Séance en hémicycle du 29 février 2012 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • TVA
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La séance

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La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 59 de la loi n° 2011–900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, le rapport sur les conditions de mise en œuvre d’une fusion progressive de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des finances et est disponible au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012 (projet n° 440, rapport n° 441).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le président, madame la rapporteure générale de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, ce collectif budgétaire atteste la détermination du Gouvernement et de sa majorité à répondre au défi de la croissance. Au cœur de ce défi, il y a deux enjeux essentiels : le désendettement et la compétitivité. Car notre conviction, c’est qu’il n’y aura pas de croissance forte et durable et de reprise de l’emploi si nous continuons à dépenser plus de richesse que nous n’en créons, donc à vivre au-dessus de nos moyens, si nous n’améliorons pas la gouvernance financière de l’Europe et si nous ne mettons pas un terme à notre déficit de compétitivité.

C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement regrette que la Haute Assemblée soit restée à l’écart de cette mobilisation d’intérêt national. Ce collectif, il aurait pu et dû être l’occasion de nous rassembler face à la crise et de préparer l’avenir de notre pays.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mais en première lecture, vous avez préféré rejeter le texte en bloc. Vous n’avez pas souhaité débattre.

Cette décision, je la regrette, car nous aurions pu forger un consensus fort sur certaines questions qui dépassent très largement les querelles partisanes : je pense à la solidarité européenne, à la taxation des transactions financières, à la nécessité de redonner de la compétitivité à notre industrie. Je le regrette aussi parce que le Parlement est le lieu par essence du débat démocratique et que je ne crois pas que l’on sert l’intérêt général quand on fuit le débat.

Mais cette décision aura au moins eu une vertu : celle de démontrer aux Français qu’il n’existe aucune alternative sérieuse §à la stratégie du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

En effet, refuser de débattre, c’est tout simplement avouer qu’il n’y a pas de projet alternatif à défendre.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Clairement, deux politiques divergentes s’opposent.

D’un côté, il y a le Gouvernement, qui sait que la croissance ne sera au rendez-vous qu’à condition de réduire les déficits, de restaurer la compétitivité de nos entreprises, de lutter contre le chômage et de préparer la France à l’économie de demain. Cette vision, les sénateurs de la majorité présidentielle la défendent, et je veux les remercier de leur lucidité, de leur courage et de leur soutien.

Et puis il y a la gauche, qui s’exprime aujourd’hui par la voix de la majorité sénatoriale, dont la seule politique est de pratiquer le contre-pied systématique.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mais dois-je vraiment le rappeler ? Chacun sait ici que lorsque le Parti socialiste est au pouvoir, il ne fait pas grand cas de la compétitivité de nos entreprises.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

On a parlé de la retraite à soixante ans, des 35 heures, et j’en passe, ce ne sont là que quelques-uns des contresens économiques qui ont durablement affaibli notre pays et notre compétitivité.

À l’évidence, vous n’avez toujours pas tiré les leçons de ces erreurs, je dirai même de ces fautes dont les Français payent encore le prix.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

À l’évidence, vous n’avez pas encore intégré un fait : avant de répartir les richesses, encore faut-il en créer ! La politique économique est finalement le grand absent du programme socialiste.

Or, mesdames, messieurs les sénateurs, quand on traverse une crise économique sans précédent et quand le monde entier évolue, on ne peut se permettre de reporter ou de placer au second plan des réformes que nous savons indispensables.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

C’est maintenant qu’il faut agir.

C’est précisément ce que font le Gouvernement et l’Assemblée nationale depuis cinq ans, en agissant, en toute coresponsabilité, avec deux objectifs très clairs.

Le premier est de restaurer la compétitivité de notre pays en poursuivant notre programme ambitieux de réformes.

C’est essentiel, parce que, aujourd’hui, nos entreprises industrielles sont soumises à une concurrence internationale accrue et à la tentation très forte de délocaliser leur production.

Il y a deux semaines, j’étais avec le Premier ministre et François Baroin dans la Somme, où nous avons rencontré de nombreuses entreprises, des grandes, des moyennes et des petites, et dans tous les domaines. Toutes nous ont dit la même chose : quand elles exportent, elles se trouvent systématiquement en concurrence avec nos partenaires européens, notamment allemands. Alors ce qu’elles demandent, ces entreprises, c’est qu’on leur donne les moyens d’être plus compétitives, qu’on les arme face à la concurrence. Elles souhaitent pouvoir continuer à produire en France, mais, pour cela, il faut leur donner la possibilité – je le répète – de se battre à armes égales avec leurs concurrents.

Aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce aux réformes que nous menons depuis cinq ans, ces entreprises disposent déjà d’outils de développement efficaces. Car nous n’avons cessé d’agir pour améliorer leur compétitivité, en insistant d’abord sur l’innovation et sur l’investissement, c’est-à-dire sur leur compétitivité hors prix. Et les résultats sont là :…

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Les résultats sont là : le chômage augmente !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

… grâce au triplement du crédit d’impôt recherche et aux 35 milliards d’euros des investissements d’avenir, nos entreprises peuvent innover davantage ; grâce à la suppression de la taxe professionnelle, elles peuvent investir davantage ; grâce aux heures supplémentaires défiscalisées, elles ont davantage de souplesse. Mais il faut aller plus loin.

