernier reste muet sur la question. Le Gouvernement transpose, ainsi, à tout va les règles générales, sans prendre en considération les spécificités du statut des magistrats.
En outre, la commission a considéré qu’elle devait se poser à l’article 1er la question suivante : peut-on accepter l’accélération du calendrier de déploiement des retraites sans souscrire à la réforme des retraites ?
Certes, l’équité imposerait d’appliquer aux magistrats les mêmes règles que celles prévues pour le régime général, ce qui pourrait justifier l’adoption sans modification de l’article 1er.
Toutefois, la commission des lois a considéré que cette même équité commandait, plus impérieusement encore, de retenir d’autres modalités de réforme des retraites que celles finalement adoptées.
D’ailleurs, le Sénat, sur l’initiative de la commission des affaires sociales, s’est opposé à l’accélération du calendrier de relèvement de l’âge limite de départ en retraite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des lois a supprimé l’article 1er.
Par ailleurs, on ne peut que s’étonner de la méthode suivie par le Gouvernement pour ce qui concerne les autres dispositions du projet de loi : une semaine après avoir adopté le texte en conseil des ministres, il a proposé, par voie d’amendements, de l’augmenter de quatre articles sans lien aucun avec la réforme des retraites.
Je rappelle que le Conseil constitutionnel contrôle l’existence de cavaliers législatifs même dans les textes organiques.
Or, qu’il s’agisse de l’obligation de mobilité statutaire pour accéder aux emplois hors hiérarchie, du comité médical national, du régime juridique des magistrats placés ou des nominations à la Cour de cassation, les dispositions en cause ne paraissent pas présenter de lien, même indirect, avec l’objet initial très restreint du projet de loi, à savoir l’accélération du calendrier de déploiement de la réforme des retraites.
Je souligne que ces dispositions sont tirées d’un projet de loi organique déposé en juillet dernier à l’Assemblée nationale et que le Gouvernement n’a toujours pas inscrit à l’ordre du jour du Parlement. Le dépeçage de ce texte relatif au statut de la magistrature ne peut qu’inquiéter, car il éloigne la perspective que soient traitées les questions abordées par les autres parties du même projet et non reprises par le Gouvernement dans le texte que nous examinons aujourd’hui ; je pense, notamment, à la prévention des conflits d’intérêts pour les magistrats.
Par ailleurs, je note que cette accélération du calendrier pour intégrer quelques dispositions du projet de loi organique déposé en juillet dernier et l’intégration de quatre amendements déposés de manière précipitée juste après l’adoption en conseil des ministres du projet de loi relatif à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire, s’est faite sans qu’aucune concertation ait été conduite avec les syndicats de magistrats, à qui nous avons appris les intentions du Gouvernement en la matière.
Assumant le risque d’inconstitutionnalité, le Gouvernement a avancé, afin de justifier ces amendements, que la plupart des dispositions proposées recueillaient l’accord des organisations de magistrats et répondaient à des difficultés avérées.
La commission des lois, tout en maintenant ses fortes réserves sur la méthode, a, de manière pragmatique, accepté d’adopter les dispositions répondant à un véritable besoin, comme celle relative au comité médical national.
Toutefois, elle a modifié le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale sur deux points.
Tout d’abord, la commission s’est inquiétée, à l’article 2, de l’extension à douze ans de la période pendant laquelle un magistrat pourrait être affecté à un emploi de magistrat placé, le terme désignant les magistrats placés auprès d’une cour d’appel qui sont discrétionnairement affectés par le chef de cour aux postes vacants dans le ressort de la cour. La solution des magistrats placés est un expédient nécessaire pour faire face aux vacances entre deux affectations de magistrats, pour pallier les congés maternité ou les arrêts maladie, ou encore pour assurer une charge de travail exceptionnelle. Cependant, elle ne doit pas devenir un instrument de gestion de la pénurie. Il est inutile de prévoir une période si longue dans une carrière de magistrat, d’autant que la durée moyenne d’exercice de ces fonctions est de deux ans et onze mois. La commission a donc supprimé l’article 2.
Ensuite, la commission a rétabli l’article 3, adopté, sur l’initiative de M. Dosière, par la commission des lois de l’Assemblée nationale, puis supprimé par les députés en séance publique.
Cet article vise à interdire que les magistrats puissent recevoir une décoration publique pendant l’exercice de leurs fonctions ou à ce titre.
Une telle interdiction, que les parlementaires connaissent bien, est conforme au principe de la séparation des pouvoirs exécutif, judicaire et législatif. Elle est aussi cohérente avec l’indépendance de l’autorité judiciaire. Ce serait un signe utile adressé en ce sens à l’ensemble de nos concitoyens.
En reprenant cette proposition, nous ne voulons jeter la suspicion sur personne, mais nous souhaitons manifester de manière concrète l’indépendance de la justice et la séparation des autorités judiciaire, exécutive et législative.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois du Sénat vous invite, chers collègues, à adopter le texte tel qu’elle l’a établi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le président, monsieur le ministre, le projet de loi organique que nous examinons concernait, à l’origine, comme M. le rapporteur vient de le souligner, l’application à la magistrature de l’accélération du relèvement de l’âge de départ à la retraite prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
En effet, un an à peine après avoir décidé la réforme des retraites censée, selon le Gouvernement, « assurer le maintien de l’équilibre du système », celui-ci revient sur sa copie non pour corriger ses fautes mais pour en ajouter.
Évidemment, vous ne serez pas surpris, monsieur le ministre, d’entendre que nous contestons cette mesure, comme bien d’autres d’ailleurs, contenue dans le « plan de rigueur », qui vise à ponctionner tous les Français sauf les plus aisés. En la contestant, nous sommes cohérents avec l’opposition générale que nous avons manifestée au sujet du report de l’âge de la retraite, car il s’agit d’une proposition injuste, mais aussi inopérante pour ce qui est de réduire les déficits ou l’endettement. Cette énième réforme sera inefficace aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. Les derniers chiffres du chômage sont là pour vous rappeler que la situation des salariés âgés ne s’améliore pas, bien au contraire. Quoi qu’il en soit, la bataille des retraites n’est pas encore finie : on y reviendra sans aucun doute en 2012.
L’inefficacité de la réforme est patente s’agissant du présent projet de loi organique.
Nous nous sommes interrogés sur les conséquences de l’application immédiate aux magistrats des mesures relatives aux retraites et sur leur intérêt pour les finances publiques. L’étude d’impact, jointe au projet, fait état d’une économie de 470 000 euros en raison de l’application de la réforme des retraites aux magistrats de l’ordre judiciaire. Toutefois, elle ne tient pas compte, comme le souligne le rapport, du coût de maintien plus long dans leurs fonctions de magistrats au sommet de la grille indiciaire. En prenant en considération ce paramètre, l’économie à laquelle nous aboutissons est en réalité nulle. La réforme serait même plus onéreuse pour le budget global de l’État.
La logique nous oblige à admettre, monsieur le ministre, que de nombreux magistrats, à la suite du double cumul de l’âge de départ à la retraite et de l’âge limite, resteront plus longtemps dans leurs fonctions, ce qui empêchera de facto la génération suivante, qui coûte pourtant moins cher à l’État, de prendre leur place. Par conséquent, le maintien en fonction les anciennes générations obère le recrutement des plus jeunes, ce qui est parfaitement regrettable.
En modifiant le texte initial, au dernier moment et discrètement, car la consultation des organisations syndicales a été réalisée en un tour de main, le Gouvernement tente de faire adopter par le Parlement, en procédure accélérée, quatre dispositions, par voie d’amendements, sans rapport avec la retraite des magistrats. Ces quatre amendements portant sur le statut de la magistrature sont issus d’un projet de loi organique en attente d’examen.
Dans ce texte, figuraient une dizaine de mesures, dont une réforme des procédures organisant la réintégration dans les fonctions juridictionnelles après détachement ou congé parental et une réforme relative au statut des juges de proximité. Ces derniers seront amenés, pour bon nombre d’entre eux, à quitter leurs fonctions prochainement, l’ordonnance de 1958, modifiée en 2003 afin d’y intégrer la loi créant les juges de proximité, ne leur permettant pas d’exercer leurs responsabilités plus de sept ans. Le projet de loi organique initial prévoyait de porter la durée maximale de leurs fonctions à dix ans. L’urgence aurait bien été justifiée en ce qui les concerne puisqu’ils attendent de connaître le sort qui leur sera réservé !
Monsieur le ministre, vous avez précisé à l’Assemblée nationale que ces quatre dispositions ont fait l’objet d’une concertation avec les organisations syndicales, ce que vous venez de réaffirmer à l’instant devant le Sénat. Pourtant celles-ci s’étonnent du recours à la procédure d’urgence et déplorent qu’un réel débat ne puisse être mené sur des articles importants pour le statut des magistrats.
En effet, à l’exception de la disposition relative au comité médical national chargé de gérer les situations particulières des magistrats en cas de maladie, dont l’examen d’urgence se justifie pleinement eu égard à la multiplication des situations de souffrance au travail des magistrats ces dernières années, l’usage de la procédure législative ordinaire, qui garantit le déroulement normal du débat, aurait été plus approprié.
Une des dispositions de ce texte, tout particulièrement, est loin de faire l’objet d’un consensus. Je veux parler de celle qui porte de six à douze ans la durée pendant laquelle un magistrat pourrait exercer la fonction de magistrat placé et qui interdit ainsi aux magistrats placés l’accès à tous les postes correspondant à leur grade.
Les magistrats placés constituent, à l’évidence, un contingent à la libre disposition du chef de cour et ne bénéficient d’aucune garantie de pérennité dans l’exercice de leurs fonctions. Il est indispensable de limiter cette précarité. La tentation est forte, en effet, d’utiliser les magistrats placés non pas pour répondre à des situations locales difficiles, mais pour faire face à des vacances de postes volontairement organisées. Cette dérive a été constatée à l’occasion de la réforme de la carte judiciaire : on a volontairement fait fonctionner, pendant des mois, des juridictions vouées à la suppression avec des magistrats placés.
Pour nécessaire qu’elle soit, cette fonction doit rester exceptionnelle, car elle constitue une atteinte au statut des magistrats. Porter de six à douze ans sa durée revient à créer une véritable carrière de magistrats précaires. Le syndicat de la magistrature, par exemple, préconise de réduire la durée de cette fonction à quatre ans. Il aurait pu être intéressant de discuter de ce point.
De surcroît, les magistrats placés ne seraient même pas assurés de bénéficier d’une promotion en fin de parcours. L’article 2 prévoyait d’exclure les postes dit « B bis » de la « liste » des postes auxquels les magistrats peuvent prétendre de droit après une période de deux ans d’exercice de la fonction de placés. Ces postes correspondent à des postes de premier vice-président, de premier vice-président adjoint, de procureur de la République adjoint ou de premier vice-procureur de la République.
Si, dans certains cas cette situation peut aboutir au blocage de ces postes et empêcher l’avancement de magistrats plus expérimentés, l’amendement du Gouvernement revient à exclure automatiquement les magistrats placés de toute nomination à ces fonctions. Or ces derniers, selon vos propres mots, « sont souvent confrontés à des pratiques juridictionnelles diversifiées dans les juridictions dans lesquelles ils sont délégués ». Ils peuvent dès lors justifier parfois d’une expérience professionnelle riche, qui leur offre toutes les compétences requises pour accéder à des postes d’encadrement au même titre que les autres magistrats.
À l’évidence, ce point soulève de nombreuses questions méritant un débat qui permettrait de les approfondir et peut-être de modifier la façon de voir du Gouvernement. Qui plus est, certaines organisations professionnelles dénoncent la multiplication de ces postes d’encadrement intermédiaire qui ne correspondraient à aucune réalité dans un grand nombre de juridictions, ainsi que leur distribution inégalitaire.
L’ordonnance de 1958 dispose que le statut des magistrats doit être fixé par la loi organique afin de mettre l’indépendance de l’autorité judiciaire à l’abri de toute modification de circonstance. Encore faut-il que les délais laissés aux assemblées permettent un vrai travail de concertation. L’adoption par la commission d’un amendement supprimant entièrement l’article 2 est donc appropriée.
Dans la même logique de rejet des cavaliers législatifs, et même s’ils soulèvent moins d’interrogations, les articles 4 et 6 doivent être repoussés, afin que l’on puisse en débattre en même temps que du texte dont ils sont issus, texte toujours en attente et qui comporte d’autres dispositions tout à fait intéressantes. Il n’y a donc aucune raison de l’inclure dans ce texte examiné en procédure accélérée.
Monsieur le ministre, au cours des nombreux débats qui nous ont réunis autour des questions de justice, vous avez pu mesurer l’attachement de notre groupe aux principes fondamentaux qui devraient régir la justice de notre pays : l’indépendance, l’accessibilité et l’adéquation de ses moyens à ses missions. Vous ne serez donc pas surpris que la très grande majorité de notre groupe ne partage pas votre point de vue sur ce texte, sans toutefois rejoindre complètement la position de M. le rapporteur.
Cela a déjà été dit, ce projet de loi organique procède en premier lieu de l’accélération du calendrier de mise en œuvre de la réforme des retraites qu’a décidée, le 7 novembre dernier, le Premier ministre, en application du deuxième plan de rigueur du Gouvernement. Ces mesures avaient ensuite été retranscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, bien que rejetées par le Sénat.
Cette réforme des retraites, nous l’avions combattue, car nous estimions injustes pour nos concitoyens les plus modestes un certain nombre de ses dispositions. Dès lors, et comme il n’est pas dans nos habitudes de tourner casaque au gré des circonstances, nous confirmerons naturellement et majoritairement notre opposition à l’article 1er du texte, tout comme nous nous étions très majoritairement opposés à la loi organique du 10 novembre 2010 qui avait le même objet.
Vous nous direz peut-être, monsieur le ministre, que le Conseil constitutionnel vient tout juste de valider la loi de financement de la sécurité sociale, donnant ainsi une base légale à ce texte. Mais nous vous répondrons que cette décision ne constitue en aucune façon un brevet définitif de respectabilité législative, car, comme le disait Aristote, « l’équitable, tout en étant juste, n’est pas le juste selon la loi, mais un correctif de la justice légale ».
À l’instar des organisations syndicales de magistrats, quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que ce projet de loi organique, initialement très circonscrit, avait été complété par des amendements du Gouvernement sans lien direct avec l’objet du texte, moins d’une semaine après son adoption en conseil des ministres !
Nous considérons que cette façon de légiférer n’est pas très bonne, sans même préjuger du fond de ces adjonctions. C’est aujourd’hui un lieu commun que de stigmatiser l’inflation législative, la surcharge de l’ordre du jour et la dégradation de la qualité et de la lisibilité de la loi. Mais ces lamentations n’en restent une nouvelle fois qu’au stade incantatoire.
Ces amendements proviennent d’un projet de loi organique relatif au statut de la magistrature, déposé en juillet à l’Assemblée nationale et toujours en attente. Le Gouvernement a préféré appliquer la technique du saucissonnage sélectif, sans d’ailleurs justifier le choix de ces dispositions plutôt que d’autres. Fallait-il, monsieur le ministre, que vous sentiez poindre une telle urgence pour vous raccrocher au premier wagon législatif qui passait ? II est vrai que d’autres urgences s’annoncent, comme la proposition de loi de simplification du droit ou le projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines... La récente visite au Puy de M. le garde des sceaux est annonciatrice d’urgences de fin de mandature.
Plus généralement, cette mauvaise façon de légiférer vient masquer une fois de plus les problèmes de fond de la magistrature. Sans parler de la faiblesse criante des moyens que le Gouvernement alloue à la justice – en dépit, chaque année, de quelques efforts au niveau budgétaire néanmoins insuffisants –, il faut noter que la logique aveugle de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, a conduit à altérer gravement la pyramide des âges des magistrats. En 2011, 160 magistrats entreront en fonction pour 230 départs à la retraite. Où est la logique à l’heure où la justice de ce pays va mal – nous le savons tous et ce n’est pas récent – et où les magistrats attirent l’attention sur le profond malaise de leur profession ?
Il est acquis que, d’ici à 2017, ce corps subira des départs à la retraite massifs et non couverts par les recrutements. Nos collègues Yves Détraigne et Simon Sutour avaient déjà mis en évidence en 2009 que les départs à la retraite volontaires avant la limite d’âge étaient supérieurs aux départs contraints par l’âge, ce qui est révélateur. Même l’étude d’impact de la réforme des retraites de 2010 indiquait que seuls 71 magistrats étaient maintenus en activité en surnombre.
Au final, le recul de l’âge de la retraite, désormais acté, conduira mécaniquement à allonger les perspectives d’avancement des magistrats et à entraver l’accès aux grades supérieurs. La politique de recrutement n’est pas en adéquation avec les besoins criants de notre justice et la réalisation de vos propres réformes.
Que proposez-vous aujourd’hui ? L’examen furtif de quelques dispositions tirées d’un autre texte, ce qui en dit long sur la volonté de mettre les choses à plat et de procéder à une réforme d’envergure et adaptée !
Sur le fond de ces articles, nous ne sommes néanmoins pas opposés à l’exclusion des emplois d’encadrement intermédiaire « B bis » du bénéfice de la priorité d’affectation, ou encore aux dispositions relatives au comité médical national ; nous les savons attendues par nombre de magistrats.
En revanche, nous nous opposons à l’extension à douze ans de la période maximale pendant laquelle un magistrat, durant sa carrière, pourrait être affecté à un emploi de magistrat placé. Une telle mesure n’est vraiment pas raisonnable. Elle ne fait qu’acter à notre sens une forme de précarisation de la carrière de ces magistrats. La gestion des vacances provisoires de postes est bien sûr nécessaire, mais la pénurie de postes ne doit pas servir de prétexte à la banalisation de l’instabilité des carrières.
Enfin, j’évoquerai l’article 3 relatif à l’interdiction de décorer les magistrats durant leur carrière.
Soyons clairs : les décorations sont sans doute aujourd’hui devenues plus un marqueur social ou la récompense d’une fidélité – qui peut d'ailleurs changer – qu’un gage de compétence. Comme le disait Jules Renard, « en France, le deuil des convictions se porte en rouge et à la boutonnière » ; c’est particulièrement vrai dans le monde judiciaire. Mais nous n’estimons pas légitime de n’interdire la remise de décoration qu’aux seuls magistrats de l’ordre judiciaire. Quid des magistrats administratifs ? Des membres du Conseil constitutionnel ? Des membres d’autorités administratives indépendantes ? Ce serait un bien mauvais message de la part du Parlement que d’acter une telle inégalité de traitement. Les magistrats attendent aujourd’hui, et à juste titre, des mesures bien plus essentielles que celles-ci.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne serai qu’un modeste substitut de Mme Catherine Troendle, qui devait intervenir cet après midi, mais qui en est empêchée par des problèmes de transport aérien –, …
Merci, monsieur le président de la commission des lois !
… sur un sujet que je maîtrise parfaitement, comme chacun va pouvoir le constater ! §
Afin de garantir l’indépendance de la justice, l’article 64 de la Constitution prévoit qu’« une loi organique porte statut des magistrats ». Dès lors, l’accélération du relèvement de la limite d’âge de départ à la retraite applicable aux magistrats rend nécessaire l’adoption d’un texte « relatif à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire ».
Le principe de la réforme proposée initialement par le Gouvernement qui prévoyait le relèvement de deux ans de l’âge de départ à la retraite ayant déjà été acté lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour une génération antérieure, il ne s’agissait, dans le texte qui nous est arrivé de l’Assemblée nationale, que d’en tirer formellement les conséquences en alignant le régime applicable aux magistrats sur celui des autres fonctionnaires. Cette limite d’âge a d’ailleurs connu au cours des cinquante dernières années des évolutions similaires à celles qui ont affecté la limite d’âge de l’ensemble des agents de l’État.
Cette réforme laisse inchangée la limite d’âge précédemment fixée pour les magistrats nés avant le 1er janvier 1952.
Pour les magistrats nés à compter de cette date, l’accélération du relèvement de la limite d’âge interviendra à raison d’un mois pour ceux nés en 1952, de deux mois pour ceux nés en 1953, de trois mois pour ceux nés en 1954 et de quatre mois pour ceux nés en 1955. La limite d’âge à soixante-sept ans s’applique désormais pleinement pour les magistrats nés à compter de 1955.
En revanche, l’âge d’ouverture des droits à pension des magistrats ne fait pas partie intégrante de leur statut ; ceux-ci se voient donc appliquer, par la loi ordinaire, les mêmes règles que les fonctionnaires. Cet âge est fixé, depuis la loi de réforme des retraites, à soixante-deux ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1956.
Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de formuler plusieurs remarques.
Tout d’abord, selon l’étude d’impact indexée au projet de loi, ce texte aura un effet limité sur le nombre de départs à la retraite, car le nombre de magistrats concernés ne devrait être que de quelques dizaines, comme l’a rappelé notre collègue Yves Détraigne, qui a rapporté le texte que nous modifions aujourd’hui.
De plus, aux termes de l’article 76-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, « les magistrats sont maintenus en fonction, sauf demande contraire, jusqu’au 30 juin suivant la date à laquelle ils ont atteint la limite d’âge », afin que leur départ coïncide avec les vacances judiciaires. Cette disposition, très largement utilisée, atténuera les effets de cette réforme sur la date de cessation effective des fonctions des magistrats concernés.
En outre, un magistrat atteignant la limite d’âge dispose de plusieurs régimes lui permettant de prolonger son activité comme le recul de la limite d’âge applicable à l’ensemble des fonctionnaires de l’État ou les régimes de maintien en activité spécifiques à la magistrature.
Enfin, l’accélération du calendrier de relèvement de la limite d’âge pour les magistrats de l’ordre judiciaire se traduira nécessairement par une diminution des dépenses de pensions des agents de l’État. N’est-ce pas l’effet essentiel recherché par le Gouvernement, dont je tiens d’ailleurs à saluer les efforts considérables en matière de lutte contre les déficits.
Ce gain, contrairement à ce qui a été affirmé en commission, monsieur le rapporteur, a été pris en compte dans l’évaluation qui a été faite de la montée en charge pour l’ensemble des agents de la fonction publique de l’État. Pour le régime de ces agents, la mesure proposée permet ainsi d’économiser 470 millions d’euros en cumulé sur la période 2012-2016.
Le projet de loi présenté par le Gouvernement était donc une excellente nouvelle ; néanmoins, la décision prise par la commission des lois de vider substantiellement le texte en est une nettement moins bonne.
Tout d’abord, j’évoquerai la suppression de l’article 1er, cœur du dispositif présenté, puisqu’il constituait l’article unique initialement proposé au Parlement.
II avait en effet pour objet d’aligner le calendrier de relèvement de la limite d’âge, par génération, applicable aux magistrats sur celui prévu pour les fonctionnaires des trois fonctions publiques par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. L’équité commande en effet que cette accélération du calendrier de mise en œuvre progressive du relèvement de la limite d’âge concerne aussi bien les magistrats que les fonctionnaires.
Durant les cinquante dernières années, la limite d’âge applicable aux magistrats a connu une évolution parallèle à celle en vigueur pour les fonctionnaires de l’État.
En 1958, la limite d’âge était de soixante-dix ans pour la très grande majorité des magistrats judiciaires. Pour les autres magistrats, cette limite était de soixante-huit ans.
En 1976, c’est la limite d’âge de soixante-cinq ans qui a été appliquée à la majorité des magistrats ; une limite plus élevée, de soixante-huit ans, est retenue pour les magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation.
En 1984, la règle des soixante-cinq ans a été généralisée avec pour seule exception le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près ladite Cour. Le groupe UMP propose de rétablir cet article.
L’article 3, que vous avez réintroduit, mes chers collègues, vise, et vous l’avez rappelé, à interdire que les magistrats puissent recevoir de l’autorité exécutive une décoration publique.
Il s’agit en l’occurrence, vous en êtes bien conscients, on l’a dit à propos d’autres éléments de ce texte, d’un véritable cavalier. Il y a donc un fort risque d’inconstitutionnalité.
Il est très important pour nous de ne pas faire de discrimination entre les différents fonctionnaires de l’État. Je ne vois pas au nom de quoi nos magistrats ne pourraient plus avoir accès aux décorations telles que la Légion d’honneur et le Mérite, même si je salue les références littéraires de notre collègue Jacques Mézard. Pourquoi ne pourraient-ils pas être récompensés de leurs mérites éminents ?
Ce n’est pas parce que les magistrats sont décorés qu’ils sont soumis au pouvoir en place. Nous sommes, tout autant que vous, attachés à la séparation des pouvoirs. Vous prétextez que cette mesure permettra de garantir une indépendance et une impartialité plus grandes : restons mesurés ! M. Dosière, qui est l’initiateur, à l’Assemblée nationale, de cette idée originale, avait pris l’exemple des parlementaires, …
… qui ne peuvent effectivement se voir attribuer de décorations pendant leur mandat. Mais tout le monde sait bien que les parlementaires, à la différence des magistrats, n’exercent pas leur fonction à vie !
