Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 13 février 2012 à 15h00
Réforme des ports d'outre-mer — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent texte, tel qu’il est issu des travaux de la commission mixte paritaire, ne concerne finalement qu’en partie la gouvernance des ports d’outre-mer. En effet, seuls deux articles portent sur l’adaptation de la réforme portuaire de 2008 et précisément sur la mise en place de nouvelles modalités de gouvernance des quatre ports ultramarins relevant de l’État. C’est bien peu au regard de l’enjeu !

Il était certes nécessaire, cela a été dit à plusieurs reprises, de réformer la gouvernance de ces ports, mais cette réforme est tardive et insuffisante. Elle ignore les enjeux d’un développement concerté des places portuaires, créateur d’emplois, respectueux de l’environnement et moteur de l’économie locale. Une telle réforme serait pourtant nécessaire !

Quant à la méthode employée par le Gouvernement, qui passe outre les compétences du Parlement pour légiférer par voie d’ordonnances, elle est inacceptable.

Nos départements d’outre-mer sont, pour la plupart, confrontés au défi de l’insularité. Comme le précise l’étude d’impact du projet de loi : « Chaque installation portuaire d’outre-mer se trouve en position de monopole pour l’approvisionnement de l’île. »

Il est évident que chaque place portuaire a ses spécificités. Néanmoins, des difficultés communes demeurent, liées, d’une part, à la dépendance des départements d’outre-mer à l’égard de l’Hexagone pour les produits de consommation courante, comme pour les matières premières et l’énergie, et, d’autre part, à la faiblesse de l’exportation des produits locaux.

Le constat est clair : la gouvernance de ces ports est obsolète et leur organisation peu lisible. La direction bicéphale des ports concédés rend difficilement identifiables les responsabilités, tant par les salariés que par les usagers. Elle est aussi un facteur évident d’inefficacité, comme vous pourrez l’observer vous-même, monsieur le ministre.

La formule de la concession qui a prévalu jusqu’à présent, hormis pour le port autonome de la Guadeloupe, est aujourd’hui très largement contestée, à juste titre. Ainsi est-il aberrant que de nombreux concessionnaires aient pu utiliser les excédents de trésorerie des concessions portuaires dont ils avaient la charge pour financer d’autres activités, par exemple aéroportuaires. Ce faisant, ils ont gravement amputé les ressources nécessaires au développement de ces infrastructures. Sur ce point comme sur d’autres, l’État s’est une fois de plus désengagé. Ces ports d’outre-mer sont devenus de facto des « concessions autonomes » au sein desquelles les concessionnaires ont fait fi de leurs obligations, sans que l’État ne s’en offusque pour autant.

Si les carences de l’État en la matière sont évidentes, je tiens cependant à saluer le travail du Sénat sur ce texte, qui a permis d’obtenir plusieurs avancées.

Il renforce ainsi la représentation des consommateurs, qui pourront siéger au sein des conseils de développement de ces places portuaires.

Par ailleurs, avec la création d’un conseil interportuaire associant les collectivités et leurs groupements, une étape importante a été franchie. L’intégration des collectivités territoriales dans le développement de l’activité portuaire représente en effet une avancée fondamentale : il est essentiel que les procédures de concertation et de décision relatives aux aménagements envisagés dans ces territoires soient ouvertes au plus grand nombre.

Nous, écologistes, réaffirmons qu’il est nécessaire de penser une autre politique maritime, de penser les ports comme des outils d’un développement maîtrisé, durable et solidaire de nos territoires. Solidarité, complémentarité : ce sont pour nous des mots essentiels.

Il est évident que le développement du transport de marchandises par voie maritime constitue un atout et une nécessité dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique. Le fret maritime émet en effet cinquante fois moins de CO2 que l’aérien et douze fois moins que le routier. L’enjeu est bien là : investir dans le transport maritime, c’est assurer une alternative à la route.

Il était nécessaire de réformer la gouvernance de nos ports d’outre-mer et de mettre fin à la dualité de gestion État-chambres de commerce et d’industrie, qui existe dans trois des quatre ports concernés. Le présent texte le permet. Il est toutefois regrettable que cette réforme intervienne si tardivement et ne soit pas plus ambitieuse. Limiter une réforme portuaire à des évolutions de gouvernance, c’est insuffisant.

Le projet de loi présente trois lacunes, et non des moindres.

Premièrement, il y manque la réforme nécessaire de la manutention, à laquelle il faudra pourtant procéder. Nous serons attentifs, pour notre part, au respect des droits des différents salariés.

Deuxièmement, ce texte ne fait pas état de l’enjeu du transfert des personnels des chambres de commerce et d’industrie ainsi que des services de l’État vers ces nouveaux établissements publics.

Troisièmement, il passe sous silence la nécessité de mettre en place le projet stratégique de développement de ces places portuaires et d’y associer un plan d’investissement.

Nous sommes encore loin d’une réelle réforme portuaire globale qui prenne en compte les enjeux tant économiques et sociaux qu’environnementaux.

J’en viens maintenant à votre méthode de gouvernance, monsieur le ministre.

La commission mixte paritaire est parvenue à un accord, ce qui était nécessaire, mais la réintégration de plusieurs articles visant à permettre au Gouvernement de prendre par voie d’ordonnances les mesures législatives relatives à la mise en œuvre de six textes communautaires pose problème. Certaines directives, qui datent de 2002, auraient dû être transposées bien plus tôt ; qui plus est, elles concernent tout à la fois l’aérien, le routier et le maritime.

Bien sûr, nous devons mettre notre législation en conformité avec les exigences européennes. Mais le Gouvernement prend prétexte de cette nécessité pour dessaisir, une nouvelle fois, le Parlement de ses compétences.

Parce qu’il a été incapable de présenter à temps les textes adéquats, et sûrement aussi par volonté d’éviter le débat, le Gouvernement fait preuve de mépris à l’égard du Parlement, auquel il a pourtant des comptes à rendre. Nous ne dénonçons pas, en l’occurrence, une simple mauvaise habitude, mais bien un manque de respect de la démocratie et de l’un de ses piliers, le parlementarisme.

Parce que les avancées acquises par le Sénat méritent d’être appliquées, nous voterons ce texte. N’y voyez, monsieur le ministre, aucun satisfecit donné à votre travail et à votre méthode.

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