Intervention de Odette Herviaux

Réunion du 13 février 2012 à 15h00
Réforme des ports d'outre-mer — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Odette HerviauxOdette Herviaux, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 26 janvier dernier, la Haute Assemblée a adopté le projet de loi portant réforme des ports d’outre-mer, après avoir modifié le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale sur plusieurs points, mais sans remettre en cause les grandes orientations de cette réforme.

La commission mixte paritaire réunie le 1er février dernier pour examiner les dispositions du texte restant en discussion a abouti à un accord. Le texte issu de ses travaux constitue bien entendu un compromis. Nous aurions certes préféré que nos collègues députés reprennent à leur compte toutes les modifications introduites par la Haute Assemblée. Pour autant, la procédure parlementaire ne peut aboutir que si chaque chambre accepte de rapprocher son point de vue de celui de l’autre. À cet égard, je me réjouis donc que plusieurs dispositions d’origine sénatoriale aient été maintenues par la commission mixte paritaire.

Je souhaite, en préambule, souligner l’excellente atmosphère qui a régné au cours des travaux de la commission mixte paritaire, menés sous la houlette de M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, que je tiens à saluer, et du président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat, M. Daniel Raoul, que je remercie tout particulièrement du soutien appuyé qu’il m’a apporté tout au long de mes travaux.

Je souhaite également rendre hommage à mon homologue de l’Assemblée nationale, M. Daniel Fidelin, avec qui les échanges ont été francs et fructueux. Nous avons eu, cela ne surprendra personne, des désaccords sur certains aspects du texte, mais nous souhaitions tous les deux que cette réforme puisse aboutir le plus rapidement possible. L’ouverture d’esprit et le sens des responsabilités de chacun ont donc permis de parvenir à un accord.

Sans revenir aujourd’hui en détail sur le contenu du projet de loi, je présenterai les grandes lignes de l’accord obtenu en commission mixte paritaire.

Sur la réforme des ports d’outre-mer proprement dite, deux apports importants du Sénat ont été maintenus. Les deux dispositions concernées sont en lien direct avec la problématique des prix, particulièrement sensible dans nos outre-mer. Intimement liée à l’organisation portuaire, elle a en effet été à l’origine de la grave crise sociale de 2009.

D’une part, la CMP a maintenu une disposition introduite sur l’initiative de notre collègue Serge Larcher et des membres ultramarins du groupe socialiste du Sénat, prévoyant que le conseil de développement des futurs grands ports maritimes ultramarins comprendra au moins un représentant des consommateurs.

La présence de ces derniers au sein de cette instance, alors qu’ils sont absents, ce que je regrette, de celles des grands ports maritimes hexagonaux, permettra notamment de prendre en compte la problématique des prix dans la définition de la politique tarifaire des ports.

D’autre part, l’article 2 bis, introduit sur mon initiative, qui consacre l’existence des observatoires ultramarins des prix et des revenus et précise leur compétence en matière de transparence des coûts de passage portuaire, a été maintenu. La portée symbolique de cette disposition est, à mes yeux, très importante.

La CMP a également maintenu une modification introduite sur proposition de notre collègue Jacques Cornano, visant à préciser quelles collectivités territoriales seront consultées pour la désignation des personnalités qualifiées appelées à siéger au conseil de surveillance des futurs grands ports maritimes ultramarins.

D’autres dispositions insérées par la Haute Assemblée n’ont, en revanche, pas été retenues par la CMP.

Il en est ainsi de la modification de la composition du conseil de surveillance des grands ports maritimes ultramarins. Le Sénat avait notamment adopté une solution, à mon sens équilibrée, pour ce qui concerne le port de la Guadeloupe, lequel, je le rappelle, est réparti sur cinq sites différents. Cette solution permettait de renforcer la représentation des collectivités territoriales guadeloupéennes. À ce sujet, je regrette l’interprétation restrictive de l’article 73 de la Constitution faite par le Gouvernement et par les députés.

De même, sans surprise, les rapports sur la maîtrise des coûts et sur le port de Mayotte prévus par le Sénat ont été supprimés. Monsieur le ministre, cette suppression ne doit pas pour autant empêcher le Gouvernement de s’intéresser de près, en liaison avec le conseil général de Mayotte, à la situation du port de Longoni, qui doit faire face à des problématiques très spécifiques, même s’il ne s’agit pas d’un grand port maritime d’État.

Enfin, la CMP est revenue sur la disposition prévoyant que les membres du conseil de surveillance des futurs grands ports maritimes ultramarins seraient choisis, le cas échéant, au sein des structures existantes regroupant les professionnels.

Cette disposition visait plus particulièrement la Martinique, qui a, en quelque sorte, anticipé la réforme en instituant le comité de suivi et observatoire du port, le CSOP. Comme l’a indiqué notre collègue député Serge Letchimy au cours de la discussion en CMP, la suppression de cette disposition ne remet cependant en aucune manière en cause l’existence du CSOP, et donc les initiatives très intéressantes prises en Martinique.

Cette réforme est, comme je l’ai souligné au cours de notre discussion du 26 janvier dernier, essentielle pour nos outre-mer. Elle est très attendue par les acteurs locaux et apparaît globalement consensuelle. Je me réjouis donc qu’elle puisse, quatre ans après la réforme des ports hexagonaux, entrer en vigueur, d’autant que, au terme de la procédure parlementaire, le texte comporte plusieurs dispositions d’origine sénatoriale.

Comme je l’ai également indiqué lors de la première lecture, je souhaite, monsieur le ministre, que les préfigurateurs soient nommés le plus rapidement possible après la promulgation de ce texte.

Une nouvelle étape s’ouvrira en effet dans les prochaines semaines, marquée, dans trois des quatre ports relevant du champ du projet de loi, par les discussions relatives aux conditions du transfert des personnels des chambres de commerce et d’industrie et des services de l’État concernés. La nomination rapide de préfigurateurs permettra aux personnels, qui s’interrogent légitimement, de disposer d’un interlocuteur à même de répondre à leurs questions.

S’agissant du second volet du projet de loi, à savoir les six articles visant à prévoir la mise en œuvre, par voie d’ordonnances, de textes européens, la CMP a rétabli les dispositions que la Haute Assemblée avait supprimées.

Pour autant, députés et sénateurs ont fait part de leur agacement devant la méthode utilisée par le Gouvernement.

Monsieur le ministre, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat, ainsi que, je pense pouvoir l’affirmer, bon nombre de parlementaires de toutes sensibilités, jugent que les arguments utilisés pour justifier l’insertion de tels articles dans le texte ne sont pas recevables.

Il n’est par ailleurs plus acceptable que le Gouvernement excipe de l’urgence pour justifier la transposition de textes européens par voie d’ordonnances, alors que, très souvent, il est lui-même responsable du retard pris.

Ce texte constitue une nouvelle illustration des défaillances de sa méthode de transposition des textes européens. Dois-je rappeler que, en 2010, nos collègues Emorine, Bizet et Longuet avaient dû, en raison même de ces défaillances, déposer une proposition de loi afin d’accélérer la transcription en droit national de plusieurs textes européens ? Le rapporteur de l’Assemblée nationale lui-même a été particulièrement clair sur le sujet.

Pour autant, dans un esprit de responsabilité, afin de ne pas retarder la réforme des ports d’outre-mer et d’éviter à notre pays d’être condamné par la Cour de justice de l’Union européenne à payer des amendes importantes, la majorité sénatoriale ne s’est pas opposée au rétablissement de ces articles en CMP.

Néanmoins, monsieur le ministre, certaines questions de fond demeurent. Ainsi, je souhaite vous interroger, à la suite des débats qui se sont déroulés en CMP, sur l’article 8 du présent texte.

Au cours de nos travaux, de nombreuses personnalités ultramarines se sont inquiétées de l’inadaptation à la situation de nos outre-mer du dispositif de cet article, notamment en matière de formation des transporteurs routiers. Pouvez-vous nous confirmer que des adaptations seront bien prévues pour l’application de ces dispositions outre-mer ?

En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’espère que la Haute Assemblée adoptera à l’unanimité le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, lequel constitue sans aucun doute une avancée pour nos outre-mer et pour leurs ports, qui en sont le véritable poumon économique. En le votant, le Sénat marquera une fois encore son profond attachement à nos outre-mer. §

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