Intervention de Jacques Legendre

Réunion du 13 février 2012 à 15h00
Exploitation numérique des livres indisponibles du xxe siècle — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Jacques LegendreJacques Legendre :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, aujourd'hui s’achève le parcours parlementaire d’une proposition de loi que j’ai eu l’honneur de déposer sur le bureau du Sénat, M. Hervé Gaymard ayant déposé un texte identique à l’Assemblée nationale.

Il s'agit de permettre la numérisation des livres du XXe siècle, sujet qui soulève parfois des problèmes juridiques difficiles. Cette démarche était nécessaire pour élargir l’accès de tous à la littérature et garder vivante notre littérature du XXe siècle. En effet, les œuvres de cette période, contrairement à celles du XXIe siècle, sont couvertes par des contrats d’éditeur ne comportant aucune mention relative à leur éventuelle numérisation. En outre, contrairement aux œuvres plus anciennes qui font l’objet d’une campagne de numérisation menée sous l’égide de la BNF, elles ne sont pas encore tombées dans le domaine public et ne peuvent donc être exploitées numériquement sans autorisation. Certaines d’entre elles ne sont plus éditées, pour des raisons de rentabilité : on ne les trouve donc plus, si ce n’est parfois dans des bibliothèques ou sur le marché des livres d’occasion. On compte ainsi 500 000 œuvres auxquelles le public n’a pas accès, soit l’équivalent du nombre de livres figurant aujourd’hui aux catalogues des éditeurs.

Alors que nous jouons un rôle moteur en Europe dans le domaine de la numérisation des livres, nous ne pouvons priver nos bibliothèques virtuelles de la production éditoriale du XXe siècle. Nous devons donc adapter notre droit à la modernité, et nous souhaitons le faire en gardant comme priorité la protection des droits des auteurs et des éditeurs, tout en permettant l’accès de chacun à des textes parmi les plus vivants de notre littérature.

Le dispositif respecte entièrement la volonté des auteurs et éditeurs, ceux-ci ayant été associés à la réflexion qui a débouché sur la présente proposition de loi.

L’exercice des droits sera transféré à une société de gestion collective, gérée paritairement par des représentants des auteurs et des éditeurs. La rémunération des auteurs sera assurée en cas d’exploitation de l’œuvre. Au début du processus, pendant un délai de six mois, les auteurs et éditeurs pourront refuser cette exploitation collective et devront alors exploiter les droits eux-mêmes. S’ils font le choix de l’exploitation collective, leur droit de propriété n’en sera pas moins préservé : ils auront la possibilité de revenir sur leur décision à tout moment.

Le modèle économique retenu devrait permettre une numérisation rapide, notamment parce que celle-ci bénéficiera du programme des investissements d’avenir et de l’accord conclu entre le ministère de la culture, la BNF, la Société des gens de lettres, le Commissariat général à l’investissement et le Syndicat national de l’édition. Les œuvres indisponibles du XXe siècle pourront ainsi être mises à la disposition du public et commencer une nouvelle vie : c’est là tout l’objet de cette proposition de loi.

Je tiens à souligner que la réunion de la commission mixte paritaire, à laquelle j’ai participé, a permis de trouver un consensus sur les points de divergence entre le Sénat et l’Assemblée nationale. La CMP a tenu le plus grand compte de nos préoccupations.

En particulier, nous étions attentifs au rôle des bibliothèques en matière de développement de la lecture publique. Dans cet esprit, nous avons souhaité que, dans le respect du droit d’auteur, elles puissent exploiter à titre gratuit et non exclusif, sauf refus motivé opposé à leur demande par la société de perception et de répartition des droits, des œuvres dont elles détiendraient une édition particulièrement rare, pour les mettre à la disposition de leurs abonnés.

Grâce à cette proposition de loi, la France sera bientôt le premier pays au monde à disposer d’un mécanisme moderne et efficace pour régler la question des œuvres indisponibles.

Je tiens à remercier celles et ceux qui, par leur sens de l’écoute, ont permis la conclusion d’un accord entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Je salue tout particulièrement le rôle joué, à cet égard, par Mme Bariza Khiari. Le dialogue constructif qui s’est engagé entre les représentants des différentes sensibilités a permis d’aboutir à un dispositif équilibré, qui satisfera aussi bien les auteurs et les éditeurs que les lecteurs. C’est un texte important pour le rayonnement de la culture française, pour la démocratisation de la lecture et des joies qu’elle apporte, que nous allons adopter ce lundi : je ne peux que m’en réjouir ! Le numérique doit nous permettre de maintenir l’écrit au cœur de la culture. §

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