Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 16 février 2012 à 15h00
Égalité salariale entre les hommes et les femmes — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les présidentes, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, comme l’ont souligné les précédents intervenants, il ne s’agit pas ici de créer une nouvelle législation concernant le salaire des femmes – nous disposons déjà d’un certain nombre de lois à cet égard – mais d’en assurer, enfin, l’application.

En effet, nous en sommes réduits à chercher les moyens de faire appliquer des lois existantes, ce qui est tout de même préoccupant pour une démocratie ! La présente proposition de loi a justement pour objet de proposer des avancées concrètes afin de permettre cette application. C’est pourquoi nous la soutiendrons.

Je ne citerai pas toutes les lois antérieures, mais j’en analyserai à mon tour brièvement quelques-unes pour montrer qu’elles sont précises. La loi Roudy du 13 juillet 1983 crée le fameux rapport de situation comparée, dit RSC, que les employeurs doivent élaborer sur les conditions d’emploi et de formation des femmes et des hommes dans les entreprises, puis transmettre pour avis au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel.

Les exigences du contenu de ce RSC ont été complétées par la loi Génisson du 9 mai 2001, et je salue ma collègue pour le travail réalisé, qui correspondait largement à une volonté d’instaurer des indicateurs pertinents, des éléments chiffrés permettant une analyse plus lisible de la situation.

Mes chers collègues, vous avez évidemment évoqué la loi de 2006.

Enfin, je citerai le célèbre article 99 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, instaurant une sanction financière à l’encontre des entreprises d’au moins cinquante salariés qui n’auraient pas conclu d’accord sur l’égalité professionnelle.

Cet article a été vidé de sa portée par le décret d’application du 7 juillet 2011, qui permet à l’entreprise mise en demeure de disposer d’un délai de six mois pour se mettre en conformité avec la loi, qui instaure des pénalités applicables uniquement après ce délai sans effet rétroactif et autorise la modulation de la sanction en fonction « des efforts constatés », sanction dont l’entreprise peut même être totalement dispensée…

Dès lors, nous connaissons les faits : en 2010, seules 45 % des entreprises ont transmis un RSC à l’inspection du travail, seules 37 branches professionnelles sur plus de 1 000, soit 3, 7 %, sont parvenues à un accord et seules 2 000 entreprises ont conclu un accord spécifique ! Tout semble fait pour que cette mesure ne soit jamais appliquée.

Oui, ce Gouvernement s’est largement désengagé de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, et ce n’est pas le budget pour 2012 entérinant une baisse de 5 % des crédits du programme 137 consacré à l’égalité entre les hommes et les femmes, dont une diminution de 13, 7 % des crédits de l’action « Égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale », qui prouvera le contraire.

Par conséquent, les lois existent, mais rien n’est fait pour qu’elles soient appliquées, ni dans les entreprises ni, ne l’oublions pas, dans la fonction publique, ce qui est inadmissible.

L’écart de salaire entre les femmes et les hommes, après s’être réduit au cours des années quatre-vingt, stagne depuis le milieu des années quatre-vingt-dix et reste au niveau très élevé et inadmissible de 27 %.

Certes, me diront certains, mais les femmes représentent 83 % des emplois à temps partiel, donc comparons ce qui est comparable. Toutefois, le salaire brut horaire total d’une femme est inférieur de 16 % à celui d’un homme et de 13 % si l’on prend en compte uniquement le salaire horaire de base, et ce alors que le niveau moyen d’éducation des femmes a dépassé celui des hommes. Par exemple, le salaire horaire des femmes cadres est inférieur de 19, 4 % à celui des hommes.

Si l’on écarte les effets de structure liés à la nature des postes qu’occupent les femmes, la discontinuité des carrières due notamment au fait que les femmes assument 80 % des tâches domestiques – ce qui représente dix-neuf semaines de travail supplémentaires sur une année – et occupent 60 % des postes en contrat à durée déterminée, l’écart résiduel des salaires de dix points ne peut s’expliquer que par des pratiques inégalitaires et discriminatoires.

Au classement du World Economic Forum réalisé pour 134 pays, la France arrive en 127e position en ce qui concerne les écarts salariaux.

J’évoquais la part des femmes employées à temps partiel et en CDD. Dans l’ensemble de l’Union européenne, une femme sur trois travaille à temps partiel, contre un homme sur dix. En France, 80 % des emplois précaires sont occupés par des femmes. Une femme salariée sur quatre perçoit un bas salaire, contre un homme sur dix.

Le temps partiel subi représente près de la moitié des temps partiels des femmes, qui sont surtout présents dans quatre secteurs, par ailleurs fortement féminisés : la grande distribution – 84% des caissiers –, les services personnels et domestiques – 74% des agents d’entretien –, la santé et l’action sociale – 91 % des aides-soignants, 99 % des assistants maternels – ainsi que l’hôtellerie et la restauration.

Ces emplois peu qualifiés sont principalement occupés par des femmes jeunes et peu diplômées. Les horaires sont imposés dans 74 % des cas et le plus souvent atypiques.

Face à cette situation, il est plus qu’urgent d’agir vraiment pour que les lois soient enfin respectées, mises en application, et pour que l’égalité entre les femmes et les hommes, aujourd'hui formelle, devienne réelle. Cela implique, selon nous, de véritables sanctions incitant réellement les entreprises à équilibrer les salaires.

Nous, écologistes, proposons également d’introduire une clause d’égalité salariale obligatoire pour tout marché public ou toute aide publique aux entreprises et de réserver l’exonération de charges sociales aux emplois en contrat à durée indéterminée de plus de trente heures par semaine.

Cela implique également de favoriser l’investissement des hommes dans la sphère privée, de mettre en place une politique éducative et de prévention ambitieuse passant par la formation initiale et continue aux inégalités de genre de tous les acteurs de l’éducation, de la petite enfance à l’université, de réformer les congés de parentalité, de lutter contre les stéréotypes et d’obtenir, enfin, la création d’un grand ministère d’État de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Cela passe aussi, selon nous, par des changements législatifs qui imposent la parité effective – une parité de résultat et non pas seulement d’intention – dans les partis politiques, dans l’ensemble des assemblées territoriales et législatives. Nous ne pouvons plus accepter, c’est une nécessité démocratique, que les femmes ne représentent en France qu’un parlementaire sur cinq !

Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, le groupe écologiste votera en faveur de cette proposition de loi fixant des délais clairs, des objectifs chiffrés, des dates butoirs, bref, marquant un premier pas dans la bonne direction !

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