Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, dans quelques jours, moins d’un an après sa signature, s’ouvrira la période de quatre ans fixée par l’accord du 31 mars 2011 pour la mise en œuvre du quinzième plan de résorption de la précarité dans les administrations de l’État, des collectivités locales et des établissements sociaux et de santé.
Initialement destiné à traduire, dans la loi, les éléments du protocole du 31 mars 2011, le projet de loi, de nouveau soumis au vote du Sénat, après la réunion de la commission mixte paritaire, est devenu un ensemble de dispositions diverses relatives à la fonction publique : il comporte tout à la fois d’importants et très attendus volets d’évolution des administrations et des cadres statutaires, ainsi que des retouches ou des prolongements des récentes réformes de la mobilité et du dialogue social, en « balayant » l’ensemble des agents publics, considérés dans toute leur diversité.
Ce texte n’ayant fait l’objet que d’une seule lecture dans chaque chambre, je retracerai l’apport de chaque assemblée.
En première lecture, le Sénat a tout d’abord conforté le dispositif de titularisation, en intégrant dans le calcul de l’ancienneté requise les services accomplis pour pourvoir des besoins temporaires sur des emplois permanents ; en clarifiant, en toute équité, les modalités de détermination des cadres et corps d’emplois accessibles ; en élargissant le périmètre du protocole aux personnels des établissements exclus du bénéfice des dérogations à l’emploi titulaire et aux contractuels des administrations parisiennes ; en retenant un décompte spécifique plus favorable des services accomplis par les agents handicapés au titre de l’ancienneté requise pour la titularisation.
Puis la Haute Assemblée a renforcé les garanties encadrant le recours à des non-titulaires : allongement de trois à quatre mois de la durée des interruptions entre deux contrats, qui autorise la prise en compte des services discontinus dans le calcul de la condition de six ans, pour l’accès au CDI ; sécurisation de la situation des contractuels des établissements et institutions qui perdraient le bénéfice de la dérogation à la règle de l’emploi titulaire pour l’ensemble ou une partie de leurs emplois ; institution de commissions consultatives paritaires pour les non-titulaires des collectivités locales.
Par ailleurs, la durée maximale des contrats conclus pour faire face à une vacance temporaire d’emploi dans la fonction publique territoriale a été portée de deux à quatre ans, l’accès au CDI a été ouvert aux collaborateurs des groupes d’élus et le principe d’un registre unique du personnel pour la fonction publique a été retenu.
En matière de recrutement et de mobilité, la durée de validité des listes d’aptitude de concours d’accès aux cadres d’emplois de la fonction publique territoriale a été portée de trois à quatre ans ; la situation statutaire des fonctionnaires de la DGSE a été clarifiée ; la date d’effet de l’intégration en catégorie B des personnels du corps des permanenciers auxiliaires de régulation médicale a été rétroactivement fixée au 16 juin 2011 ; la période d’option ouverte aux fonctionnaires de La Poste pour leur intégration dans l’un des corps ou cadres d’emplois d’une des trois fonctions publiques a été prolongée de trois ans jusqu’au 31 décembre 2016.
Le volet « dialogue social » a été enrichi par l’intégration, dans le projet de loi, du relevé de conclusions relatif à la modernisation des droits et moyens syndicaux établi à la suite d’une concertation conduite par vous-même, monsieur le ministre, avec les organisations syndicales.
Bien que le catalogue de mesures que je viens de rappeler soit fort diversifié, mais il n’est pas exhaustif, je retiendrai ici, au titre des dispositions diverses, deux articles tendant à tirer les conséquences de la réforme des retraites de 2010. Le premier vise à prévoir un dispositif transitoire au bénéfice des fonctionnaires territoriaux en congé spécial, le second à aligner l’âge d’ouverture des droits à retraite des agents ayant la qualité de travailleur handicapé sur celui du régime général d’assurance vieillesse.
Le maintien en activité au-delà de la limite d’âge légale dans les emplois fonctionnels de la fonction publique territoriale a été assoupli ; la durée du sursis de l’exclusion temporaire de fonctions a été harmonisée entre les trois versants de la fonction publique ; le statut de fonctionnaire des personnels des syndicats interhospitaliers a été expressément maintenu, au-delà de la transformation de ces structures en communautés hospitalières de territoire, groupement de coopération sanitaire ou groupement d’intérêt public.
Le Sénat a porté la réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique territoriale, qui lui était soumise par le Gouvernement. Celle-ci s’inspirait notamment des conclusions d’un groupe de travail du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.
Enfin, le projet de loi nous a offert l’opportunité de poursuivre la réflexion ouverte par notre collègue M. Hugues Portelli pour renforcer les centres de gestion de la fonction publique territoriale.
