Intervention de Roger Karoutchi

Réunion du 19 décembre 2011 à 15h00
Limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission modifié

Photo de Roger KaroutchiRoger Karoutchi :

Merci, monsieur le président de la commission des lois !

… sur un sujet que je maîtrise parfaitement, comme chacun va pouvoir le constater ! §

Afin de garantir l’indépendance de la justice, l’article 64 de la Constitution prévoit qu’« une loi organique porte statut des magistrats ». Dès lors, l’accélération du relèvement de la limite d’âge de départ à la retraite applicable aux magistrats rend nécessaire l’adoption d’un texte « relatif à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire ».

Le principe de la réforme proposée initialement par le Gouvernement qui prévoyait le relèvement de deux ans de l’âge de départ à la retraite ayant déjà été acté lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour une génération antérieure, il ne s’agissait, dans le texte qui nous est arrivé de l’Assemblée nationale, que d’en tirer formellement les conséquences en alignant le régime applicable aux magistrats sur celui des autres fonctionnaires. Cette limite d’âge a d’ailleurs connu au cours des cinquante dernières années des évolutions similaires à celles qui ont affecté la limite d’âge de l’ensemble des agents de l’État.

Cette réforme laisse inchangée la limite d’âge précédemment fixée pour les magistrats nés avant le 1er janvier 1952.

Pour les magistrats nés à compter de cette date, l’accélération du relèvement de la limite d’âge interviendra à raison d’un mois pour ceux nés en 1952, de deux mois pour ceux nés en 1953, de trois mois pour ceux nés en 1954 et de quatre mois pour ceux nés en 1955. La limite d’âge à soixante-sept ans s’applique désormais pleinement pour les magistrats nés à compter de 1955.

En revanche, l’âge d’ouverture des droits à pension des magistrats ne fait pas partie intégrante de leur statut ; ceux-ci se voient donc appliquer, par la loi ordinaire, les mêmes règles que les fonctionnaires. Cet âge est fixé, depuis la loi de réforme des retraites, à soixante-deux ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1956.

Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de formuler plusieurs remarques.

Tout d’abord, selon l’étude d’impact indexée au projet de loi, ce texte aura un effet limité sur le nombre de départs à la retraite, car le nombre de magistrats concernés ne devrait être que de quelques dizaines, comme l’a rappelé notre collègue Yves Détraigne, qui a rapporté le texte que nous modifions aujourd’hui.

De plus, aux termes de l’article 76-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, « les magistrats sont maintenus en fonction, sauf demande contraire, jusqu’au 30 juin suivant la date à laquelle ils ont atteint la limite d’âge », afin que leur départ coïncide avec les vacances judiciaires. Cette disposition, très largement utilisée, atténuera les effets de cette réforme sur la date de cessation effective des fonctions des magistrats concernés.

En outre, un magistrat atteignant la limite d’âge dispose de plusieurs régimes lui permettant de prolonger son activité comme le recul de la limite d’âge applicable à l’ensemble des fonctionnaires de l’État ou les régimes de maintien en activité spécifiques à la magistrature.

Enfin, l’accélération du calendrier de relèvement de la limite d’âge pour les magistrats de l’ordre judiciaire se traduira nécessairement par une diminution des dépenses de pensions des agents de l’État. N’est-ce pas l’effet essentiel recherché par le Gouvernement, dont je tiens d’ailleurs à saluer les efforts considérables en matière de lutte contre les déficits.

Ce gain, contrairement à ce qui a été affirmé en commission, monsieur le rapporteur, a été pris en compte dans l’évaluation qui a été faite de la montée en charge pour l’ensemble des agents de la fonction publique de l’État. Pour le régime de ces agents, la mesure proposée permet ainsi d’économiser 470 millions d’euros en cumulé sur la période 2012-2016.

Le projet de loi présenté par le Gouvernement était donc une excellente nouvelle ; néanmoins, la décision prise par la commission des lois de vider substantiellement le texte en est une nettement moins bonne.

Tout d’abord, j’évoquerai la suppression de l’article 1er, cœur du dispositif présenté, puisqu’il constituait l’article unique initialement proposé au Parlement.

II avait en effet pour objet d’aligner le calendrier de relèvement de la limite d’âge, par génération, applicable aux magistrats sur celui prévu pour les fonctionnaires des trois fonctions publiques par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. L’équité commande en effet que cette accélération du calendrier de mise en œuvre progressive du relèvement de la limite d’âge concerne aussi bien les magistrats que les fonctionnaires.

Durant les cinquante dernières années, la limite d’âge applicable aux magistrats a connu une évolution parallèle à celle en vigueur pour les fonctionnaires de l’État.

En 1958, la limite d’âge était de soixante-dix ans pour la très grande majorité des magistrats judiciaires. Pour les autres magistrats, cette limite était de soixante-huit ans.

En 1976, c’est la limite d’âge de soixante-cinq ans qui a été appliquée à la majorité des magistrats ; une limite plus élevée, de soixante-huit ans, est retenue pour les magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation.

En 1984, la règle des soixante-cinq ans a été généralisée avec pour seule exception le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près ladite Cour. Le groupe UMP propose de rétablir cet article.

L’article 3, que vous avez réintroduit, mes chers collègues, vise, et vous l’avez rappelé, à interdire que les magistrats puissent recevoir de l’autorité exécutive une décoration publique.

Il s’agit en l’occurrence, vous en êtes bien conscients, on l’a dit à propos d’autres éléments de ce texte, d’un véritable cavalier. Il y a donc un fort risque d’inconstitutionnalité.

Il est très important pour nous de ne pas faire de discrimination entre les différents fonctionnaires de l’État. Je ne vois pas au nom de quoi nos magistrats ne pourraient plus avoir accès aux décorations telles que la Légion d’honneur et le Mérite, même si je salue les références littéraires de notre collègue Jacques Mézard. Pourquoi ne pourraient-ils pas être récompensés de leurs mérites éminents ?

Ce n’est pas parce que les magistrats sont décorés qu’ils sont soumis au pouvoir en place. Nous sommes, tout autant que vous, attachés à la séparation des pouvoirs. Vous prétextez que cette mesure permettra de garantir une indépendance et une impartialité plus grandes : restons mesurés ! M. Dosière, qui est l’initiateur, à l’Assemblée nationale, de cette idée originale, avait pris l’exemple des parlementaires, …

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