C’est la raison pour laquelle ce collectif propose des avancées majeures en matière de compétitivité hors prix.

Je pense à la création d’une banque de l’industrie dédiée au financement des PME, à laquelle sera consacré 1 milliard d’euros des investissements d’avenir. Je pense également au renforcement du plan de développement de l’apprentissage, qui va durcir les sanctions contre les entreprises ne respectant pas le quota d’apprentis, quota que nous allons porter à 5 % des effectifs.

Mais au-delà de la compétitivité hors prix, nos entreprises ont surtout un lourd handicap de compétitivité prix.

Pourquoi ? Parce que certaines mauvaises décisions prises au cours de la décennie précédente et dont je parlais à l’instant ont considérablement alourdi le coût du travail en France. Un rapport publié par l’INSEE la semaine dernière montre ainsi que notre pays détenait un net avantage par rapport à l’Allemagne en matière de coût du travail horaire dans l’industrie en 1996, mais que cet avantage s’est entièrement résorbé.

M. Éric Bocquet s’exclame.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Dans un tel contexte, la nécessité de réduire le coût du travail devrait être reconnue sur toutes les travées de cette assemblée. Je vous rappelle d’ailleurs qu’en 2002 Lionel Jospin lui-même, alors Premier ministre, se prononçait en faveur d’une baisse du coût du travail, que soutenaient encore très récemment certains ténors de la gauche ! Je n’évoquerai que les plus connus : Dominique Strauss-Kahn, Manuel Valls ou Jean-Marie Le Guen.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le demande : est-il aujourd’hui légitime que la politique familiale soit supportée uniquement par les entreprises et leurs salariés ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Non, ce n’est plus légitime.

Nous voulons donc mettre en œuvre une mesure très simple d’exonération des charges familiales patronales sur les salaires. Les entreprises bénéficieront d’une exonération totale pour les salaires inférieurs à 2, 1 fois le SMIC, et dégressive pour les salaires compris entre 2, 1 et 2, 4 fois le SMIC.

C’est une mesure forte – une baisse de 5, 4 % du coût du travail –, dont les effets profiteront à la fois à la compétitivité de nos entreprises et à l’emploi des salariés les plus exposés à la concurrence internationale.

Notre barème cible en effet les salaires bas et moyens. Les salaires élevés continueront, eux, à être assujettis à des charges sociales et familiales. Ce n’est donc pas une mesure pénalisant les bas salaires : au contraire, c’est une mesure destinée à favoriser l’emploi des salariés modestes et moyens. Elle bénéficiera à 90 % des salariés des très petites entreprises, à 80 % des salariés de l’industrie, à 93 % des salariés de l’agriculture.

À terme, elle créera 100 000 emplois. §Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, 100 000 emplois ! Et c’est une tranche basse. Cette estimation reste effectivement modeste au regard des effets sur l’emploi des allégements généraux de charges dits « allégements Fillon », qui ont créé ou sauvegardé entre 400 000 et 800 000 emplois.

Pour financer cette mesure, nous avons décidé d’augmenter deux ressources. D’abord, les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. Étrangement, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne parlez jamais de cette hausse de 2, 6 milliards d’euros de la fiscalité sur les revenus du patrimoine, sans doute parce que cela vous gêne…

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Ce sont ainsi 2, 6 milliards d’euros supplémentaires qui seront prélevés sur les revenus du patrimoine des ménages les plus aisés. Au lieu de ne parler que de la TVA, démontrez-nous, mesdames, messieurs les sénateurs, que cet impôt sur les revenus du patrimoine ne touche que les plus fragiles !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Faisons la démonstration, madame la rapporteure générale, puisque vous m’interpellez : 13, 6 milliards d’euros de baisse du coût du travail sur des moyens et des bas salaires compensés par 10, 6 milliards d’euros de hausse de la TVA et par 2, 6 milliards d’euros de hausse de la fiscalité sur les revenus du patrimoine, vous voyez bien que l’addition est tout à fait en faveur des salariés français.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. Bien sûr, nous augmentons la TVA à taux normal, mais, dans le même temps, nous baissons davantage le coût du travail sur les produits français. Les prix des produits français n’augmenteront donc pas. Seuls, peut-être, les prix des produits importés peuvent augmenter puisqu’ils ne bénéficient pas de la baisse du coût du travail. Quoique ! Car on sait très bien que la pression de la concurrence sur les produits importés est telle que leur prix ne devrait pas non plus connaître de hausse significative.

Mme la rapporteure générale de la commission des finances s’exclame.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Vous l’avez bien observé : à cette époque, la hausse de deux points de la TVA s’était traduite par une hausse des prix de seulement 0, 5 %, alors même qu’il n’y avait pas eu de baisse du coût du travail. Je vous le répète donc, cette hausse de TVA de quelque 10 milliards d’euros accompagnée d’une baisse de quelque 13 milliards d’euros du coût du travail ne se répercutera pas sur les prix.