Il arrive d’ailleurs à nombre d’entre eux, une fois leur mandat terminé, de se voir attribuer quelques décorations.
En outre, votre proposition est à mon sens discriminatoire à l’égard des magistrats de l’ordre judiciaire : s’il s’agit ici d’indépendance et d’impartialité, alors pourquoi oubliez-vous, comme M. Mézard l’a souligné, les magistrats de l’ordre administratif, les membres du Conseil constitutionnel, de la Cour des comptes ou des autorités administratives indépendantes ? Vous créez une inégalité flagrante que nous récusons.
Pour finir, je voudrais évoquer l’article 2, que vous avez également souhaité supprimer.
Cette disposition visait à répondre à deux difficultés d’application du régime spécifique des magistrats placés auprès des chefs de cour d’appel.
En effet, institués par la loi organique du 29 octobre 1980 pour donner aux chefs de cour une plus grande latitude dans la gestion des effectifs de magistrats, les magistrats placés sont des magistrats du siège ou du parquet, placés respectivement auprès du premier président ou du procureur général d’une cour d’appel, et qui ont qualité pour exercer les fonctions du grade auquel ils appartiennent à la cour d’appel à laquelle ils sont rattachés.
C’est l’article 3-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature, qui définit limitativement les fonctions que ces magistrats peuvent occuper à l’intérieur du ressort d’une cour d’appel. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, ils sont appelés à remplacer temporairement les magistrats de leur grade empêchés d’exercer leurs fonctions pour cause de maladie ou de maternité. Ils peuvent également être temporairement affectés, pour une durée maximale de huit mois, à un emploi vacant ou bien encore être affectés, pour cette même durée maximale, dans une juridiction afin de renforcer l’effectif de celle-ci et, ainsi, réduire le délai de traitement du contentieux.
De plus, l’article 3-1 énonce le principe selon lequel le nombre de ces magistrats ne peut excéder, pour chaque cour d’appel, le quinzième des emplois de magistrats de la cour d’appel et des tribunaux de première instance du ressort. Selon l’étude d’impact annexée que vous nous avez présentée, on comptait, en 2011, 382 emplois de magistrats placés, dont 244 magistrats du siège et 138 du parquet ; ces magistrats représentaient environ 4, 9 % des emplois de magistrats, des postes souvent proposés aux auditeurs de justice du fait d’une relative désaffection pour la fonction. Les dispositions de cet article semblaient soulever des difficultés. C’est pourquoi nous saluons l’initiative du Gouvernement pour améliorer ce régime.
Monsieur le ministre, le groupe UMP soutient le projet de loi organique du Gouvernement et les amendements que vous présenterez pour rétablir certaines dispositions.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais faire plusieurs observations sur ce projet de loi organique.
Ma première observation porte sur l’objet même de ce texte. Une loi organique est nécessaire pour étendre aux magistrats l’accélération du calendrier de relèvement, en 2017 au lieu de 2018, à 62 ans de la limite d’âge de départ en retraite, adoptée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Nous avons voté contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et, bien sûr, contre cette mesure : nous voterons donc contre l’application de cette disposition aux magistrats. Il n’est pas nécessaire que j’apporte des explications supplémentaires, elles ne feraient qu’allonger inutilement nos débats.
Ma deuxième observation concerne les magistrats placés. À l’époque, le Conseil constitutionnel n’avait pas fait beaucoup d’observations. Pour ma part, j’y ai toujours été opposé, notamment pour les magistrats du siège, car ce régime me semble incompatible avec le principe de l’inamovibilité des magistrats. En effet, ces magistrats nommés à la sortie de l’école sont placés soit comme magistrats du siège soit comme magistrats du parquet auprès du premier président ou du procureur général de la cour d’appel. Ils sont chargés de remplacer des magistrats sur des postes vacants, de pallier la pénurie de personnel dans les tribunaux, et sont en quelque sorte laissés à la discrétion des chefs de cours pour remplir telle ou telle fonction.
Le Conseil d’État avait précisé que les magistrats placés devaient bénéficier en priorité d’emplois correspondant à leurs fonctions s’ils en faisaient la demande et si ces emplois étaient vacants. Il a, par ailleurs, fortement encadré la durée pendant laquelle ces magistrats étaient ainsi mis à la disposition des chefs de cour.
Votre texte, monsieur le ministre, revient sur cette jurisprudence. Il tend à prévoir que les magistrats placés pourraient faire une grande partie de leur carrière dans ces conditions puisqu’il autorise le maintien à ce poste durant six années consécutives, pour une durée maximale de douze années au total. Or, on le sait bien, les magistrats placés sont, en termes de carrière et d’avancement, toujours quelque peu laissés pour compte.
C'est la raison pour laquelle nous sommes totalement opposés à ce dispositif.
Ma troisième observation est relative à une vieille affaire, celle des décorations. Avec François Colcombet, un ancien magistrat comme moi, j’avais déposé, dans le cadre d’un projet de loi présenté par Mme Lebranchu, un amendement prévoyant un dispositif similaire à celui de l’article 3. À l’époque, le Gouvernement s’en était remis à la sagesse de l'Assemblée nationale, qui avait voté cet amendement, par la suite rejeté au Sénat.
J’entends dire ici ou là que les magistrats judiciaires sont des agents publics. Certes ! Mais ils sont différents de tous les autres, y compris des magistrats de l’ordre administratif ou des magistrats financiers. En effet, la garantie de leur indépendance est statutaire. Ils n’ont plus aucun lien avec le pouvoir exécutif, particulièrement depuis la réforme de la Constitution intervenue en 2008 : l’exécutif, en l’occurrence le garde des sceaux, ne préside plus le Conseil supérieur de la magistrature.
Il ne serait pas bon d’autoriser les magistrats du siège à recevoir une décoration accordée par le pouvoir exécutif. Je rappelle que, en l’espèce, ils sont soumis au régime de droit commun et que, pour certaines décorations comme la Légion d’honneur, il faut qu’ils en fassent la demande.
C'est la raison pour laquelle je pense très sincèrement que les magistrats du siège ne doivent pas recevoir de décoration du pouvoir exécutif pendant l’exercice de leurs fonctions. Je connais de nombreux magistrats du siège qui, jusqu’à la Cour de cassation, ont décliné toute décoration, terminant leur carrière « la robe vierge », si vous me permettez cette expression, de toute récompense. Cette règle devrait être applicable à tous les magistrats du siège. Je m’abstiendrai de dresser ici la liste des magistrats du siège – ceux auxquels je pense sont d’ailleurs aujourd'hui décédés – qui ont été récompensés pour services rendus…
En revanche, j’ai déposé un amendement relatif aux magistrats du parquet. Pour eux, la situation est totalement différente : ils n’ont pas les mêmes garanties d’indépendance, même s’ils les réclament aujourd'hui très largement. Dernièrement, de nombreux procureurs de la République ont demandé au garde des sceaux d’avoir le même statut que les magistrats du siège au moins pour les nominations et les règles disciplinaires. On demande depuis des années au Gouvernement de procéder à cette réforme, mais il continue d’y être hostile et de résister. Il en a été ainsi lorsque s’est posé le problème de la garde à vue et du rôle des magistrats du siège ou du parquet lors de la présentation par Mme Alliot-Marie de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale. Rien n’y fait, le pouvoir reste absolument sourd à ces revendications.
Les magistrats du parquet sont soumis à l’autorité hiérarchique du garde des sceaux. Ils rendent souvent d’éminents services, notamment dans les grands tribunaux ; je n’insisterai pas sur certaines réquisitions récentes, manifestement inspirées par la chancellerie et prononcées par des procureurs de la République très connus, qui ont ensuite été désavoués par les décisions des magistrats du siège… Ils peuvent donc recevoir toutes les décorations qu’ils veulent et qu’on veut bien leur remettre tant qu’on ne modifie pas la Constitution, comme ils le souhaitent, pour enfin prévoir un régime similaire à celui des magistrats du siège – avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature pour les nominations et l’avancement et alignement des régimes disciplinaires.
Lorsqu’il n’y aura plus de lien avec le pouvoir exécutif pour la carrière ou le statut, même s’il reste un rapport hiérarchique en ce qui concerne l’application de la politique pénale, les magistrats du parquet ne devront plus pouvoir recevoir de décorations.
Voilà les observations que je souhaitais faire. J’ajoute que j’ai déposé un amendement, qui va dans le sens du Gouvernement – je m’en expliquerai tout à l’heure –, pour modifier l’intitulé de cette loi organique, afin d’éviter que le Conseil constitutionnel ne trouve un cavalier législatif dans la loi, ce qui est préjudiciable à l’autonomie du Parlement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, par courtoisie, je vais répondre brièvement aux différents intervenants.
Monsieur le rapporteur, ce projet de loi organique – j’insiste sur ce point – est un texte d’équité entre tous les agents publics, entre ceux qui relèvent de la loi ordinaire et les magistrats, qui relèvent de la loi organique. Il est tout à fait normal de rétablir une cohérence entre les deux régimes, comme nous nous appliquons à le faire avec ce projet de loi organique.
Je tiens à vous dire que les organisations syndicales de magistrats ont été associées à la rédaction du projet de loi organique relatif au statut de la magistrature que vous avez évoqué. Vous avez dit que certaines dispositions avaient été reprises d’un texte à l’autre, ce qui est vrai car il y a urgence à régler ces problèmes. Mais vous avez aussi laissé entendre que les organisations syndicales n’avaient pas été consultées, ce qui est faux. Elles ont été avisées par la chancellerie du dépôt de ces amendements qu’elles connaissent parfaitement bien puisque le projet de loi organique sur le statut de la magistrature a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 27 juillet 2011, ce qui leur a laissé largement le temps d’en prendre connaissance.
Madame Borvo Cohen-Seat, vous avez, vous aussi, soutenu que les propositions du Gouvernement avaient été élaborées en catimini sans consultation des organisations syndicales. Mais ce n’est pas exact : la concertation a duré près d’un an ! Durant ce laps de temps, chacun a eu l’occasion d’échanger des arguments. Cette concertation a eu lieu au sein de la commission permanente d’études, instance d’avis qui regroupe l’ensemble des organisations syndicales et les services de la chancellerie, et qui s’est réunie pour la dernière fois le 7 juillet 2011.
Madame Borvo Cohen-Seat, il ne faut pas oublier que les magistrats placés sont volontaires. L’allongement de la durée d’exercice de ces fonctions sur l’ensemble de la carrière fait suite à des demandes expresses de magistrats placés qui souhaitaient rester dans leurs fonctions et qui ont dû être nommés ailleurs, en quelque sorte contre leur volonté.
Monsieur Mézard, vous avez fait semblant d’être surpris par les amendements du Gouvernement. Vous étiez parfaitement au courant, car vous suivez ce qui se passe à l'Assemblée nationale. Vous savez très bien qu’il s’agit de dispositions extraites du projet de loi organique déposé à l'Assemblée nationale qui nous paraissent devoir être adoptées avant la fin de la législature.
Il faut bien comprendre, mesdames, messieurs les sénateurs, que le 22 février, c’est-à-dire dans quelques semaines, le Parlement interrompra ses travaux. Si nous voulons résoudre un certain nombre de problèmes d’ici là, l’embouteillage des textes ne permettra pas que tous soient adoptés. Le Gouvernement fait donc en sorte de saisir les occasions offertes par les textes inscrits à l’ordre du jour pour y introduire des dispositions extraites d’autres textes lorsqu’elles sont nécessaires pour régler les problèmes qui se posent.
En l'occurrence, on ne saurait donc parler de « saucissonnage », monsieur Mézard ; je n’aime pas cette expression, qui n’est d’ailleurs pas adaptée. Il faut simplement voir dans cette manière de procéder la volonté du Gouvernement d’améliorer, en l’espèce, la gestion des carrières des magistrats. Par ailleurs, les organisations syndicales de magistrats sont favorables à la majorité de ces mesures et les appellent de leurs vœux.
Je vous remercie d’avoir reconnu les efforts budgétaires du Gouvernement, monsieur Mézard : venant de vous, cette observation m’a fait plaisir ! J’ai même senti que vous étiez plutôt favorable à l’ensemble de ce texte, à l’exception de l’allongement à douze ans de la durée des fonctions de magistrat placé. Pour le reste, il me semble qu’un consensus pourrait s’établir entre nous et j’espère que ces impressions seront confirmées lors de la discussion des articles.
Monsieur Karoutchi, vous avez soutenu le Gouvernement, ce dont je vous remercie, et vous avez compris sa logique…
Il souhaite en effet appliquer aux magistrats de l’ordre judiciaire la mesure générale sur les limites d’âges qui a été votée par le Parlement. Si M. Michel veut être cohérent avec lui-même, permettez au Gouvernement de l’être avec la politique qu’il a mise en œuvre ; quoi de plus normal ?
Je vous remercie également, monsieur Karoutchi, d’avoir compris que le Gouvernement veut améliorer la gestion de la carrière des magistrats et les dispositifs statutaires existants par l’adjonction de mesures attendues par le corps judiciaire : tel est l’objet des quatre mesures que vous avez relevées. Comme je viens de le dire à M. Mézard, il était urgent de prendre ces mesures et nous l’avons fait ! De même, s’agissant du comité médical national, le Gouvernement estimait qu’il convenait de prendre rapidement les dispositions concernées et l’Assemblée nationale a souscrit à cette appréciation.
Monsieur Michel, vous êtes cohérent, disais-je, avec votre position de principe sur l’âge de départ à la retraite, mais le Gouvernement, lui aussi, reste cohérent avec lui-même : ce projet de loi organique vient achever l’édifice des dispositions législatives applicables à l’ensemble des agents publics.
Quant aux magistrats placés, ce sont souvent d’excellents magistrats qui choisissent d’exercer des fonctions, parfois difficiles, qui supposent de connaître parfaitement des fonctions spécialisées, comme celles de juge des enfants ou de juge d’instruction. Les intéressés font souvent de belles carrières et on ne peut donc pas les traiter comme vous l’avez fait.
S’agissant de la dépendance du parquet à l’égard de l’exécutif, nous connaissons votre posture idéologique, je n’y reviendrai donc pas. Cependant, nous nous connaissons depuis suffisamment longtemps, étant tous deux anciens députés, pour savoir ce que pense chacun de nous : nos positions divergent sur ce plan, mais la suspicion qui transparaît dans vos propos me paraît choquante pour les magistrats. Or je souhaite défendre les magistrats et réaffirmer devant le Sénat que leur indépendance est totale.
Enfin, sur l’affaire des décorations, ma position est très claire. J’ai servi à la chancellerie pendant quatre années ; cette activité m’a beaucoup intéressé et j’ai ainsi pu faire la connaissance de magistrats dont les idées étaient totalement différentes sur le plan politique, car un magistrat, comme tout homme, a parfaitement le droit d’avoir des idées…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cette observation mérite absolument de figurer au compte rendu des débats !
Sourires.
Ce que j’ai vécu à la chancellerie a renforcé le respect que j’éprouvais déjà pour les magistrats, car j’ai pu observer de près le comportement de personnes non seulement attachées à leur indépendance, mais faisant en sorte de la défendre et de l’affirmer dans leur action et leur vie quotidiennes, qu’elles appartiennent au siège ou au parquet.
L’interdiction de recevoir des décorations me semble assez surprenante. Tout à l’heure, quelqu’un a fait allusion à la situation des parlementaires ; mais les parlementaires ne peuvent pas recevoir de décorations, parce que, la plupart du temps, ce sont eux qui les demandent pour les autres ; ils ne peuvent donc pas être juge et partie. Les magistrats ne sont pas dans la même situation.
Monsieur Michel, la distinction que vous proposez d’établir, dans ce domaine, entre magistrats du siège et magistrats du parquet me surprend beaucoup. Vous qui avez été magistrat, je ne vais pas vous apprendre que l’on peut passer du parquet au siège et du siège au parquet au cours d’une même carrière : comment allez-vous faire concrètement ?
Oui, M. le président Sueur a raison, il faudrait la rendre !
Mais je n’en doutais pas !
L’adoption de votre amendement créerait une situation intenable, monsieur Michel : je serais donc heureux que vous le retiriez.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission.
(Supprimé)
L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 2 de la loi organique n° 2010-1341 du 10 novembre 2010 relative à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire est ainsi rédigé :
« Art. 2. - Par dérogation à l’article 76 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, la limite d’âge des magistrats nés avant le 1er janvier 1955 est fixée :
« 1° Pour les magistrats nés avant le 1er juillet 1951, à soixante-cinq ans ;
« 2° Pour les magistrats nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 1951, à soixante-cinq ans et quatre mois ;
« 3° Pour les magistrats nés en 1952, à soixante-cinq ans et neuf mois ;
« 4° Pour les magistrats nés en 1953, à soixante-six ans et deux mois ;
« 5° Pour les magistrats nés en 1954, à soixante-six ans et sept mois. »
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement vise à revenir au dispositif présenté initialement par le Gouvernement, malheureusement supprimé par la commission des lois du Sénat. Il s’agit de l’article essentiel de ce projet de loi, puisque c’est celui qui porte sur la retraite des magistrats. Le Gouvernement souhaite donc que cet amendement soit adopté afin que l’article 1er soit rétabli.
La commission des lois a supprimé l’article 1er pour deux raisons : d’une part, elle a souhaité dénoncer ainsi le fait que, sans égard pour les réserves qu’elle avait émises en septembre 2010, le Gouvernement n’a pris aucune mesure pour remédier aux difficultés créées par la réforme des retraites pour le déroulement de la carrière des magistrats ou la situation des polypensionnés ; d’autre part, elle a souhaité réaffirmer ainsi l’opposition du Sénat à l’accélération du calendrier de déploiement de la réforme des retraites.
Comme nous l’avons dit lors de la discussion générale, l’équité commande certes de traiter les magistrats comme les autres fonctionnaires, mais la même équité commandait, plus impérieusement encore, de concevoir une réforme des retraites qui repose sur des bases plus justes que celles retenues par le Gouvernement.
L’avis de la commission est donc défavorable.
À l’inverse de ce que vient d’affirmer M. le rapporteur, nous considérons, quant à nous, que la réforme des retraites va dans le bon sens. J’attends d’ailleurs de savoir si, après l’élection présidentielle, cette réforme sera réellement remise en cause. J’ai cru comprendre, récemment, que cela n’avait rien d’évident…
C’était un mot en l’air, monsieur le président de la commission des lois !
Naturellement, nous soutenons l’amendement du Gouvernement, puisque c’est un amendement de raison, d’équité et de justice, trois raisons majeures pour lesquelles nous le voterons !
L’amendement n’est pas adopté.
(Supprimé)
L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 3-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du neuvième alinéa est complétée par les mots : «, premier vice-président, premier vice-président adjoint, procureur de la République adjoint ou premier vice-procureur de la République des tribunaux de grande instance » ;
2° Les deux premières phrases de l’avant-dernier alinéa sont ainsi rédigées :
« Ces magistrats ne peuvent en aucun cas exercer les fonctions prévues au présent article pendant une durée supérieure à six ans consécutifs et à douze ans sur l’ensemble de leur carrière. À l’issue de chacune de ces périodes, ils sont nommés respectivement en qualité de magistrat du siège ou du parquet du niveau hiérarchique auquel ils appartiennent dans celle des deux juridictions mentionnées au neuvième alinéa où, au plus tard quatre mois avant la fin, selon le cas, de leur sixième ou douzième année de fonctions, ils ont demandé à être affectés. »
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement vise à revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale en rétablissant l’article 2, qui améliore le régime des magistrats placés prévu par l’article 3-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
L’amendement tend, d’une part, à exclure de la priorité d’affectation dont les magistrats placés bénéficient à l’issue d’une période de deux années d’exercice de ces fonctions les emplois qui correspondent à des fonctions d’encadrement intermédiaire requérant des profils particuliers – premier vice-président, premier vice-président adjoint, procureur de la République adjoint ou premier vice-procureur. Cette disposition vise à valoriser la carrière de magistrat, en assurant un déroulement plus progressif par des évolutions fonctionnelles au mérite.
L’amendement vise, d’autre part, à augmenter la durée maximale d’exercice de ce type de fonctions. Il s’agit de répondre, à la fois, aux vœux de certains de ces magistrats et aux besoins des juridictions, sans pour autant remettre en cause la garantie, pour les intéressés, de pouvoir y mettre fin après deux années d’exercice.
Tout est donc parfaitement clair : je souhaiterais vraiment que le Sénat se range à ces arguments et adopte l’amendement n° 5.
L’amendement du Gouvernement rétablit la totalité du texte de l’article 2, tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale.
Or le doublement de la durée pendant laquelle un magistrat peut occuper la position de magistrat placé n’est pas souhaitable. En effet, une telle position constitue une exception au principe de l’inamovibilité des magistrats du siège, les magistrats placés étant discrétionnairement affectés par le chef de cour aux postes qu’il désigne. Il ne faut donc pas encourager les magistrats à occuper cette position précaire trop longtemps. D’ailleurs, la moyenne d’occupation de ce poste est de deux ans et onze mois.
J’ajoute, enfin, que très peu de magistrats souhaitent exercer cette fonction au-delà de six ans : il est inutile de déroger aux principes rappelés précédemment pour un si faible nombre de candidats.
L’avis de la commission est donc défavorable.
L’amendement n’est pas adopté.
Après l’article 9-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un article 9-3 ainsi rédigé:
« Art. 9-3. – Les magistrats ne peuvent, pendant l’exercice de leurs fonctions ou à ce titre, recevoir aucune décoration publique au titre du livre Ier du code de la Légion d’honneur et de la médaille militaire et du décret n° 63-1196 du 3 décembre 1963 portant création d’un ordre national du Mérite. »
L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Troendle, MM. Bas, Béchu, Buffet, Cointat, Courtois, Frassa, Garrec, Gélard, Hyest, Lecerf, Lefèvre, Pillet, Portelli, Reichardt, Saugey et Vial, Mlle Joissains et MM. Fleming et Karoutchi, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
Il convient évidemment de supprimer cet article qui est un cavalier, je l’ai dit lors de la discussion générale. J’entendais tout à l’heure un certain nombre d’orateurs reprocher à certaines dispositions de ce projet de loi d’être des cavaliers, et pourtant les mêmes ne verraient aucune objection à l’adoption de cet article !
Pour ma part, je souhaite qu’il soit purement et simplement supprimé. Nous pourrions envisager d’ouvrir un débat futur sur les grands corps qui devraient, ou non, avoir la possibilité de se voir attribuer la Légion d’honneur ou l’ordre national du Mérite, mais ce n’est pas dans le cadre de l’examen d’un texte comme celui-ci que l’on peut décider que les magistrats ne peuvent pas recevoir certaines décorations.
Si nous avons décidé de nous prononcer sur le fond de l’ensemble des propositions du Gouvernement – même les supposés cavaliers que nous évoquions tout à l’heure –, nous essayons en même temps de les améliorer.
En effet, l’interdiction faite aux magistrats de recevoir une décoration n’est que l’illustration concrète de l’indépendance de l’autorité judiciaire et de la séparation des pouvoirs. Il ne s’agit donc pas d’une marque de défiance à leur endroit, pas plus que ne l’est l’interdiction applicable aux parlementaires, inscrite à l’article 12 de l’ordonnance organique relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.
Vous avez raison, monsieur Karoutchi, il s’agit effectivement d’un cavalier !
Sur le fond, comme je l’indiquais tout à l’heure, cette interdiction, si d’aventure elle était confirmée, n’aurait aucun équivalent dans la fonction publique. Elle ne pourrait donc être perçue, j’y insiste, que comme une mesure de défiance à l’égard des magistrats de l’ordre judiciaire. Je vous demande donc de faire attention au vote que vous allez émettre, mesdames, messieurs les sénateurs, car cette mesure de défiance risquerait d’être très mal ressentie par les magistrats.
Cette mesure de défiance se justifie d’autant moins que les magistrats bénéficient d’un statut et de règles déontologiques qui permettent le respect des principes d’indépendance et d’impartialité, vous le savez aussi bien que moi, monsieur le rapporteur. Vous ne pouvez pas dire le contraire, sauf à faire preuve de parti pris…
Je rappellerai également que des décorations ont été souvent décernées à des magistrats dont l’intégrité physique, voire la vie ont été menacées à l’occasion de l’exercice de leur fonction ou qui ont fait preuve d’un courage exemplaire : ils ne pourraient donc plus être décorés si cet amendement était adopté. Une telle situation me paraîtrait scandaleuse !
Je pense à la récente décoration d’une magistrate qui a fait preuve de sang-froid en affrontant des situations particulièrement dangereuses, notamment la tentative de suicide d’une mère de famille et une prise d’otage par un individu armé au sein de son tribunal. Elle méritait vraiment de recevoir une décoration, ce qui ne serait plus possible avec cette disposition. Sincèrement, ce serait choquant.