Le texte contenait aussi un chapitre consacré au recrutement dans les juridictions administratives et financières.
Le Sénat a ouvert l’intégration au corps des membres du Conseil d’État par le biais de la mission permanente d’inspection des juridictions administratives. Il a élargi les perspectives de carrière des membres des juridictions administratives, en créant des emplois de premier vice-président pour les quatre tribunaux administratifs comptant au moins huit chambres et pour les huit cours administratives d’appel.
Enfin, notre assemblée a souhaité tirer les conséquences de l’attribution de la qualité de magistrat aux membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel par la loi statutaire de 1986, en précisant que le statut général leur est applicable dès lors qu’il n’est pas contraire au statut des magistrats administratifs.
Le Sénat a assorti le détachement au sein du corps des magistrats des cours régionales des comptes de garanties suffisantes quant au niveau des personnels concernés, en autorisant le détachement des seuls fonctionnaires de corps et cadres d’emplois de même catégorie et de niveau comparable.
Ces dispositions, bien que nécessaires, n’en demeuraient pas moins insuffisantes. C’est la raison pour laquelle notre assemblée a choisi d’enrichir le projet de diverses mesures destinées, d’une part, à diversifier le recrutement des membres des juridictions administratives et financières et à faciliter leur mobilité, et, d’autre part, à améliorer l’exercice de leurs missions. Le Sénat a ainsi pérennisé le recrutement complémentaire de conseillers des cours régionales des comptes, créé un statut des experts près la Cour des comptes, relevé de quarante à quarante-cinq ans l’âge minimal requis pour la nomination des conseillers maîtres de la Cour des comptes, facilité la participation à des travaux communs des magistrats de la Cour des comptes et des cours régionales des comptes. Enfin, notre assemblée a supprimé les quotas parmi les présidents des cours régionales des comptes selon leur corps d’origine.
Saisie des 103 articles votés par le Sénat, soit 40 de plus que dans le projet de loi initial, l’Assemblée nationale en a adopté 66 conformes et a complété le texte par un ajout également substantiel de 34 articles.
Sur le cœur du projet de loi, à savoir le protocole du 31 mars 2011, au-delà de précisions, clarifications et harmonisations rédactionnelles, l’Assemblée nationale a introduit plusieurs modifications : ouverture du dispositif de titularisation aux contractuels des institutions qui perdraient le bénéfice de déroger à l’emploi titulaire ; suppression de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances du nombre de ces bénéficiaires et ouverture à leurs personnels titulaires du dispositif de titularisation, lequel l’est également aux contractuels de droit public de l’Office national des forêts ; en revanche, en sont exclus, dans les trois fonctions publiques, les contractuels qui ont acquis ou acquièrent la qualité de fonctionnaire entre le 31 mars 2011 et la date de clôture des inscriptions aux recrutements exceptionnels ; exclusion du champ de la CDlsation de l’ensemble des contrats conclus dans le cadre d’une formation doctorale, quel qu’en soit le fondement ; précisions du régime d’emploi des collaborateurs de groupes d’élus ; retour à la durée initiale de deux ans de la période de recours à des non-titulaires en cas de vacance temporaire d’emploi ; fixation par voie réglementaire, conformément à l’accord, des motifs de licenciement, des obligations de reclassement et des règles de procédure applicables en fin de contrat dans les trois fonctions publiques ; suppression du registre unique du personnel, dont l’objectif est soumis à la réflexion d’un groupe de travail.
Un dernier article portant sur ce statut « contractuel » a soulevé l’ire des intéressés et la préoccupation des parlementaires. Dans le cadre du régime des conventions de recherche entre un établissement public à caractère scientifique et technologique et un organisme assurant un financement externe, la durée d’accès au CDI a été portée à neuf ans au plus.
Le régime de mobilité entre les fonctions civile et militaire a été précisé, notamment au regard des obligations statutaires.
La condition d’ancienneté exigée pour le bénéfice du congé de reconversion des militaires blessés en opération a été supprimée.
Les exceptions au principe des promotions continues de grade à grade ont été simplifiées en cas d’action d’éclat ou de services exceptionnels.
Les dispositions relatives au dialogue social ont été enrichies par la clarification du droit applicable au sein de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
En ce qui concerne le volet « juridictions administratives et financières », l’Assemblée nationale est revenue au projet de loi initial pour le recrutement annuel de maîtres des requêtes choisis parmi les conseillers de tribunaux administratifs et de cours administratives d’appel : une nomination obligatoire assortie d’une nomination facultative.
L’Assemblée nationale a approuvé l’institution de maîtres des requêtes en service extraordinaire. Mais elle a supprimé la faculté annuelle d’intégration au corps des membres du Conseil d’État, à l’issue de quatre années, d’un fonctionnaire ou un magistrat.