Je répète également que seuls sont concernés les produits soumis au taux normal de TVA, qui ne représentent que 40 % de la consommation des ménages. Les loyers ne sont pas soumis à la TVA, les produits alimentaires sont imposés à 5, 5 %, les médicaments à 2 %, les produits de première nécessité à 5, 5 %.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous agitez le spectre d’une flambée des prix mais vous voyez bien qu’elle ne se produira pas.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Le relèvement du taux normal de la TVA n’aura pas d’incidence sur le pouvoir d'achat des Français.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

J’ai aussi entendu certains d’entre vous dire que cette mesure constituait une hausse d’impôt.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Il s'agit d’un transfert de fiscalité et non d’une hausse d’impôt : il n’y aura pas un euro supplémentaire dans les caisses de l’État.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Je le répète, il ne s'agit pas d’une hausse d’impôt : il n’y aura pas un euro supplémentaire dans les caisses de l’État ni dans celles de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Là où il y a une volonté, il y a toujours un chemin !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, la croissance ne se décrète pas : il faut passer aux actes.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Le deuxième objectif de notre politique est de réduire nos déficits publics, …

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

… quelle que soit la conjoncture économique – je pèse mes mots – et sans porter atteinte à une croissance encore fragile.

Nos engagements de réduction des déficits sont les engagements de la France ; ils sont intangibles. Quoi qu’il arrive, nous progresserons au rythme prévu sur notre chemin de désendettement, pour atteindre l’équilibre budgétaire en 2016, et non, comme je l’ai entendu dire par le candidat socialiste, « en 2017, à condition que la croissance soit là ». Ce n’est pas un discours responsable

M. Jacky Le Menn s’exclame.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Nous devons tenir ces engagements que nous avons pris vis-à-vis de l’ensemble de nos partenaires européens, mais aussi vis-à-vis des Français.

Vous connaissez notre chemin de réduction du déficit public : en 2010, notre déficit s’élevait à 7 % ; en 2011, il a été inférieur à 5, 5 % ; pour 2012, notre objectif est de le ramener à 4, 5 %. Si nous atteindrons cet objectif, c’est en premier lieu grâce à la bonne gestion qui a caractérisé l’exercice 2011 et à la prudence de nos hypothèses de croissance.

J’insisterai d'abord sur notre bonne gestion. Vous nous avez répété pendant des mois, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous n’atteindrions pas notre objectif de 5, 7 % de déficit public en 2011. Je dois vous donner raison : nous n’avons pas fait 5, 7%, nous avons fait mieux !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce très bon résultat, qui témoigne de la sincérité et de la réactivité avec lesquelles le Gouvernement gère les comptes publics, aura naturellement des prolongements en 2012, à hauteur de 3, 6 milliards d'euros. Nous pourrons ainsi tenir nos engagements sans demander d’efforts supplémentaires aux Français

M. Ronan Kerdraon s’exclame.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

J’en viens à notre prudence. L’opposition n’a cessé de répéter que nos prévisions de croissance étaient trop optimistes, que l’objectif était inatteignable.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Là encore, vous avez eu tort. Le quatrième trimestre de l’année dernière ayant été meilleur que prévu, la croissance du PIB s’est établie à 1, 7 % en 2011, …

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

… soit précisément l’hypothèse que nous avions retenue. Grâce à cette croissance de 1, 7 %, nous possédons un acquis de croissance de 0, 3 %, ce qui constitue une bonne nouvelle pour le respect de nos engagements en 2012, que vous avez également mis en question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

C’est une bonne nouvelle pour les RMIstes !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Ailleurs dans la zone euro, les résultats sont moins encourageants : nos principaux partenaires connaissent des ralentissements marqués de leur activité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ne croyez-vous pas qu’il est temps de reconnaître que, dans cette conjoncture particulièrement difficile, la stratégie que nous avons adoptée est la bonne. Nous marchons vers l’équilibre budgétaire…

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

… tout en préservant notre croissance. Compte tenu de l’environnement économique, nous devons cependant rester très prudents. C’est pourquoi nous retenons aujourd’hui une prévision de croissance de 0, 5 % ; je crois qu’il existe un consensus entre la droite et la gauche sur ce point. Au total, l’impact de cette révision pèsera sur le solde des administrations publiques à hauteur de 5 milliards d’euros. Pour autant, nous tiendrons nos objectifs de réduction des déficits sans avoir besoin de ce troisième plan de rigueur que, l’automne dernier, vous annonciez à cor et à cri.

Je résume vos propos, mesdames, messieurs les sénateurs : notre croissance devait être inférieure à nos prévisions – nous devions même entrer en récession –, notre déficit devait être plus important que prévu et nous devions nécessairement mettre en œuvre un troisième plan de rigueur. Tout cela par la faute de Nicolas Sarkozy !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Mais il n’était pas tout seul : vous l’avez aidé !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Puisque nous avons tenu nos objectifs de croissance, puisque nous avons dépassé nos objectifs de réduction des déficits, puisque nous abordons l’année avec bon espoir de tenir nos engagements pour 2012…

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

… sans avoir besoin d’un troisième plan de rigueur, peut-être pourriez-vous admettre que ces réussites sont dues à la politique de Nicolas Sarkozy ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Ils en sont incapables ! Ils sont dans l’antisarkozysme primaire !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Certes, madame Des Esgaulx, mais il faut être logique : si Nicolas Sarkozy était responsable de tout ce qui allait mal, peut-être est-il également responsable de l’amélioration de la situation.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Si, en dépit de cette révision des perspectives de croissance, nous tiendrons nos objectifs sans demander le moindre effort supplémentaire aux Français, c’est également parce que le présent collectif budgétaire compense intégralement l’impact de cette révision.

