Au revoir, monsieur le ministre !
Ce sont là les deux mesures fiscales les plus importantes de ce texte. Elles ont d’ailleurs largement occupé les canaux médiatiques habituels et sont au centre du désaccord entre la majorité de l’Assemblée nationale et la majorité sénatoriale.
Deux autres aspects de ce projet de loi de finances rectificative retiennent évidemment l’attention et nécessitent, de notre point de vue, un commentaire particulier.
Le premier, c’est que, une fois de plus, à peine la loi de finances initiale a-t-elle été votée qu’un certain volume des crédits accordés par la représentation parlementaire se retrouvent immédiatement supprimés.
La réalité de la situation économique, avec la détérioration des recettes de l’État, vient une nouvelle fois de rattraper le Gouvernement.
Il faut être aveugle ou pratiquer la méthode Coué pour estimer, comme nous l’avons entendu hier, que 0, 4 % de croissance du PIB, c’est l’embellie !
La prévision de croissance pour 2012 pourrait d’ailleurs de nouveau être remise en cause. Il suffirait pratiquement d’une nouvelle poussée de fièvre des prix de l’énergie, et notamment du pétrole importé, pour que la « valeur » de la production nationale n’augmente pas dans les proportions attendues.
Ce n’est pas avec de tels indicateurs de croissance que nous pourrons inverser la courbe du chômage, qui vient de connaître, au mois de janvier, une nouvelle détérioration. Le quinquennat de M. Sarkozy se terminera avec 4, 25 millions de chômeurs à temps complet ou à temps partiel !
Qu’on ne vienne pas nous dire, d’ailleurs, que nous nous retrouvons dans cette situation parce que aucune réforme structurelle fondamentale n’a été engagée. Bien au contraire ! De la création, suivie de sa suppression, de la taxe professionnelle à la baisse continue du taux de l’impôt sur les sociétés ou au rétrécissement de son assiette, du développement intensif de la flexibilité du travail au temps partiel imposé à 3 millions de salariés, des allégements aveugles de cotisations sociales à la fiscalisation de notre sécurité sociale, des privatisations de l’appareil industriel aux liquidations d’entreprises et aux plans sociaux, bien des mesures structurelles ont été mises en œuvre !
Le résultat, nous le voyons et nous le connaissons : pas de jour sans qu’une entreprise soit concernée par un plan social, le déménagement subreptice des équipements, la fermeture pour motifs spéculatifs ou financiers !
Quant à l’augmentation de la TVA, on sait qu’elle concernera les foyers les plus modestes, comme ce fut le cas de toutes les mesures qui ont été prises pendant ce quinquennat.
Je citerai l’une des dernières, dont la presse vient tout juste de découvrir l’existence, et dont nous avions dénoncé les conséquences en décembre : le gel du barème de l’impôt sur le revenu. Cette disposition touche d’ores et déjà de 100 000 à 200 000 foyers – et peut être plus – devenus imposables alors qu’ils ne l’étaient pas, ce qui leur fera perdre des aides sociales et des réductions d’impôts locaux. M. Seillière qui s’inquiète de la proposition de M. Hollande d’une taxation à 75 % pour la part de revenu excédant un million d’euros a été bien silencieux sur cette mesure !
Pour ma part, je me réjouis que le candidat socialiste rejoigne le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui propose qu’au-dessus de 360 000 euros de revenu imposable, soit 20 fois le salaire médian, on applique un taux de 100 %. Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs de la majorité présidentielle, nous avons des propositions pour redresser notre situation économique. C’est une mesure dissuasive, une mesure de justice fiscale, une vraie mesure qui pourrait enfin permettre à l’État d’assurer une politique de solidarité.
Pour faire bonne mesure, si l’on peut dire, des crédits ont été annulés dans maints chapitres budgétaires, comme je l’ai indiqué tout à l’heure. Ces décisions auront des conséquences lourdes, même si elles n’ont pas été évaluées, d’autant qu’elles se greffent sur des budgets déjà insuffisants. Et ce ne sont pas les quelques ajustements de dernière minute pris lors du débat de l’Assemblée nationale qui permettront de régler le problème.
Il serait sans doute trop long de citer la totalité des mesures d’effacement de la « réserve de précaution », qui va finir par devenir une simple clause de style, et dont la raison d’être semble désormais de constituer un outil d’ajustement de début ou de milieu d’année en matière budgétaire. Comme le disait Mme la rapporteure générale, vous laissez ainsi au futur gouvernement issu du résultat des élections la responsabilité de supporter les conséquences de vos décisions.
Pendant ce temps, une ouverture importante de crédits est effectuée : 6, 5 milliards d’euros vont être immédiatement mobilisés pour le Mécanisme européen de stabilité – j’insiste sur ce mot – qui n’a pas grand-chose à voir avec la solidarité dont certains ont paré cet « outil » financier et technocratique. Ces crédits sont mobilisés afin de permettre à la France d’apporter son écot au nouveau plan pour la Grèce.
Nous avons expliqué hier notre opposition à ces choix, proposés par Mme Merkel et M. Sarkozy, qui épuisent le peuple grec et lui font payer les conséquences d’une politique européenne refusant de s’engager sur une harmonisation fiscale et sociale qu’exigent aujourd’hui les syndicats en action dans de nombreux pays européens.
La situation faite tant à la France qu’à la zone euro, à la Grèce en particulier, nécessite d’autres réponses. Et les Français méritent d’être consultés sur ce nouveau traité, comme le seront prochainement les Irlandais.
Le vrai problème n’est-il pas que les prétendus remèdes imposés aux Grecs depuis deux ans n’ont fait qu’aggraver les difficultés que traversent ce pays et sa population, alors même que des milliards d’euros d’avoirs grecs privés sont aujourd’hui cumulés dans les coffres-forts des banques – suisses, entre autres établissements – et que l’injustice fiscale continue de laisser de scandaleux privilèges aux armateurs et à l’Église orthodoxe locale ?
Il y a deux ans, nous nous étions demandé si le plan pour la Grèce était « un plus » pour ce pays, s’il ne visait pas plutôt à assurer les arrières de ceux qui avaient fait de la dette grecque un instrument de profit parmi d’autres.
Le désastre économique dans lequel ce pays est plongé – chômage en hausse, dette publique explosée, déficits croissants et récession économique absolue – montre que, si les recettes des Goldman Sachs boys d’antan n’étaient pas admissibles, les mesures prônées par la Commission européenne et par le FMI ne sont guère meilleures !
La France doit-elle prêter la main à cet asservissement d’une nation souveraine ? Nous ne le croyons pas et c’est donc en toute cohérence que nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable au présent projet de loi de finances rectificative. §