Intervention de Henri Tandonnet

Réunion du 18 janvier 2012 à 14h30
Conséquences environnementales des essais nucléaires français en polynésie française — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Henri TandonnetHenri Tandonnet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la Seconde Guerre mondiale, la possession de l’arme nucléaire a constitué, sous l’impulsion du général de Gaulle, une priorité pour l’indépendance de notre défense. Après le désert du Sahara, les atolls de Moruroa et de Fangataufa, en Polynésie française, furent le théâtre des cent quatre-vingt-treize essais nucléaires effectués entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996. Les territoires concernés en ont été fortement marqués.

Ces îles polynésiennes avaient déjà fait l’objet de toutes les attentions lorsque, entre 2009 et 2010, le Parlement avait examiné le projet de loi relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Je rappelle qu’étaient concernés, pour la Polynésie, quelque 4 000 civils et militaires ayant travaillé sur les sites nucléaires de 1966 à 1996.

Depuis maintenant quinze ans, la France ne procède plus à des expérimentations d’armes nucléaires en Polynésie française. Cependant, l’évaluation environnementale n’avait, jusqu’à présent, pas fait l’objet de la discussion d’un texte au Parlement.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a deux objets : elle prévoit la rétrocession par la France des atolls de Moruroa et de Fangataufa au domaine public polynésien et elle établit la responsabilité de notre pays quant à la surveillance écologique et aux éventuels travaux de dépollution des sites.

En effet, la présence de matières radioactives est certaine et les conséquences sur l’environnement ne sont pas encore aujourd’hui bien connues. Devant l’absence de certitudes quant la détérioration du milieu causée par les expérimentations nucléaires, la surveillance radiologique et géomécanique s’impose, notamment afin de prévenir les risques de dommages graves, voire irréversibles. Cette surveillance a cependant un coût et nécessite la mobilisation de moyens tant humains – c'est-à-dire, surtout, des compétences – que matériels. La question ne se pose donc pas de savoir à qui échoit la charge de ce suivi : la France doit assumer cette responsabilité.

L’objectif de la réparation et du suivi des dommages environnementaux par la France est donc tout à fait prioritaire pour les générations futures de la Polynésie française, et ce territoire a toute légitimité à exercer un droit de regard.

En ce qui concerne la rétrocession des atolls, les parlementaires que nous sommes ne devraient pas avoir à interférer a posteriori dans un contrat public qui est parfaitement clair sur cette question. Il est même anormal d’avoir recours à la loi pour faire respecter un engagement contractuel de l’État. Je vous livrerai cependant mon avis sur cette question de la rétrocession des atolls de Moruroa et de Fangataufa : je trouve peu raisonnable de dissocier la propriété d’un territoire de la responsabilité qui en découle.

En l’espèce, la proposition de loi qui nous est soumise présente un caractère paradoxal.

D’un côté, la collectivité de Polynésie redevient propriétaire des territoires rétrocédés, ce qui me semble normal au vu de la clause spéciale incluse dans la délibération du 6 février 1964. Néanmoins, on ne savait pas, à l’époque, que ces territoires seraient si durablement pollués. Il s’agit donc d’un retour impossible : comment rétrocéder ces atolls pour une éventuelle utilisation alors que l’on ne maîtrise pas les effets des essais nucléaires ?

De l’autre côté, la responsabilité de la dépollution et de la surveillance des conséquences environnementales des essais nucléaires est confiée à l’État : il n’y a pas d’autre solution. Mais il est nécessaire, aussi, que la Polynésie ait connaissance en toute transparence de l’état des lieux et de leur évolution, ce que le texte prévoit et que nous approuvons.

Logiquement, il faudrait que l’État, seul responsable, assume la dépollution et la surveillance géologique des îles, mais il faudrait également reporter la rétrocession de ces territoires jusqu’à ce que leur stabilité environnementale soit acquise, afin d’éviter des situations conflictuelles liées à l’usage qui en serait fait. À l’heure actuelle, il me semble prématuré de réaliser ce transfert. Pour reprendre l’image de Richard Tuheiava, je dirai que les deux fils ne sont pas, aujourd'hui, en mesure de rejoindre la table familiale !

En conclusion, je souhaite rappeler le caractère légitime des mesures environnementales de ce texte. Cependant, eu égard à toutes les réserves que je viens d’émettre au sujet des conséquences du transfert de propriété, le groupe de l’Union centriste et républicaine a décidé de s’abstenir.

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