Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au moment d’aborder la lecture des conclusions de cette commission mixte paritaire, je veux tout d’abord saluer le travail qui a été celui du Parlement, à chacune des étapes de la procédure législative, sur un projet de loi qui, vous l’avez rappelé, madame le rapporteur, est important, parce qu’il concernera très directement dans leur vie de tous les jours des dizaines de milliers d’agents de la fonction publique qui sont aujourd’hui en situation précaire.
Ce projet marque aussi une étape importante dans l’évolution de la place faite aux femmes dans la fonction publique. Je ne sais pas si le premier texte justifiait le qualificatif d’« indigent », madame le rapporteur, mais, chacun en avait conscience, il méritait des enrichissements. Les débats ont permis l’émergence d’une solution qui a priori – j’y reviendrai – n’était pas de celles qui s’imposent à l’évidence. Je veux bien entendu parler des quotas de nominations ou, du moins, des pourcentages, pour employer un mot moins connoté, pour l’accès aux postes à hautes responsabilités. Mais, nous le savons tous, si nous n’avions pas fait bouger les choses, elles n’auraient pas bougé naturellement.
Là où ce texte, vous l’avez également rappelé, madame le rapporteur, ne comportait, dans sa version initiale, que 63 articles, celui qui vous est soumis aujourd’hui en compte près du double avec, sur certains points, des dispositions nouvelles et ambitieuses. Cette évolution du texte est d’abord le fruit du débat, que je n’hésite pas à qualifier d’exemplaire, entre les assemblées et le Gouvernement. Ce débat a été marqué par la volonté d’avancer ensemble sur des sujets concrets, tout en recherchant sinon les voies d’un consensus, à tout le moins celles d’une convergence. Et je tiens vraiment à insister sur ce point, car la qualité du texte doit évidemment beaucoup au climat d’écoute et de dialogue qui a marqué les différentes étapes de son élaboration.
Je veux donc saluer, monsieur le président de la commission des lois, le travail de votre commission, sous l’égide de Mme le rapporteur, ainsi que celui de l’ensemble des porte-parole des groupes et des parlementaires qui se sont impliqués sur ce projet de loi. J’y reviendrai brièvement.
Avec ce texte, vous l’avez rappelé, il s’agit d’abord de lutter contre la précarité dans la fonction publique, une précarité qui est souvent méconnue de nos compatriotes, mais qui frappe pourtant plusieurs dizaines de milliers d’agents contractuels, titulaires de CDD renouvelés, engagés au quotidien au service du public, que ce soit dans nos administrations d’État, dans nos collectivités locales ou dans nos hôpitaux.
Avec ce texte, il faut que chacun en ait conscience, nous adressons un message à ces agents contractuels et plus largement à tous ceux qui, dans notre pays, concourent au service public. C’est un signal de responsabilité, de justice et d’équité.
Conformément aux engagements qui avaient été pris en janvier 2010 par le Président de la République, nous apportons aujourd’hui une réponse nouvelle à un phénomène ancien et récurrent, celui du recours à des agents contractuels employés sur la base de simples CDD reconduits d’année en année.
À la différence des grands plans de titularisation – au nombre de seize, me semble-t-il, depuis 1946 –, ce projet de loi répond à la précarité en posant des règles pour empêcher qu’elle ne fasse demain son retour dans nos services publics.
À cet égard, je veux aussi saluer la qualité du dialogue social, car ce projet de loi, je le rappelle, est la traduction d’un protocole d’accord conclu le 31 mars dernier et signé par six des huit organisations syndicales représentatives de la fonction publique.
Concrètement, le texte permettra aux agents publics aujourd’hui en CDD d’accéder à un CDI dès lors qu’ils auront exercé pendant une durée minimale de six ans sur les huit dernières années.
Par ailleurs, vous le savez, nous allons ouvrir aussi aux agents contractuels des voies d’accès spécifiques à l’emploi titulaire pendant une durée de quatre ans à compter de la publication de la loi, ce qui permettra, et j’y étais profondément attaché, de valoriser les acquis de l’expérience professionnelle.
Cela m’amène à préciser, sans rouvrir le débat, monsieur le président Sueur, que nous serons sans doute conduits à reconsidérer le contenu des épreuves des concours afin de rendre ces derniers plus « professionnalisants » et moins pénalisants sur certains aspects.
Ces deux mesures permettront ainsi de régler la situation des agents aujourd’hui en situation de précarité : quelque 100 000 agents seront concernés.
