Qu’il me soit permis, en cet instant, de rappeler que les essais nucléaires ont été acceptés et assumés, depuis, par les présidents de la République successifs. C’est d’ailleurs non pas durant le mandat du général de Gaulle qu’ont eu lieu le plus grand nombre d’essais, mais sous l’autorité du président Mitterrand : quatre-vingt-huit essais nucléaires ont alors été effectués en Polynésie.
Doit-on reprocher ces essais nucléaires au président Pompidou, au président Giscard d’Estaing, au président Mitterrand, au président Chirac, lequel a d’ailleurs, après avoir fait procéder à six essais, pris l’initiative d’y mettre fin ? Non, car il était absolument nécessaire de donner à notre pays les moyens de son indépendance et de sa sécurité.
Le résultat a-t-il été atteint ? Je le pense. Je suis convaincu que, si la Guerre froide ne s’est jamais traduite, en particulier pour l’Europe occidentale, par une guerre ouverte, à l’époque où, comme l’a déclaré le général de Gaulle, l’armée soviétique était stationnée à une étape de Tour de France de la ville de Strasbourg, c’est sans doute parce que la dissuasion d’ensemble, à laquelle notre pays a participé, a fonctionné.
Monsieur Tuheiava, vous allez me dire que votre proposition de loi reconnaît cette réalité, mais constate que la Polynésie en fait aujourd'hui les frais. Certes, nous pourrions revenir sur le débat de 1964 – après tout, c’était voilà seulement quarante-cinq ans –, mais tel n’est pas l’objet de la présente discussion. Notre volonté commune est d’apporter la sécurité aux habitants de la Polynésie et de leur donner la certitude que leurs territoires ne sont en aucun cas dangereux pour eux. Elle est aussi de nous assurer que ces atolls ne pourront pas servir de réservoir d’informations ou d’opportunités techniques pour des partenaires prêts à utiliser avec malveillance les données que ces théâtres d’expériences recèlent à l’évidence.
Nous pensons profondément que la protection des atolls de Moruroa – et non de Mururoa, j’en prends acte, monsieur le sénateur – et de Fangataufa est une mission régalienne de l’État, au titre de la dissuasion nucléaire. C’est là une garantie pour les habitants de la Polynésie. L’autorité de la République française, la mobilisation et l’écoute de 64 millions de Français, attentifs, tous, à la sécurité nucléaire, qu’elle soit civile ou militaire, me paraissent constituer une garantie extrêmement forte.
Ne pensez donc pas un seul instant que notre pays a oublié ces deux atolls. Nous avons pour ces territoires les mêmes préoccupations en termes de sécurité civile et militaire que pour le reste du territoire national, préoccupations partagées par tous nos compatriotes. En effet, nous savons ce que nous devons à la dissuasion en termes d’autorité et d’indépendance, mais également ce que nous devons au nucléaire civil, et nous en acceptons toutes les contraintes.