Intervention de Frédéric Mitterrand

Réunion du 13 février 2012 à 15h00
Exploitation numérique des livres indisponibles du xxe siècle — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, madame la rapporteur, monsieur le vice-président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis d’être aujourd’hui devant vous pour exprimer le plein soutien du Gouvernement au texte de la proposition de loi relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle, tel qu’élaboré par la commission mixte paritaire.

Il n’est nul besoin, à ce stade, d’insister sur l’importance culturelle et patrimoniale considérable de cette loi, qui permettra de redonner vie, par une nouvelle exploitation numérique, à une grande partie de la production éditoriale française du XXe siècle, devenue difficilement accessible.

Ce texte s’inscrit ainsi dans la parfaite continuité des objectifs visés par mon ministère : développer une offre légale abondante de contenus culturels accessibles en ligne dans des conditions respectueuses du droit d’auteur, en saisissant les occasions inédites de diffusion de la connaissance et de la création offertes par les nouvelles technologies, et encourager le développement durable du marché du livre numérique, afin de répondre à la forte demande du public d’un accès à la culture sur internet.

Je tiens donc à saluer le dialogue extrêmement constructif qui s’est engagé entre les différentes sensibilités sur cette proposition de loi. Cet esprit de conciliation et d’ouverture a permis aboutir, au terme de la commission mixte paritaire, à un texte d’équilibre, qui satisfait aussi bien les auteurs et les éditeurs que nos concitoyens lecteurs.

Je remercie de son initiative M. Jacques Legendre, qui fut à l’origine du dépôt de cette proposition de loi et a participé à nos travaux et débats avec la plus grande attention, ainsi bien sûr que Mme la rapporteur, pour le très important travail qu’elle a accompli dans un délai restreint.

Pour le Gouvernement, ce texte est exemplaire de notre capacité à faire vivre les principes du droit d’auteur à l’ère numérique, dans un contexte consensuel, afin de favoriser la diffusion des œuvres et le développement d’une économie numérique de la créativité et de l’innovation.

Bien sûr, la France a joué un rôle de précurseur en Europe pour l’élaboration de politiques publiques de numérisation, fondées sur une intervention volontariste des États. Elle a alloué des fonds importants à des programmes de numérisation des imprimés du domaine public et des collections les plus contemporaines.

Par l’établissement d’une gestion collective des droits numériques pour les œuvres indisponibles du XXe siècle, la présente proposition de loi permettra de résoudre la difficulté principale, liée à la titularité des droits, qui faisait encore obstacle à la valorisation numérique d’une part considérable de notre patrimoine éditorial du XXe siècle, estimée à plus de 500 000 titres. Respectueux des droits des auteurs et des éditeurs, qui auront notamment la possibilité de se réapproprier leurs droits sur les œuvres indisponibles et de décider de leur exploitation numérique, ce texte préserve le principe essentiel consistant à placer les ayants droit au premier plan de la valorisation et de l’exploitation numérique des œuvres.

Nous savons que l’apport si novateur de cette proposition de loi réside également dans l’articulation entre une réforme du code de la propriété littéraire et un volet financier, lié aux investissements d’avenir, sous l’égide de M. René Ricol, le commissaire général à l’investissement. En effet, à elle seule, la gestion collective des droits ne suffit pas à garantir l’accès à ce corpus ; encore faut-il que les livres puissent être numérisés. Comme le nombre de références se compte en centaines de milliers, l’entreprise de numérisation est de niveau industriel et exige donc des moyens financiers et humains qui dépassent la capacité de nos acteurs économiques nationaux, fussent-ils de la taille de nos grands groupes d’édition.

La bonne approche pour numériser et diffuser ce corpus est donc de recourir à des partenariats public-privé, auxquels les investissements d’avenir fournissent un cadre adapté. C’est tout le sens de l’accord trouvé entre toutes les parties prenantes – auteurs, éditeurs, Bibliothèque nationale de France, ministère de la culture et de la communication, Commissariat général à l’investissement – afin d’assurer la viabilité économique et financière de l’entreprise sur le long terme.

Ici même, au Sénat, des débats très intéressants se sont tenus sur la place qu’il convenait de réserver aux bibliothèques publiques dans ce dispositif. Je me réjouis, pour ma part, qu’une telle proposition de loi donne un rôle central à la Bibliothèque nationale de France, qui est la cheville ouvrière de celui-ci. À l’heure où la constitution de vastes bibliothèques numériques devient un enjeu culturel de première importance, notre grande institution nationale trouve là un moyen de prendre une avance considérable en la matière.

Plus largement, par la résurrection d’un corpus de livres jusque-là indisponibles, cette proposition de loi confortera l’action bénéfique des bibliothèques en faveur de la lecture publique. Elle favorisera le développement d’offres attractives par les éditeurs, permettant ainsi les usages collectifs qui sont au cœur des missions de ces institutions. Les possibilités nouvelles offertes, dont la commission mixte paritaire a souhaité ouvrir le bénéfice aux lecteurs « abonnés » des bibliothèques publiques pour la diffusion de certaines œuvres orphelines, répondent, me semble-t-il, à la même préoccupation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je retrouve dans vos débats et travaux le même esprit positif qui a présidé depuis deux ans, de manière tout à fait remarquable, aux discussions entre auteurs et éditeurs. Cela explique que ce texte fasse aujourd’hui consensus entre ces parties et soit très attendu.

Vous l’aurez compris, le Gouvernement est en complet accord avec cette proposition de loi dans sa version issue de la commission mixte paritaire, qui recueille donc mon plein soutien. §

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