Enfin, le Sénat doit s’inquiéter de la politique du Gouvernement visant à miner la relation entre l’État et ses territoires, dans une période où il faudrait au contraire susciter la confiance. C’est vrai surtout pour le soutien à la croissance et à l’économie, là où les collectivités locales jouent un rôle décisif.
Pour toutes ces raisons de fond, vous comprendrez, mes chers collègues, que la CMP ait échoué.
Cela étant, le Sénat aura apporté au texte définitif certaines dispositions utiles que je veux rappeler.
Dans le domaine de la fiscalité du patrimoine, nous avons permis deux avancées.
D’une part, nous avions proposé, à l’article 3 bis E, de déplafonner, en baissant le taux, les droits d’enregistrement en cas de cessions de parts de sociétés. Nous escomptions 930 millions d’euros de cette mesure. L’Assemblée nationale a repris à son compte l’idée du déplafonnement, mais a introduit un barème dégressif. Finalement, cette mesure devrait rapporter entre 150 et 200 millions d’euros.
D’autre part, nous avions proposé de maintenir à 1, 1 % le taux du droit de partage, qui devait brutalement doubler et passer à 2, 5 % au 1er janvier, afin de financer l’allègement massif de l’impôt sur la fortune. L’Assemblée nationale ne nous a pas suivis, mais elle a permis que les personnes en instance de divorce à la date de promulgation de la loi de finances rectificative de juillet se voient appliquer le taux de 1, 1 %, quelle que soit la date effective de leur divorce.
Dans le domaine de la fiscalité des entreprises, deux points sont également à signaler.
D’une part, l’initiative du Sénat concernant le régime des jeunes entreprises innovantes a été reprise par les députés dans le collectif budgétaire, dans une version certes atténuée.
D’autre part, la proposition de notre collègue David Assouline et de la commission de la culture tendant à créer, à l’article 5 bis G, une taxe sur les cessions de titres d’un éditeur de services de communication audiovisuelle a aussi été reprise, mais dans une version profondément modifiée par le Gouvernement.
Plusieurs initiatives du Sénat en faveur de l’outre-mer figurent également dans le texte définitif.
Ainsi, comme le préconisait notre collègue Georges Patient à l’article 5 quinquies, le régime de suspension de TVA pour les installations et matériels utilisés pour l’exploration du plateau continental est supprimé ; celui de l’exemption des droits de douane est en revanche maintenu.
Les exonérations sociales du bonus exceptionnel de 1 500 euros, que M. Paul Vergès souhaitait, à l’article 26 bis, proroger de trois ans, seront bien prorogées, mais seulement pour un an.
L’initiative de Georges Patient et du groupe socialiste destinée à régler, à l’article 52 octies, la question des agriculteurs exerçant sans titre en Guyane est reprise.
L’article 52 quinquies, introduit sur l’initiative de Serge Larcher et qui vise à remédier au détournement de procédure effectué par certaines entreprises jouant des niveaux de taxation différents entre la Guyane et la Martinique, a été retenu.
Plusieurs points sont aussi à relever dans le domaine de la fiscalité immobilière et du logement.
À l’article 41, un compromis a pu être trouvé entre la position initiale et la position du Sénat, exprimée après l’adoption d’un amendement de M. Vincent Eblé : le rabot du dispositif « Censi-Bouvard » prévu en 2012 sera assoupli pour certains logements en maintenant l’avantage fiscal au taux de 2012 pour les engagements immobiliers intervenus avant le 31 décembre 2012.
L’article 41 quater, issu d’une initiative de Thierry Repentin, qui prolonge de deux ans l’application d’un droit fixe de 125 euros au titre de la taxe de publicité foncière en faveur des organismes d’habitations à loyer modéré, sociétés anonymes de crédit immobilier et de leurs unions pour leurs acquisitions de logements conventionnés, a été retenu par l’Assemblée nationale.
À l’article 46 bis, s’agissant du prêt à taux zéro plus, ou PTZ+, les députés n’ont pas souhaité relever le montant de l’enveloppe « générationnelle » à 1, 2 milliard d’euros comme le souhaitait le Sénat, mais l’ont néanmoins portée de 800 à 840 millions d’euros. Ils ont en outre retenu la suggestion de notre collègue Thierry Repentin d’étendre le bénéfice du PTZ+ aux acquisitions de logements appartenant à un organisme d’HLM.