Comme je vous l’indiquais, la grande nouveauté de ce projet, vous l’avez d’ailleurs souligné, madame le rapporteur, tient au caractère automatique, à l’avenir, du mécanisme du passage de CDD en CDI pour tout agent, à quelque fonction publique qu’il appartienne, occupant depuis plus de six ans un emploi répondant à un besoin permanent de son service. Si le projet de loi est voté, ce que je souhaite ardemment, ces agents se verront proposer un CDI.
C’est un changement profond dans la manière dont nous entendons lutter contre la précarité dans la fonction publique. C’est surtout un changement pour les agents eux-mêmes, et c’est bien à eux que nous devons penser aujourd’hui.
Le débat parlementaire a été l’occasion de conforter et d’enrichir les principes du protocole d’accord. Je m’en tiendrais à la question, qui était en suspens, des contractuels recrutés, notamment dans l’éducation nationale, dix mois sur douze. Dès lors que nous avions décidé de lutter contre la précarité, cette situation n’était pas acceptable et chacun avait conscience qu’elle devait évoluer. C’est pourquoi j’ai tenu, lors de nos débats en première lecture, à ce que la spécificité de ces agents puisse être prise en compte de manière à la fois juste et équitable.
J’en viens à quelques sujets pour lesquels le texte établi par la commission mixte paritaire prolonge – j’insiste sur ce terme – le travail engagé par le Sénat à l’issue de la première lecture du texte. Si j’emploie le verbe « prolonge », c’est bien parce qu’il y a eu la recherche d’une convergence entre les deux assemblées.
En ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, sujet sur lequel le débat s’était engagé ici même, j’ai toujours considéré que le fait d’inscrire dans la loi l’obligation de présenter un rapport annuel sur l’évolution de la place faite aux femmes dans la fonction publique, devant le Conseil commun de la fonction publique, que j’ai installé le 31 janvier, était une façon de poser de manière récurrente et permanente la question de l’accès des femmes à des postes de haute responsabilité. Ce rapport sera bien évidemment transmis au Parlement. Au-delà des différentes délégations spécifiques de chaque assemblée, c’est donc l’ensemble des deux chambres du Parlement qui pourront se saisir de ce sujet.
Certes, il fallait aller au-delà. Néanmoins, madame le rapporteur, je ne tiens pas pour mineure l’obligation faite par la loi d’un débat annuel sur cette question devant le Conseil commun de la fonction publique, instance représentative dont je souhaite qu’elle joue tout son rôle à l’avenir. Il ne s’agit pas de le mettre en concurrence avec le Conseil supérieur de la fonction publique d’État, celui de la fonction publique territoriale ou celui de la fonction publique hospitalière, mais cette instance doit jouer tout son rôle, notamment en ce qui concerne la mobilité ou la place faite aux femmes dans l’accès aux plus hautes responsabilités.
Le constat, en effet, chacun le connaît : alors que les femmes représentent 60 % des effectifs de la fonction publique, elles restent extrêmement minoritaires, parfois moins de 10 %, aux postes de direction.
Afin de briser ce véritable plafond de verre, j’ai pris mes responsabilités, madame le rapporteur. Pour ne rien vous cacher, je vous indique que le chef de l’État a joué un rôle majeur dans les propositions que je vous ai présentées. Il a eu un rôle d’impulsion que je tenais à souligner devant vous, dans un souci de transparence et afin de lui rendre les mérites qui sont les siens.
J’ai donc pris mes responsabilités, et les députés ont approuvé ce principe de pourcentages de nominations, de quotas de femmes dans les nominations aux plus hautes responsabilités dans les trois versants de la fonction publique.
Cette décision s’inspire de la loi Copé-Zimmermann, issue d’une proposition de loi présentée par ces deux députés. Je n’étais pas a priori très enthousiaste sur cette idée, mais je constate qu’elle a produit ses effets. Si on s’en était tenu aux circulaires, et certaines ont été portées avec beaucoup d’engagement – je me souviens d’une circulaire du gouvernement Jospin –, les choses n’auraient pas évolué.
J’ai bien conscience, mesdames, messieurs les sénateurs, du caractère novateur et contraignant de ces dispositions visant à imposer des quotas de nominations. Même si j’ai lu ici ou là dans la presse que ce n’était pas assez, pour ma part, je n’hésite pas à les qualifier de véritable révolution dans la gestion de la haute fonction publique. Je tiens à le dire comme je le pense !