En effet, le Gouvernement accompagne sa nouvelle prévision d’un effort supplémentaire de 1, 2 milliard d’euros, auxquels s’ajoutent 400 millions d’euros de redéploiement en faveur de l’emploi. Ces annulations sont entièrement absorbées par la réserve de précaution que nous avions pris soin d’augmenter à 6 milliards d'euros. Par conséquent, pas un seul euro supplémentaire n’est demandé aux Français. J’ajoute qu’il nous reste des marges de manœuvre, à hauteur de 4, 4 milliards d’euros, pour faire face aux habituels aléas d’exécution du budget. §

Par ailleurs, nous consolidons nos recettes grâce à deux décisions importantes : la mise en place de la taxe sur les transactions financières, qui rapportera 1, 1 milliard d'euros en année pleine, et le renforcement de notre arsenal de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, qui devrait accroître nos recettes de 300 millions d'euros. §Je crois que, sur ces deux sujets, il devrait exister un consensus entre la droite et la gauche.

Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à notre prudence, à notre réalisme et à notre gestion rigoureuse, nous n’avons jamais été aussi crédibles dans nos prévisions budgétaires. §Nous compenserons intégralement l’impact de la révision de la croissance sur nos recettes et tiendrons donc l’objectif de 4, 5 % de déficit public.

Dans un contexte économique difficile, le Gouvernement continue d’agir pour sortir de la crise et préparer l’avenir du pays.

Préparer l’avenir, ce n’est évidemment pas prévoir un grand choc fiscal, qui anesthésierait voire effacerait la croissance qui renaît ; c’est restaurer dès aujourd’hui la compétitivité de nos entreprises en transférant les charges pesant sur le travail vers d’autres assiettes fiscales

M. Ronan Kerdraon s’exclame.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

À cet égard, je vous rappelle que la nécessité d’un transfert des charges pesant sur le travail a été reconnue en juin dernier dans un document consensuel signé par l’ensemble des partenaires sociaux ; je vous épargne les citations des nombreux membres du Parti socialiste qui, au cours des derniers mois, dans un moment d’honnêteté intellectuelle ou peut-être de lucidité

M. Jacky Le Menn s’exclame.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Préparer l’avenir, cela nécessitera peut-être de poursuivre demain ces transferts de charges, en allégeant les cotisations salariales des salariés les plus modestes pour leur rendre du pouvoir d’achat. C’est une proposition qu’a faite le Président de la République, qui préconise notamment de transformer la prime pour l’emploi et une partie de la fiscalité du patrimoine.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

C’est le candidat qui l’a proposé, et non le président !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Il l’a proposé dans le cadre de la campagne électorale. Votre candidat, monsieur Kerdraon, a quant à lui suggéré d’augmenter les cotisations retraite de 5 milliards d'euros, pour financer la remise en cause de la réforme des retraites, et les cotisations sociales de 4 milliards d'euros, afin de financer la prise en charge de la dépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Vous ne l’avez pas prise en charge, la dépendance !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

En somme, la gauche propose d’augmenter les charges sociales de 9 milliards d'euros tandis que la droite veut les réduire de 13, 6 milliards d'euros. Au moins, les deux projets sont clairs ! D’un côté, augmenter le coût du travail par l’impôt, de l’autre, baisser le coût du travail. Les Français trancheront.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Parce que nous sommes tous – je l’espère – convaincus que le défi de la croissance est à notre mesure, nous refusons de céder au pessimisme ambiant et à la tentation de l’inaction. Parce que notre stratégie n’est ni de droite ni de gauche, parce qu’elle fait le choix des réformes, du courage et de la lucidité, elle devrait tous nous rassembler. §

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Vous ne pouvez pas faire en cinq mois ce que vous n’avez pas fait en cinq ans !

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, nous débutons aujourd’hui la nouvelle lecture d’un collectif budgétaire ambitieux – Valérie Pécresse l’a rappelé – tant pour notre pays que pour l’avenir de l’Union européenne.

En effet, ce collectif budgétaire contient un certain nombre de mesures qui visent à améliorer la compétitivité de notre économie en abaissant les charges qui pèsent sur le coût du travail. Il trace également les contours de la participation française au nouveau Mécanisme européen de stabilité, le MES. Il prévoit enfin d’instituer une taxe sur les transactions financières.

La semaine dernière, ici même, le Parti socialiste a refusé de débattre de ce projet, en déposant une motion tendant à opposer la question préalable. En d’autres termes, à des mesures importantes pour le soutien de notre économie et la pérennisation des dispositifs de solidarité européens, le Parti socialiste a opposé une manœuvre dilatoire – je le regrette de nouveau devant vous – qui le dispense de prendre ses responsabilités. §

Il s'agit d’une posture d’esquive, qui est préjudiciable aux intérêts de notre pays. En menaçant de retarder la mise en place de dispositifs d’urgence, elle fragilise notre économie et la mise en œuvre de nouveaux leviers de solidarité européenne. En montrant à nos partenaires que la France ne parle pas d’une seule voix dans des circonstances aussi difficiles, elle fragilise la crédibilité de notre pays sur la scène internationale. Étant l’un des négociateurs français sur ces questions, je le regrette vivement.

