Intervention de Raymond Vall

Réunion du 18 janvier 2012 à 14h30
Conséquences environnementales des essais nucléaires français en polynésie française — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Raymond VallRaymond Vall :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est dans le contexte de la guerre froide que plusieurs pays se sont employés à affirmer leur puissance militaire et à garantir leur indépendance par la possession de l’arme atomique.

La France a voulu tenir son rang. En procédant à 210 essais nucléaires entre 1960 et 1996, sur les sites sahariens de l’Algérie, dans un premier temps, puis en Polynésie française, notre pays a fait le choix stratégique de la politique de dissuasion nucléaire.

Le programme d’acquisition de l’arme nucléaire, initié en 1954 par Pierre Mendès France, sera poursuivi sous tous les gouvernements de la Ve République, avec le soutien d’ailleurs de toutes les forces politiques de notre pays.

Ce partage des responsabilités d’hier n’exonère personne, aujourd’hui, du devoir de reconnaissance des conséquences des essais nucléaires français. Il faut cependant pouvoir trouver sur ce terrain, au-delà des clivages politiques, la voie la plus constructive et la plus consensuelle pour répondre aux attentes légitimes de nos compatriotes qui vivent ou qui ont vécu dans les zones d’essai.

Une première étape a été franchie avec l’adoption de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. À cet égard, même si ce n’est pas à proprement parler l’objet de la proposition de loi, je rappellerai, monsieur le ministre, que nous étions nombreux dans cette assemblée à avoir pointé à l’époque les limites d’un texte élaboré pour restreindre l’accès à l’indemnisation des personnes souffrant d’une maladie radio-induite.

Comme Roland Courteau l’a très justement souligné dans son excellent rapport, 632 dossiers ont été déposés, mais il semble que, parmi les dossiers traités, seuls deux aient donné lieu à un avis favorable d’indemnisation de la part du ministre.

Ce constat ne favorise pas l’instauration d’un climat de confiance entre l’État français et les victimes des essais ou leurs représentants. C’est dommage, car c’est sur la base de cette relation de confiance qu’il nous faudrait pourtant aborder la question des conséquences environnementales des essais nucléaires en Polynésie française.

La proposition de loi de Richard Tuheiava formule cette exigence de transparence. Notre collègue a en particulier souligné l’opacité du dispositif de surveillance radiologique et géomécanique des deux atolls de Moruroa et Fangataufa.

Il ne nous revient pas ici de délivrer des certificats de bonne foi.

Un suivi des conséquences environnementales des essais nucléaires a été instauré par l’État, par le biais du département de suivi des centres d’expérimentations nucléaires, le DSCEN.

On peut comprendre que cet instrument, placé sous votre autorité, monsieur le ministre, puisse être regardé comme juge et partie. Cependant, on peut aussi reconnaître que l’appel ponctuel à des expertises internationales, comme l’Agence internationale de l’énergie atomique ou la Commission internationale de géomécanique, est un signe de bonne volonté.

Malgré cela, les Polynésiens et les élus qui les représentent attendent davantage. Les membres du RDSE partagent leurs préoccupations, qui ne sont pas d’ailleurs seulement d’ordre environnemental. Il s’agit en effet pour eux de se réapproprier une histoire teintée d’un sentiment de fierté tiré de la participation à l’effort de défense nationale, mais qui présente aussi une dimension douloureuse liée aux conséquences sanitaires des essais.

Il est donc important de contribuer à cette réappropriation dès lors qu’elle s’inscrit dans une démarche soucieuse de fédérer à la fois les intérêts de l’État et ceux des Polynésiens. Je crois que c’est l’esprit de cette proposition de loi et, même si l’on doit être attentif à l’articulation des dispositifs qu’elle contient avec le cadre législatif existant, il faut reconnaître qu’il s’agit là d’un argument difficilement opposable eu égard à la portée symbolique de cette réappropriation et au texte de loi accepté en son temps par l’État.

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