Enfin, il convient d’évoquer le débat sur les finances publiques, s’agissant notamment du dispositif de péréquation, sur lequel nos collègues François Marc et Pierre Jarlier avaient abondamment travaillé, à la suite de l’étude menée par le groupe de travail animé notamment par Charles Guené et Philippe Dallier sur le sujet.
Il me semble important de faire le point sur cette question, notamment pour ceux de nos collègues qui ne sont pas membres de la commission des finances.
L’Assemblée nationale a donné son accord au principe introduit par le Sénat d’un « indicateur de ressources élargi », qui résultait d’une proposition du groupe de travail de la commission des finances.
L’Assemblée nationale a retenu le principe d’un rapport annuel sur l’évolution des mécanismes de péréquation ; elle a en outre conservé certains des apports du Sénat quant à la définition du fonctionnement du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, à partir des contributions de nos rapporteurs François Marc et Pierre Jarlier.
Les députés ont notamment supprimé les strates au profit du système de prélèvement logarithmique introduit par la commission des finances, qui gomme les effets de seuil ; ils ont également exclu les 150 premières communes éligibles à la DSU-cible de tout prélèvement et réduit de 50 % le prélèvement des 100 communes suivantes qui sont éligibles à cette dotation – rappelons que le Sénat avait adopté un amendement du groupe socialiste visant à exonérer toutes les communes éligibles à la DSU-cible et à la DSR-cible.
Les députés ont également repris la modification de la pondération des critères de reversement adoptée par le Sénat à la suite d’un amendement de Pierre Jarlier, en majorant à 60 % le critère du revenu par habitant – les critères de l’effort fiscal et du potentiel financier étant pondérés à 20 % chacun.
L’effort fiscal pris en compte dans les reversements a été déplafonné, alors que le Sénat avait proposé de relever le plafond de 0, 9 à 1 par un amendement de la commission des finances.
L’Assemblée nationale a également conservé la disposition introduite par un amendement du président Philippe Marini, qui vise à exclure de tout reversement les collectivités dont l’effort fiscal est inférieur à 0, 5.
La répartition des prélèvements et des reversements s’effectuera en fonction des potentiels et non des produits fiscaux, comme l’a voté le Sénat en adoptant un amendement de la commission des finances.
Enfin, la clause de revoyure que nous proposions est maintenue, même si la date de remise du rapport du Gouvernement est reportée du 1er septembre au 1er octobre 2012.
Les deux autres modifications adoptées par le Sénat ont été rejetées : le plafonnement des prélèvements au titre du FPIC et du Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, le FSRIF, a été abaissé de 15 % à 10 % du potentiel fiscal et le revenu par habitant ne sera pas pondéré par le coût du loyer dans chaque région.
Enfin, à l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a proposé de nouvelles modifications au mécanisme du FPIC : son montant est réduit à 150 millions d’euros en 2012 et n’atteindra 2 % des recettes fiscales du bloc communal qu’en 2016.
Par ailleurs, le nombre d’ensembles intercommunaux éligibles aux reversements est porté de la moitié à 60 % du total du nombre total de ces ensembles.
Les établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, pourront, à la majorité qualifiée, modifier les modalités de prélèvement et de reversement des montants du FPIC entre l’EPCI et les communes membres, en prenant en compte les écarts de revenu par habitant et les insuffisances de ressources de chaque commune.
Si j’ai énuméré les apports auxquels le Sénat tenait et qui, pour partie seulement, ont été repris par l’Assemblée nationale, c’est parce que, madame la ministre, je réfute, et la majorité sénatoriale avec moi, ce que vous dites à l’envi, à savoir que le travail de cette majorité aura été purement virtuel. Ce n’est pas vrai, raison pour laquelle j’ai tenu à procéder à cette énumération sans doute fastidieuse, mais qui servira à l’information de nos grands électeurs.
La navette a été utile, puisqu’elle a permis de faire évoluer l’Assemblée nationale sur certains points, dont je concède toutefois qu’ils sont trop rares.
Cependant, la commission des finances a jugé qu’une nouvelle navette ne serait pas de nature à faire évoluer les positions, même si le Sénat rétablissait son texte à l’occasion de cette nouvelle lecture.
Elle a donc choisi de proposer au Sénat d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable sur le dernier projet de loi de finances initiale présenté par la majorité sortante.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le début de nos débats, tant en commission qu’en séance, nous avons dressé le bilan de cette majorité sortante : le constat d’échec est patent !