Intervention de Michel Billout

Réunion du 2 avril 2008 à 15h00
Contrats de partenariat — Article 28

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Nous persistons et signons.

S'agissant de l'article 28, l'exposé des motifs du projet de loi est ainsi rédigé : « Par ailleurs, la législation fiscale actuelle prévoit que la publication des actes portant autorisation d'occupation temporaire, AOT, par l'État de son domaine public, autorisation constitutive de droit réel immobilier, donne lieu à la perception d'une taxe fixe de publicité foncière de 125 euros.

« Afin de minimiser le coût du financement par le partenaire privé refacturé au partenaire public et d'éviter des distorsions fiscales, l'article 28 du projet de loi aligne sur ce régime d'imposition la publication au fichier immobilier des autorisations d'occupation temporaire du domaine public consenties par les collectivités territoriales, des baux emphytéotiques administratifs et des baux emphytéotiques hospitaliers. »

Là encore, de fait, on nous parle d'éviter la refacturation de la fiscalité liée à l'occupation temporaire du domaine public sur les loyers et redevances acquittés par l'État ou toute collectivité publique aux partenaires des contrats. Comme si la fiscalité était à l'origine du niveau des redevances versées !

L'exemple de l'opération concernant le service des archives diplomatiques, installé à la Courneuve sous les conditions d'une AOT, s'impose naturellement dans ce débat.

Relevons les conclusions de la Cour des comptes sur cette opération, pour laquelle a été invoquée la procédure d'urgence : « La procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public qui a été retenue pour le portage de ce projet pose une question majeure au regard de son coût global pour les finances publiques.

« Les critères et les modalités de fixation du loyer annuel servi à l'opérateur n'ont pas été déterminés de manière claire. Dans un premier temps, le loyer fut calculé comme s'il s'était agi d'une opération en crédit-bail, ce qui en l'espèce était irrégulier. Après une consultation tardive des services fiscaux de la Seine-Saint-Denis, le loyer fut finalement assis sur la valeur locative du marché, conformément au code du domaine de l'État. Il s'établit, hors charges locatives, à un peu plus de 3, 5 millions d'euros hors taxes par an.

« Le coût actualisé de la construction du nouveau centre des archives est estimé par l'opérateur à 39, 53 millions d'euros hors taxes. Ce montant n'intègre pas les coûts de conception, de maîtrise d'ouvrage et les intérêts de préfinancement, ni le coût des assurances et des frais bancaires. En revanche, ces différents éléments sont pris en compte par l'opérateur dans le calcul du loyer demandé, alors que l'État n'aurait pas eu à en supporter la totalité si l'opération avait été conduite en maîtrise d'ouvrage publique.

« Sur ces bases, le coût total des loyers que devra supporter l'État pendant un peu plus de 28 ans est de 98, 9 millions d'euros hors taxes. En retenant un taux d'actualisation de 4 %, la valeur actuelle en 2007 de ces annuités est de 58 millions d'euros hors taxes. Par comparaison, le coût total d'un financement sur crédits budgétaires (emprunt au taux de 4, 47 %) se serait élevé à 71, 3 millions d'euros, soit en valeur actuelle 41, 7 millions d'euros.

« Ainsi, le cumul des loyers acquittés par l'administration sera supérieur de 41 % au coût d'un financement sur crédits budgétaires et ceci sans même avoir pris en compte la revalorisation annuelle du loyer prévue par la convention. »

Et la haute juridiction financière de conclure l'examen de cette situation spécifique par les observations suivantes : « De manière générale, cette opération pose la question des conséquences budgétaires et financières des opérations de partenariat public-privé notamment dans le cas des autorisations d'occupation temporaire du domaine public. Cette formule apparaît inopportune s'agissant d'un service public non marchand puisque en l'absence de recettes elle fait entièrement reposer sur les finances de l'État une charge disproportionnée au regard de l'allègement de la charge budgétaire immédiate qu'elle permet sur le montant du déficit comme sur celui de la dette publique.

« La Cour invite à une réflexion approfondie sur l'intérêt réel de ces formules innovantes qui n'offrent d'avantages qu'à court terme et s'avèrent finalement onéreuses à moyen et long termes. »

Je ne sais pas s'il convient d'en ajouter inutilement aux pertinentes observations de la Cour des comptes, mais le fait est que l'article 28 devient dès lors un objet juridique clairement identifié : il ne s'agit, ni plus ni moins, que d'user de l'incitation fiscale pour aider les opérateurs privés à assurer pleinement la rentabilité de leurs opérations.

En revanche, il est vrai, comme chacun peut le constater, que le Gouvernement est à la recherche de tous les gisements d'économies budgétaires de court terme, pour son compte, celui des administrations publiques locales ou, a fortiori, celui des établissements hospitaliers. Ces économies sont destinées à présenter, durant les années qui s'écouleront sous cette législature, des lois de finances et de financement de la sécurité sociale « euro-compatibles ».

Le cas des établissements hospitaliers est, de ce point de vue, l'un des plus intéressants. L'hôpital public voit ses missions, les moyens d'y répondre et ses interventions de plus en plus remis en question par l'accumulation des dispositifs issus des lois de financement de la sécurité sociale promulguées depuis 2002.

Alors qu'il connaît une crise sans précédent, illustrée, entre autres éléments, par la pénurie de médecins urgentistes ou, plus généralement, du personnel soignant, le secteur de l'hospitalisation privée est en pleine restructuration capitalistique et sa rentabilité ne cesse de progresser.

Les lois de financement de la sécurité sociale à venir risquant fort de peser encore sur la dotation globale des établissements publics, on préconise l'alternative temporaire des contrats de partenariat.

Il y a beaucoup à faire, c'est vrai, dans le cadre du plan Cancer ou du plan de lutte contre les maladies de l'âge. L'évolution des dotations globales ne permettra sans doute pas d'y faire face.

La volonté de faire un peu plus entrer l'esprit, les motivations, l'idéologie, de la marchandisation de la santé dans l'hôpital public est également présente dans l'article 28, alors que vous prétendez qu'il n'assume qu'une fonction de neutralité fiscale.

C'est donc vers une privatisation rampante de l'hôpital public que nous nous dirigeons.

C'est aussi pour ces raisons que nous ne pouvons que vous proposer, mes chers collègues, d'adopter cet amendement visant à supprimer l'article 28.

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