Enfin, si le Parlement souhaite se saisir de cette question, il me semble indispensable que le débat concerne l’ensemble des personnes en situation de poursuivre ou de juger : les membres des juridictions administratives et financières, les juges non professionnels que sont les juges consulaires, les conseillers prud’homaux, les juges de proximité ou encore les membres des autorités administratives indépendantes. Pourquoi stigmatiser les magistrats, voire spécifiquement les magistrats du siège si l'amendement n° 2 de M. Michel était adopté ?
Je note par ailleurs que cette mesure n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les organisations professionnelles de magistrats. Vous auriez tout de même pu engager des discussions avec elles, à tout le moins pour recueillir leur sentiment.
J’avoue être assez troublé par cette proposition de la commission des lois fondée, en définitive, sur l’éventuel manque de fiabilité attribué à certains très hauts fonctionnaires de l’État.
Dans ces conditions, il faudrait l’étendre à des catégories bien plus larges : les militaires fournissent un très grand contingent dans l’« ordre du bleu » et dans l’« ordre du rouge », des décorations leur sont décernées à longueur d’année. Personne n’a jamais mis en cause la fiabilité et la fidélité à la République des militaires.
Il ne s’agit nullement d’une mesure de défiance à l’égard des magistrats, monsieur le ministre. La défiance à l’égard des magistrats n’est pas de notre fait, elle vient de celui qui les traite de « petits pois », de ceux qui insultent les magistrats de Bobigny, de ceux qui mettent en cause leur pratique professionnelle lorsque tel ou tel incident se produit. Les magistrats savent bien que la défiance à leur endroit vient du pouvoir en place, en particulier du Président de la République, garant de leur indépendance aux termes de la Constitution. Je vous prie donc d’avoir un peu de pudeur sur ce point !
Je vais retirer mon amendement concernant les décorations des magistrats du siège, monsieur le président. Il est vrai que l’on peut passer du siège au parquet, et que les magistrats y sont très favorables. La question mériterait d'ailleurs d’être discutée, mais laissons les choses en l’état.
Pour le reste, les magistrats ne sont pas des agents comme les autres ! Leur statut doit les rendre totalement indépendants du pouvoir exécutif : un véritable mur doit exister. Et l’on sait bien que, dans certains cas, les décorations viennent récompenser...
La rédaction de l’article 3 aurait certes pu être améliorée au cours de la navette parlementaire si la procédure accélérée n’avait pas été engagée. On aurait pu prévoir la possibilité que des magistrats soient décorés dans des circonstances exceptionnelles, pour des actes commis dans l’exercice de leur fonction, mais indépendants de leurs actes de jugement, comme les actes de bravoure que M. le ministre a évoqués.
Pour la grande majorité d’entre elles, il s’agit de décorations « automatiques ». Le magistrat qui arrive à Paris obtient le Mérite, celui qui est nommé à la Cour d’appel, la Légion d’honneur… À un certain stade de la carrière, si vous n’avez pas la « rosette », vous n’êtes rien ! En fait, tout cela engendre un très mauvais état d’esprit.
Telle est la raison d’être de cet article. Je répète qu’il s’agit non de défiance à l’égard des magistrats mais de respect de l’indépendance de la magistrature. Je connais de nombreux magistrat du siège, et non des moindres, parvenus jusqu’à la Cour de cassation, qui ont refusé toute décoration.
Pour ce qui est des organisations syndicales, deux d’entre elles se sont déclarées totalement favorables à la mesure, la troisième estimant que celle-ci devrait faire l’objet d’un débat approfondi.
L'amendement n° 2, présenté par M. J.P. Michel, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
Les magistrats
insérer les mots :
du siège
Cet amendement vient d’être retiré.
La parole est à M. le ministre.
Je me réjouis, monsieur Michel, que vous retiriez cet amendement.
Cependant, vous avez tort de placer le débat sur un plan politicien, comme vous l’avez fait au début de votre propos, et de porter atteinte à l’intégrité du Président de la République et à son action. Nous ne sommes pas dans un meeting politique et j’aurais souhaité que le débat exclue ce genre d’interpellations. Je m’inscris en faux contre vos allégations, monsieur Michel, qui me paraissent, sur ce plan, tout à fait inacceptables !
Si nous avons nous-mêmes dénoncé une certaine défiance du Gouvernement à l’égard des magistrats, ce n’est pas la peine d’y ajouter celle de la majorité sénatoriale. Si tout le monde se méfie des magistrats, il sera difficile de faire fonctionner correctement la justice !
Plus fondamentalement, ce texte me paraît inutile dans les circonstances actuelles parce qu’il est discriminatoire. On ne saurait exclure de l’attribution de la Légion d’honneur et du Mérite les magistrats de l’ordre judiciaire et pas ceux des autres juridictions : ce serait incompréhensible et ne pourrait être perçu que comme une décision de défiance.
Le fait que ces décorations ne puissent pas être attribuées dans certaines fonctions pourrait faire l’objet d’une réflexion. Pour autant, cela fait-il partie des préoccupations de nos concitoyens ? Je n’en suis pas convaincu.
Ce serait dire aussi que les magistrats de l’ordre judiciaire ne sont pas indépendants parce que le Gouvernement peut leur attribuer, au gré des circonstances, telle ou telle médaille. Il ne me paraît pas bon de s’exprimer de cette façon.
C’est pourquoi nous voterons pour cet amendement de suppression de l’article 3.
Nous sommes assez favorables à la suppression de l’attribution de décorations aux magistrats en exercice. Néanmoins, une réflexion plus large portant sur l’ensemble des professions et des nominations dans la haute fonction publique, y compris sur les magistrats de l’ordre administratif, me paraît nécessaire.
De surcroît, dans la mesure où nous sommes hostiles aux « cavaliers », nous nous abstiendrons sur cet amendement de suppression comme sur l’article.
C’est peut-être faire preuve de naïveté, mais, très franchement, j’ai peine à imaginer qu’un magistrat puisse être acheté par l’attribution de la Légion d’honneur ou du Mérite…
Une réflexion plus globale sur le sujet me paraît nécessaire. Certaines de ces décorations ont été dévoyées en étant décernées à des présentateurs de télévision, dont on ne peut pas dire qu’ils aient rendu de grands services à la nation !
Ne modifions pas de telles dispositions au moyen de « cavaliers » législatifs ! Cela nous a été très souvent reproché. Après avoir écouté très scrupuleusement les arguments des uns et des autres, je pense qu’il faut revoir la question globalement.
Nous voterons donc également pour cet amendement de suppression de l’article.
Nous venons d’avoir un important débat et chacun comprend bien que l’intention de M. Michel était de marquer de manière symbolique l’indépendance de la magistrature, à laquelle nous sommes tous très attachés.
S’agissant des procureurs de la République, il a lui-même affirmé qu’il serait peut-être malvenu de leur envoyer un message négatif au moment où 147 d’entre eux viennent d’affirmer leur volonté d’indépendance. J’ai eu le grand honneur de recevoir, aux côtés de notre président, Jean-Pierre Bel, le président de la Conférence des procureurs, qui nous a fait part de leur état d’esprit, à l’issue du vote d’une « résolution » dont le texte a été publié.
Par ailleurs, les différentes interventions le montrent, si nous sommes très attachés à l’indépendance de la magistrature et si nous sommes nombreux à convenir qu’il reste des changements à opérer pour y parvenir, notamment dans la loi et la Constitution, nous ne mettons pas en doute l’indépendance de quiconque aurait été admis dans Légion d’honneur ou dans l’ordre national du Mérite.
Plusieurs collègues ont en outre indiqué qu’il serait utile de réfléchir au sujet dans son ensemble, afin que le traitement ne diffère pas selon les catégories de magistrats.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je me permets de préconiser l’abstention sur cet amendement de suppression.
Je me rallie à l’avis du président de la commission, en appelant à une réflexion plus large sur les décorations des fonctionnaires, notamment des magistrats de l’ordre judiciaire, administratif et financier.
L'amendement est adopté.
Le débat aura été utile, mes chers collègues : il a permis de faire émerger une position commune !
(Non modifié)
Au quatrième alinéa de l’article 39 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « six ». –
Adopté.
(Non modifié)
L’article 69 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : «, de longue maladie ou de longue durée » ;
2° Avant le dernier alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’avis du comité médical national peut être contesté soit par le garde des sceaux, ministre de la justice, soit par le magistrat, devant le comité médical national d’appel. » ;
3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État définit l’organisation et le fonctionnement du comité médical national et du comité médical national d’appel mentionnés au présent article. » –
Adopté.
(Non modifié)
L’article 76-4 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée est ainsi modifié :
1° Après le mot : « laquelle », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « ils exercent des fonctions différentes de celles normalement dévolues aux membres du corps judiciaire. Ils sont à cet effet placés dans une position conforme à leur statut par un acte qui précise qu’ils le sont au titre de la mobilité régie par le présent article. » ;
2° À la fin de la première phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « d’un an renouvelable une fois » sont remplacés par les mots : « de deux ans » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les services accomplis au titre de la mobilité statutaire sont assimilés à des services effectifs dans le corps judiciaire. » –
Adopté.
L'amendement n° 1, présenté par M. J.P. Michel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
Il a beaucoup été question de cavaliers cet après-midi. Tous les articles de ce projet de loi organique, à l’exception de celui qui porte sur la retraite des magistrats, sont en effet des cavaliers. C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à intituler le projet de loi organique : « Projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature ».
Je rappelle que, dans une décision en date du 25 janvier 2007, le Conseil constitutionnel a considéré que, même si le Sénat avait modifié l’intitulé initial de la loi pour tenir compte de l’adoption d’un cavalier, la disposition adoptée n’en demeurait pas moins un cavalier dans la mesure où c’était le texte déposé par le Gouvernement qui devait être pris en compte.
Depuis, est intervenue une révision constitutionnelle en 2008 et la loi organique correspondante a été adoptée. Désormais, c’est le texte présenté par la commission en séance qui doit être pris en considération, et non plus le texte du Gouvernement.
Le Conseil constitutionnel sera saisi de ce texte puisqu’il s’agit d’un projet de loi organique. Telle est la raison pour laquelle je formule cette proposition. Nous verrons ainsi ce qu’il dira de la modification de l’intitulé du texte issu des travaux de la commission. Nous sommes en effet dans cette configuration puisque la commission a voté mon amendement. J’espère que le Conseil constitutionnel modifiera sa jurisprudence sur les cavaliers, laquelle devient quelque peu erratique.
Cet amendement vise à adapter le titre du projet de loi aux dispositions qui le composent.
La très grande majorité des dispositions ayant été ajoutées sur l’initiative du Gouvernement, il aurait été logique que le Gouvernement dépose lui-même un amendement de ce type, par souci de cohérence.
Compte tenu de ce qui vient d’être voté précédemment, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Vous ne serez pas étonné, monsieur le sénateur, que le Gouvernement soit défavorable à cet amendement.
Je pense qu’il n’y a pas lieu de modifier le titre de ce projet de loi organique, dont l’objet initial et l’objet principal sont bien la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire. Ce serait dénaturer ce texte que d’en changer le titre.
Même si des dispositions relatives à la carrière des magistrats ont été ajoutées, cela ne change rien au fait qu’il s’agit d’un projet de loi organique qui tend à harmoniser les dispositions relatives au départ à la retraite des magistrats de l’ordre judiciaire avec l’ensemble des mesures prises pour tous les agents publics de l’État.
Le Gouvernement est contre cet amendement et souhaite le maintien du titre initial.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l’intitulé du projet de loi organique est ainsi rédigé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 74 :
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme et l’action du Sénat en matière de développement durable, présentée par M. Jean-Pierre Bel, président du Sénat (proposition n° 139, texte de la commission n° 170, rapport n° 169).
La parole est à M. le rapporteur.
Cette trente-septième révision de notre règlement comporte deux volets : d’une part, l’abaissement de quinze à dix du nombre de sénateurs nécessaire pour constituer un groupe politique ; d’autre part, l’institution, par scission de l’actuelle commission de l’économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, d’une nouvelle commission permanente qui se consacrerait spécifiquement au développement durable et à l’aménagement du territoire.
Le premier volet de cette initiative tend donc à conforter le pluralisme démocratique auquel le Sénat est traditionnellement attaché. Il s’inscrit dans la ligne de la dernière réforme de grande ampleur de notre règlement, engagée sur l’initiative de M. Gérard Larcher à la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Le nouvel article 51-1 de la Constitution prévoit que le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein et reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée, ainsi qu’aux groupes minoritaires.
Par la résolution du 2 juin 2009, notre assemblée a étendu la représentation proportionnelle pour la désignation des membres du bureau du Sénat et du bureau de chaque commission ; elle a également organisé la consultation des groupes dans certaines procédures ; elle a, enfin, défini les droits des groupes d’opposition et des groupes minoritaires.
Ces droits spécifiques se manifestent principalement sous deux formes : le droit de tirage annuel pour la création d’une commission d’enquête ou d’une mission commune d’information ; un jour de séance par mois réservé à l’initiative des groupes d’opposition ainsi que des groupes minoritaires. C’était le résultat des réflexions d’un groupe de travail qui avait été animé notamment par le président de la commission des lois de l’époque, Jean-Jacques Hyest, et par notre ancien collègue Bernard Frimat.
La présente proposition de résolution permet de franchir une nouvelle étape dans la reconnaissance du pluralisme, comme l’avait souhaité Jean-Pierre Bel dans son allocution prononcée le 11 octobre 2011, après qu’il eut été élu président de notre assemblée.
Il n’existe pas de « nombre d’or » pour fixer le seuil nécessaire à la constitution d’un groupe politique.
Indépendamment de toute exigence tenant à un seuil, plusieurs pays européens, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, par exemple, admettent qu’un groupe politique parlementaire puisse se constituer sur la base d’une affiliation de ses membres à un parti ; ils en font d’ailleurs une condition de la constitution d’un groupe parlementaire. Si tel était le cas chez nous, certains groupes parlementaires ne pourraient pas exister faute, pour tous leurs membres, d’être affiliés au même parti politique.
Sans renoncer au principe du seuil, notre commission a estimé que le choix du nombre minimal de sénateurs nécessaire pour la constitution d’un groupe politique devait avant tout être guidé par la reconnaissance, au sein du Sénat, des courants politiques nationaux.
Cette préoccupation n’est d’ailleurs pas nouvelle. Elle a, pour une large part, inspiré l’évolution du seuil requis par le règlement de l’Assemblée nationale pour constituer un groupe. Ce seuil, fixé à trente membres en 1959, a ainsi été ramené à vingt en 1988 – j’étais le rapporteur de la proposition de résolution concernée –, puis à quinze en 2009, afin de permettre à certains députés qui étaient membres d’un même parti politique de constituer un groupe.
Au Sénat, le seuil avait d’abord été fixé à onze, puis relevé à quinze en 1971. Même si ce seuil a été interprété de manière libérale – il prend en effet en compte les membres apparentés –, il apparaît aujourd’hui trop restrictif au regard de la diversité des sensibilités politiques qui s’expriment au sein de notre assemblée, notamment du fait de l’élection, lors du dernier renouvellement du Sénat, de dix sénatrices et sénateurs qui appartiennent à la même formation politique et qui entendent constituer un groupe politique.
C’est ce qui a conduit le président Jean-Pierre Bel à proposer d’abaisser ce seuil, donc de permettre la création d’un groupe politique qui sera l’expression d’un parti politique et, par là même, de renforcer le pluralisme au Sénat.
J’en viens à la création d’une nouvelle commission.
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a porté à huit le nombre maximum des commissions permanentes dans chaque assemblée, nombre initialement fixé à six par le constituant de 1958. À l’époque, le général de Gaulle voulait un « parlementarisme rationalisé » : diminuer le nombre des commissions permanentes, c’était réduire les possibilités, pour le Parlement, de s’exprimer et de s’opposer au Gouvernement. Dans les États où la démocratie parlementaire est complète, le nombre des commissions des différentes chambres est beaucoup plus important que chez nous ; que l’on songe seulement au Sénat américain !
Dès mai 2009, l’Assemblée nationale a utilisé la faculté ouverte par la réforme de 2008 en créant deux nouvelles commissions par scission de deux commissions existantes. Le Sénat avait alors maintenu à six le nombre de ses commissions permanentes, tout en modifiant la dénomination de certaines d’entre elles.
Il nous est proposé aujourd’hui d’instituer une commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Ce choix nous est apparu pertinent et équilibré et la commission des lois l’a approuvé.
Certes, on aurait pu faire d’autres choix. On aurait pu, par exemple, scinder la commission des affaires étrangères, de la défense nationale et des forces armées, comme ce fut le cas à l’Assemblée nationale. Mais le Sénat a considéré qu’il était souhaitable qu’une seule commission soit saisie des questions, souvent intimement liées, relevant des affaires étrangères et de la défense nationale.
On aurait également pu partager la commission des affaires sociales, avec une commission axée sur le droit du travail et l’autre sur le droit de la santé, ou encore retirer certaines de ses prérogatives à la commission des lois et créer une commission permanente en charge de ce qui concerne les collectivités territoriales.
Bref, de nombreuses options étaient ouvertes.
Pourquoi, alors, avons-nous considéré que le choix consistant à créer une commission du développement durable et de l’aménagement du territoire était pertinent ?
D’abord, parce que l’actuelle commission de l’économie couvre un très large spectre de sujets et dispose d’un effectif très important, à la mesure de la diversité des intérêts qu’elle suscite. Or il semble justifié, comme cela se fait dans presque toutes les assemblées parlementaires des pays de l’Union européenne et au sein du Parlement européen lui-même, de mieux identifier les problématiques liées au développement durable et à l’aménagement du territoire, problématiques qui sont aujourd’hui au cœur des préoccupations des politiques nationales, européennes et internationales : le récent sommet de Durban, par exemple, en témoigne.
L’effectif actuel de la commission de l’économie se prête bien à une répartition par moitié du nombre de ses sénateurs entre deux commissions – 39 et 39 –, ce qui permettra de rapprocher leurs nouveaux effectifs de celui des autres commissions permanentes, sans bouleverser leur équilibre et leur gouvernance tels qu’ils ont été établis après le renouvellement d’octobre dernier.
Le règlement du Sénat, contrairement à celui de l’Assemblée nationale, n’énumère pas les attributions de chaque commission. Le rapport écrit de notre commission présente à cet égard quelques suggestions. Au demeurant, la commission des lois a donné un avis favorable sur un amendement de M. Mézard, président du groupe du RDSE, qui tend fort opportunément à préciser la désignation de la nouvelle commission et, partant, ses compétences.
En tout état de cause, la répartition des textes procédera nécessairement d’une concertation entre les deux nouvelles commissions, l’une pouvant toujours être saisie pour avis lorsque l’autre est saisie au fond et que cela se révélera opportun.
La création d’une nouvelle commission paraît, de plus, correspondre à un choix équilibré.
En premier lieu, il pouvait sembler paradoxal que le Sénat se prive d’une possibilité ouverte par la révision de 2008 pour accroître les droits du Parlement. La limitation à six du nombre des commissions des assemblées en 1958 visait, je l’ai dit, à encadrer strictement les prérogatives de celles-ci. Dans aucune autre démocratie parlementaire au sein de l’Union européenne, le nombre des commissions n’est fixé de manière aussi restrictive.
En second lieu, avec le choix de créer, à ce stade, une seule commission, le Sénat répond à une double préoccupation : maintenir un champ de compétence cohérent pour chacune des sept commissions permanentes et maîtriser les dépenses de fonctionnement du Sénat. Sept commissions permanentes pour plus de trois cents sénateurs, quand il y en a huit pour plus de cinq cents députés, cela nous paraît équilibré et raisonnable.
Je veux souligner ici que, conformément à la volonté du président Jean-Pierre Bel, confirmée dernièrement par la conférence des présidents, la création d’un nouveau groupe et d’une nouvelle commission se fera, dans la mesure du possible, à coût constant.
Sourires et murmures sur les travées de l ’ UMP.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous invite, mes chers collègues, à adopter la présente proposition de résolution, modifiée par l’amendement de M. Mézard.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, « renforcer le pluralisme et l’action du Sénat en matière de développement durable » : quoi de plus louable ?
Si la proposition de modification du règlement de notre assemblée avait une chance d’atteindre cet objectif, soyez persuadés que le groupe de l’Union centriste et républicaine la soutiendrait naturellement et massivement.
Toutefois, si séduisant que soit son intitulé, cette proposition de résolution n’atteindra pas son objectif. Et je vais, mes chers collègues, tenter de vous en convaincre.
Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Pour apprécier la nature de cette initiative, il est intéressant de repenser à la dernière réforme importante de notre règlement, issue de la proposition de résolution présentée par Gérard Larcher, alors président du Sénat.
Ceux qui siégeaient déjà ici à l’époque s’en souviennent, ce texte reprenait pour l’essentiel les conclusions du groupe de travail sur la révision constitutionnelle et la réforme du règlement, présidé par Gérard Larcher. Ce groupe, dont M. Bernard Frimat – il a depuis été promu à d’autres responsabilités… – et M. Jean-Jacques Hyest étaient les rapporteurs, avait, au fil des réunions, su travailler dans un esprit de dialogue et de concertation. La réforme que l’on avait proposée alors, même si elle n’était sans doute pas parfaite, résultait d’un vrai consensus et avait permis d’améliorer sensiblement les méthodes de travail du Sénat.
Cette fois-ci, point de groupe de travail ! Et une concertation bien rapide, plus formelle qu’autre chose !
Les changements que l’on nous propose aujourd’hui ne sont pourtant pas minces : ils sont même plus importants que ceux que nous avions décidés sur la base des conclusions du groupe de travail que je viens d’évoquer. En effet, il s’agit d’augmenter le nombre de groupes politiques composant notre assemblée et de créer une nouvelle commission permanente.
J’évoquerai d’abord l’abaissement du seuil pour la constitution d’un groupe. Autant dire les choses clairement : chacun a bien compris qui en sera le bénéficiaire puisque – c’est assez inhabituel – il est précisément désigné dans l’exposé des motifs de la proposition de résolution !
Il s’agit bien évidemment de nos collègues écologistes, que je salue.
On comprend parfaitement la négociation qui a eu lieu entre les partenaires de la nouvelle majorité sénatoriale : elle a commencé, chacun s’en souvient, dans la semaine qui a précédé l’élection du nouveau président du Sénat.
Il n’est pas difficile de deviner les arguments avancés alors par nos collègues d’Europe Écologie-Les Verts à ce moment crucial !
M. François Zocchetto. Vous avez dû dire en substance : « Nous sommes dix sénateurs ; chacune de nos voix comptera pour l’élection du nouveau président ; donc, en contrepartie de notre soutien, nous souhaitons l’abaissement du seuil pour constituer un groupe parlementaire afin d’avoir un groupe autonome. » Est-ce que je me trompe ?
Rires sur les travées de l ’ UMP. – MM. Jean Desessard et Jean-Vincent Placé s’exclament.
Ces éléments méritaient d’être rappelés. Ils permettent de mieux comprendre la finalité du texte qui nous est proposé aujourd’hui. Il s’agit, ni plus ni moins, de traduire dans notre règlement un accord politique conclu par les nouvelles composantes de la majorité...
… enfin, par certaines de ses composantes, car j’ai cru comprendre que des sénateurs de la majorité n’étaient pas forcément d’accord avec cette proposition.
Mais cet accord politique nous poserait sans doute moins de problèmes s’il n’avait pas, comme nous le pensons, des conséquences préjudiciables pour le Sénat. J’évoquerai la principale d’entre elles : dans un contexte de crise, je vois mal comment, contrairement à ce qu’on nous annonce, l’abaissement du seuil pour constituer un groupe pourrait se faire à coût constant. Il va falloir nous expliquer !
Et la question du coût se pose avec encore plus d’acuité s’agissant de l’article 2 de la proposition de résolution, qui vise à créer une nouvelle commission permanente en charge du développement durable et de l’aménagement du territoire. Là encore, on nous annonce que cette modification se fera à coût constant. Nous sommes plusieurs à en douter !
Comment, en effet, ces changements n’engendreraient-ils aucun surcoût, ne serait-ce qu’au regard des moyens humains dont disposera nécessairement désormais chacune des deux commissions ?
Plus fondamentalement, la nouvelle commission que vous nous proposez de créer nous pose un problème quant à la manière même d’appréhender les questions environnementales. La logique que nous avons quasiment tous défendue jusqu’à maintenant était simple : elle consistait à intégrer les préoccupations environnementales dans l’ensemble des problématiques économiques et d’aménagement du territoire.
Pourquoi, alors, y a-t-il un ministre de l’environnement ? Il suffirait d’avoir un ministre de l’économie !
Autrement dit, « renforcer l’action du Sénat en matière de développement durable », comme l’annonce l’intitulé de la proposition de résolution, impliquait, précisément, de ne pas séparer l’environnement de l’économie. Quel incroyable retour en arrière !
