Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 18 janvier 2012 à 14h30
Conséquences environnementales des essais nucléaires français en polynésie française — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Gérard Longuet, ministre :

Signataire du traité de non-prolifération, la France s’est engagée à lutter contre la prolifération nucléaire. J’ai présenté ici même, l’après-midi de ma prise de fonction en tant que ministre de la défense, le projet de loi relatif à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, dont font naturellement partie les armes nucléaires. Ce projet de loi a été voté, je le souligne, à l’unanimité.

C’est au nom de la lutte contre la prolifération, afin d’éviter que des interventions extérieures sur ces sites d’essai puissent servir à d’autres puissances, que nous avons décidé d’assumer totalement le contrôle de ces deux atolls. Telle est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas accepter votre proposition de loi, monsieur le sénateur.

Pour autant, sommes-nous indifférents à votre inquiétude ? La réponse est non, parce que votre inquiétude est légitime : nous la comprenons. C'est la raison pour laquelle il y a en France des comités d’information, qui sont là pour établir le dialogue. À cet égard, je voudrais vous convaincre que ce dialogue n’a jamais été rompu et qu’il a toujours été utile.

En juin 1996, au moment même où nous signions le traité de non-prolifération, une mission d’experts internationaux, sous l’égide de l’AIEA, l’Agence internationale de l’énergie atomique, s’est rendue sur place pour étudier, mesurer, préciser la situation radiologique de ces atolls. Permettez-moi de vous citer sa conclusion principale : « Étant donné les niveaux d’activité mesurés et prévus de radionucléides et les faibles niveaux de doses estimés pour le présent et pour l’avenir, et compte tenu des recommandations internationales, l’étude a permis de conclure qu’aucune mesure corrective n’est nécessaire à Mururoa et à Fangataufa pour des raisons de protection radiologique, que ce soit maintenant ou à l’avenir. »

De plus, l’instrumentation – c'est-à-dire la mise en place d’instruments appropriés – des atolls sous surveillance géomécanique a été mise en œuvre en suivant les recommandations d’une expertise de la Commission géomécanique internationale, la CGI, en 1998, soit deux ans à peine après la signature du traité, réalisée sous la direction du professeur Fairhust et intitulée Underground nuclear testing in French Polynesia.

Les atolls de Moruroa et Fangataufa font aujourd’hui l’objet d’une surveillance radiologique et géomécanique minutieuse et permanente par le département de suivi des centres d’expérimentations nucléaires, sous le contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense, dont vous connaissez l’indépendance. C’est M. Dupraz, grand spécialiste de l’énergie nucléaire, à laquelle il a consacré sa vie au sein d’EDF, qui est aujourd'hui responsable de cette mission. La végétation, les poissons, l’eau : chaque élément est analysé pour s’assurer que la situation est saine.

J’ajoute que la France s’est efforcée de répondre aux habitants de ces atolls, en tout cas des atolls voisins, puisqu’on m’a indiqué – mais ce point mériterait d’être précisé – que l’atoll de Moruroa n’était plus habité de façon permanente depuis 1906. Quant à l’atoll de Fangataufa, il n’a, me semble-t-il, jamais été habité. Je rappelle que la décision de procéder à des essais nucléaires a été prise en 1964 et que ceux-ci ont commencé un peu plus tard.

Quoi qu'il en soit, après plus de quarante années d’attente, l’actuelle majorité nationale a adopté un texte, la loi du 5 janvier 2010, obligeant l’État à assumer ses responsabilités vis-à-vis de ceux qui souffrent dans leur chair. Cette loi – je rends hommage à son rapporteur, Marcel-Pierre Cléach, qui ne pouvait malheureusement être présent cet après-midi –, fruit d’un long travail méthodique, collectif et transparent, qui a associé les médecins spécialistes, les associations, les industriels du nucléaire et, naturellement, les parlementaires de toutes sensibilités, reconnaît et indemnise les victimes des essais nucléaires, au terme d’un processus scientifique et médical, avec un dispositif juste et rigoureux.

Ce dispositif, je vous en donne acte, monsieur le rapporteur, peut en effet évoluer puisque le décret d’application de la loi relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est de nouveau sur le métier.

À la suite de la première réunion du CIVEN, nous nous sommes efforcés de faire en sorte que le champ des indemnisations mis en place par le décret soit plus ouvert et offre plus de possibilités. Le texte fait actuellement l’objet d’un arbitrage interministériel. Il est raisonnable de penser qu’il sera accepté. Il devrait contribuer à ce que les dossiers qui restaient « bloqués » en Polynésie par ceux qui contestent la loi ne le soient plus ; en tout cas, je l’espère profondément.

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