Intervention de Claire-Lise Campion

Réunion du 16 février 2012 à 15h00
Égalité salariale entre les hommes et les femmes — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Claire-Lise CampionClaire-Lise Campion :

Aujourd’hui, aucun délai n’est plus fixé pour la résorption des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes.

Pour donner une dernière illustration du peu d’intérêt que le Gouvernement porte à la question de l’égalité professionnelle, je rappelle que, dans la loi de finances pour 2012, la dotation du programme « Égalité entre les hommes et les femmes » a subi une très forte diminution, passant de 5, 5 millions d’euros pour 2011 à 4, 9 millions d’euros pour 2012.

En conséquence, le Gouvernement prévoit de financer seulement cent trente-trois contrats pour la mixité des emplois et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, contre cent soixante-cinq l’an dernier. Les subventions versées aux différents intervenants en matière d’emploi, notamment dans le tissu associatif, connaissent également une diminution très sensible.

Dans ce contexte, la proposition de loi déposée par le groupe socialiste que nous examinons cet après-midi prévoit deux mesures fortes destinées à relancer la négociation collective.

D’abord, dans le cadre de la négociation annuelle sur les salaires, les entreprises devront conclure un accord sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Faute d’un tel accord, elles perdront le bénéfice, d’une part, de l’exonération de cotisations sociales sur les bas salaires, d’autre part, de toutes les réductions d’impôt prévues par le code général des impôts.

Ensuite, les entreprises qui ne transmettraient pas le rapport de situation comparée à l’inspection du travail dans un délai de quinze jours après l’avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, seront soumises à une pénalité équivalente à 1 % de leur masse salariale.

Ces deux mesures me paraissent de nature à inciter les entreprises à engager, enfin, une politique déterminée de réduction des inégalités salariales entre les hommes et les femmes. La commission des affaires sociales, considérant que les obligations édictées par le code du travail sont restées trop souvent lettre morte faute de sanctions dissuasives, les a approuvées, tout en y apportant des améliorations de forme.

Comme je l’ai précédemment indiqué, la présente proposition de loi introduit une condition que devront remplir les entreprises pour continuer à bénéficier de l’allégement de cotisations sur les bas salaires. Compte tenu du coût de cette dernière mesure pour les finances publiques – environ 20 milliards d’euros –, il ne me paraît pas anormal que l’État fixe quelques contreparties à la charge des entreprises.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, cette proposition de loi porte essentiellement sur l’égalité salariale : elle vise à garantir que les hommes et les femmes perçoivent la même rémunération pour un même travail ou pour un travail de valeur égale. Ce texte ne suffira donc pas à rétablir la justice entre les genres et devra être complété, à l’avenir, par d’autres mesures, afin de répondre à l’ensemble des problèmes que rencontrent les femmes au cours de leur carrière. Accès à l’emploi et à la formation, promotion professionnelle, conditions de travail, articulation entre vie professionnelle et responsabilités familiales sont autant de thèmes sur lesquels il nous faudra avancer.

Le rapport que notre collègue Michelle Meunier a remis, au nom de la délégation aux droits des femmes, contient de nombreuses recommandations dont nous pourrions nous inspirer.

Je suis particulièrement sensible à la proposition de lancer un vaste plan interministériel de lutte contre les inégalités professionnelles piloté par un véritable ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Ce plan devra comporter des mesures très concrètes, par exemple, une campagne de sensibilisation aux discriminations dont sont victimes les femmes, un soutien à la négociation collective afin de faciliter la conclusion d’accords, ainsi qu’une réforme du congé parental.

Ce plan devra aussi s’attacher à déconstruire certains stéréotypes qui demeurent tenaces, y compris dans la sphère privée, où le partage des tâches est loin d’être équitable… Ces stéréotypes continuent de peser sur les choix d’orientation des jeunes filles et les cantonnent dans certains métiers, qui ne sont généralement pas les plus rémunérateurs et qui sont réputés exiger des qualités dites « féminines ».

Ces mêmes stéréotypes éloignent aussi les femmes des postes de responsabilité et d’encadrement : dans l’imaginaire collectif, le pouvoir est encore trop souvent associé à une figure masculine et les responsables masculins ont parfois tendance à reproduire ce schéma lorsqu’ils décident d’une promotion, par exemple.

Ces phénomènes expliquent une part importante de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes. Ils continuent à faire sentir leurs effets y compris dans la sphère politique, où les partis ont, à mon avis, un devoir d’exemplarité qui devrait se manifester au moment où sont attribuées les investitures pour les élections législatives, notamment…

Je souhaite également que nous nous penchions sur le problème de l’inégalité entre les hommes et les femmes dans le domaine du travail à temps partiel. Je l’ai dit, 80 % des salariés qui exercent une activité à temps partiel sont des femmes qui, le plus souvent, n’ont pas choisi de travailler en horaires réduits. Dans certains secteurs – citons la grande distribution ou les services à la personne –, le travail à temps très partiel se développe ; souvent, il est associé à un morcellement qui provoque de grandes amplitudes horaires, ce qui crée de vraies difficultés pour les salariées qui ont des responsabilités familiales à assumer. Je pense notamment aux mères qui élèvent seules leurs enfants.

C’est la raison pour laquelle, au nom de la commission, je soutiendrai l’amendement déposé par les sénateurs de mon groupe qui vise à limiter le recours excessif au travail à temps partiel dans les entreprises.

Enfin, au cours de notre réflexion, nous ne devrons pas négliger la question de l’égalité professionnelle dans la fonction publique.

Les règles d’avancement et de rémunération des fonctionnaires sont apparemment neutres dès lors qu’elles répondent à des grilles indiciaires. Pourtant, les femmes ont tendance à bénéficier de promotions moins rapides, lorsque celles-ci sont faites au choix et non à l’ancienneté, notamment parce que l’on reproche aux mères de famille leur moindre disponibilité. Ce constat nous rappelle que l’égalité professionnelle restera inaccessible tant que nous n’aurons pas obtenu, au sein du couple, un meilleur partage des tâches domestiques et des responsabilités familiales.

En conclusion, je le répète une fois encore, l’égalité salariale ne deviendra une réalité que si apparaît une forte volonté politique en ce sens. La présente proposition de loi est la première traduction de ce volontarisme que nous appelons de nos vœux. Elle vise à envoyer un signal fort aux partenaires sociaux et à rouvrir le débat sur l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes.

Certes, elle devra être complétée par d’autres mesures, mais elle répond déjà, j’en suis persuadée, aux attentes de millions de nos concitoyennes et de nos concitoyens qui sont confrontés tous les jours à des inégalités et à des injustices dans le cadre de leur activité professionnelle.

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