J’ajoute que, même au sein des oppositions et gouvernements de gauche des autres pays européens, qui partagent vos idées et vos valeurs – que je considère naturellement comme respectables même si elles s’opposent aux choix du Gouvernement, puisqu’elles sont dans le champ démocratique –, personne ne comprend votre silence sous forme d’abstention, …

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

… tout à fait contraire à la position du Parti socialiste sous la présidence de François Mitterrand, qui a apporté de nombreux acquis à la construction européenne. Votre abstention est incompréhensible, illisible et probablement très contre-productive pour vos propres intérêts, puisqu’elle ne définit aucune ligne directrice et dilue votre message.

Nous aurions eu besoin de votre soutien et de vos voix pour voter la règle d’or. Cela ne vous engageait en rien à soutenir le reste de la politique gouvernementale ; vous auriez simplement suivi le chemin proposé par les socialistes espagnols et allemands.

Le même esprit aurait dû vous animer s'agissant du MES. Au nom de quoi un parti de gouvernement aussi important que le Parti socialiste pouvait-il prendre le risque d’être silencieux sur un sujet comme celui-ci ?

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Vous ne pouvez pas, d’un côté, prétendre que vous souhaitez aider le peuple grec – qui ne souhaite pas l’aider ? – et, de l’autre, refuser de voter le mécanisme de solidarité. En vous abstenant sur ce sujet, vous vous écartez de la solidarité concrète, pratique, organisée au sein de l’Europe…

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

… non seulement pour conserver l’unité de notre zone monétaire, mais aussi pour apporter par des prêts les fonds nécessaires afin de permettre à la Grèce de se redresser et à sa population de continuer à espérer en la reconstruction économique.

Pour toutes ces raisons, je regrette profondément – et ce ne sont pas des larmes de crocodile – votre position.

Le premier axe de ce projet de loi de finances rectificative, c’est le renforcement de la compétitivité de nos entreprises, grâce à une baisse ciblée du coût du travail. Je n’y insisterai pas, Valérie Pécresse ayant développé, avec le talent dont elle avait déjà fait preuve hier à l’Assemblée nationale, l’architecture globale de ce projet politique.

Il s'agit de transférer le financement de la protection sociale, en allégeant les charges qui pèsent sur les cotisations patronales pour alimenter la branche famille et en le faisant financer, à l’instar d’autres pays, par une fiscalité reposant sur des assiettes plus larges, dans un souci de cohérence économique visant à protéger la création d’emplois dans notre pays, à lutter contre les délocalisations et à préserver notre outil industriel.

Là encore, comment expliquer votre position, qui équivaut à un refus d’assumer sa responsabilité et ne fait que rendre plus confus les éléments développés dans le cadre de la campagne pour l’élection présidentielle ?

Qu’il me soit permis de rappeler que plusieurs institutions internationales ont souligné l’importance d’un rééquilibrage du financement de la protection sociale vers la fiscalité de la consommation. C’est le cas de la Commission européenne, dans les recommandations qu’elle a adressées à la France l’été dernier ; c’est également le cas du Fonds monétaire international, dans son rapport sur les politiques budgétaires de septembre 2011 ; c’est enfin le cas de l’OCDE, dans son rapport du début d’année sur les moyens de soutenir la croissance.

Là aussi, on peut contester, mais on ne peut pas nier les évidences et l’efficacité du dispositif proposé par le Gouvernement pour préserver notre outil industriel.

J’en viens rapidement, puisqu’il s’agit d’une nouvelle lecture, au deuxième axe de ce collectif.

C’est un ensemble de mesures concrètes pour rendre le Mécanisme européen de stabilité immédiatement opérationnel. C’est un pas supplémentaire vers une plus grande solidarité européenne.

Quelques chiffres et éléments sont à retenir. Ce collectif prévoit l’ouverture immédiate de deux des cinq tranches de la dotation globale, soit 6, 5 milliards d’euros. Par rapport au projet initial, qui prévoyait l’instauration de ce mécanisme au 1er janvier 2013, avec une montée en charge sur cinq ans, l’apport de deux tranches dès l’été 2012 accroît la crédibilité des pare-feu, c’est-à-dire la dissuasion pour éviter la contagion à d’autres pays en difficulté.

J’ajoute que les États membres de la zone euro se sont engagés à ce que le mécanisme entre en vigueur en juillet 2012 au plus tard.

Pour être tout à fait complet, je précise que le traité entrera en application dès que des États membres représentant 90 % du capital autorisé l’auront ratifié, ce qui peut très bien se faire dès le mois de mai ou de juin 2012. De ce point de vue, la France est aux avant-postes du processus parlementaire de ratification des engagements pris par les chefs d’État et de Gouvernement au début du mois de décembre dernier.

Je ne reviens pas sur votre opposition ; en tout cas, chacun a compris la position qui est la mienne. Sur ces enjeux européens, votre position n’est pas non plus celle d’une personnalité dont je cite rarement le nom, car elle n’est pas une source d’inspiration naturelle pour notre construction politique, Daniel Cohn-Bendit. Je ne comprends pas que sa voix ne soit désormais plus entendue dans vos rangs.

Je ne m’étendrai pas non plus sur la promesse du candidat François Hollande de revenir sur les traités européens, de défaire ce qui a été fait et approuvé par l’ensemble de nos partenaires. Continuer d’enfourcher ce cheval de bataille, c’est la certitude d’aller au galop dans une impasse et de se fracasser le museau !

