Intervention de Michelle Meunier

Réunion du 16 février 2012 à 15h00
Égalité salariale entre les hommes et les femmes — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, effectivement, près de trente ans après la loi Roudy, dix ans après la loi Génisson, plus de cinq ans après la loi du 23 mars 2006, les femmes perçoivent aujourd'hui encore une rémunération inférieure de 25 à 27 % à celle de leurs homologues masculins.

Vous l’aurez compris, en matière d’égalité salariale et, plus largement, en matière d’égalité professionnelle, l’enjeu, à l’heure actuelle, est moins de produire de nouvelles lois que de faire appliquer celles qui existent !

La délégation aux droits des femmes, qui m’a désignée rapporteure de la proposition de loi que nous examinons, a toujours mis le sujet de l’égalité professionnelle au cœur de ses préoccupations.

En 2002, elle consacrait son rapport d’activité aux inégalités salariales entre les femmes et les hommes ; en 2004, elle procédait à une première évaluation et à un contrôle de l’application de la loi du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et en dressait un bilan mitigé ; en 2008, elle dédiait son rapport annuel à l’orientation et à l’insertion professionnelle.

Dans la continuité de ces travaux, elle vient de rendre un rapport d’information sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi présentée par Claire-Lise Campion, Michèle André, Catherine Génisson, François Rebsamen et les membres du groupe socialiste et apparentés, que je félicite de nous avoir donné la possibilité d’ouvrir de nouveau ce débat.

Le constat dressé dans notre rapport s’inscrit dans la continuité de celui qui avait été établi en 2004 par notre délégation : l’égalité professionnelle, plus particulièrement salariale, ne fait pas partie des sujets prioritaires des entreprises, lesquelles se sont très peu emparées des dispositifs légaux qui s’imposent pourtant à elles.

Quelques chiffres suffiront à vous donner un aperçu de la faible application de la loi : en 2010, selon les données du ministère du travail, sur environ 400 entreprises de plus de 300 salariés, moins de la moitié avaient transmis un rapport de situation comparée à l’inspection du travail, alors que ce rapport est obligatoire depuis 1983 !

Cela signifie que nous ne disposons toujours pas à l’heure actuelle de statistiques fiables sur les conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes dans l’entreprise.

Quant à la négociation collective obligatoire, selon les mêmes sources, seulement 37 branches sur plus de 1 000 étaient parvenues à un accord spécifique et on évalue à 2 000 entreprises celles qui ont conclu un accord spécifique à l’égalité salariale et professionnelle en 2010.

Face à ce maigre bilan, certains parlementaires ont estimé que l’introduction de la menace d’une pénalité financière était devenue inévitable si l’on voulait réellement faire appliquer la loi.

C’est l’objet de l’article 99 de la loi portant réforme des retraites, qui prévoit une sanction équivalente à 1 % de la masse salariale, des rémunérations et gains bruts versés par l’entreprise, à l’encontre des entreprises d’au moins cinquante salariés qui n’auraient pas conclu d’accord d’égalité professionnelle ou, à défaut, qui n’auraient pas défini les objectifs et les mesures constituant un plan d’action pour obtenir l’égalité professionnelle.

Toutefois, comme l’a souligné l’auteure de la proposition de loi, le décret d’application du 7 juillet 2011 et la circulaire du 28 octobre 2011 ont largement réduit la portée de cette pénalité.

Non seulement les entreprises contrevenantes, si elles sont contrôlées, disposeront d’un délai de six mois pour transmettre un plan d’action, mais, surtout, la circulaire confie aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, le soin de moduler la sanction financière de 1 %, si bien que certaines entreprises contrevenantes pourront en être dispensées si elles justifient de difficultés économiques, ou même de leur bonne foi…

Enfin, le chef d’entreprise peut fournir un plan d’action unilatéral à défaut d’accord portant sur les salaires : nombre de syndicats dont nous avons rencontré les représentants y ont vu la remise en cause du dialogue social en matière d’égalité professionnelle.

Notre délégation ne peut se contenter de ce dispositif, applicable, je vous le rappelle, depuis le 1er janvier de cette année. Elle a donc accueilli avec une grande satisfaction le dépôt puis l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi aujourd’hui soumise à notre examen.

Les sanctions que le texte prévoit sont très lourdes et certains d’entre nous, même au sein de la délégation, se sont interrogés sur leur caractère réaliste.

Pourtant, dans une matière où l’on n’obtiendra pas d’avancées sans un changement des comportements, la délégation estime qu’il faut envoyer un signal fort aux acteurs de l’entreprise.

À titre liminaire, il me semble essentiel de rappeler l’esprit général qui a présidé à la formulation de nos recommandations.

D’une part, les inégalités de salaires entre les femmes et les hommes sont l’aboutissement d’une accumulation d’inégalités de traitement et de pratiques discriminatoires qui font partie intégrante de la politique sociale des entreprises.

D’autre part, ces inégalités ont des conséquences graves pour les droits qui se rattachent à la rémunération, tels que les droits à l’assurance maladie, à l’assurance chômage ou à la retraite, et expliquent donc, en grande partie, le maintien des femmes dans la pauvreté.

Le traitement de cette question repose, par conséquent, sur une approche globale, que la délégation a adoptée pour formuler ses recommandations.

Tout d’abord, nous souhaitons que toutes les entreprises de plus de cinquante salariés remettent le rapport écrit qui donne la mesure réelle des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes en leur sein : trop peu d’entreprises rédigent un rapport de situation comparée, et, quand elles le font, le document n’est souvent qu’une paraphrase des dispositions légales ou un amoncellement de chiffres inexploitables...

La délégation demande donc au Gouvernement de lancer, dans le cadre d’un plan interministériel de lutte contre les inégalités professionnelles, une campagne d’information à destination des entreprises, des organisations syndicales, des chambres de commerce et d’industrie, des chambres de métiers et des chambres d’agriculture pour leur rappeler la réglementation applicable et leur faire connaître les supports méthodologiques disponibles.

Nous nous sommes intéressés ensuite aux modalités de négociation des conditions salariales, puisqu’il revient aux partenaires sociaux de proposer des mesures concrètes pour résorber les écarts de salaires.

Comment s’étonner que les organisations syndicales soient peu mobilisées, quand on sait que les femmes ne représentent que 22 % de leurs membres, ce chiffre tombant à 14, 1 % au sein des organisations patronales ?

Les organisations syndicales ne sont pas opposées à ce que, par la loi, nous imposions une représentation plus équilibrée des femmes au sein des instances professionnelles chargées de veiller à la mise en œuvre du dispositif.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion