Intervention de Bruno Gilles

Réunion du 23 janvier 2012 à 15h00
Répression de la contestation de l'existence des génocides — Adoption définitive d'une proposition de loi

Photo de Bruno GillesBruno Gilles :

Ces faits sont assez communément admis. Ils étaient d’ailleurs reconnus officiellement par une douzaine d’États, par le Parlement européen et par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avant que la loi de janvier 2001 n’ajoute à la liste la reconnaissance officielle de la France.

Une nouvelle proposition de loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi vient d’être votée, le 22 décembre 2011, à l’Assemblée nationale, sur l’initiative de notre collègue députée, Valérie Boyer, et le Sénat est aujourd'hui appelé à l’adopter. Actuellement, ce texte concerne le seul génocide arménien.

Mes chers collègues, il ne s’agit pas, pour nous, de dire l’Histoire. La France, qui reconnaît officiellement l’existence du génocide arménien depuis le mois de janvier 2001, ne le reconnaîtrait pas moins demain si la proposition de loi que nous examinons n’était pas votée.

Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est non pas la liberté des historiens, mais toute idéologie de haine et d’incitation à la violence fondée sur la manipulation et la contestation des faits généralement établis et reconnus officiellement par la loi.

Ainsi, le fait de contester ou de minimiser publiquement et de façon outrancière l’existence d’un ou plusieurs crimes de génocide défini à l’article 211-1 du code pénal, et reconnus comme tels par la loi française, sera constitutif, au titre de l’article 1er de la présente proposition de loi, d’une infraction modifiant la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Toute personne qui enfreindra ce principe par des discours, des écrits, des dessins, des affiches ou par voie électronique sera punie d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. En outre, le tribunal pourra ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision de condamnation.

L’article 2 donne la possibilité à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et qui se propose, par ses statuts, de défendre les intérêts moraux et l’honneur des victimes de génocide, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de crimes ou délits de collaboration avec l’ennemi d’exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne la nouvelle infraction créée par l’article 1er.

Nous avons légiféré sur deux génocides, la Shoah et le génocide arménien. Le premier a été assorti d’un dispositif pénal, l’autre non. Cette hiérarchie de génocide est insupportable en raison de la discrimination qu’elle opère entre les victimes et à l’égard de notre conscience. Pouvons-nous admettre que soit instaurée une graduation dans la reconnaissance de semblables tragédies, dans notre compassion, selon tel ou tel génocide, et dans la condamnation de leur négation ? Comme l’a d’ailleurs très justement signalé notre collègue François Zocchetto en commission des lois, « un événement est un génocide ou il ne l’est pas ».

Il ne serait pas compréhensible que, après avoir affirmé certaines valeurs à l’occasion de l’adoption de la loi de 2001, nous renoncions aujourd'hui à sanctionner ceux qui ne les respectent pas.

Même s’il existe un risque d’inconstitutionnalité pour les raisons évoquées, je n’en estime pas moins que nous devons laisser le processus législatif aller à son terme.

Prôner une telle position, contrairement à ce que diffusent certains lobbies et aux pressions que nous subissons depuis plusieurs semaines, ce n’est pas s’ériger contre un État ou contre un peuple. D’ailleurs, l’État et le peuple turcs d’aujourd’hui ne sont en rien responsables d’une tragédie à laquelle ils n’ont pas participé.

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