C’est pourtant ce que nous propose la majorité, qui présente comme un progrès ce qui constitue, pour notre groupe, un recul important. Mon collègue Daniel Dubois, vice-président de la commission de l’économie, développera tout à l’heure l’ensemble des arguments qui militent en faveur du maintien de la répartition actuelle des commissions permanentes.
Mes chers collègues, je tiens à ce que notre démarche soit bien comprise : nous ne sommes pas dans une posture d’opposition de principe aux modifications qui nous sont proposées.
Cela n’aurait pas de sens dans la mesure où il est de l’intérêt de chacun des membres du Sénat que le règlement soit le plus efficace et le plus rationnel possible.
Nous pensons réellement, et je crois que plusieurs orateurs s’exprimeront dans le même sens, que cette scission de la commission de l’économie est une mauvaise idée.
M. François Zocchetto. C’est pourquoi, conformément à la logique constructive que nous entendons promouvoir, nous avons, mes chers collègues, une proposition à vous faire.
Ah ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Si le problème majeur a trait à la visibilité des thématiques environnementales, nous pensons que la meilleure solution, conforme en outre à une approche globale des questions environnementales, résiderait dans la création d’une délégation sénatoriale, qui pourrait d’ailleurs être appelée « commission sénatoriale », comme cela a été fait pour une commission récemment créée, et qui réunirait des sénateurs membres de chacune des commissions permanentes.
Je suis membre de la commission des lois, mais je suis aussi, tout comme le président de celle-ci, profondément attaché à l’amélioration de notre politique de développement durable. J’imagine qu’il en va de même pour tous nos collègues membres des commissions des finances, de la culture, des affaires sociales ou des affaires étrangères et de la défense !
La création d’une telle délégation ou commission sénatoriale permettrait à des sénateurs membres d’autres commissions de participer à une réflexion d’ensemble sur ces questions, sans remettre en cause l’efficacité du travail de l’actuelle commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Qui, en effet, a déjà entendu des arguments démontrant que cette commission ne travaillait pas bien ? Quelqu’un l’a-t-il critiquée ? Cette commission ne se préoccupe-t-elle pas des questions de développement durable et d’aménagement du territoire ?
Il faut le demander au président de la commission de l'économie : il est présent !
En revanche, chacun peut apprécier ce qui se passe à l’Assemblée nationale depuis que les députés ont décidé une scission comparable à celle qu’on nous propose. Pour mémoire, les membres de la commission de l'économie de l’Assemblée nationale étaient plus de 150 avant la scission, quand, au Sénat, ils ne sont que 78. J’ai cru comprendre que, à l’Assemblée nationale, l’expérience n’était pas vraiment concluante, c’est même le moins que l’on puisse dire !
Si l’on veut enfermer les questions environnementales et de développement durable dans un ghetto, suivons cette proposition ! Je suis déçu que cette modification soit soutenue par la nouvelle majorité sénatoriale, alors que l’exemple de l’Assemblée nationale nous démontre que c’est une mauvaise idée, car cela fonctionne très mal.
On nous propose donc de passer d’un système efficace à une nouvelle répartition dont on sait d’avance qu’elle va poser des problèmes, sans apporter le moindre bénéfice au Sénat. Ces problèmes, nous pouvons les éviter si nous décidons de créer une délégation ou une commission sénatoriale dédiée au développement durable plutôt que de scinder la commission de l'économie.
Enfin, suivant sa logique constructive, le groupe UCR vous fera une autre proposition, …
Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.
… ayant pour objet d’améliorer le fonctionnement de notre assemblée via une réforme du vote par scrutin public.
Notre groupe a déposé un amendement visant à mettre fin à l’usage actuellement fait du scrutin public. Il prévoit que chaque sénateur ne pourra recevoir de délégation que pour un seul de ses collègues.
Chacun sait comment fonctionne le scrutin public dans cet hémicycle. Chacun sait aussi à quel point ce système est critiquable. La compilation des interventions de sénateurs de tous les groupes pour déplorer cette situation, depuis plusieurs années, est édifiante !
Sur la forme, je constate que la gauche, qui, lorsqu’elle était dans l’opposition, n’a jamais cessé de dénoncer de façon très argumentée et persuasive ce type de scrutin, s’est bien vite approprié cette pratique depuis qu’elle est ici majoritaire, avec une utilisation que je qualifierai de « quasi systématique » et qui a très souvent pour objet d’occulter une réalité peu glorieuse.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe
La gauche ne réussit pas à être physiquement majoritaire dans l’hémicycle. Heureusement que le scrutin public était là pour vous permettre de faire adopter la suppression des allégements Fillon, la création d’une « taxe Tobin », qu’il eût pourtant été préférable d’approuver par un engagement réel plutôt que par scrutin public, l’abrogation du conseiller territorial, et j’en passe !
En trois mois, le scrutin public a été utilisé de manière si intense que le sujet mérite d’être abordé dès le début de ce nouveau mandat sénatorial.
Enfin, notre collègue Nathalie Goulet vous proposera une petite modification de l’article 15 du règlement du Sénat, qui dispose que « la présence aux réunions de commission est obligatoire ».
En effet !
Mme Goulet souhaite que soit ajoutée cette précision : « sauf en cas de concomitance avec la tenue d’une séance publique ».
Malheureusement, nous avons constaté que la tenue de réunions de commission pendant les séances publiques, super-exception voilà quelque temps, tendait à devenir une habitude. Je ne doute donc pas que tous les sénateurs approuveront cette modification apportée à l’article 15 du règlement.
Il est fâcheux que pas un seul des membres de votre groupe n’ait été présent lors de la réunion de la commission des lois cet après-midi !
Précisément, monsieur le président, parce qu’il y avait séance publique !
Oui, vous étiez sûrement tous présents pour le débat sur la rémunération pour copie privée…
Nous espérons vous convaincre de la pertinence des différents arguments que je viens de développer. Nous sommes là pour améliorer nos méthodes de travail, et non pas pour nous opposer sur des sujets de pratique parlementaire.
Si ses propositions n’étaient pas suivies, le groupe UCR serait contraint de s’opposer à la proposition de résolution visant à réformer le règlement du Sénat.
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR.
Monsieur le président, mes chers collègues, j’aurai l’occasion d’intervenir sur les amendements proposés par le groupe UCR, qui méritent effectivement qu’on en débatte.
En cet instant, ce que je veux souligner, c’est l’importance du règlement d’une assemblée lorsqu’il s’agit de caractériser le fonctionnement des institutions d’un pays. La Constitution, bien entendu, fixe un cadre précis en la matière, et rien ne peut être fait qui n’y soit conforme. Toutefois, son application peut donner lieu à des interprétations diverses et le respect des droits du Parlement dépend aussi du règlement adopté par chaque assemblée.
Ainsi, la révision constitutionnelle de juillet 2008 a donné lieu à une interprétation très différente entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Le « crédit temps » rendu possible par la Constitution modifiée, qui permet de remettre en cause le droit d’amendement en limitant le temps global de discussion sur un projet ou une proposition de loi, a été inscrit dans le règlement de l’Assemblée nationale, mais non dans celui du Senat. Ainsi le débat a-t-il davantage lieu dans l’assemblée élue au suffrage universel indirect que dans l’assemblée représentant directement le peuple…
Cette courte digression avait pour objet de rappeler qu’une modification de règlement est toujours un geste très politique, qui ne peut jamais se résumer à l’adaptation technique de dispositions constitutionnelles ou à une gestion administrative des assemblées.
Un règlement peut influer sur la mise en œuvre de dispositions constitutionnelles, mais il ne peut inverser le cours des choses. Il peut ralentir des évolutions, mais il ne peut les stopper. En l’occurrence, la politique de réduction progressive des droits du Parlement amorcée par la Constitution de 1958 et accentuée par le poids de l’« hyperprésidence » mise en place par l’actuel Président de la République ne peut évidemment pas être fondamentalement remise en cause par tel ou tel règlement d’assemblée.
L’inflation législative, la multiplication des lois d’affichage, la précipitation marquée par le recours très fréquent à la procédure accélérée, le mépris affiché à l’encontre du Parlement sur les grands thèmes comme celui de la crise européenne, sont autant de signes d’affaiblissement du pouvoir législatif.
N’est-il pas inadmissible que ni le Président de la République ni le Premier ministre n’envisagent de consulter l’Assemblée nationale et le Sénat sur le tortueux projet de traité européen – ou accord intergouvernemental – qui porte pourtant en son sein une atteinte sans précédent au droit des parlements nationaux, notamment en matière budgétaire ?
Aucun règlement ne peut combattre efficacement la remise en cause du principe même de la démocratie parlementaire, opérée par l’affirmation d’une véritable dictature des marchés, elle-même symbolisée par la toute-puissance des agences de notations, que 81 % de nos concitoyens critiquent mais qui n’en font pas moins la pluie et le beau temps en Europe, si notre pays ne se dote pas d’une Constitution qui restaure pleinement la souveraineté du peuple.
Avant que soit éventuellement approuvée la proposition de résolution modifiant le règlement du Sénat, je souhaite donc rappeler que le groupe CRC rejette catégoriquement les institutions de la Ve République. Cette position n’est pas de circonstance puisque les sénateurs communistes la défendent, avec leur parti, depuis l’origine. Faut-il rappeler que nous nous sommes opposés, en 1962, à la proposition d’instaurer l’élection du chef de l’État au suffrage universel direct ?
Nous constatons aujourd’hui les dégâts de la personnalisation et de la médiatisation de la vie politique, voire de sa « pipolisation », sur les rapports entre représentants et représentés en France.
Je suis, avec mon groupe, partisane de l’instauration d’une VIe République qui restaure le pouvoir citoyen et, dans ce but, replace le Parlement au centre de nos institutions.
La suppression du droit de dissolution de l’Assemblée nationale accordé au Président de la République, la restauration du pouvoir budgétaire, qui suppose l’abrogation de l’article 40 de la Constitution, le droit d’initiative législative conféré au peuple, l’établissement du scrutin proportionnel pour l’ensemble des élections et la suppression du cumul des mandats exécutifs sont des exemples de mesures institutionnelles fortes qui nous permettraient de passer d’une République oligarchique à une République citoyenne.
Le Sénat ne pourra rester à l’abri de changements importants. Le gain de la majorité par la gauche, en même temps que la soudaine utilité politique et sociale de la Haute Assemblée face aux coups de boutoir portés contre les intérêts de l’immense majorité du peuple par une droite qui détient tous les pouvoirs nationaux depuis dix ans, ne signifie pas notre renoncement à une profonde réforme du Sénat.
Et cette réforme ne peut ni ne doit se limiter à une modification du mode de scrutin, quelle que soit l’importance de cet enjeu. Pendant longtemps, le mode de scrutin sénatorial avait réussi à empêcher toute alternance au sein de la Haute Assemblée alors que les élections locales avaient abouti à des victoires de la gauche dans la grande majorité des territoires. Certes, le renouvellement de 2011 a envoyé une nouvelle majorité au Sénat, mais celle-ci ne reflète pas le réel rapport des forces dans les territoires, qui est beaucoup plus favorable à la gauche.
Le débat sur le mode de scrutin sénatorial est donc nécessaire, mais nous sommes convaincus que le Sénat aura de l’avenir s’il devient l’assemblée de l’initiative des citoyens et de leurs élus locaux, c’est-à-dire s’il développe sa spécificité dans les liens du Parlement avec les populations des territoires.
J’estime qu’il est de la responsabilité de la nouvelle majorité sénatoriale de lancer enfin un débat sur l’utilité démocratique et le devenir de notre assemblée.
Le règlement du Sénat est empreint du déséquilibre qui s’est peu à peu instauré, en plus de deux décennies, entre législatif et exécutif et de la dérive présidentialiste du régime, au détriment des prérogatives parlementaires.
Même si, comme je l’ai déjà indiqué, les effets de la dernière réforme ont été atténués au Sénat, pour mieux justifier l’amputation du débat démocratique à l’Assemblée nationale, il n’en demeure pas moins que le parlementarisme rationalisé a gagné du terrain dans notre hémicycle.
La réduction du temps de parole sur les projets et propositions de loi, la mise en application de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, qui réduit le débat budgétaire à la portion congrue, et l’instauration d’un seuil « plancher » de trente sénateurs pour exercer un certain nombre de droits sont des illustrations parmi beaucoup d’autres des limites apportées à un fonctionnement réellement démocratique.
Certes, des possibilités nouvelles ont été ouvertes en 2008 dans la répartition des pouvoirs entre majorité et opposition. Je pense en particulier au partage de l’ordre du jour ou au droit de tirage pour les commissions d’enquête. Mais il s’agit essentiellement de pouvoirs de contrôle ; dans les faits, l’initiative législative reste aux mains de l’exécutif.
Pour être honnête, je constate une différence sensible depuis le changement de majorité dans notre assemblée. Autant les nouveaux pouvoirs d’initiative ne revêtaient que peu d’intérêt quand les deux assemblées étaient de la même majorité, autant la configuration actuelle apporte un regain d’intérêt aux débats sénatoriaux.
Mais cela ne renforce pas pour autant les prérogatives parlementaires, du fait non seulement de la prééminence de l’Assemblée nationale, qui ne saurait être remise en cause puisque les députés sont élus au suffrage universel direct, mais surtout des mécanismes qui organisent la soumission du Parlement à l’exécutif : lois de finances, article 40, etc.
En ce qui nous concerne, nous ne voulons plus d’un Parlement qui bavarde. Nous voulons un Parlement qui propose, qui décide et qui anime le débat citoyen.
Vous l’aurez compris, nous sommes attachés à l’engagement rapide de changements profonds, répondant à l’exaspération de nos concitoyens à l’égard du politique, qui est de plus en plus synonyme pour eux d’austérité, de mal-vie ou d’affaires et de conflits d’intérêts.
La proposition de résolution dont nous sommes aujourd'hui saisis a une portée limitée. Elle découle du résultat des dernières élections sénatoriales. Nous considérons qu’elle doit garder un caractère limité. D’éventuelles autres modifications du règlement du Sénat ne sauraient intervenir qu’après une préparation avec l’ensemble des groupes. De ce point de vue, je vous rejoins, monsieur Zocchetto. D’ailleurs, comme je l’ai dit en introduction de mon intervention, vos propositions donnent matière à discussion, même si la présentation que vous en faites me semble quelque peu partiale. Je souhaite donc que le débat continue, et pas seulement à l’occasion de l’examen de la présente proposition de résolution.
L’article 1er de celle-ci vise à améliorer la représentation pluraliste au sein de notre assemblée. Il s’agit d’abaisser le seuil de constitution d’un groupe politique à dix sénateurs.
Comme cela est indiqué dans le rapport de la commission, les prérogatives d’un groupe sont importantes : temps de parole, participation à la conférence des présidents et obtention de moyens constituent des droits qui assurent aux principales sensibilités politiques représentées dans l’hémicycle la possibilité de participer effectivement et de manière indépendante à la vie démocratique de l’assemblée.
Les sénateurs communistes et leurs partenaires ont toujours été attachés à la reconnaissance du pluralisme. C’est cela, et non des calculs politiciens, qui motive nos positions. §
Dans l’immédiat, nul ne l’ignore, cette résolution permettra la constitution d’un groupe Europe Écologie-Les Verts au Sénat : cela figure même dans l’exposé des motifs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aussi, je souhaite rappeler que la prise en compte du pluralisme et de la spécificité au sein d’une majorité va de pair avec le respect de ses composantes. Voilà un principe qui est quelque peu bafoué lorsque des candidats Verts sont investis au terme d’un accord avec le parti socialiste dans des circonscriptions législatives dont les sortants sont des élus du Front de gauche !
Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC. – Exclamations ironiques sur les travées de l ’ UMP.
Je profite de ce débat pour rappeler la nécessité de porter une attention particulière aux groupes politiques les moins importants en nombre, qui ont eu beaucoup de difficultés à faire face au surcroît de travail parlementaire. En clair, il serait souhaitable que la constitution d’une nouvelle commission ne se fasse pas au détriment des groupes les moins nombreux, dont le travail législatif est tout aussi important que celui des groupes plus nombreux.
L’article 2 de la proposition de résolution de M. le président du Sénat concerne donc la création d’une nouvelle commission permanente, consacrée au développement durable, qui doit résulter de la division en deux de l’actuelle commission de l’économie.
Par le passé, nous avons déjà eu l’occasion d’exprimer nos doutes sur la création de nouvelles commissions, qui rend les interventions des petits groupes plus difficiles, ainsi que je viens de le rappeler. En l’occurrence, certains ne disposeront plus que d’un ou deux membres dans les deux commissions issues de la scission de l’ancienne commission de l’économie.
Cependant, après un examen des avantages et inconvénients de la nouvelle disposition, nous avons considéré qu’il était judicieux de placer le développement durable au centre des préoccupations du Sénat, étant entendu que cette commission devait être dotée d’un contenu réel, en particulier en matière d’investissements dans les transports et l’énergie.
Encore une fois, les évolutions proposées ne sauraient avoir pour conséquence de restreindre les moyens des groupes, a fortiori de ceux dont l’effectif est peu important.
Sous le bénéfice de ces quelques réflexions, qui montrent bien l’utilité de cette proposition de résolution, mais aussi son caractère très limité au regard de l’ampleur du chantier institutionnel nécessaire pour une refondation citoyenne de la République, notre groupe votera ce texte. §
Monsieur le président, mes chers collègues, je partage nombre des observations émises par la présidente du groupe CRC, Nicole Borvo Cohen-Seat.
S’il est une phrase à retenir dans l’exposé des motifs de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat, c’est bien la citation du président Gaston Monnerville, qui qualifiait notre Haute Assemblée d’« institution fondamentale d’une république démocratique ». Et nous savons tous quel combat cet illustre membre de notre groupe a dû mener pour sauver l’existence même du Sénat de la République, à l’époque remise en cause par la majorité constituée autour du général de Gaulle.
Murmures sur les travées de l ’ UMP.
Je n’oublie pas non plus les critiques formulées ultérieurement par d’importants responsables de la gauche sur le Sénat, bien que certains d’entre eux aient ensuite connu à titre personnel le plaisir de siéger sur nos travées.
Je sais d’ailleurs que, pour certains ici, le standing n’est pas au niveau de celui de l’Assemblée nationale, notamment par manque de journalistes ; mais c’est un autre débat…
Rires sur les travées du RDSE, de l ’ UCR et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.
Les membres de notre groupe, en particulier les radicaux de gauche, ont constamment affirmé la nécessité de l’existence d’un Sénat de la République, d’un Parlement à deux chambres. La chambre Haute, de par son mode d’élection et sa composition, qui assure un processus de réflexion législative raisonné, se situe plus à l’écart des comportements électoralistes qu’une Assemblée nationale soumise au pouvoir exécutif présidentiel, quel qu’il soit.
Si la stabilité gouvernementale, que n’avait pas pu assurer la IVe République, est à mettre au crédit de la Ve République, la marginalisation du Parlement a, en revanche, montré les défauts de celle-ci quant au fonctionnement démocratique de nos institutions.
Enfler la production législative à l’excès avec des textes très souvent redondants, médiatiques, dont bon nombre ne sont quasiment jamais appliqués, est un moyen efficace de marginaliser le Parlement. Le pouvoir exécutif y a excellé, et c’est de plus en plus le cas. Sur ce point, la révision constitutionnelle de 2008 n’a pas amélioré la situation.
La restauration d’un pouvoir parlementaire équilibré et suffisamment fort, donc de l’image même du Parlement, relève d’une profonde révision constitutionnelle.
En l’état, ce qui nous est proposé en matière de travail législatif est une modification du règlement sur deux points : l’abaissement du seuil du nombre de sénateurs pour créer un groupe et la création d’une septième commission permanente, consacrée au développement durable et à l’aménagement du territoire, mesures devant être appliquées à budget constant.
Je voudrais in limine faire une remarque. Un Parlement fort, ayant la capacité de contrôler l’exécutif et d’être une force d’initiative ainsi que de modernisation de la société, a besoin de moyens. Assez de discours populistes sur le sujet !
Bien sûr, dans notre esprit, il s’agit de moyens de travail, de matière grise, de technicité, pas de moyens pour financer des réserves parlementaires, des parlementaires absents ou certains voyages improductifs…
Sur l’article 1er de la proposition de résolution, c’est-à-dire l’abaissement à dix du seuil de constitution d’un groupe, voyons le fond et la forme, car ce n’est pas la même chose !
Je n’oublie pas que je préside le plus ancien groupe du Sénat, la Gauche démocratique, né le 26 octobre 1891, voilà cent vingt ans– il a, depuis, changé de dénomination –, sur l’initiative d’Émile Combes et d’Arthur Ranc, soit trente ans avant la reconnaissance officielle des groupes parlementaires par le Sénat. Je vois que cela amuse M. Sido… Sans doute la suite le fera-t-elle moins rire.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Aujourd’hui inscrit à l’article 51-1 de la Constitution, le rôle des groupes est essentiel pour l’expression parlementaire des différentes sensibilités politiques, qu’il convient de toutes respecter, monsieur Sido, même si un tel effort vous est difficile !
Cette expression demande aussi des moyens réglementaires, administratifs et financiers, à plus forte raison pour les groupes composés d’un faible nombre de parlementaires.
La question du seuil revient de manière cyclique en fonction du poids fluctuant des sensibilités politiques. Pour preuve, à l’Assemblée nationale, le seuil a été fixé à trente en 1959, à vingt en 1988, puis à quinze en 2009. Nous savons tous qui a pu ainsi préserver son groupe : la lecture des débats de l’Assemblée nationale est, à cet égard, instructive. Ce n’est qu’une constatation !
Cela étant, la fixation d’un seuil à un certain niveau permet des fiançailles originales. Tel fut, un temps, le cas à l’Assemblée nationale du groupe Radical, Citoyen, Vert.
M. Jean Desessard acquiesce.
À l’Assemblée nationale, le seuil actuel de constitution d’un groupe est de quinze membres, pour 577 députés ; au Sénat, il est envisagé de fixer le seuil à dix membres, pour 348 sénateurs. Il n’y a rien là de profondément choquant, par comparaison.
M. Jacques Mézard. Est-ce une amélioration pour le fonctionnement du Sénat ?
Non ! sur les travées de l ’ UCR.
Toutes les questions méritent d’être posées, monsieur Sido.
Notre Haute Assemblée avait fixé le seuil à onze en 1959, puis à quinze en 1971 – suivant alors un mouvement inverse –, ce qui n’a pas été sans conséquence puisque cette modification entraîna, en 1980, la disparition du groupe des Républicains indépendants, héritier du Centre national des indépendants et paysans.
Le renforcement du pluralisme va-t-il de pair avec l’efficacité législative ? L’avenir le dira ; nous verrons ce qu’il en sera dans les prochains mois et les prochaines années. Du reste, mes chers collègues, une résolution pourra toujours défaire ce qu’une précédente résolution aura fait.
En revanche, il n’était guère opportun, dans l’exposé des motifs, de donner comme seul argument fondamental la reconnaissance des « formations écologistes », renforçant ainsi le lien entre groupe politique et affiliation à un parti politique, en contradiction – au moins relative – avec une longue tradition sénatoriale. Mais cela doit être le résultat d’un accord très médiatisé...
J’entends, en souriant, certains représentants de courants politiques qui ont beaucoup souhaité à l’Assemblée nationale voir abaisser les seuils prendre ici d’autres positions. Ils sont bien optimistes pour l’avenir... Je rappelle en effet, après Frédéric Dard, que faire des prévisions est un art difficile, surtout quand elles concernent l’avenir ! §
Quant au goût soudain de l’UMP pour le groupe à dix, monsieur Sido, personne n’est dupe de la manœuvre visant à amener M. José Bové en véhicule 4x4 au milieu d’un champ d’OGM !
Sourires.
Oserai-je dire, en regrettant que le président Gaudin ne soit pas là pour m’entendre : quelle curieuse bouillabaisse !
Nouveaux sourires.
Quant à ceux qui trouvent que cela pourrait peser sur les finances du Sénat, ils étaient moins regardants, voilà encore trois mois, sur l’utilisation opaque de plus de 10 millions d’euros de réserve parlementaire par trois dignitaires !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Pour des raisons de fond, notre groupe votera majoritairement ce nouveau seuil, non par mesure de prudence en considération de l’avenir, mais pour donner toutes ses chances à la nouvelle majorité, dans la mesure où elle saura dorénavant respecter l’ensemble de ses composantes.
Mon groupe n’a pas vocation à appartenir exclusivement à la nouvelle majorité sénatoriale – ce n’est d’ailleurs pas le cas ! – et, hier comme aujourd’hui, il se définit avant tout comme « groupe minoritaire » au sens de l’article 51-1 de la Constitution.
Ainsi, mes chers collègues, notre groupe continuera à s’exprimer dans sa spécificité, dans sa diversité, qui est reconnue et à laquelle nous tenons, la considérant comme un principe fondamental. Ceux qui espèrent notre affaiblissement font erreur et en seront pour leurs frais !
Certes, monsieur Sido, ...