À cet égard, je remercie le Sénat, qui, après que le débat se fut poursuivi à l’Assemblée nationale, a accepté en commission mixte paritaire de retenir cette proposition. Ainsi, les quotas de femmes dans les flux de nominations s’élèveront progressivement d’ici à 2018, jusqu’à atteindre un taux d’au moins 40 %.
Là où les circulaires, je le redis, ont échoué à faire changer les mentalités, il nous appartient désormais de prendre des mesures fortes et ambitieuses ; c’est tout le sens du mécanisme qu’il vous est proposé d’adopter.
J’ajoute que les mesures figurant dans le projet de loi en faveur d’un égal accès des femmes et des hommes aux postes à responsabilité permettront aussi une meilleure représentation de chacun des deux sexes dans les jurys de concours ou de recrutement – ce n’est pas anecdotique – ainsi que dans les instances paritaires. En outre, la mesure Copé-Zimmermann, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, s’imposera également – si le projet de loi est définitivement adopté – dans les conseils d’administration des établissements publics administratifs.
Au final, le chapitre consacré à l’égalité professionnelle est particulièrement dense, solide et, une fois encore, ambitieux.
Nous avons également beaucoup avancé en ce qui concerne les centres de gestion de la fonction publique territoriale, sujet qui tenait particulièrement à cœur au Sénat. À cet égard, je veux saluer, comme vous l’avez fait, le travail effectué notamment sur ce point par MM. Hugues Portelli, Jean-Pierre Vial et Michel Delebarre, pour améliorer le dispositif. La commission mixte paritaire a confirmé les termes du compromis qui avait été acté avec vous, et ce conformément aux conclusions du groupe de travail que j’avais mis en place au ministère de la fonction publique, à la suite de l’engagement pris devant votre Haute Assemblée. Par conséquent, monsieur le président de la commission des lois, cet engagement a été tenu !
Les points de vue de l’Assemblée nationale et du Sénat ont pu se rapprocher, pour aboutir à des évolutions que je qualifie, là aussi, de très importantes. D’ailleurs, depuis que ces dispositions ont été introduites, les centres de gestion – monsieur Portelli, vous pouvez en témoigner – ont salué le travail que nous avons réalisé ensemble.
C’est pour moi l’occasion de saluer une nouvelle fois l’esprit de convergence qui a prévalu dans la recherche de solutions.
S’agissant de la réforme de l’encadrement supérieur, qui n’est pas anecdotique, je me suis rendu à Brest afin de rencontrer les cadres de la fonction publique territoriale, qui attendaient cette réforme. Celle-ci sera désormais actée si le présent texte est définitivement adopté.
Le débat qui s’est déroulé sur le statut des collaborateurs des groupes d’élus au sein des collectivités territoriales a été dense.
La réforme des moyens syndicaux n’a pas été une réforme mineure, car elle visait à permettre aux syndicats et à la démocratie sociale de s’exprimer sur la base de la représentativité, tout en assurant la transparence quant à l’utilisation des moyens. Il s’agit aussi d’une grande avancée, qui sécurise le dialogue social en même temps qu’elle crée une responsabilité dans la mesure où il s’agit de moyens publics. C’est sous cet engagement de responsabilité partagée que nous avons pu aboutir à un accord.
La loi, je vous le rappelle, ne concerne que la fonction publique territoriale, les moyens mis à disposition de la fonction publique d’État et de la fonction publique hospitalière relevant, comme vous le savez, du décret. Celui-ci a d’ailleurs été publié, madame le rapporteur, pour la fonction publique d’État.
Donc, ma détermination est grande et celle du Gouvernement réelle, afin que nous puissions appliquer très rapidement la loi si elle est votée, comme vous en avez vous aussi exprimé le vœu.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en dépit de l’inflation qui a marqué le présent texte, j’ai compris que, du fait de sa proximité avec les grandes échéances électorales à venir, tout le monde y a trouvé un intérêt tout à fait particulier, y compris le Parlement. Ainsi, s’agissant des juridictions administratives et financières, le débat a été amorcé, et vous aurez noté, monsieur le président de la commission, que je n’ai pas ménagé mes forces pour parvenir à la convergence sur ce point, à tel point que le Gouvernement a pris la décision de ne proposer aucun amendement après la commission mixte paritaire.