Vous avez raison, monsieur Karoutchi, il s’agit effectivement d’un cavalier !
Sur le fond, comme je l’indiquais tout à l’heure, cette interdiction, si d’aventure elle était confirmée, n’aurait aucun équivalent dans la fonction publique. Elle ne pourrait donc être perçue, j’y insiste, que comme une mesure de défiance à l’égard des magistrats de l’ordre judiciaire. Je vous demande donc de faire attention au vote que vous allez émettre, mesdames, messieurs les sénateurs, car cette mesure de défiance risquerait d’être très mal ressentie par les magistrats.
Cette mesure de défiance se justifie d’autant moins que les magistrats bénéficient d’un statut et de règles déontologiques qui permettent le respect des principes d’indépendance et d’impartialité, vous le savez aussi bien que moi, monsieur le rapporteur. Vous ne pouvez pas dire le contraire, sauf à faire preuve de parti pris…
Je rappellerai également que des décorations ont été souvent décernées à des magistrats dont l’intégrité physique, voire la vie ont été menacées à l’occasion de l’exercice de leur fonction ou qui ont fait preuve d’un courage exemplaire : ils ne pourraient donc plus être décorés si cet amendement était adopté. Une telle situation me paraîtrait scandaleuse !
Je pense à la récente décoration d’une magistrate qui a fait preuve de sang-froid en affrontant des situations particulièrement dangereuses, notamment la tentative de suicide d’une mère de famille et une prise d’otage par un individu armé au sein de son tribunal. Elle méritait vraiment de recevoir une décoration, ce qui ne serait plus possible avec cette disposition. Sincèrement, ce serait choquant.
Enfin, si le Parlement souhaite se saisir de cette question, il me semble indispensable que le débat concerne l’ensemble des personnes en situation de poursuivre ou de juger : les membres des juridictions administratives et financières, les juges non professionnels que sont les juges consulaires, les conseillers prud’homaux, les juges de proximité ou encore les membres des autorités administratives indépendantes. Pourquoi stigmatiser les magistrats, voire spécifiquement les magistrats du siège si l'amendement n° 2 de M. Michel était adopté ?
Je note par ailleurs que cette mesure n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les organisations professionnelles de magistrats. Vous auriez tout de même pu engager des discussions avec elles, à tout le moins pour recueillir leur sentiment.