Mme Frédérique Espagnac et M. Ronan Kerdraon s’exclament.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Je vois très peu d’avenir, et je ne prédis pas non plus une très grande perspective, à la poursuite de cette demande du candidat socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

C’est la qualité de vos résultats qui vous conduit à parler avec autant d’assurance ?

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Les Français entendront aussi cette hypothèse de voie sans issue.

Un mot, enfin, de la nouvelle taxe sur les transactions financières.

Chère Nicole Bricq, je me suis inspiré, vous le savez, d’une partie de votre réflexion. Parfois, on trouve aussi des bons auteurs concernant la réflexion autour de la contribution du secteur financier à la résorption de la crise !

Vous connaissez aussi nos autres sources d’inspiration : le droit de timbre britannique – bien sûr, mais pas totalement ! – et l’ancien impôt de bourse sans les dysfonctionnements qui ont justifié sa disparition. Je rappelle qu’il n’y a pas de plafond et que nous taxons les entreprises qui sont cotées en France et non les titres échangés, car ce serait ouvrir la voie aux délocalisations sur la base de la taxation des entreprises qui, elles, sont cotées. Naturellement, nous répondons à l’objection la plus dominante formulée sur cette taxe, à savoir que cela va faire perdre des emplois dans ce secteur. Nous pensons que ce texte est équilibré.

Je ne comprends pas l’ambiguïté de votre position, pour ne pas dire la contradiction. En effet, vous étiez favorables à cette taxe ; nous aussi. Vous avez soutenu l’initiative franco-allemande pour nourrir une directive européenne relative à une taxe sur les transactions financières à l’échelle européenne. Toutefois, lorsque nous la proposons, vous votez contre, en expliquant que ce n’est pas assez, mais que, naturellement, si vous accédez aux responsabilités, vous la mettrez en œuvre !

Il convenait de relever cette incohérence, cette contradiction, dans un contexte électoral qui favorise parfois de nombreux dérapages, mais aussi dans un contexte de crise qui impose au Gouvernement de travailler jusqu’au dernier jour au service des Français. C’est tout le sens du message de ce collectif budgétaire ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme la rapporteure générale de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Madame la ministre, comme c’est le dernier exercice budgétaire de cette législature, j’ai bien noté que vous vous êtes donné un autosatisfecit. On n’est jamais si bien servi que par soi-même !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Si je ne le fais pas, ce n’est pas vous qui le ferez !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Alors que le candidat-président ne veut surtout pas qu’on lui rappelle son bilan, il est assez étrange que, vous, vous vous fassiez une gloire de ces cinq années passées. Avant de revenir à notre sujet, cette nouvelle lecture de la loi de finances rectificative, je les traduis en deux chiffres : 500 milliards d’euros supplémentaires de dette et 1 million de chômeurs en plus ! Les Français sauront apprécier un tel bilan...

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

C’est une crise aussi, peut-être !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je voudrais maintenant en revenir à ce qui nous occupe, à savoir l’échec, qui n’a pas été vraiment une surprise après le vote du Sénat, de la commission mixte paritaire qui s’est réunie le lundi 27 février, et dire un mot du nouveau texte qui nous arrive et auquel, ce matin, la commission des finances a décidé d’opposer la question préalable, pour des motifs identiques à ceux que nous avions retenus en première lecture.

Si les motifs sont les mêmes, notre conviction est renforcée à l’issue des débats que nous avons eus depuis une semaine. Madame la ministre du budget, monsieur le ministre de l'économie et des finances, vous êtes longuement intervenus – et vous l’avez fait encore tout à l’heure – pour défendre votre texte et répondre aux orateurs. Vous ne nous avez pas convaincus, c’est le moins qu’on puisse dire !

Je rappelle rapidement les motifs justifiant qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la discussion.

Il n’est pas convenable de faire adopter par le Parlement une réforme qui engage un bouleversement de l’architecture des prélèvements obligatoires à la veille d’une élection présidentielle dont le résultat pourrait remettre en cause ce choix, ce que nous souhaitons.

L’instrumentalisation du Parlement – car il s’agit bien de cela ! – à des fins électorales est d’autant plus manifeste que les mesures en cause n’entreront en vigueur que plusieurs mois après l’issue des élections présidentielle et législatives.

De manière générale, la date différée d’entrée en vigueur des différentes mesures leur dénie tout caractère d’urgence. Par ailleurs, l’évolution de la conjoncture ne nécessite pas un ajustement sans délai de l’équilibre budgétaire.

Si la TVA dite « sociale » engendrera un surcroît d’inflation, elle n’améliorera ni la compétitivité, ni l’emploi. Ce n’est pas Mme Bricq qui le dit ; tous les observateurs ont calculé une augmentation située entre 0, 4 % et 0, 6 %. Certes, ce n’est pas une flambée, mais l’augmentation des prix est indéniable ; elle s’est traduite dans le passé.

La discussion au Sénat a été utile, puisque – cela a été votre dernier mot à cette tribune la semaine dernière – désormais vous ne revendiquez plus les 100 000 créations d’emploi et vous admettez que la fourchette s’établirait entre 75 000 et 120 000, ce qui est déjà mieux !