L’Assemblée nationale a aussi rejeté la diversification des nominations au grade de conseiller référendaire à la Cour des comptes destinée aux rapporteurs extérieurs.
Enfin, elle a écarté certaines des dispositions régissant les experts près la Cour des comptes.
Au titre des dispositions diverses, je mentionnerai : le report d’un an, au 1er juillet 2013, de l’entrée en vigueur du dispositif de l’écrêtement du minimum garanti de pension ; le maintien du droit au départ anticipé à 57 ans pour les agents soumis au risque d’insalubrité, aux ouvriers des parcs et ateliers intégrés dans la fonction publique territoriale à la suite du transfert aux départements des parcs de l’équipement ; trois dispositions reprenant les articles censurés par le Conseil constitutionnel comme cavaliers de la loi initiée par notre ancien collègue Jean-Pierre Fourcade pour modifier le cadre de gestion des emplois supérieurs de la fonction publique hospitalière ; enfin, le recours au télétravail dans le secteur public promu par le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, M. Pierre Morel-À-l’Huissier.
Je tiens aussi à saluer l’enrichissement du volet consacré à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dont l’accroche dans le projet de loi était, convenons-en, monsieur le ministre, indigente, mais qui ne demandait qu’à s’enrichir ! Il devrait bousculer des comportements établis depuis trop longtemps...
L’Assemblée nationale a substantiellement enrichi ce volet qui, disons-le, constituait le talon d’Achille du texte déposé par le Gouvernement. Elle a principalement fixé une proportion d’au moins 40 % de femmes dans le Conseil commun de la fonction publique, les commissions administratives paritaires, les jurys de concours et comités de sélection, dans les emplois supérieurs.
Je conclurai ce tableau par les modifications portées par nos collègues Hugues Portelli, Jean-Pierre Vial, rapporteur de la proposition de loi, Michel Delebarre et Virginie Klès, au régime des centres de gestion de la fonction publique territoriale.
Le Gouvernement a repris les deux amendements frappés d’une irrecevabilité financière dans cette enceinte. Soyez remercié, monsieur le ministre, de la concertation que vous avez bien voulu conduire avec nos collègues de l’Assemblée nationale.
Je crois que les cinq articles figurant dans ce projet de loi, qui correspondent aux amendements déposés au Sénat, permettront une évolution décisive de ces structures, favorable au renforcement du statut de la fonction publique territoriale.
La commission mixte paritaire, réunie jeudi 16 février, a travaillé dans l’esprit consensuel qui a marqué l’ensemble de l’examen de ce texte.
Les positions des deux assemblées n’étaient pas si éloignées l’une de l’autre si l’on excepte quelques désaccords très limités sur les soixante et onze articles restant en navette.
Chaque chambre a eu à cœur de permettre la mise en place rapide des dispositifs prévus par l’accord du 31 mars 2011.
C’est pourquoi, au-delà des précisions et rectifications rédactionnelles, les principales décisions adoptées par la commission mixte paritaire se résument en sept points.
Quelques-uns de ses membres ont considéré que les modifications entourant le régime des conventions de recherche méritaient une réflexion plus approfondie avec les parties concernées – rappelons qu’elles ont été introduites en séance dans la seconde assemblée saisie – ; aussi, la commission mixte paritaire a supprimé l’article 32 bis A les introduisant.
Pour le volet juridictionnel, le texte qui vous est aujourd’hui soumis est le fruit d’un équilibre, me semble-t-il, satisfaisant : la CMP a retenu la rédaction adoptée par le Sénat pour l’intégration au corps des membres du Conseil d’État des maîtres des requêtes en service extraordinaire et pour les experts près la Cour des comptes. À l’inverse, la commission mixte paritaire est convenue que, en l’état actuel, le caractère obligatoire d’une seconde nomination annuelle d’un maître des requêtes tout comme la diversification de la nomination au tour extérieur au grade de conseiller référendaire à la Cour des comptes n’apparaissent pas indispensables.
Enfin, la commission mixte paritaire a encadré plus précisément le dispositif de nomination en surnombre des personnels de direction des établissements sociaux et de santé, directeurs de soins et praticiens hospitaliers en recherche d’affectation.
En définitive, le texte aujourd’hui soumis au vote de la Haute Assemblée comporte de notables avancées du droit de la fonction publique.
Mais l’objectif premier de ce texte, la résorption de la précarité, ne prendra tout son sens que si les employeurs publics s’inscrivent résolument dans cette démarche. La Haute Assemblée restera attentive à la mise en œuvre de ces dispositifs. Pour l’heure, je vous propose d’adopter ce projet de loi. §