... je rappelle qu’avec nos cent vingt ans d’expérience, nous avons su prendre la mesure du temps et de trois républiques parce que nos valeurs se confondent avec celles de la République.
Le groupe du RDSE entend bien continuer à défendre et à préserver l’héritage des pères fondateurs de la République, et notamment de ceux qui, parmi les plus illustres, siégèrent ici même sur les bancs de la Gauche démocratique.
S’agissant de la création d’une nouvelle et septième commission permanente, j’ai, au nom de mon groupe, déposé un amendement tendant à élargir son champ de compétences et à préciser que ladite commission, que nous proposons d’appeler « commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire », est compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique.
M. Jean-Vincent Placé applaudit.
Il m’a été confirmé par le président du Sénat que la présidence de cette commission devrait être confiée au RDSE.
Exclamations amusées.
Vous le voyez, moi, je ne suis pas comme M. le président Zocchetto : je n’ai pas honte des accords politiques !
M. Jacques Mézard. Des accords politiques que, bien sûr, pour leur part, les centristes n’ont jamais pratiqués !
Rires et applaudissements sur de nombreuses travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Je note avec regret la volonté de l’UMP de nous écarter de toute responsabilité...
... comme cela avait été fait pendant les trois dernières années. J’en comprends les vrais motifs politiques.
En revanche, les motifs affichés sont des paravents : c’est la dernière révision constitutionnelle de 2008, d’ailleurs votée par plusieurs Radicaux, et non des moindres, qui a, par l’article 43 de la Constitution, prévu de porter à huit le nombre de commissions à l’Assemblée nationale et au Sénat.
L’Assemblée nationale, sous majorité UMP et alors qu’un accord politique a été passé avec les centristes, ...
... a créé une commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Pensez-vous que ses présidents successifs, MM. Christian Jacob et Serge Grouard, tous deux députés UMP, ainsi que leurs collègues membres de ladite commission ont failli dans leur tâche ?
Au moment où pratiquement tous les Parlements en Europe ont créé une telle commission, est-il raisonnable que le Sénat français s’y refuse pour des raisons mineures ? Pensez-vous qu’une présidence RDSE ne serait pas en mesure d’aborder ces dossiers capitaux...
... à la fois dans le souci de l’innovation indispensable, monsieur Karoutchi, ...
... comme des impératifs vitaux liés au changement climatique et en vertu d’une analyse raisonnable des questions énergétiques ?
Quant à prétendre que cela coûterait trop cher, pourtant à moyens constants au Sénat, chers collègues de l’opposition sénatoriale, vous êtes bien mal placés pour soutenir une telle argumentation.
J’ai déjà évoqué l’utilisation de la réserve parlementaire, dont l’opacité pour au moins trois grands comptes fut loin d’être un modèle de pluralisme, ...
... à moins qu’on ne l’ait confondue avec le système des stipendiés !
S’agissant de la proposition de certain de nos collègues de ne créer qu’une délégation au développement durable, elle fait bien peu de cas du développement durable, ...
... et cela n’est guère conforme à la tradition réformatrice à laquelle, comme nous, en dépit des clivages inhérents à la Ve République, ils sont attachés. Il convient de le rappeler, sauf à ouvrir le bal des hypocrites !
Sur le plan technique, je rappelle également pour mémoire que la commission de l’économie du Sénat comprend actuellement 78 membres, c’est-à-dire presque le double de certaines autres commissions. Alors, ne vous cachez pas derrière des arguments qui ne sont ni sérieux, ni raisonnables !
Au vu de l’ensemble de ces considérations, le groupe du RDSE votera majoritairement l’article 1er, encore plus majoritairement l’article 2, ainsi que l’ensemble de la présente proposition de résolution, sous réserve de l’adoption de l’amendement que je défendrai au nom des membres du RDSE.
Vifs applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.
Monsieur le président, mes chers collègues, aujourd'hui, j’ai entendu beaucoup entendu parler de la révision constitutionnelle de 2008, qui a effectivement ouvert, entre autres innovations, la possibilité de faire passer de six à huit le nombre des commissions permanentes dans chacune des deux assemblées.
Ce n’est certes pas moi qui critiquerai cette révision ni, a fortiori, en discuterai le bien-fondé : en tant que secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, je l’ai défendue ici comme à l’Assemblée nationale et j’ai fait tout ce que j’ai pu pour la faire voter par le Congrès.
La demande de création de commissions supplémentaires émanait essentiellement, je dois le dire, de l’Assemblée nationale. Pour des raisons diverses, celle-ci n’avait pas cru devoir créer un certain nombre de commissions différenciées ; je pense notamment à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, qui, à l’époque, regroupait des domaines extrêmement larges et formait un ensemble dont, force est de le reconnaître, la cohérence n’était pas toujours évidente.
Au Sénat, la demande d’accroître le nombre des commissions permanentes à l’occasion de la révision constitutionnelle était beaucoup moins insistante et les pressions étaient sensiblement moins fortes.
D’ailleurs, immédiatement après cette révision, l’Assemblée a modifié son règlement intérieur pour passer de six à huit. Mais il faut le dire, avec 577 députés, il était par définition nécessaire que les commissions aient des effectifs plus supportables ! En effet, dans la configuration précédente, chaque commission comptait en moyenne entre quatre-vingt-dix et quatre-vingt-quinze membres, ce qui était considérable ! Au demeurant, encore aujourd’hui, avec huit commissions, la moyenne est de plus de soixante-dix membres dans chacune d’elles. Nous n’atteignions évidemment pas les mêmes chiffres au Sénat.
Quelle est la position du groupe UMP du Sénat sur les deux modifications contenues dans cette proposition de résolution ?
S’agissant de l’abaissement du seuil de constitution d’un groupe politique de quinze à dix sénateurs, Jacques Mézard l’a excellemment dit – cher collègue Mézard, vous me l’accorderez, quand nous sommes d’accord avec vous, nous n’hésitons pas à le reconnaître ! –, l’effectif des groupes a évolué dans les assemblées.
C’est vrai, il peut paraître curieux, alors que le seuil était de trente lorsqu’il y avait entre 480 et 490 députés, qu’on l’ait fait passer à vingt quand leur nombre a été porté à 577 ! Ce n’est pas d’une logique implacable… Mais c’est une réalité politique qui s’impose au Parlement. Les règles ne peuvent pas être imposées de façon immuable quoi qu’il advienne et quelle que soit la manière dont évolue la réalité de la vie publique. L’Assemblée nationale et le Sénat doivent naturellement tenir compte des forces politiques qui apparaissent, lorsqu’elles incarnent des idées et font des propositions.
Dans le règlement de l’Assemblée nationale, le seuil de constitution d’un groupe est donc passé de trente à vingt, puis à quinze après la révision constitutionnelle. Cela ne me paraît pas spécialement choquant. Après tout, je préfère que les forces politiques du pays s’expriment au Parlement plutôt que dans la rue !
À quoi sert le Parlement si les forces politiques n’y sont pas représentées et ne peuvent s’exprimer ?
À l’Assemblée nationale, déjà à l’époque où je travaillais auprès du président Séguin, je trouvais absurde qu’il existât des groupes dont la composition correspondait plus à des arrangements destinés à atteindre le seuil requis qu’à de réelles affinités politiques. Sans doute cela a-t-il permis à ces groupes d’exister pendant quelques années, mais le débat n’y a pas gagné en clarté politique ! En effet, je me rappelle qu’au sein d’un même groupe trois orateurs exprimaient des positions différentes, voire opposées, sur à peu près chaque texte ! Mais, parce qu’il fallait absolument créer un groupe, on regroupait des éléments incompatibles.
Par conséquent, je le dis franchement, l’évolution du seuil de constitution d’un groupe ne me paraît pas choquante et, autant le dire très clairement d’emblée, le groupe UMP du Sénat est favorable à la création de groupes composés de dix sénateurs.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.
Cela étant, le président Mézard n’a peut-être pas eu tort de dire qu’il n’était pas forcément judicieux de préciser dans l’exposé des motifs d’une proposition de résolution tendant à abaisser le seuil de constitution d’un groupe quelle formation politique était ciblée, car il n’est pas exclu que, à terme, d’autres groupes se créent ; nous verrons bien !
En tout état de cause, il nous paraît tout à fait logique que s’exprime ici de manière claire, établie, officielle, une mouvance, une vision politique. Cela nous apparaît même comme un renforcement de la démocratie.
M. Jean Desessard applaudit.
J’en viens à la création d’une nouvelle commission permanente en charge du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Je reconnais bien volontiers, comme l’ensemble de mon groupe, que les discussions ont été nombreuses. Mais, quand on est « politiquement » à l’origine de la révision constitutionnelle qui a porté le nombre maximal de commissions permanentes au sein de chaque assemblée de six à huit, il est difficile de s’opposer, sur le plan du principe, à la création d’une septième commission.
Permettez-moi d’évoquer quelques souvenirs.
Lors de la session ordinaire 2008-2009, en tant que secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, j’avais demandé au président du Sénat et aux autres membres de la conférence des présidents s’il était envisagé d’instituer une, voire deux commissions supplémentaires au sein de la Haute Assemblée.
On m’avait répondu que non. Mais on aurait pu considérer que la logique devait conduire à créer une ou deux nouvelles commissions permanentes.
Il reste que je suis plus réservé sur celle qu’il est précisément proposé aujourd'hui de créer.
Plusieurs orateurs ont souligné que l’Assemblée nationale avait créé deux nouvelles commissions, dont une consacrée développement durable et à l’aménagement du territoire. Ils ont précisé avec raison que cette dernière a accompli, sous la présidence de M. Jacob, puis de M. Grouard, des travaux importants, essentiels et bien identifiés.
Toutefois, lorsque vous vous entretenez avec MM. Jacob et Grouard, comme avec Patrick Ollier, qui, avant de devenir ministre, présida la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, vous constatez qu’ils sont les premiers à vous avertir : il y a un souci quant à la délimitation précise de ce qui ressortit à la problématique du développement durable et donc quant aux frontières des champs de compétences.
Il est bien vrai qu’un certain nombre de sujets doivent être abordés de manière transversale et que, très souvent, le développement durable englobe des questions qui sont aussi de nature économique ou sociale, ou en tout cas qui ne relèvent pas strictement d’une commission en charge du développement durable.
Peut-être ces questions pourraient-elles donc rester dans le champ des attributions de la commission de l’économie.
J’entends bien la proposition, formulée par M. Mézard, de modifier la dénomination de cette nouvelle commission. Néanmoins, je ne suis pas convaincu que cela règle le problème.
Je crois que l’exemple de l’Assemblée nationale doit au moins nous conduire à penser que cette septième commission ne sera sans doute pas, dans la perspective des travaux parlementaires à venir, la plus facile à faire vivre en complète autonomie par rapport aux autres commissions.
Mes chers collègues, je vous le dis sincèrement : si vous créez une septième commission et si, dans la pratique, elle est malheureusement conduite à empiéter sur les champs d’attribution d’autres commissions ou, à l’inverse, si elle est concurrencée par celles-ci, nous éprouverons le sentiment de l’avoir instituée, sinon pour rien, du moins sans lui conférer toute la pertinence nécessaire.
Je crains que ne se répète l’exemple de l’Assemblée nationale, où, pour l’examen d’un certain nombre de rapports et de textes, le président de la commission du développement durable a dû solliciter une réunion commune avec la commission des affaires économiques, …
Certes, madame Borvo Cohen-Seat, mais il n’en est pas moins curieux qu’une nouvelle commission, à peine née, ait pour seule obsession de se réunir avec la commission précédemment chargée de ses attributions : cela signifie qu’elle ne dispose pas des facilités de travail nécessaires ou de l’identité suffisante !
Bien des sujets relatifs au développement durable présentent un caractère transversal, et c’est peut-être la force même de cette thématique. Je le reconnais volontiers, quoique n’étant pas membre d’Europe Écologie-Les Verts
Mme Esther Benbassa s’exclame
Car le développement durable ne se limite pas aux questions d’environnement.
C’est pourquoi je rejoins, sur ce point, notre collègue François Zocchetto : ne serait-il pas possible de concevoir une instance de nature différente, d’autant que le Sénat garderait la capacité de créer par ailleurs une septième, voire une huitième commission permanente, en application de ce que prévoit l’article 43 de la Constitution depuis la révision du 23 juillet 2008 ?
En l’espèce, je crains que nous ne commettions une petite erreur. L’Assemblée nationale hésite d’ailleurs actuellement sur ce même sujet, je le souligne. La leçon que son exemple nous fournit ne devrait-elle pas être étudiée de plus près avant de déterminer s’il s’agit de la bonne solution pour le Sénat ?
Monsieur Mézard, je tiens à vous rassurer immédiatement : ces considérations n’ont aucun lien avec l’immense bonheur que nous éprouverions tous, dans cet hémicycle, à voir un membre du groupe du RDSE présider ladite commission : quoi qu’il advienne, il s’agirait par définition d’une femme ou d’un homme de qualité !
Sourires.
En fait, la véritable question reste la suivante : est-il pertinent de créer une semblable commission aujourd’hui, au regard de la leçon fournie par l’Assemblée nationale ?
En résumé, je dis oui à l’abaissement à dix membres du seuil minimal de création des groupes politiques au Sénat. En effet, il serait pour le moins aberrant de refuser de traduire les évolutions démocratiques de notre pays au sein de nos assemblées. En revanche, j’exprime mes réticences quant à la création d’une commission qui, à l’Assemblée nationale, n’a pas apporté les résultats positifs escomptés. Toutefois, sur le fond, je le répète, je ne suis pas, il s’en faut, opposé à la naissance de commissions supplémentaires.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.
Monsieur le président, mes chers collègues, il va de soi que je vais m’exprimer en cet instant en tant que membre de ce qui est encore le groupe socialiste-EELV.
Beaucoup d’entre nous ont déjà souligné le bien-fondé de la formation d’un groupe supplémentaire au sein du Sénat, et de l’abaissement à dix sénateurs du seuil prévu pour la création d’un groupe. Il s’agit tout simplement de reconnaître le pluralisme, de le faire vivre et de le respecter.
Au sein du groupe socialiste-EELV – cette dénomination est assez difficile à énoncer ! –, des rapports extrêmement féconds se sont tissés durant les dix dernières années.
Cependant, le fait d’être rattachés au groupe socialiste ne constitue pas la situation la plus claire qui soit pour nos collègues : en effet, la possibilité pour chaque membre d’un groupe politique de défendre les positions qui sont propres à ce groupe est bénéfique, dès lors, bien entendu, que cette liberté ne porte pas atteinte à la cohérence nécessaire à toute majorité. Mais le respect de la cohérence suppose également le respect de la diversité : c’est, à mes yeux, une règle que nous devons tous observer.
J’en viens à la création d’une nouvelle commission permanente, et je salue à cet égard l’intervention très nuancée de notre collègue Roger Karoutchi.
M. Jean-Pierre Sueur. En effet, le sujet qui nous occupe n’appelle aucune considération simpliste. Le fait que cette proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat soit le fruit de discussions, d’accords politiques, comme l’a souligné Jacques Mézard, n’est en aucun cas négatif : chacun conclut des accords politiques.
M. Jacques Mézard acquiesce
… concernant la création de cette nouvelle commission.
J’ai bien entendu nos collègues Zocchetto et Karoutchi indiquer que l’environnement constituait un sujet transversal et que, par conséquent, il n’y avait pas lieu de lui consacrer une commission spécifique.
Il s’agit certes d’un domaine transversal, comme bien d’autres, comme les champs social, juridique, …
Bien sûr !
Mais si l’on menait un tel raisonnement jusqu’au bout, il conviendrait d’en tirer les conséquences pour ce qui concerne le Gouvernement : il n’y aurait pas lieu de conserver un ministère de l’environnement ou du développement durable… Il faudrait annoncer à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet que, sa tâche étant tout à fait transversale, elle est assumée par plusieurs de ses collègues, en charge de l’économie, de l’aménagement du territoire et de bien d’autres domaines.
Les sénatrices et sénateurs EELV ainsi que MM. Claude Dilain et Raymond Vall applaudissent.
Que des questions de frontières se posent et que des coopérations soient ponctuellement nécessaires, c’est inévitable. Toutefois, dès lors qu’un grand nombre de gouvernements ont choisi de créer un ministère en charge de l’environnement, et dès lors qu’un grand nombre de parlements ont créé une commission chargée de l’environnement, il est, à mes yeux, réellement raisonnable qu’une semblable instance existe au sein de notre assemblée.
Pour conclure, je précise que je partage la préoccupation qu’a exprimée notre collègue Jacques Mézard et que traduit son amendement n° 15. En effet, celui-ci tend à donner une nouvelle dénomination à cette commission – « commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire », dénomination presque aussi longue que celle de la commission des lois ! §– …
Nouveaux sourires.
… et à préciser qu’elle sera « compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique ».
Ce qui m’intéresse plus précisément en l’espèce, c’est la présence du mot « équipement ». En effet, il y a quelques jours, j’ai accueilli plusieurs invités au Sénat à l’occasion d’une remise de légion d’honneur à une inspectrice générale de l’équipement.
Au cours de mon discours, je désigne la récipiendaire par son titre : tout le monde me regarde, interloqué. Que n’avais-je pas dit là ! « L’équipement, mais ça n’existe plus ! Il faut désormais parler de développement durable. »
Mes chers collègues, je crois profondément au développement durable et j’estime que cette notion témoigne d’un grand progrès dans l’appréhension de la politique. De fait, j’emploie souvent l’adjectif « durable » à propos de certains systèmes financiers et notamment au sujet des partenariats public-privé qui, dans le domaine de l’économie, créent pour nos enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, un endettement très… durable.
M. Daniel Raoul applaudit.
Cette notion de « durabilité » fait donc ressortir une dimension majeure de la politique et elle nous invite à aller au-delà des circonstances présentes et de la conjoncture.
Cependant, nous n’en avons pas moins « équipé » la France, comme nos anciens, et je reste résolument attaché à une conception humaniste de l’environnement. Certains – pas dans cet hémicycle, je tiens à le préciser – considèrent parfois que l’environnement ne comprend pas l’être humain, que c’est tout ce qui entoure l’être humain. Or, vous le savez, mes chers collègues, la nature sans l’homme n’existe pas.
D’ailleurs, s’il n’y avait pas des hommes – et des femmes, madame Goulet ! – pour prononcer le mot « nature », qui y aurait-il pour en concevoir l’idée, qui serait là pour avoir seulement conscience de cette réalité ?
L’environnement désigne donc non seulement ce qui entoure l’être humain, mais aussi la manière dont les humains parviennent à vivre ensemble, ainsi que les œuvres que ces derniers forgent.
Certains semblent considérer que, lorsque l’on construit un pont, une route, une usine, on porte atteinte à l’environnement et que ces travaux ont uniquement des effets négatifs. Je leur réponds : non ! La conception humaniste de l’environnement ne s’oppose pas au souci d’équiper le territoire...
Précisément, monsieur Sido : il s’agit de concevoir les activités industrielles et agricoles du futur et de créer, dans cette perspective, des aménagements respectueux de l’environnement, qui ont naturellement trait à l’avenir de notre espèce.
Monsieur Mézard, les précisions que tend à apporter l’amendement n° 15 étoffent la dénomination de cette commission et nous permettent d’aller dans le bon sens.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.
Monsieur le président, mes chers collègues, que dire après tant d’excellentes interventions, qui me semblent avoir fait très largement le tour de la question ? Jean-Pierre Michel, Jean-Pierre Sueur, Nicole Borvo Cohen-Seat et Jacques Mézard ont, avec beaucoup de talent, expliqué la nécessité de créer une commission consacrée à l’écologie. Telle est en effet notre ambition.
Vous le comprendrez, pour les sénatrices et sénateurs écologistes, qui reprennent le flambeau remarquablement porté ces dernières années par Marie-Christine Blandin et Jean Desessard, lesquels ont été, avec quelques autres, de véritables précurseurs dans notre assemblée, la question de l’écologie est évidemment essentielle ; c’est le fondement même de notre engagement politique.
L’écologie, ce n’est pas l’environnement. C’est la raison pour laquelle nous considérons que l’ensemble des commissions, qu’elles s’intéressent aux affaires étrangères, à la défense, aux finances – je pense à la question des finances durables, en cette période de crise, que les débats sur la loi de finances et les lois de finances rectificatives ont permis de mettre en avant –, aux affaires sociales, économiques, démocratiques, culturelles ou de recherche, doivent bénéficier d’un point de vue écologique.
Notre courant de pensée est neuf. Depuis les années soixante-dix, plus particulièrement depuis la candidature de René Dumont à l’élection présidentielle, nous sommes porteurs d’une vision nouvelle, aujourd’hui partagée par les différents groupes qui siègent dans cet hémicycle et la société dans son ensemble, qui établit un lien entre les questions économiques, sociales et démocratiques et la conscience de la finitude de la planète, la nécessité de protéger les ressources naturelles, la lutte contre la prédation, ainsi que, bien sûr, le sujet fondamental de l’énergie. Il est désormais largement admis, en particulier, que les énergies fossiles, par l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre qu’entraîne leur utilisation massive, provoquent une dérégulation du climat.
Sur l’ensemble de ces questions, nous défendons une vision d’intérêt général, très éloignée des petits accords que M. Zocchetto a souhaité stigmatiser.
Les sénatrices et sénateurs EELV ainsi que M. le rapporteur applaudissent.
Je relève que l’initiative qui nous réunit aujourd’hui a d’abord été portée par la majorité présidentielle actuelle. En effet, nous nous apprêtons à créer non pas la première commission du développement durable, mais bien la seconde, la première ayant été voulue par le Président de la République à l’Assemblée nationale. Il me semble même qu’il avait souhaité, à l’époque, faire bénéficier le Sénat d’une évolution identique.
Autrement dit, ce que le Président de la République a voulu, nous, nous le faisons, monsieur Zocchetto, et point n’est donc besoin, de stigmatiser une telle proposition ! Je me demande même si ce n’est pas cette mesure-là qui se révélera en fin de compte la plus importante, en tout cas la plus significative.
Pour tout dire, les sénateurs écologistes eux-mêmes se sont interrogés – je vois Ronan Dantec et Joël Labbé opiner – sur la nécessité de créer une commission consacrée aux questions d’écologie. Il ne s’agissait pas de marquer notre territoire, d’attirer l’attention des journaux, de communiquer ! Nous devions choisir : soit peser au sein de la commission des affaires économiques, pour justement lier entre elles les questions relatives au productivisme, au consumérisme, à l’avenir des générations futures, à la finitude de la planète, à la biodiversité, soit créer une commission spécifique se consacrant à des sujets très précis. À cet égard, je ne peux que me réjouir de la précision méticuleuse introduite par l’amendement qu’a déposé M. Mézard et que nous allons soutenir.
Sans reprendre les arguments excellemment développés par Jean-Pierre Sueur, je dois dire que, depuis que je siège dans cette assemblée, c'est-à-dire à peine quelques mois, j’ai entendu beaucoup de collègues, de différents groupes, faire part de préoccupations écologiques. Bien sûr, tous n’apportent pas tous les mêmes réponses, surtout lorsqu’il s’agit de se situer par rapport à la politique menée en la matière par le Gouvernement. Quoi qu’il en soit, je me réjouis d’entendre Évelyne Didier, François Grosdidier, Laurence Rossignol, Raymond Vall et, bien évidemment, nos propres élus, que je salue de nouveau, en particulier Ronan Dantec et Joël Labbé, évoquer leur préoccupation au sujet de la dérégulation climatique, la biodiversité ou la finitude de la planète.
Je souhaite que cette commission ne soit pas destinée à recueillir les pressions d’un lobbyisme comme celui qui est mené par les grands groupes industriels ou économiques §nous venons de les entendre sur les questions de rémunération pour copie privée –, toujours tournés vers le profit immédiat. Je souhaite que cette commission fasse écho à un beau « lobby », celui qui défend les générations futures, qui pose les problèmes dans leur dimension globale et à long terme.
Cette vision générale, stratégique, durable, doit constituer un bel enjeu pour le Sénat, comme elle l’est pour les assemblées d’autres pays, qui, depuis vingt ans, en Europe et dans le monde entier, Jean-Pierre Sueur l’a rappelé, ont progressivement créé ce type de commission. Il s’agit bien évidemment d’une grande avancée pour le débat démocratique. J’espère donc que l’article 2 de cette proposition de résolution sera adopté.
MM. Ronan Dantec, Jean Desessard, André Gattolin et Joël Labbé applaudissent.
Quant à l’article 1er, il vise à introduire, je suis désolé de le dire, une disposition somme toute assez banale.
Je le souligne toutefois, le pluralisme dans la vie parlementaire constitue en France une préoccupation encore plus importante qu’ailleurs. À cet égard, je n’ai pas un mot à retirer à l’intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat, qui a très bien décrit ce qu’est devenue aujourd’hui la Ve République : un régime hyperprésidentiel, où le Premier ministre n’est plus qu’un simple collaborateur
M. Roger Karoutchi s’exclame.
Pour notre part, nous souhaitons, dans la diversité et le pluralisme, nous faire entendre. Mais peut-être avez-vous l’habitude, monsieur Zocchetto, que les décisions se prennent dans les antichambres !