Monsieur le ministre de l’économie et des finances, la taxe sur les transactions financières n’est pas celle que nous souhaitions – je m’en suis expliquée longuement –, car elle relève d’une conception minimaliste qui pourrait servir de plus petit dénominateur commun et ainsi mettre en difficulté le projet beaucoup plus ambitieux préparé par la Commission européenne. Du reste, lors de l’examen en nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a encore rétréci l’assiette de la taxe. Par conséquent, ce qui était vrai voilà une semaine l’est encore plus, pour nous, à ce jour !

Les annulations de crédits dans la réserve de précaution sont d’une ampleur inégalée et, faute d’être précisément documentées, s’apparentent à un cadeau empoisonné pour le gouvernement qui succédera à celui auquel vous appartenez.

Enfin, le ralliement du Gouvernement et de sa majorité – ralliement tardif ! – à la TVA dite « sociale », que, pour la plupart, vous combattez depuis cinq ans, parachève un quinquennat d’improvisation et de revirements fiscaux, qui sont à l’origine d’une insécurité juridique accrue.

La nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative n’est pas le meilleur moment pour dresser un bilan de ce quinquennat marqué, en matière fiscale, par l’incohérence et l’injustice et, sur le plan budgétaire, par le cynisme – l’aggravation, en 2010, d’un déficit déjà abyssal, à hauteur de 35 milliards d’euros, au titre du grand emprunt, qui permet d’afficher une progression plus limitée des dépenses les années suivantes, est peut-être un procédé habile, mais ne déjoue pas la sagacité de la commission des finances du Sénat ! – et la mise en péril des services publics, en particulier avec la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques.

Le président-candidat ou candidat-président, comme vous voulez, a tout de même reconnu hier – je l’ai noté – que cela faisait du dégât dans les territoires, notamment en matière scolaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Combien de fois l’avons-nous dénoncé ici, preuve à l’appui, dans tous nos territoires ! J’ai bien noté aussi que ce ne serait qu’à partir de 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mais vous savez très bien que, proportionnellement, les effectifs diminuent et j’attends que vous nous démontriez le contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… et j’attends que vous nous démontriez le contraire !

La nouvelle lecture nous permet, en revanche, d’envisager les prochaines échéances, en tout cas celles qui ne sont pas subordonnées au résultat des élections.

Madame la ministre, vous nous avez dit de ne pas regarder dans le rétroviseur. Vous n’aimez pas cela pour votre bilan et on le comprend. Mais, justement, je me porte vers le proche avenir, notamment vers les échéances européennes. J’y reviens, monsieur le ministre !

La disposition la plus importante, en montant, de ce collectif budgétaire est relative, effectivement, à la dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité. J’ai bien compris, monsieur le ministre, que vous aviez été frustré de ne pas être présent hier, lorsque nous avons débattu pendant plus d’une demi-journée de ce mécanisme. Si vous aviez été là, ...

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Mais je vous lis !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

... ce que nous aurions souhaité, vous auriez entendu que nous avons longuement évoqué le problème posé par la conditionnalité qui lie le Mécanisme européen de stabilité et le fameux traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, dit TSCG.

Je pense avoir démontré que c’est le Gouvernement qui porte atteinte à la crédibilité de ce mécanisme européen en faisant cette liaison malvenue ! On commence à voir ce qui se dessine et j’ai très clairement posé le problème hier. En voulant inscrire cette fameuse règle d’or de préférence dans la Constitution, vous introduisez le doute chez les investisseurs. D’ailleurs, on constate déjà que l’Irlande – pays qui n’est pas a priori concerné par le MES, puisqu’il dispose d’un autre mécanisme de soutien, mais qui est tenu de respecter la conditionnalité et donc de réduire ses déficits – veut recourir à un référendum ! Je pense donc que le processus de ratification du TSCG n’est pas prêt d’arriver à son terme !

Vous avez parlé d’un pare-feu crédible. Bien sûr, on a beaucoup discuté du montant. Mais, quand je vois que la réunion de l’Eurogroupe qui devait suivre le Conseil européen des 1er et 2 mars est remise à plus tard, je m’inquiète de la crédibilité de ce mécanisme, en raison à la fois de cette liaison malvenue avec le TSCG et du montant du pare-feu.

Peut-être avons-nous tort d’avoir eu raison trop tôt. En tout cas, il faudra y revenir. On a, nous dit-on, tout le mois de mars pour trouver un montant quelque peu crédible ; j’en accepte l’augure. Mais je regrette que la France ne soit pas, peut-être pas en position de force, mais la mieux à même de négocier correctement ce qui est un enjeu décisif, car, il faut bien le reconnaître, en fin de parcours, le pouvoir occupé par vous-mêmes et par le candidat-président ou président-candidat est à bout de souffle !

Se tourner vers l’avenir proche, cela signifie que, dans chaque assemblée, nous devons nous interroger sur les conséquences concrètes des textes adoptés, comme le « six pack » au mois de novembre, ou en cours de discussion, comme le Two Pack.

