Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 15 décembre 2011 à 9h30
Quatrième loi de finances rectificative pour 2011 — Article 16

Photo de Nicole BricqNicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances :

Je tiens à rendre hommage à la persévérance de la commission de la culture, qui dépose cet amendement pour la troisième année consécutive. Les deux précédentes tentatives furent en effet infructueuses. Il est vrai que nos deux commissions ont bien du mal à établir un consensus, même si elles trouvent parfois un compromis.

Sur le sujet qui nous occupe, il faut bien le dire, le Gouvernement a fait volte-face. Je ne sais donc pas quelle sera sa position sur cet amendement.

Je comprends le problème qui nous est posé. Il existe un décalage temporel entre la comptabilisation des charges et celle des produits, qui est dû non à la loi, mais aux règles comptables du secteur. Il ne s’agit donc pas d’un problème fiscal.

Le secteur cinématographique doit s’adapter à ce qu’il recherche. Comme il ne parvient pas à le faire, il demande à nos collègues de la commission de la culture de déposer un amendement visant à régler ce problème par le truchement de la loi. Cette méthode est assez désagréable.

Cette profession considère qu’elle est surimposée au titre de la CVAE. J’appelle votre attention, mon cher collègue, sur le fait que nous parlons d’un impôt local ! Elle demande donc le report en avant de la valeur ajoutée négative sur la valeur ajoutée positive des exercices suivants. Voilà pour la théorie. Qu’en est-il en pratique de cette prétendue surimposition ? À cet égard, monsieur le ministre, nous manquons d’informations.

Les responsables du contrôle général économique et financier constatent, dans un récent rapport, qu’ils ne disposent que de données partielles, auxquelles il faut appliquer tant de réserves méthodologiques qu’il est difficile d’en tirer des conclusions claires.

L’Association des producteurs de cinéma a calculé, au regard des règles fiscales actuelles, la CVAE qui aurait été acquittée, entre 2004 et 2008, par six de ses membres. Les chiffres figurent dans son rapport écrit, et vous constaterez que cette prétendue surimposition n’est pas flagrante. Il est vrai que le périmètre de l’étude demeure très limité puisqu’il ne prend en compte que six membres de cette association professionnelle.

Je le répète, nous ne disposons pas d’éléments suffisants pour confirmer l’existence d’une surimposition du secteur de la production cinématographique.

Notre droit fiscal est plutôt généreux avec ce secteur. Il prévoit ainsi 150 millions d’euros de niches fiscales, un dispositif d’amortissement spécifique pour l’impôt sur les sociétés et une règle particulière pour la production immobilisée en matière de CVAE. J’ajoute que la valeur ajoutée négative est déjà prise en compte par la fiscalité, puisqu’elle vient minorer le bénéfice soumis à l’impôt sur les sociétés.

Enfin, je répète ce que j’avais déjà dit lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, d’après un rapport du CNC lui-même, le plan comptable professionnel du secteur, qui date de 1982, est en grande partie obsolète, et mériterait d’être revu. Il serait plus cohérent d’envisager cette solution, plutôt que de solliciter, trois années consécutives, l’intervention du législateur fiscal. Certes, ce secteur a des spécificités, mais il convient de repositionner l’amendement dans un contexte plus large.

J’en viens aux principes.

Le dispositif proposé met en jeu des principes qui dépassent le secteur cinématographique, puisqu’il y est question de la cotisation sur la valeur ajoutée, induite par la suppression de la taxe professionnelle, c’est-à-dire d’un impôt local.

Le dispositif proposé n’est pas compensé. L’État pourra donc s’en laver les mains, puisqu’il ne lui en coûtera rien ; par conséquent, il tout à fait possible que le Gouvernement émette un avis favorable sur cet amendement.

Si cet amendement était adopté, les collectivités locales seraient amputées d’un produit. Veut-on restreindre encore un peu plus leurs recettes ? J’ajoute que les sociétés concernées sont essentiellement implantées à Paris et dans les Hauts-de-Seine, des départements qui, certes, ne manquent pas de ressources.

En outre, nous risquons de retomber, avec cet impôt nouveau, dans les travers de la taxe professionnelle, qui a fait l’objet de mitages successifs.

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