Je me réjouis des prises de position de Jean-Claude Gaudin et de Roger Karoutchi en la matière. Je me réjouis de la volonté quasi unanime, dans cet hémicycle, de porter à dix membres l’effectif minimum des groupes, ce qui permet de facto, en effet, la création d’un groupe écologiste.
Cela vous choque-t-il, monsieur Zocchetto, qu’il y ait ici un groupe de la majorité présidentielle, qui s’inscrit dans la grande tradition du RPR, tout en en dépassant les frontières, qu’il y ait un groupe communiste, un groupe radical, qui ne réunit d’ailleurs pas uniquement des radicaux de gauche, un groupe socialiste et même un groupe centriste ?
Croyez-vous que j’aurais le mauvais goût de dire que vous vous opposez à cette mesure parce que vous redoutez que votre groupe, qui ne compte que trente et un membres, ne se divise en trois groupes de dix membres, rassemblant, pour l’un, les amis de M. Bayrou, pour l’autre, les amis de M. Morin et, pour le troisième, ceux qui se rallieront d’emblée à Nicolas Sarkozy ? Nous n’avons pas de leçons à recevoir !
Applaudissements et exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Ce n’est pas un moment historique – à la différence de certains, je refuse de galvauder cette expression en l’utilisant à tout bout de champ –, mais c’est un moment important que celui qui voit le Sénat s’ouvrir davantage à l’écologie et au pluralisme.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cette proposition de résolution présentée par le président Jean-Pierre Bel, que je tiens à remercier et dont je veux saluer le très bon bilan qui est déjà le sien en trois mois de présidence du Sénat.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
(Non modifié)
À la première phrase du 4 de l’article 5 et au 1 de l’article 6 du Règlement du Sénat, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix ».
L'amendement n° 3 rectifié ter, présenté par MM. Guerriau, Delahaye et Détraigne, Mme Goy-Chavent, MM. Roche, Zocchetto, Bockel, Jarlier, Lasserre et Beaumont et Mmes Lamure et Gourault, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Joël Guerriau.
Si, au nom du pluralisme, il faut autoriser toutes les composantes politiques, toutes les opinions, à se constituer en groupe parlementaire, je m’interroge toutefois sur le seuil retenu pour pouvoir constituer un groupe, à savoir dix sénateurs. Pourquoi ne pas le fixer à neuf, huit ou sept, en fonction du nombre de sénateurs qui appartiennent à tel ou tel parti politique et qui auraient plaisir à bénéficier d’une telle mesure ? C’est ce qui nous amène à considérer que cette mesure n’est, en réalité, pas juste.
Si nous prenions au mot ce que vous venez de dire, monsieur Placé, nous pourrions effectivement multiplier le nombre de groupes au sein de cette assemblée. Je ne suis pourtant pas sûr que ce serait de bon augure.
En effet, une réforme du règlement n’a d’intérêt que si elle vise réellement à améliorer le fonctionnement de notre assemblée. Or, à la lecture de l’article 1er de cette proposition de résolution, tel ne semble pas être le cas.
L’adoption de ce texte compliquera profondément le fonctionnement du Sénat, aussi bien en commission qu’en séance publique. Elle entraînera évidemment des coûts supplémentaires à tous les niveaux, ce qui, en période de rigueur budgétaire, est particulièrement contestable.
Dans le climat social et économique que nous connaissons aujourd’hui, nos concitoyens nous observent et ils estiment que chaque euro dépensé doit présenter pour eux une utilité, doit répondre à ce qu’ils attendent de nous, c'est-à-dire d’être des élus responsables.
Le contexte ne se prête donc absolument pas à ce genre de fantaisie.
C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons approuver cet arrangement purement politique, dans un climat qui ne nous paraît guère opportun. Nous vous proposons donc, mes chers collègues, pour respecter ce qu’attendent de nous nos concitoyens, de maintenir à quinze le nombre de sénateurs nécessaires pour constituer un groupe parlementaire.
MM. François Zocchetto et André Ferrand applaudissent.
La commission a rejeté cet amendement, comme les suivants, pour les raisons qui ont été tout à l’heure exposées. En effet, il y a une certaine cohérence à fixer à dix l’effectif nécessaire pour constituer un groupe dans une assemblée de trois cents et quelques sénateurs, et à quinze pour une assemblée de cinq cents et quelques députés.
Par ailleurs, dix est effectivement le nombre, messieurs les centristes, même si cela vous gêne, des sénatrices et sénateurs Verts élus lors du dernier renouvellement. Représentant un courant politique de notre pays, ils souhaitent se constituer en groupe parlementaire, ce à quoi nous sommes favorables.
M. Jean Desessard applaudit.
M. Placé a dit tout à l’heure ce que je n’oserais pas dire en tant que rapporteur : monsieur Zocchetto, avez-vous peur que votre groupe, qui est constitué de membres appartenant à différents partis politiques, ne se divise tout à coup en trois ? Si tel est le cas, il y aura trois groupes centristes au lieu d’un seul, voilà tout !
Quoi qu'il en soit, la commission des lois est tout à fait hostile à cet amendement ainsi qu’à ceux qui suivent, et qui ne sont d’ailleurs pas très sérieux, mes chers collègues, puisque vous proposez successivement que deux, trois ou quatre sénateurs puissent constituer un groupe. Ce sera dix, point final !
Applaudissements sur les travées du groupe EELV.
Mon collègue du groupe Union centriste et républicaine Yves Détraigne l’a dit en commission : « Une modification du règlement n’a d’intérêt que si elle vise à améliorer le fonctionnement de notre assemblée. Tel ne semble pas être le cas avec cette proposition de résolution. On a plutôt affaire à une révision de circonstance. »
J’ajouterai que notre règlement, censé rechercher l’intérêt général, ne doit pas évoluer au gré des résultats électoraux ou des accords entre partis.
La proposition qui nous est faite de modifier le règlement pour tenir compte du nombre de sénateurs écologistes élus le 25 septembre dernier, qui ne correspondrait pas à leur poids ou influence réelle dans le pays, est une proposition néfaste pour notre image de sénateurs et pour la démocratie. Elle envoie à nos compatriotes plusieurs signaux négatifs qui ne rehausseront pas auprès d’eux l’image du Sénat.
Faire passer l’intérêt des partis avant l’intérêt général est le premier signal négatif adressé ainsi aux Français. Une telle mesure relève d’intérêts du moment, d’intérêts politiciens bien éloignés de la notion d’intérêt général qui devrait tous nous mobiliser. Certains parleraient de « tambouille politicienne », d’autres, de « petits arrangements entre amis ». Pour ma part, je considère que ce sont des accords partisans de circonstance qui ne devraient pas interférer avec le fonctionnement d’une institution comme le Sénat.
Rappelons qu’à l’origine, en 1958, lors de l’avènement de la Ve République, il fallait onze élus pour créer un groupe. En 1971, ce chiffre a été porté à quinze, afin d’« asseoir le rôle des groupes politiques » et d’éviter la trop grande dispersion qu’on avait connue sous la IVe République.
Sur les 283 sénateurs que comptait le Sénat de l’époque, quinze représentaient 5, 3 % du total. Le fait est que, pour ma part, je fixerais volontiers à 5 % du nombre total de sénateurs la possibilité de créer un groupe, soit dix-huit pour les 348 sénateurs que nous sommes.
Si l’on abaisse le seuil à dix élus, un groupe pourra être constitué avec seulement 2, 86 % des sénateurs. Tout cela pour permettre aux élus Verts, éminemment respectables par ailleurs, de constituer un groupe ! Pourquoi se considèrent-ils comme sous-représentés dans notre assemblée ? Le sont-ils vraiment, et à qui la faute ? Ne peuvent-ils pas continuer à travailler avec le parti socialiste ?
Le fait de ne pas atteindre le seuil de quinze élus est le résultat des élections locales qui se sont succédé ces dernières années, et notamment celles de 2001 et de 2008. Les Verts, qui existent depuis près de trente ans, ont eu tout le temps nécessaire pour s’implanter et faire connaître leurs thèses. Ils ont été actifs au niveau local et largement audibles au niveau national. Leur représentation actuelle est le fruit de leur travail ; elle correspond à leur audience réelle auprès des électeurs.
Dans ma bonne ville de Massy, à la fin des années 1980, les Verts étaient nettement mieux représentés au sein du conseil municipal que le courant centriste auquel j’appartenais ; il faut dire que la ville votait à 62 % à gauche… Aujourd’hui, au sein du conseil municipal, il n’y a plus qu’un seul élu Vert !
Et, parmi les grands électeurs supplémentaires que nous avons eu à désigner, aucun Vert n’a été choisi !
À qui la faute ? C’est en partie la mienne, me direz-vous… Probablement. Mais c’est sûrement aussi la leur, et le résultat des négociations menées par la gauche ne reflète pas leur poids réel dans la population.
Chers collègues Verts, ce n’est tout de même pas notre faute si le parti socialiste, votre allié historique, vous laisse la portion congrue, sans rapport avec votre influence dans l’électorat ! Nous n’avons pas à subir ici le résultat de vos négociations peu efficaces…
Pour ma part, en tout cas, je ne peux pas accepter cet arrangement de circonstance !
Mais cette proposition de résolution envoie aux Français un second signal négatif : à l’heure où le rassemblement devrait être notre seule priorité face aux défis majeurs du moment, …
… je considère que cette modification du règlement est un facteur de division. En effet, elle renforcera l’atomisation de la représentation politique au sein de notre assemblée.
Depuis le début de mon engagement public, j’ai toujours cherché, lors des scrutins locaux comme des scrutins nationaux, à rassembler au-delà des partis politiques et plutôt même à côté d’eux.
Je crois que, sans nier nos divergences, nous, élus, devons tout faire pour favoriser le rassemblement plutôt que la division ! Nous devons montrer l’exemple et, surtout, ne pas céder à cette tendance souvent naturelle dans notre beau pays : le chacun pour soi, l’éparpillement, la division plutôt que le rassemblement.
En présentant tout à l’heure mes amendements, j’exposerai d’autres arguments. §Mais je m’arrête là pour le moment car je tiens à respecter mon temps de parole…
Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.
Je tiens tout d’abord à confirmer ce qu’a dit M. Jean-Pierre Sueur : au cours de mon précédent mandat, Marie-Christine Blandin, deux autres collègues – ainsi que, pendant une période, M. Jacques Muller – et moi-même avons bien travaillé avec nos collègues socialistes. Nous avons su discuter, débattre et, souvent, trouver des convergences. C’est ainsi que nous avons déposé ensemble des propositions de loi.
Bien sûr, il y a aussi eu entre nous des différences et il est vrai que, sur certains sujets, nous n’avons pas voté dans le même sens ; mais cela n’a pas nui aux rapports que nous avons entretenus les uns avec les autres.
En tout cas, je le répète, nous avons pu travailler sereinement au cours des dernières années. Faudrait-il, pour autant, ne pas tenir compte des résultats électoraux ? Je suis, sur ce sujet, en désaccord avec M. Delahaye, pour qui l’important est que le Sénat puisse bien travailler, indépendamment des résultats des élections.
M. Joël Guerriau proteste.
Mais comment ça ? On ne devrait pas tenir compte de l’expression d’un nouveau courant de pensée, de nouvelles idées ?...
Le Sénat devrait seulement être une institution qui fonctionne bien, sans tenir compte de ce qui se passe à l’extérieur ? Notre assemblée ne doit-elle pas être représentative des courants de pensée ?
C’est pourquoi je remercie le groupe socialiste, l’ensemble des groupes de gauche et aussi le groupe UMP de permettre l’expression d’un courant de pensée nouveau.
Il est important que, vis-à-vis de l’extérieur, nous, sénateurs Verts, puissions avoir des prises de position autonomes, sous un Président de la République de droite comme, demain, sous un Président de la République de gauche !
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Tous trois sont présentés par MM. Delahaye et Guerriau.
L’amendement n° 9 est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
deux
L'amendement n° 10 est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
trois
L'amendement n° 11 est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
quatre
La parole est à M. Vincent Delahaye, pour défendre ces trois amendements.
M. Vincent Delahaye. Non, monsieur le président, je ne les défendrai pas en même temps, car j’ai besoin de temps pour présenter des arguments complémentaires.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Mon cher collègue, ce n’est pas un choix que je vous offre : je vous invite à présenter ces trois amendements en même temps parce que vous êtes le premier signataire des trois et qu’ils font l’objet d’une discussion commune. C’est le règlement !
Soit, monsieur le président.
J’ai dit que cette proposition de résolution envoyait aux Français deux signaux négatifs : on leur donne le sentiment que l’intérêt des partis passe avant l’intérêt général
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV
Ne pouvez-vous pas, chers collègues Verts et socialistes, continuer de travailler ensemble ?
Au sein du groupe de l’Union centriste et républicaine, des sénateurs issus de plusieurs partis politiques – Modem, Nouveau Centre, Parti radical, Alliance centriste, Gauche moderne – cohabitent sans difficulté. Chaque sensibilité a la possibilité de s’exprimer et chacun respecte l’autre : pourquoi ne serait-ce pas possible chez vous ?
Ceux qui, à gauche, se félicitent de la modification de notre règlement pourraient un jour le regretter : faudra-t-il abaisser le seuil à huit ou six élus si les contingences politiciennes le réclament ?
Doit-on se réjouir de cette nouvelle division à gauche ? À droite, j’entends certains qui s’en félicitent… Mais prenez garde, mes chers collègues, à l’effet boomerang ! Beaucoup regretteraient l’éparpillement, voire l’explosion, si les forces centrifuges devenaient incontrôlables !
Il y a une troisième raison pour laquelle cette proposition de résolution constitue un signal négatif : elle est d’ordre économique et financier.
On ne peut pas, d’un côté, annoncer que l’on baisse les dépenses et, de l’autre, créer les conditions d’une augmentation des dépenses de fonctionnement !
Car cette modification du règlement va peser sur le fonctionnement du Sénat. Aujourd’hui conçue pour favoriser la création d’un nouveau groupe, cette mesure pourrait voir son coût rapidement augmenter…
Je me suis engagé, au cours de ma campagne, à ne voter aucune dépense nouvelle non financée. Par quoi va-t-on compenser cette nouvelle dépense ? Comme toujours, par la baisse des dépenses d’investissement… Il en résultera une diminution des travaux et une baisse de l’entretien de notre patrimoine.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Cette politique ne correspond nullement au discours que nous tenons aux collectivités quand nous leur conseillons de réduire leurs dépenses de fonctionnement pour ne pas sacrifier leurs investissements. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais… Quel mauvais exemple ! (
La suppression de travaux importants – on parle de plus de 500 000 euros, sans compter les indemnités à verser pour rupture de contrat – réduira l’activité des entreprises du bâtiment concernées, qui risquent ainsi de connaître des difficultés.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Après cela, on peut toujours faire de beaux et grands discours sur la défense de l’emploi et la lutte contre le chômage… Si nos actes ne correspondent pas à nos discours, nos compatriotes vont vite s’en apercevoir : la crédibilité des politiques en prendra encore un coup !
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je ne peux approuver cette proposition de résolution : elle privilégie la division au détriment du rassemblement, favorise la bureaucratie et les emplois improductifs aux dépens de l’économie et des emplois productifs, satisfait des intérêts de partis, des intérêts du moment, plutôt que l’intérêt général !
Certaines propositions ont valeur de symbole : celle qui nous est soumise ce soir est le symbole de ce que nous ne devrions surtout pas faire !
Il est encore temps de reculer. C’est pourquoi j’ai déposé ces trois amendements, dont je concède qu’ils relèvent de la dérision et de la provocation.
M. Vincent Delahaye. Je l’ai fait parce que je ne peux absolument pas approuver l’abaissement à dix membres du seuil de création d’un groupe !
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
(Non modifié)
L’article 7 du Règlement du Sénat est ainsi modifié :
1° Le 1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « six » est remplacé par le mot : « sept » ;
b) Les six derniers alinéas sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :
« 1° La commission des affaires économiques, qui comprend 39 membres ;
« 2° La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui comprend 57 membres ;
« 3° La commission des affaires sociales, qui comprend 57 membres ;
« 4° La commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui comprend 57 membres ;
« 5° La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui comprend 39 membres ;
« 6° La commission des finances, qui comprend 49 membres ;
« 7° La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, qui comprend 49 membres. » ;
2° Le 2 est abrogé.
Monsieur le président, mes chers collègues, au moment de l’élection du bureau de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, j’ai dit à mes collègues que nous avions su, jusqu’alors, faire preuve de sagesse en ne séparant pas l’économie, l’environnement et le développement durable.
D’ailleurs, le principe constitutionnel de développement durable vise précisément à concilier les objectifs de développement économique et de protection de l’environnement : ces deux notions sont consubstantielles ! On peut même, bien entendu, y ajouter une dimension sociétale évidente.
Ainsi, traiter d’un côté des sujets économiques, de l’autre des sujets écologiques n’a pas de sens du point de vue du développement durable.
À l’inverse, l’intérêt et la qualité du travail sur des sujets tels que les transports, l’énergie, l’industrie, l’agriculture, la recherche, l’aménagement du territoire tiennent précisément à ce qu’on les aborde simultanément sous l’angle économique et sous l’angle environnemental.
Mme Rossignol, qui a malheureusement quitté l’hémicycle, avait exprimé, au cours des débats en commission de l’économie, son manque d’enthousiasme devant la création d’une commission supplémentaire. Elle avait d’ailleurs été rejointe par M. Labbé. Tous deux avaient souligné les risques de la scission envisagée. Mme Rossignol déclarait ainsi : « Le risque est de marginaliser la question de l'environnement. Comment la traiter sans parler du problème tout à fait central des énergies ou encore des transports ? » Je pense qu’elle avait tout à fait raison !
L’inverse est naturellement tout aussi vrai : l’énergie et les transports ne sont-ils pas au cœur du développement économique ?
Telle est la première raison de mon hostilité à l’idée de séparer artificiellement ces deux notions consubstantielles : l’économie et l’écologie.
La deuxième raison, non moins importante, de mon opposition à la création de cette commission tient aux conflits de compétences qui risquent de se multiplier ; il en a d’ailleurs déjà été question.
En effet, la plupart des thématiques économiques sont étroitement imbriqués les unes avec les autres. Ainsi, l’aménagement numérique du territoire relèvera-t-il, au fond, de la commission des affaires économiques ou de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ? De même, est-il raisonnable de séparer l’urbanisme des travaux publics et des infrastructures ? Quant à l’aménagement du territoire et à l’agriculture, qui forment les deux jambes de la politique agricole commune, les dissocier est à l’évidence une aberration !
À propos de la création d’une commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Mme Lienemann, qui n’est malheureusement pas présente, a déclaré en commission : « Sa création ne sera pas un drame, ni pour le pays ni pour le Sénat ! Cette décision s’impose par symétrie avec l’Assemblée nationale. »
Je dois dire que je suis très surpris par cet argument, qui n’est pas vraiment convaincant !
D’abord, il me semble évident que le but n’est pas de mesurer les effets négatifs de la scission, mais bien d’évaluer ses conséquences positives. Or, bizarrement, Mme Lienemann n’en parle pas : elle n’évoque que ses effets négatifs !
Ensuite, je considère que le mimétisme vis-à-vis de l’Assemblée nationale ne s’impose pas. Ou alors, alignons le nombre des sénateurs sur celui des députés et créons deux commissions distinctes pour la défense et les affaires étrangères !
Soyons sérieux ! À l’Assemblée nationale, la scission de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire a été un fiasco. C’est un fait reconnu, que notre collègue Jean Claude Lenoir a rappelé en ces termes : « Cette situation ne donne satisfaction à personne. Les sujets de l'économie et de l'environnement s'entremêlent et se recoupent sans cesse, si bien que les deux commissions sont systématiquement saisies, l'une au fond et l'autre pour avis. Résultat : des réunions en double, des frontières mal établies et des députés mal à l'aise avec la répartition des compétences. »
Enfin, on nous dit que la scission serait une solution aux effectifs pléthorique de la commission de l'économie. Il est vrai que celle-ci compte aujourd’hui soixante-dix-huit membres – je ne parle pas du nombre de participants aux réunions ! –, contre cent soixante-dix pour l’ancienne commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire de l’Assemblée nationale.
Forte de ses soixante-dix-huit membres, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire fonctionne très bien. Je ne crois pas que cet effectif la rende ingouvernable !
M. Bruno Sido acquiesce.
Comme l’a dit tout à l’heure M. Placé, que je rejoins sur ce point, nos échanges sont de qualité parce que les différentes sensibilités nourrissent le débat sur ces thèmes transversaux. Tant mieux ! C’est pourquoi, contrairement à lui, je conclus qu’il est préférable que nous continuions à discuter ensemble, au sein de la commission qui existe aujourd’hui.
La scinder conduira à la sclérose des prismes d’analyse et à l’alourdissement des processus de colégislation, la transversalité des questions imposant la saisine de l’une comme de l’autre des deux nouvelles commissions.
Il faudrait maintenant que vous vous acheminiez vers votre conclusion, mon cher collègue.
En plus d’affaiblir les petits groupes politiques – songez-y, chers collègues Verts !–, cette scission transformera la confiance en défiance, les deux commissions risquant fort de se livrer bataille pour savoir laquelle sera saisie au fond !
J’ai été étonné de voir plusieurs membres de la commission appartenant à la majorité sénatoriale résignés et impuissants face à un accord politique conclu en d’autres lieux et que l’on leur demande aujourd’hui d’entériner.
Monsieur le président, nous adhérons totalement à l’idée selon laquelle il convient d’adapter le Sénat aux évolutions profondes de notre société en matière de développement durable et de mieux prendre en compte ces problématiques dans nos travaux.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons, plutôt qu’une scission de la commission, soit la création d’une délégation sénatoriale à l’aménagement du territoire et au développement durable, soit la création d’une commission sénatoriale, qui permettrait de maintenir l’unité de notre commission actuelle tout en mettant en avant la spécificité des problématiques environnementales.
M. Daniel Dubois. Alors oui, mes chers collègues, préservons l’unité du développement durable, soyons responsables, privilégions la qualité de notre travail et refusons de casser ce bel outil qu’est la commission permanente de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire !
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.
Monsieur le président, mes chers collègues, je commencerai mon propos par une citation dont la sagesse ne vous échappera pas : « Il ne semble pas pertinent de créer une commission permanente spécifiquement dédiée au développement durable et à l’aménagement du territoire, du fait même de la transversalité de la question environnementale. » Il se trouve que je partage pleinement ce point de vue : il s’agit, mot pour mot, de l’exposé sommaire d’un amendement déposé par les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche à l’Assemblée nationale en mai 2009 !
À l’époque, la gauche était unanime pour dénoncer dans la création d’une commission permanente du développement durable un recul en matière de prise en compte des enjeux environnementaux, les Verts ayant eux-mêmes fait valoir que les questions du développement durable ne pouvaient en aucun cas être dissociées de l’agriculture, de la pêche, de l’énergie et de l’industrie, c’est-à-dire du périmètre actuel de notre commission de l’économie.
Le Grenelle de l’environnement, adopté le 3 août 2009, a montré que les questions du développement durable touchaient toutes les politiques publiques de notre modèle économique : la lutte contre le changement climatique, le logement, l’urbanisme, les transports, l’énergie, la biodiversité et les milieux naturels, l’eau, l’agriculture, les risques, les déchets et même la gouvernance des entreprises.
En tant que rapporteur de ce texte au nom de la commission de l’économie, j’ai pu constater, directement, l’intérêt d’une commission transversale pour aborder cette révolution. Il faut croire, d’ailleurs, que je n’étais pas si « extrémiste » que cela, monsieur Mézard, puisque le Grenelle 1 a été adopté à la quasi-unanimité du Sénat !
C’est justement dans la liaison de l’économie et de l’écologie que réside le nouveau modèle de développement qui permettra la reprise d’une croissance durable. Par exemple, au champ de compétence de quelle commission permanente le secteur de l’énergie ressortira-t-il ? Comment peut-on, au XXIe siècle, dissocier l’aspect industriel majeur que comporte la politique énergétique de notre pays de la question des énergies renouvelables, des économies d’énergie et de la maîtrise de la demande énergétique ?
La notion de développement durable, reconnue depuis 1992 et traduite dans notre Charte de l’environnement, est bel et bien transversale et doit irriguer, par le biais d’une approche intégrée, l’ensemble des secteurs économiques et de nos politiques publiques, et ce n’est pas M. Placé qui me dira le contraire !
À l’inverse, le cantonnement des questions environnementales au périmètre d’une seule commission ne peut que cloisonner ces problématiques, dénaturant ainsi l’approche du développement durable, alors même que la proposition de résolution souhaite la voir mieux prise en compte par le Sénat.
La majorité sénatoriale d’aujourd’hui en convenait il n’y a pas si longtemps : la valorisation des enjeux du développement durable passe par une commission aux compétences transversales, traitant à la fois d’économie et d’écologie, voire des aspects sociaux de ces sujets, en phase avec les grands enjeux actuels. Comment faire l’« économie verte » si l’on sépare l’environnement de l’économie ?
Sur la forme, par ailleurs, notre groupe est hostile à la création d’une commission permanente supplémentaire. Passer de six à sept commissions permanentes à partir de la seule commission de l’économie ne peut que conduire à un affaiblissement du poids, en nombre, de ces deux nouvelles commissions. L’Assemblée nationale l’a bien fait, nous rétorque-t-on. Eh bien, pour ma part, je suis attaché à la spécificité de notre institution sénatoriale. S’il faut absolument se calquer sur le modèle de l’Assemblée nationale, à quoi sert notre deuxième chambre ?
Rappelons aussi que, si les députés sont 577, nous ne sommes que 348. Le passage à sept commissions permanentes entraînerait donc des difficultés de représentation et de présence pour les petits groupes, ce qui n’est pas conforme à la façon dont nous avons toujours travaillé.
Notre groupe n’est pas hostile à une prise en compte encore renforcée des aspects environnementaux. Mais nous pensons justement que, pour cela, la question du développement durable doit être traitée à travers l’ensemble des questions économiques.
Si une nouvelle structure devait être créée, nous serions plus favorables à une délégation spécifiquement dédiée à ces enjeux et chargée d’informer la Haute Assemblée sur le respect des impératifs du développement durable. Une telle délégation autorisant en outre la double appartenance, chaque commission pourrait y être représentée.
Monsieur Sueur, vous avez souligné qu’il existait un ministère spécifiquement chargé de l’environnement, mais vous avez oublié de dire que, grâce à M. Juppé dans un premier temps, puis à M. Borloo, les compétences de ce ministère de l’environnement ont été considérablement élargies. Cet après-midi, je visitais l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, avec M. le Premier ministre, M. le ministre chargé de l’industrie, Éric Besson, et Mme la ministre de l’écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet. Voilà bien la preuve de l’élargissement des compétences du ministère de l’écologie ! Jean-Louis Borloo nous a d’ailleurs exhortés, avant de quitter ses fonctions ministérielles, à ne pas défaire au niveau de nos commissions ce qui avait été fait au niveau du ministère.
Je voudrais enfin insister sur le fait que notre groupe d’opposition fait aujourd’hui preuve d’un grand sens de l’État en se prononçant contre la création d’une commission permanente dans laquelle l’opposition sénatoriale serait pourtant, selon toute probabilité, monsieur Mézard, majoritaire.
M. François Zocchetto applaudit.
C’est assez paradoxal, mais, chaque fois que nous gravissons un échelon de reconnaissance, des voix s’élèvent pour juger que l’environnement et le développement durable vont perdre en influence…
Nous entendons toujours le même discours : plus vous avez d’espace, plus vous êtes reconnu, moins vous existez.
C’est faux, bien évidemment !
En créant aujourd’hui une commission spécifique dédiée aux questions de développement durable et d’aménagement du territoire, nous faisons avant tout un choix politique, au sens noble du terme.
Nous sommes ici pour produire de la loi, mes chers collègues, ce qui exige du temps de travail. Dans les prochains mois et les prochaines années, nous allons devoir produire énormément de lois sur les questions d’environnement et d’aménagement du territoire. Or, même magnifiquement animée par Daniel Raoul, la commission de l’économie aurait manqué de temps pour travailler sur tous ces textes à venir.
En créant cette commission, nous allons en outre, me semble-t-il, dans le sens de l’histoire. Ses membres pourront utilement s’appuyer sur le travail de qualité des acteurs du Grenelle de l’environnement, même si les lois qui l’ont suivi n’ont malheureusement pas été à la hauteur des enjeux.
Mais, évidemment, tout le monde avance masqué, la principale crainte de certains n’étant pas tant de voir l’action publique perdre en cohérence – le vote des lois en séance publique permet de toute façon d’assurer la transversalité des débats – que de voir l’environnement gagner en puissance politique.
Derrière un certain nombre d’interventions, je crois effectivement pouvoir déceler la peur de ne plus voir l’économie dicter sa loi à l’environnement. Or, avec deux commissions, nous allons justement pouvoir organiser le dialogue, à égalité, entre un certain nombre d’exigences environnementales et des exigences de développement économique. C’est tout l’enjeu du développement durable !
Une anecdote : quand, lors de la première réunion de la commission après les élections, Joël Labbé et moi avons demandé qu’on donne de l’eau du robinet plutôt que de l’eau minérale– l’eau de la Ville de Paris est excellente ! –, le brouhaha qui s’est ensuivi a démontré la puissance que peuvent avoir certains lobbys au sein de cette commission…
Nous mettons aujourd’hui en place un autre système de création collective de la loi. Le président de cette commission du développement durable aura pour responsabilité d’organiser cette transversalité, laquelle ne se résume pas, au demeurant, à l’économie et à l’environnement.
La santé environnementale ou la question climatique internationale seront des enjeux majeurs dans les prochaines années. Faudrait-il pour autant rattacher l’environnement aux affaires sociales ou aux affaires étrangères ?
On voit donc que cette transversalité reste à organiser. Il n’en demeure pas moins que les grandes lois que nous devrons écrire sur les questions d’environnement et d’aménagement du territoire passent avant tout par la création d’une commission spécifique, qui aura le temps et les moyens de préparer ces textes.
MM. Jean Desessard et Jean-Vincent Placé applaudissent.
Je n’insisterai pas sur la transversalité des questions liées à l’environnement.
Tout à l’heure, lorsque M. Michel a plaidé pour la création d’un groupe politique à partir de dix sénateurs, il a raisonné en fonction des effectifs respectifs de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Je me suis donc livré à quelques calculs. L’Assemblée nationale comprend 577 députés et huit commissions, soit soixante-douze membres en moyenne par commission. Le Sénat compte aujourd’hui 348 sénateurs et six commissions, soit cinquante-huit membres par commission. Si l’on porte ce nombre à sept, chacune des commissions permanentes comprendra environ quarante-neuf membres.
Vous avez invoqué la cohérence pour abaisser le seuil de constitution d’un groupe de quinze à dix sénateurs, monsieur Michel ; j’exige que vous fassiez de même pour les commissions. Non, nous ne trouvons pas que nous sommes trop nombreux au sein de la commission de l’économie !
Toutefois, à la lecture du rapport de M. Anziani, une chose me fait plus peur encore : la répartition potentielle des compétences entre la commission de l’économie et celle du développement durable et de l’aménagement du territoire. Non seulement cette commission ne reprendra pas les attributions de son homologue de l’Assemblée nationale, mais elle risque fort de ressembler à une coquille vide.
J’ai bien compris qu’il s’agissait de donner des gages au groupe du RDSE, mais c’est la crédibilité du Sénat qui est en jeu !
Cette commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ne sera même pas compétente en matière de construction et de transports, contrairement à son homologue de l’Assemblée nationale.
Le groupe des Verts – puisque c’est ainsi qu’il faudra bientôt l’appeler – espère être plus performant avec deux commissions. Mais c’est de la folie ! D’autant que, je le répète, cette nouvelle commission ne sera qu’une coquille vide !
Voilà pourquoi le groupe UMP est foncièrement opposé à la partition de la commission de l’économie.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Notre collègue Roger Karoutchi l’a expliqué tout à l’heure et mes collègues qui viennent d’intervenir l’ont rappelé, le groupe UMP est formellement opposé à la création d’une nouvelle commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, ou plutôt, devrais-je dire, à la scission de l’actuelle commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Ces enjeux sont importants. Ils posent problème, car la notion même de développement durable est étroitement liée aux questions économiques, comme cela a été rappelé à l’instant. Il serait paradoxal d’arrêter une séparation stricte des thèmes alors que vous-même, monsieur le rapporteur, prônez un dialogue et une concertation entre commissions pour définir les champs de compétences.
J’ajoute que, en 2008, avec Jean-Paul Emorine et Daniel Raoul, respectivement ancien et actuel présidents de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, nous avons voté en commission à l’unanimité – j’y insiste – le maintien de la commission telle qu’elle existe aujourd’hui. Cela me paraît important de le souligner.
Plusieurs questions me préoccupent.
Quelle commission – cela figure dans le rapport de notre collègue Alain Anziani – sera chargée de l’agriculture, de la viticulture ? ces secteurs d’activité ne sont-ils pas un enjeu économique, de santé publique, d’aménagement du territoire, de développement durable ?
Je lis dans votre rapport que vous proposez d’inclure la chasse parmi les attributions de la future commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Certes, nous le savons tous, les activités cynégétiques y participent et nous y sommes très attachés, mais faut-il les dissocier, en particulier, des questions forestières ?
S’agissant des transports aériens, maritimes et terrestres, il n’est pas audacieux de les cantonner aux affaires économiques : nous agissons tous – presque tous – pour que les transports participent à l’effort de développement durable que nous nous sommes imposé les uns et les autres dans les lois relatives au Grenelle de l’environnement...
J’ajoute que nos collègues députés, tous bords confondus – cela a été rappelé plusieurs fois aujourd'hui, notamment par notre collègue Daniel Dubois –, reconnaissent que la partition de la commission des affaires économiques a été une erreur profonde et souhaitent revenir au statut antérieur.
Enfin, je terminerai mon propos en évoquant un sujet majeur : le coût !
Selon vous, monsieur le rapporteur, le coût de la création d’une nouvelle commission « pourrait » être de l’ordre de 300 000 euros. Vous avez eu raison d’utiliser le conditionnel ! §Car comment imaginer un seul instant qu’une commission nouvellement créée puisse fonctionner avec d’aussi faibles moyens ? Vous avez peut-être raison pour l’année 2012, dont le temps de session sera largement et légitimement amputé en raison des élections présidentielle et législatives ; mais quid pour 2013 et les années à venir ?
Compte tenu de ces légitimes questionnements, parce que le monde est devenu complexe, et en dépit de vos tentatives de justification, ne compliquons pas notre organisation équilibrée et raisonnée, qui marche bien.
Je rends hommage au président de la commission, Daniel Raoul, comme j’ai rendu hommage à son ancien président, Jean-Paul Emorine. Le développement durable et l’aménagement du territoire ne peuvent être dissociés des transports, de l’agriculture, de l’énergie ou du tourisme.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposerons de supprimer l’article 2.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 13 est présenté par MM. Zocchetto, Capo-Canellas, Deneux, Dubois et Lasserre, Mme Létard, MM. Maurey, Merceron, Tandonnet et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard César, pour présenter l’amendement n° 4.
M. le président de la commission des lois s’exclame.
Monsieur Sueur, permettez-moi d’exprimer mon point de vue devant l’ensemble de nos collègues ici présents !
Alors que notre pays traverse une grave crise économique, je pense personnellement que ce n’était pas le moment de séparer l’économie de l’environnement et de l’écologie, qui constituent le développement durable.
Plutôt que de passer d’une culture de rapprochement à une culture d’opposition entre deux commissions, nous aurions mieux fait – cela a été dit tout à l’heure – d’améliorer notre façon de travailler ensemble, d’appréhender les choses, de définir des priorités.
Nous commettons une erreur magistrale. Il est encore temps pour le Sénat de faire preuve de sagesse, d’être raisonnable, de changer d’avis et d’éviter cette erreur.
Nous sommes, me semble-t-il, à peu près tous d’accord ici pour dire que le développement durable est la clé de voûte de l’économie de demain. Dès lors, évitons de nous opposer, car – cela a été répété – nous préparons le futur et le développement économique de demain. Certains éléments et équipements stratégiques seraient du ressort de telle commission, d’autres d’une seconde, et, finalement, nous nous opposerions les uns aux autres.
C’est une erreur stratégique et c’est pourquoi je m’y oppose.
Pour toutes ces raisons, avec l’ensemble de mes collègues du groupe de l’UCR, nous demandons la suppression de l’article 2.
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 4 et 13.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe de l'UCR et, l'autre, du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 75 :
Nombre de votants340Nombre de suffrages exprimés340Majorité absolue des suffrages exprimés171Pour l’adoption161Contre 179Le Sénat n'a pas adopté.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 5, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Avant l’article 23 bis du règlement, il est inséré un article 23-1 ainsi rédigé :
« Art. 23-1. – 1. - Il est créé une délégation au développement durable et à l’aménagement du territoire chargée d’informer le Sénat sur le respect des normes de développement durable, édictées par la charte de l’environnement et par la loi ainsi que des engagements en faveur de l’aménagement du territoire français.
« Cette délégation veille, lors de la discussion de projets ou propositions de loi, à informer les commissions permanentes de son point de vue.
« 2. - La délégation au développement durable et à l’aménagement du territoire est composée de trente-six membres désignés par le Sénat de manière à assurer la représentation proportionnelle des groupes politiques et une représentation équilibrée des commissions permanentes.
« Les membres de la délégation sont désignés après chaque renouvellement partiel.
« 3. - L’organisation des travaux et le fonctionnement de cette délégation sont définis par l’Instruction générale du Bureau.
La parole est à M. Gérard Cornu.
Il s’agit d’un amendement de repli, car nous étions contre la scission de la commission.
Mon cher collègue Ronan Dantec, très légitimement, vous avez à cœur que les questions environnementales soient abordées au sein d’une commission qui y serait spécialement dédiée. Cependant, puisque vous êtes nouveau dans cet hémicycle, permettez-moi de vous dire que je crains fort – quand on voit ce qui est prévu – que cette nouvelle commission ne soit qu’une coquille vide
Marques de dénégation de M. Ronan Dantec
L’environnement et l’écologie, dit-on, sont des sujets transversaux qui recouvrent des thématiques communes à plusieurs commissions ; ils sont donc tout à fait adaptés pour être traités dans le cadre d’une délégation, au sein de laquelle siégeraient des membres de la commission de l’économie, des affaires sociales ou d’autres commissions. Là, il serait véritablement possible de parler, avec force, d’écologie et de développement durable !
Encore une fois, la future commission, j’en suis convaincu, sera une coquille vide et il est vraiment dommage que vous vous obstiniez dans cette voie, sauf à vouloir rendre service au RDSE, comme l’a dit M. Mézard.
M. Jacques Mézard s’exclame.
Qu’on crée une commission ou une délégation, dans les deux cas, son président aura à sa disposition une voiture avec chauffeur. Peu importe pour le RDSE ! §Mais il est beaucoup plus cohérent de créer une délégation.
Franchement, c’est vraiment dommage.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.
L'amendement n° 15, présenté par M. Mézard, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 5° La commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, compétente en matière d'impact environnemental de la politique énergétique, qui comprend 39 membres ;
La parole est à M. Jacques Mézard.
Ce n’est pas la réalité et vous le savez !
La réalité, c’est que, pour des raisons politiques, vous ne voulez pas de cette nouvelle commission. Le reste, c’est de la littérature ! M. Sido a rappelé quel avait été le vote de l’opposition à l’Assemblée nationale et vous n’avez pas suivi ce vote.
Les choses évoluent. Aujourd’hui, nous nous rendons compte, les uns et les autres, de la nécessité d’une commission consacrée au développement durable. Mais j’ai bien entendu vos observations, auxquelles je m’attendais d’ailleurs.
Il est exact qu’il était maladroit de proposer, comme cela a été fait dans le rapport de notre collègue Alain Anziani, une répartition des compétences entre commissions, alors que le règlement du Sénat, contrairement d’ailleurs à celui de l'Assemblée nationale, ne prévoit pas une telle répartition. C’est l’article 16 qui donne pouvoir au président du Sénat d’arbitrer, éventuellement, cette question.
Mais nous savons bien ce que recouvrent vos observations.
Comme je l’ai rappelé précédemment, vous étiez beaucoup moins soucieux, dans le passé, de permettre au Sénat de réaliser des économies, cependant même qu’il fallait mettre un terme à certaines dépenses. En l’occurrence, il s’agit là de travail.
Vous vous souciez des groupes aux effectifs réduits, qui auraient trop de travail. Nous n’avons pas de leçons à recevoir en la matière ! Même si nous sommes peu nombreux, nous faisons tout pour être présents là où cela est nécessaire. Et, proportionnellement au nombre de sénateurs de nos groupes respectifs, vous feriez bien d’en faire autant ! En témoigne le débat de ce soir : nous sommes aussi nombreux que l’UMP !
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.
M. Gérard Cornu s’exclame.
Ne nous donnez pas de leçon de démocratie ! Votre discours méprisant est tout à fait détestable !
Par cet amendement, nous souhaitons donc proposer une nouvelle rédaction pour le neuvième alinéa de l’article 2 afin, ; d’une part, de compléter la dénomination de cette nouvelle commission – qui deviendrait la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire – et, d’autre part, de préciser qu’elle sera compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique.
Ce sera, à mon sens, un bon moyen de faire un travail de qualité.
La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 15 que vient de défendre notre collègue Jacques Mézard et qui vise à préciser utilement le champ d’action de cette nouvelle commission.
En revanche, elle demande à notre collègue Gérard Cornu de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
En effet, il n’est pas besoin de modifier le règlement du Sénat pour créer une délégation. Le Sénat a créé, par exemple, une délégation sénatoriale à l’outre-mer et une délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Ces décisions ne relèvent pas du règlement.
Je mets aux voix l'amendement n° 5.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 76 :
Nombre de votants342Nombre de suffrages exprimés341Majorité absolue des suffrages exprimés171Pour l’adoption163Contre 178Le Sénat n'a pas adopté.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.
La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'amendement n° 15.
Je veux dire à notre collègue Gérard César qu’il n’y a jamais eu de vote unanime en commission.
Il ne faut pas dire des choses fausses. Des discussions ont eu lieu, qui ont permis à des opinions très diverses de s’exprimer ; je pourrais retrouver le procès-verbal des travaux de la commission.
Cela a dû vous échapper, mais il n’y a pas eu, je le répète, de vote unanime. Peut-être était-ce un rêve de votre part…
Par ailleurs, je veux dire à notre collègue Jacques Mézard que, indépendamment du fait que je voterai l’amendement n° 15, je suis étonné de la rédaction de celui-ci, qui laisse apparaître une redondance.
La commission du développement durable est, à l’évidence, compétente en matière d’impact environnemental ! Ou alors je ne sais pas ce qu’est le développement durable ! Peut-être aurait-il pu remplacer ces termes par les mots « émettant un avis sur les impacts environnementaux ».
L'amendement est adopté.
La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote sur l'article.
Je suis surpris que l’on modifie ainsi le règlement, comme cela, sans aucune concertation préalable. Mais j’ai bien compris qu’il s’agissait, ce soir, d’avaliser des accords politiques préalablement conclus.
Pour ma part, je ne m’associerai pas bien sûr à cette démarche, car cela revient à envoyer des signaux négatifs aux Français, ce que je regrette.
À l’instar de ce que j’ai dit précédemment au sujet de la constitution d’un groupe, on va substituer, avec la création d’une nouvelle commission, des dépenses de fonctionnement à des dépenses d’investissement. Or on demande précisément à toutes les collectivités de faire l’inverse !
Je considère, pour ma part, qu’il est dramatique que le Sénat donne un tel exemple.
On pourra continuer à faire de beaux discours sur la défense de l’emploi et sur la lutte contre le chômage ;…
… ce ne seront que de belles paroles. À cause de nos décisions, nous allons empêcher des personnes du bâtiment de travailler.
Or, dans une économie, toutes les décisions comptent ; qui plus est, celles que prennent les institutions. On ne peut pas se dire que l’on est en dehors de l’économie et que l’on peut laisser les choses venir, en donnant des leçons aux autres !
En outre, on se méprend sur ce qu’est le développement durable. Celui-ci a toujours eu une triple dimension : environnementale, économique et sociale. Aussi, quel sens y a-t-il à créer une nouvelle commission à côté de la commission de l’économie et de la commission des affaires sociales ?
Si une vraie concertation avait été engagée, on aurait peut-être pu discuter d’une reconfiguration des commissions permanentes du Sénat ou créer, par exemple, une délégation, mais la proposition qu’a formulée en ce sens notre collègue a été repoussée. On aurait pu réfléchir ensemble à cette éventualité.
Quoi qu’il en soit, séparer le développement durable de l’économique et du social est un contresens absolu. Que l’on se revendique écologiste ou que l’on défende une autre sensibilité, cela n’est pas logique. Il aurait mieux valu parler d’une commission de l’environnement.
Pour ces deux raisons, je voterai contre cet article.
Mon intervention s’inscrit dans le droit fil de celle de mon collègue Vincent Delahaye.
Il nous est ici proposé de créer une nouvelle commission chargée du développement durable. Cette suggestion pourrait sembler louable sur la forme, mais elle est totalement inappropriée sur le fond, et nombre d’arguments ont été avancés en ce sens.
En effet, scinder en deux la commission de l’économie est contraire à l’esprit même du développement durable, qui appelle une prise en compte globale, et non dissociée, des problématiques économique, sociale et environnementale.
Le développement durable exige des actions transversales, et non pas la création d’une instance séparée et déconnectée des réalités économiques. Isoler la réflexion en ce domaine ne pourra être que préjudiciable aux buts que nous cherchons tous à atteindre.
À cet égard, je prendrai un exemple.
Dans le département de la Loire-Atlantique, les élus du groupe Europe Écologie se mobilisent contre le projet prévu à Notre-Dame-des-Landes.
Ils y sont totalement opposés pour des questions liées à l’environnement.
Or, en l’espèce, je ne pense pas que ce soit la commission du développement durable qui soit la mieux à même de mettre un terme aux oppositions qui se font jour sur un sujet aussi fondamental.
Par ailleurs, le respect de l’argent public et l’usage raisonnable de celui-ci sont également au cœur des enjeux du développement durable.
Cette nouvelle commission entraînera des dépenses supplémentaire liées à son fonctionnement. Comme cela a été souligné précédemment, le coût ne sera pas simplement limité au coût prévu en 2012 du fait de la durée de la session parlementaire. Est-ce raisonnable en période de crise ?
Quant à la répartition des attributions, elle est vraiment très discutable.
En effet, la pêche relèvera de la commission de l’économie ; en revanche, la chasse relèvera de la commission du développement durable.
En quoi la pêche n’est-elle pas liée au développement durable ? De quelle nature sont les questions fondamentales qui touchent aujourd'hui la pêche ? Ne concernent-elles pas la problématique de la mer dans son ensemble, avec les rejets en mer, la pollution, la destruction permanente des fonds sous-marins ? La mer est un sujet purement environnemental au niveau planétaire. En tout état de cause, la pêche a davantage à voir avec les questions de développement durable.
À l’inverse, pour ce qui concerne la chasse, on peut s’interroger.
La répartition des domaines de compétences des commissions présente donc des anomalies totales.
Enfin, d’un côté, on diminue le nombre de sénateurs par groupe et, de l’autre, on augmente le nombre de commissions ? Où est la cohérence ?
Avec des groupes aux effectifs réduits, comment pourrez-vous assurer une présence régulière et permanente des sénateurs au sein de l’ensemble des commissions, sachant que vous en multipliez le nombre ?
C’est là aussi, me semble-t-il, une incohérence fondamentale.
Pour ces raisons liées à notre volonté de poursuivre une action cohérente en la matière sur l’ensemble de notre territoire, je suis opposé à la création de cette nouvelle commission.
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.
Je veux vous dire, mon cher Vincent Delahaye, que je découvre, à l’occasion de ce débat, que vous défendez le secteur du bâtiment. C’est votre droit, mais sachez que le rapporteur, M. Anziani, que je remplace, s’est livré, au nom de la commission des lois, à une très large concertation.
Ainsi, ont été auditionnés, en tant que présidents de commission, Mmes Annie David et Marie-Christine Blandin, MM. Daniel Raoul, Philippe Marini et Simon Sutour et, en tant que présidents ou représentants de groupe politique, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Caffet et François Zocchetto, lui-même, …
… qui laisse aujourd'hui son groupe s’exprimer comme bon lui semble, ainsi que MM. Jean-Jacques Hyest, ancien président de la commission des lois, Philippe Adnot, délégué des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, et Jean-Vincent Placé.
On peut donc dire, mon cher collègue, qu’une très large concertation a été organisée. Mais peut-être l’ignoriez-vous si vous n’avez pas lu le rapport de M. Anziani, ce qui est une faute de votre part.
L'article 2 est adopté.
L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet, Gourault et Férat, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1 de l'article 15 du règlement est complété par les mots : « sauf en cas de concomitance avec la tenue d'une séance publique ».
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Exclamations.
Sourires.
Il s’agit d’un amendement de bon sens puisque, de plus en plus souvent, les séances publiques ont lieu en même temps que les réunions de commissions, alors même que notre règlement prévoit que la présence en commission est obligatoire.
Je vous propose donc de compléter le 1 de l’article 15 du règlement du Sénat, aux termes duquel « la présence aux réunions de commissions est obligatoire », par les mots « sauf en cas de concomitance avec la tenue d’une séance publique ».
Le président Sueur est très présent dans l’hémicycle ; d’après un excellent classement, il serait même le plus présent d’entre nous tous !
Mme Nathalie Goulet. Ce classement me place moi-même en treizième position !
Sourires.
Mais, quand vous je suis dans l’hémicycle, je ne peux être en commission ; je n’ai pas le don d’ubiquité ! Par conséquent, je préfère rester en séance parce qu’il faut bien que, dans cet hémicycle souvent clairsemé, nous votions aussi les textes.
La commission a discuté assez longuement ce matin de cet amendement. Bien qu’il soit de bon sens, elle demande néanmoins à son auteur de bien vouloir le retirer ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
En effet, l’article 14 de notre règlement dispose que les commissions se réunissent « le mercredi matin, éventuellement le mardi matin avant les réunions de groupe et, le cas échéant, une autre demi-journée fixée en fonction de l’ordre du jour des travaux en séance publique ».
Il peut arriver qu’une commission se réunisse pendant une séance publique, mais, en général, le sujet qui est alors débattu en séance n’est pas celui qu’examine la commission réunie au même moment.
Ma chère collègue, vous avez raison, et j’espère que vous serez entendue tant par le Bureau de notre assemblée que par ceux qui fixent l’ordre du jour et convoquent nos commissions.
Toutefois, s’il était adopté, cet amendement aurait pour conséquence, je le crains, de rendre les choses encore plus difficiles, dans la mesure où l’obligation d’assister aux réunions de commission est un principe fondamental de notre règlement.
Ma chère collègue, je comprends parfaitement votre préoccupation, mais, je le répète, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. Bruno Sido s’exclame.
Monsieur le rapporteur, je ne veux pas vous contrarier mais, si l’on suit votre raisonnement, et pour ne prendre que cet exemple, les membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées – comme moi – ne pourraient s’occuper que des questions relevant du domaine de compétences de celle-ci !
Cela signifie qu’ils ne pourraient pas intervenir sur d’autres dossiers.
En conséquence, si vous me garantissez que le Bureau réfléchira à la question que je viens de soulever, je pourrais envisager de retirer mon amendement.
Il y a là un problème sérieux.
Dans l’immédiat, je préfère donc le maintenir, à moins que vous ne me fournissiez une explication plus convaincante.
Monsieur le président, je vous demande de faire part au président Bel des termes de l’échange que Mme Goulet et moi-même venons d’avoir.
Monsieur le rapporteur, je prends acte de votre demande.
Madame Goulet, l’amendement n° 8 rectifié est-il, au final, maintenu ?
Exclamations sur les travées de l’UMP.
Je le répète, le problème que j’ai soulevé est réel, il demeure, mais puisque les sanctions ne sont pas appliquées, nous pourrons toujours en reparler quand elles le seront !
L’amendement n° 8 rectifié est retiré.
Il y a là néanmoins un vrai sujet de réflexion !
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12, présenté par MM. Zocchetto, Amoudry et Détraigne, Mme Gourault et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 57 du règlement du Sénat est ainsi rédigé :
« Art. 57. - 1. - Le vote des sénateurs est personnel.
« 2. - Toutefois, leur droit de vote lors des scrutins publics peut être délégué. Chaque délégataire ne peut être porteur que d'une seule délégation. Cette délégation de vote est rédigée conformément aux dispositions prévues à l'article 64.
« 3. - Les sénateurs auxquels a été délégué le vote de l'un de leurs collègues doivent présenter au secrétaire placé près de l'urne l'accusé de réception de la notification prévue à l'alinéa 2 de l'article 64. »
La parole est à M. François Zocchetto.
Ah ! sur les travées de l’UMP. – M. Jean Desessard s’exclame également.
Mes chers collègues, au travers de la proposition de résolution présentée par le président Bel, nous avons aujourd’hui l’occasion de moderniser notre règlement sur un point fondamental, que chacun ici connaît assez bien : le vote par scrutin public.
Chacun sait comment fonctionne ce type de scrutin dans notre hémicycle ;…
… chacun sait aussi à quel point ce système est critiquable.
Il surprend autant les visiteurs que les nouveaux sénateurs, étonnés de constater qu’un seul de leurs collègues ait le pouvoir de voter, non pas pour un ou deux sénateurs absents, mais parfois pour cent quarante sénateurs d’un seul coup !
Le problème, c’est que le deuxième alinéa de l’article 27 de la Constitution pose un principe simple : « Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. » Son troisième alinéa prévoit néanmoins l’exception suivante : « La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. »
L’Assemblée nationale a eu, pendant longtemps, une pratique assez comparable à celle qui a cours aujourd’hui au Sénat. Toutefois, il faut rappeler que cette pratique a disparu depuis 1993 ! Aujourd’hui, les députés ne votent par scrutin public que sur l’ensemble des textes et, surtout, ils ne peuvent voter que pour l’un de leurs collègues, avec le système de la procuration unique, conformément à l’article 27 de la Constitution.
Notre amendement est donc très simple : il vise à ce qu’il soit précisé dans le règlement qu’un sénateur ne peut voter que pour un seul de ses collègues.
Ces dernières années, nous avons été nombreux, au sein de notre groupe, à dénoncer cette pratique. Nous n’étions d’ailleurs pas les seuls, dans cet hémicycle, à le faire : j’ai en mémoire de nombreuses interventions en ce sens. Je pense à notre éminent collègue Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, ...
Exclamations sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.
La position de Jean Desessard, très claire, très respectable, se résumait dans cette phrase : le vote public au Sénat est anticonstitutionnel.
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
Jean Desessard avait raison et il continue d’avoir raison.
En outre, cette modification est également suggérée dans un document récent, disponible sur le site Internet du parti socialiste, où l’on peut lire qu’il faudrait « interdire les votes de groupe au Sénat ».
Vous l’avez compris, mes chers collègues, la position que j’exprime aujourd'hui paraît très consensuelle. Aussi, j’espère que notre amendement sera largement soutenu.
Mais, si le groupe de l’Union centriste et républicaine est parfaitement confiant dans le sort qui sera réservé à cet amendement de bon sens, je précise, au risque de passer pour un provocateur, que je demanderai un vote par scrutin public !
Sourires. – Applaudissements sur les travées de l ’ UCR.
L'amendement n° 6, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début de l’article 63 du règlement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le vote des sénateurs est personnel. La délégation de vote est toujours personnelle. Nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 7, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2 de l’article 56 du règlement, il est inséré un 2 bis ainsi rédigé :
« 2 bis. - Le sénateur vote en remettant son bulletin et, éventuellement, celui de son délégant, à l’un des secrétaires qui les dépose dans l’urne. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 12 ?
Si M. Zocchetto soulève une vraie question, celle-ci ne peut être tranchée aussi simplement qu’il le propose.
Ayant été député pendant vingt ans, j’ai pu constater, à l’Assemblée nationale, une évolution regrettable : aujourd'hui, avec la pratique du « vote groupé », tous les députés sont présents le mardi ou le mercredi après-midi pour voter sur des textes dont ils n’ont jamais discuté et dont ils ignorent même la teneur.
Ce n’est vraiment pas la meilleure solution. Au Sénat, c’est exact, chaque président de groupe vote pour l’ensemble de ses collègues.
Le scrutin public présente cet avantage que nos électeurs savent très exactement qui a voté pour quoi ; c’est donc plutôt un bénéfice pour la démocratie.
Pour le reste, les modalités d’exercice du vote par scrutin public ont déjà fait l’objet de discussions approfondies, notamment au sein du groupe de travail sur la réforme du règlement, dont MM. Frimat et Hyest étaient co-rapporteurs – peut-être en faisiez-vous partie, monsieur Zocchetto ? Sur ce sujet, aucun consensus ne s’est dégagé.
Si un nouveau groupe de travail se saisit de cette question, ce qui sera vraisemblablement le cas, peut-être pourra-t-il parvenir à un consensus. Pour ce faire, plusieurs conditions doivent être réunies.
D’abord, il faudrait assurer une meilleure présence dans l’hémicycle.
Mme Nathalie Goulet s’exclame.
En effet, le problème n’est pas tant celui du vote par scrutin public sur l’ensemble d’un texte : il est normal que le président d’un groupe exprime la volonté de l’ensemble de ses collègues ou même, s’agissant d’un groupe comme le vôtre, monsieur Zocchetto, de l’ensemble des volontés coexistant au sein du groupe.
Rires sur les travées du groupe CRC.
Ce qui est cause, c’est le recours au scrutin public lorsque le groupe majoritaire n’est pas suffisamment représenté dans l’hémicycle : ne disposant pas de la majorité physique, ce dernier est en pratique obligé de demander un scrutin public pour faire voter ses amendements ou ses articles.
Il est exact que, dans une telle hypothèse, un vrai problème se pose. Mais il s’agit d’abord d’un problème de présence. À cet égard, il faut que les présidents de groupe veillent à ce que leurs collègues soient suffisamment nombreux en séance lors de l’examen des textes.
Le groupe socialiste, pour sa part, s’y emploie et c’est la raison pour laquelle il a institué un tour de présence. Je remarque d'ailleurs que, depuis une quinzaine de jours, la majorité rencontre moins de problèmes sur ce plan.
En outre, si un consensus devait voir le jour, cela supposerait vraisemblablement des travaux dans notre hémicycle, ce qui fera plaisir à M. Delahaye !
En effet, à l’Assemblée nationale, le vote « couplé » se fait par voie électronique. Chaque député dispose, à sa place, d’un petit boîtier avec trois touches : « pour », « contre », « abstention ».
Les présidents de groupe doivent donner les délégations de vote bien avant le début de la séance et, lorsqu’un député bénéficie d’une telle délégation, il vote également pour un – et un seul – autre député.
Tel n’est pas le cas au Sénat, les travaux n’ayant pas encore été engagés.
Monsieur Zocchetto, si le scrutin public présente l’avantage de permettre aux groupes de voter sur l’ensemble d’un texte, comme vous, je pense qu’il en est fait mauvais usage lorsqu’il n’a d’autre finalité que de pallier l’absence de sénateurs dans l’hémicycle et de permettre ainsi, en cours de débat, l’adoption d’un amendement ou d’un article.
Les présidents de groupe devront débattre de cette question, en conférence des présidents, voire dans le cadre d’un groupe de travail, de manière à parvenir à un consensus qui, pour l’instant, n’existe pas.
Je voudrais également rappeler à M. Zocchetto – membre de la commission des lois et fin juriste, il ne l’ignore pas – que cette pratique a été validée par le Conseil constitutionnel, par une décision du 23 janvier 1987.
C'est la raison pour laquelle, après en avoir longuement débattu, la commission demande à son auteur de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Je remercie beaucoup Jean-Pierre Michel de ses explications : non seulement elles confortent chacun dans son opinion, mais elles montrent également que notre réflexion est quasi aboutie sur le sujet. Ce problème, nous ne le découvrons pas ce soir !
Dans ces circonstances, je maintiens mon amendement. En effet, je pense qu’il n’est plus possible de continuer à travailler dans ces conditions.
En outre, les observateurs de la vie parlementaire ne comprennent pas ce mode de scrutin.
Je passe sur le fait que nous avons presque tous vécu des débats parlementaires riches, au cours desquels chacun a pu défendre sa position, cependant que, à leur terme, le recours au scrutin public fait s’écrouler le consensus qui s’était fait jour.
Nous voulons mettre un terme à ces situations que tous, quelle que soit notre sensibilité, nous regrettons.
Le moment est venu de moderniser le Sénat et sa façon de fonctionner. Ce soir, nous avons une belle occasion de le faire.
Cette discussion est intéressante à plus d’un titre.
Il y a un problème de logique entre les amendements défendus respectivement par Mme Goulet et M. Zocchetto. À mon sens, l’un et l’autre auraient dû faire l’objet d’une discussion commune, pour la raison suivante.
En effet, si l’on avait voté l’amendement de Mme Goulet, on aurait pu se soustraire à l’obligation de se rendre aux réunions de commission en cas de concomitance avec la tenue d’une séance publique ; le scrutin public pouvait alors être remis en cause.
Mais, puisque Mme Goulet, à la demande de la commission, a retiré son amendement, la présence obligatoire en commission demeure, empêchant que l’on soit en permanence dans l’hémicycle ; par conséquent, le vote par scrutin public doit être maintenu.
Toutefois, M. Zocchetto nous affirme que notre pratique du scrutin public est anticonstitutionnelle.
Il faut le prouver !
En tout état de cause, soit l’on vote les deux amendements – mais cela n’est plus possible –, soit l’on n’en vote aucun. Mais on ne peut pas retirer l’un et voter l’autre !
Par conséquent, je ne voterai pas l’amendement de M. Zocchetto.
Comme Jean-Pierre Sueur et Nicole Borvo Cohen-Seat, j’étais membre du groupe de travail sur la réforme du règlement, au sein duquel nous avions longuement évoqué ce sujet.
En réalité, notre collègue Bruno Sido a raison : on aborde ce problème par le mauvais sens. Le problème, c’est la présence en séance ; le recours à un mode particulier de scrutin n’a d’autre objet que de pallier le manque d’assiduité de certains de nos collègues.
La suppression du scrutin public – sauf, éventuellement, lors du vote sur l’ensemble des textes, de façon à connaître les positions des groupes – serait assez cohérente avec le vœu qu’avait formé le président Larcher d’un fonctionnement rénové du Sénat et d’une plus grande assiduité des sénateurs en séance.
L’année dernière, nous avons connu certains déboires législatifs en raison d’erreurs de manipulation au moment des votes.
Monsieur le rapporteur, vous affirmez que les scrutins publics permettent à nos concitoyens de savoir, en lisant le Journal officiel, qui a voté quoi. Ils leur donnent surtout à penser que certains élus étaient présents dans l’hémicycle, alors que tel n’était pas le cas. Selon moi, un minimum de transparence s’impose.
Je ne suis pas défavorable à ce que l’on accorde un ou deux pouvoirs lors des scrutins publics. Il me semble que vous inversez le problème et que vous confondez la cause et les effets. Il faut d’abord régler le problème de la présence en séance et ensuite réfléchir sur le mode de scrutin.
Par conséquent, je voterai l’amendement de François Zocchetto.
J’ai également participé aux travaux sur la proposition de résolution présentée par Gérard Larcher tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle. Une majorité des membres du groupe de travail, quelle que soit leur appartenance politique, étaient contre la suppression du scrutin public.
D’ailleurs, quels qu’ils soient, tous les groupes recourent au scrutin public, notamment quand certains d’entre eux se retrouvent en position minoritaire en séance, quand ils ne devraient pas l’être.
L’UCR, elle-même, nous l’avons encore vu ce soir, ne se prive généralement pas de demander des scrutins publics.
Soyons clairs, je suis d’accord avec vous, madame Goulet, il ne faut pas confondre la cause et les effets.
L’absentéisme n’a pas disparu à l’Assemblée nationale du fait de l’introduction du scrutin électronique et de la limitation de la délégation de vote. Nos concitoyens auraient peut-être beaucoup à dire sur les séances de l’Assemblée nationale et du Sénat, mais leurs remarques, à mon avis, ne porteraient pas en priorité sur le scrutin public.
Quoi qu’il en soit, en matière d’absentéisme, qui est le vrai problème, il n’y a pas de différence notable entre l’Assemblée nationale et le Sénat, scrutin public ou pas.
Le groupe CRC est opposé sur le fond à la suppression du scrutin public. L’argument est peut-être dérisoire, mais beaucoup de parlementaires se servent de leur absence pour, dans leur circonscription, affirmer à leurs électeurs, lorsqu’une mesure déplaît à ces derniers, qu’ils n’auraient pas voté celle-ci s’ils avaient été présents.
M. Bruno Sido s’esclaffe.
Certes, la nouvelle majorité a connu récemment quelques petits problèmes d’organisation, mais cela n’a pas non plus empêché la majorité présidentielle de demander des scrutins publics pour bien manifester ce qu’elle votait !
Je le redis, le scrutin public est essentiel dans la mesure où il empêche un élu absent lors d’un vote de prétendre dans son département qu’il ne s’est pas prononcé en faveur de tel ou tel texte, surtout lorsque celui-ci déplaît particulièrement à ses électeurs, puisqu’il est obligé de se prononcer avec son groupe.
Dans toutes les circonscriptions, s’agissant des textes qui ont trait à l’emploi, à la santé, à la suppression d’hôpitaux, par exemple, …
… combien de parlementaires disent qu’ils ne les auraient pas votés s’ils n’avaient pas été retenus ailleurs, ce qui arrive surtout quand on cumule plusieurs fonctions ?
J’approuve, bien sûr, l’amendement déposé par François Zocchetto, d’autant plus qu’apparaît une certaine contradiction.
Le Sénat a fait le choix, voilà un instant, de créer une nouvelle commission. Lorsque nous avons expliqué qu’il semblait compliqué que certains sujets puissent relever de deux commissions différentes, on nous a répondu que la transversalité se ferait dans l’hémicycle. Mais encore faut-il pour cela que la représentation en séance publique soit suffisante !
Par ailleurs, nous avons décidé d’abaisser à dix le seuil nécessaire pour la constitution d’un groupe politique. Comment chaque groupe sera-t-il représenté au sein des différentes commissions et délégations du Sénat pour assurer la transversalité des débats ?
L’amendement présenté par François Zocchetto, président du groupe de l’UCR, auquel j’appartiens, est excellent et doit être adopté.
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR.
Il y a dans le scrutin public, comme l’a souligné Nicole Borvo Cohen-Seat, quelque chose qui tient aux origines de la Révolution française : lorsque l’on envoie un citoyen dans une assemblée de la République, il doit rendre des comptes et ses votes doivent être connus.
Grâce au scrutin public, quiconque consulte le Journal officiel ou le site Internet du Sénat sait comment chaque sénateur et chaque sénatrice a voté. C’est donc d’un principe de responsabilité qu’il s’agit.
Le vrai problème, cela a également été souligné, est celui de l’absentéisme. On ne m’accusera pas, je crois, de ne pas être suffisamment présent ici.
Sourires.
Ce matin, j’ai lu un article vantant la fin du vote de groupe à l’Assemblée nationale tel que nous le connaissons dans notre chambre. Or, Jean-Pierre Michel l’a souligné, il suffit d’aller à l’Assemblée nationale pour constater que tous les votes sont regroupés à dix-sept heures, tel jour.
Les députés viennent donc à dix-sept heures, votent tout en une demi-heure, et repartent !
Idem pour le Parlement européen.
Il est vrai qu’il faut trouver une solution et nous y travaillons. Le groupe de travail, qui a beaucoup été cité ce soir, réuni par M. Larcher n’y est pas parvenu. Aujourd’hui, nous examinons un texte dont l’objet principal est de créer une nouvelle commission et d’abaisser à dix le seuil nécessaire pour la constitution d’un groupe.
Évitons les réponses dilatoires et les solutions artificielles à seule fin de nous faire plaisir. La seule façon de résoudre la difficulté, selon moi, serait de changer les comportements politiques : les élus doivent s’investir dans un unique mandat afin de l’exercer pleinement. Le débat ne date pas d’hier.
La commission est prête non seulement à aborder cette question, mais aussi à trouver des solutions dans des délais qui ne seraient pas trop longs, à condition – j’insiste sur ce point –qu’il ne s’agisse pas de faux-semblants.
M. Zocchetto m’a interpellé pour me rappeler que j’ai dénoncé à plusieurs reprises l’utilisation abusive, et contraire au débat, du scrutin public qui permet souvent de pallier l’absence de sénatrices et de sénateurs dans l’hémicycle. Certes, le scrutin public a également un versant noble, évoqué par Mme Borvo Cohen-Seat, en ce qu’il rend lisible le vote des élus pour l’ensemble de nos concitoyens.
J’ai confiance en la promesse faite par M. le rapporteur et M. le président de la commission de rechercher une formule qui allie l’expression individuelle à l’expression collective devant les citoyens. En l’occurrence, le moment n’est pas venu aujourd’hui d’aborder cette question, d’autant qu’un groupe de travail se mettra en place dans le cadre de la rénovation du Sénat, de ses pratiques, et pour un meilleur fonctionnement de ses instances.
Je me rallie donc à votre proposition, monsieur le président de la commission.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.
Qu’il me soit permis de bien préciser les choses.
À aucun moment je n’ai imaginé proposer la suppression du scrutin public. Comme chacun ici, je pense que tout parlementaire doit rendre des comptes et afficher très clairement son vote devant nos concitoyens. Le scrutin public est donc, à ce titre, important.
Premièrement, l’amendement que j’ai déposé au nom de mon groupe vise à réaffirmer le caractère personnel du vote des sénateurs. Je rappelle incidemment que la Constitution ne reconnaît pas le mandat impératif.
Deuxièmement, il tend à préciser que chaque délégataire ne peut être porteur que d’une seule délégation lors des scrutins publics.
Il me semblait important d’apporter ces compléments.
Je mets aux voix l'amendement n° 12.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public…
Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste-EELV.
… émanant du groupe de l'UCR.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
L'amendement n° 14, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :
Après les mots :
le pluralisme
rédiger ainsi la fin de cet intitulé :
et moderniser le fonctionnement du Sénat
Cet amendement n’a plus d’objet.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de résolution, je donne la parole à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
Monsieur le président, mes chers collègues, avec un certain nombre de mes collègues, je m’abstiendrai sur ce texte, et ce pour une raison très simple.
Nous étions plusieurs à être favorables à l’article 1er de cette proposition de résolution parce que nous pensons que le pluralisme justifie qu’une famille politique comme les Verts dispose d’un groupe parlementaire dans notre assemblée.
Les Verts et les socialistes n’ont pas forcément les mêmes idées sur tout !
Je lisais encore ce week-end que les Verts voulaient, par exemple, supprimer les conseils généraux ; je ne crois pas que ce soit le cas des socialistes. Je lisais qu’ils étaient pour la semaine de 32 heures ; je ne crois pas que ce soit le cas des socialistes.
Bref, je pourrais égrener un certain nombre de différences qui montrent bien qu’il y a une véritable logique à ce que les Verts ne fassent pas partie du même groupe que les socialistes.
Et si les mariages de raison peuvent parfois se justifier, les mariages contraints n’ont, à mon avis, aucune justification.
Sourires.
J’étais donc favorable à cet article 1er, même si je suis arrivé trop tard pour exprimer mon sentiment.
En revanche, je suis totalement défavorable à la partition de la commission de l’économie. Mes collègues Daniel Dubois, Gérard Cornu, Gérard César et Bruno Sido ont très bien expliqué pourquoi ce serait une absurdité, je n’y reviendrai pas. Il y a effectivement une véritable logique à ce que l’économie et le développement durable restent liés.
De même, il y a une véritable logique – on l’a moins dit ce soir – à ce que l’économie et l’aménagement du territoire soient du ressort d’une seule et même commission. Je ne vois pas comment on peut parler d’aménagement du territoire si l’on ne parle pas en même temps d’économie.
Un exemple, qui m’est cher, montre bien la jonction existant entre ces deux domaines, à savoir la question du numérique. On sait bien l’importance du numérique en matière économique, comme d’ailleurs en matière d’aménagement du territoire.
Pour toutes ces raisons, je n’ai pas voté l’article 2 de cette proposition de résolution. C’est pourquoi, étant favorable à un article et défavorable à l’autre, j’ai décidé, avec un certain nombre de mes collègues, de m’abstenir sur cette proposition de résolution.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de résolution.
En application de l’article 61, alinéa 1, de la Constitution, cette résolution sera soumise, avant sa mise en application, au Conseil constitutionnel.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 20 décembre 2011 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
À quatorze heures trente et le soir :
2. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 4, 2011–2012).
Rapport de M. Christian Poncelet, fait au nom de la commission des affaires étrangères (n° 197, 2011–2012).
Texte de la commission (n° 198, 2011–2012).
3. Projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à l’accord relatif aux rapports intellectuels et artistiques du 19 décembre 1938 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hellénique (n° 466, 2010–2011).
Rapport de M. Michel Boutant, fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense (n° 46, 2011–2012).
Texte de la commission (n° 47, 2011–2012).
4. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l’accord monétaire entre la République française et l’Union européenne relatif au maintien de l’euro à Saint-Barthélemy, à la suite de son changement de statut au regard de l’Union européenne (n° 134, 2011–2012).
Rapport de M. Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances (n° 188, 2011–2012).
Texte de la commission (n° 189, 2011–2012).
5. Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2012 (n° 203, 2011–2012).
Rapport de Mme Nicole Bricq, fait au nom de la commission des finances (n° 204, 2011–2012).
6. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs (n° 12, 2011–2012).
Rapport de M. Alain Fauconnier, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 175, 2011–2012).
Avis de Mme Nicole Bonnefoy, fait au nom de la commission des lois (n° 158, 2011–2012).
Texte de la commission (n° 176, 2011–2012).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt et une heures trente-cinq.