Je pense, en premier lieu, aux conséquences pour le Parlement et la procédure budgétaire. Quelle méthode devons-nous retenir pour déterminer les hypothèses économiques de manière indépendante ? Qui sera notre conseil budgétaire indépendant ? Quelles conséquences devons-nous tirer de la possibilité pour la Commission européenne de demander des modifications des futurs « plans budgétaires », et donc des textes financiers dans la seconde quinzaine d’octobre, à savoir en pleine procédure budgétaire ? Cette année, nous avons vu la désorganisation due à l’annonce du plan Fillon II, alors qu’au Sénat nous n’étions pas encore saisis de la loi de finances initiale pour 2012 !

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous qui êtes les représentants du Gouvernement jusqu’au mois de juin, je vous invite, ainsi que tous ceux qui voudraient que nous ratifiions le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le fameux TSCG, à nous expliquer comment vous envisagez de transcrire en droit interne et même dans la Constitution la fameuse « règle d’or ». Vous avez fait allusion à l’Espagne, et j’ai dit un mot hier de la fameuse règle d’or espagnole, qui n’a rien à voir avec la règle proposée, avec l’Allemagne, pour le TSCG. En effet, il s’agit uniquement de donner la priorité à la réduction des déficits. Ainsi, les Espagnols eux-mêmes seront amenés, s’ils doivent céder à votre intransigeance, à la revoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il faudra nous dire comment vous comptez rendre contraignante une règle reposant sur la notion de solde structurel, à partir d’une hypothèse commune de croissance potentielle. Nous rallierons-nous tous à la définition qu’en donnerait la Commission européenne, ou chaque État continuera-t-il d’établir ses propres hypothèses ? Quel mécanisme de correction automatique des dérapages nous proposerez-vous ? Tout cela, nous ne le savons pas !

Peut-être en apprendrons-nous davantage dans les prochaines semaines, car si nous tenons aujourd’hui, mes chers collègues, notre dernier débat budgétaire du quinquennat dans l’hémicycle, la commission des finances du Sénat – je vous rappelle, madame la ministre, monsieur le ministre, cette échéance – sera saisie au cours de la première semaine d’avril du projet de programme de stabilité 2012–2015, en quelque sorte le testament budgétaire de ce gouvernement et du président sortant. Il sera intéressant d’examiner, à deux semaines du premier tour – nous ne manquerons pas de le faire – les engagements que prend le candidat-président sortant à l’égard non pas des électeurs, mais de nos partenaires européens. Au demeurant, nos concitoyens seront également concernés, ces engagements ayant acquis, depuis la réforme du pacte de stabilité, un caractère plus contraignant. Je vous donne donc rendez-vous, madame la ministre, monsieur le ministre, à cette occasion, évoquée par M. le président de la commission et moi-même lorsque vous étiez venus nous présenter ce projet de loi de finances rectificative.

Le Gouvernement précisera-t-il enfin, à cette date, sur quels postes il entend faire les économies de dépenses qu’il a annoncées ? Une telle information serait d’autant plus intéressante que je ne l’imagine pas renoncer maintenant à l’hypothèse irréaliste qu’il a retenue pour l’évolution des dépenses publiques, soit 0, 4 % par an en volume.

Confirmera-t-il l’objectif qu’il s’est fixé, à savoir battre un nouveau record, en 2013, concernant le taux de prélèvements obligatoires, fixé à 45, 3 %, tout en expliquant, comme vous l’avez fait voilà quelques instants, qu’il n’augmente pas les impôts ? La hausse de la TVA ne serait surtout pas une hausse d’impôt, et on ne parle même plus de hausse généralisée ! Comme le dirait M. le président de la commission, c’est « le lapin dans le sac » ! Je ne savais pas que vous étiez si doués pour ces exercices.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Dans un mois à peine, nous devrons nous pencher sur toutes ces intéressantes questions.

Dans cette attente, la commission des finances vous invite, mes chers collègues, à adopter la motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances rectificative pour 2012. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, souhaitant éviter, au terme de cette discussion budgétaire, un trop grand nombre de redites, je ferai un point rapide sur la situation financière de notre système de protection sociale, en faveur de laquelle le présent collectif n’apporte aucune solution ou amélioration. Je tiens à dénoncer le bilan désastreux des dix dernières années.

Depuis 2002, la sécurité sociale affiche chaque année un déficit : il était de quelque 10 milliards d’euros jusqu’en 2008, supérieur à 20 milliards d’euros depuis 2009, avec un total cumulé de plus de 130 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Ce n’est pourtant pas une fatalité : nos comptes sociaux ont été à l’équilibre dans le passé, ils enregistraient même des excédents entre 1999 et 2001 ! On semble l’avoir oublié... Une gestion différente permettrait d’obtenir d’autres résultats.

La Cour des comptes l’a écrit dans tous ses rapports récents : rien n’a été fait depuis dix ans pour résorber le déficit structurel de nos comptes sociaux, qu’elle évalue à environ 10 milliards d’euros.

Nous en subissons lourdement les conséquences aujourd’hui, car la crise, que personne ne nie, est venue amplifier les difficultés initiales. L’effort à accomplir dans les prochaines années pour revenir à l’équilibre sera bien entendu très supérieur à celui qui aurait pu et dû être mis en œuvre avant la crise.

Il en est ainsi pour le remboursement de la dette sociale. L’accumulation des déficits a entraîné un doublement de la dette en à peine cinq ans : à la fin 2011, 143 milliards d’euros sont inscrits en tant que dette à amortir dans les comptes de la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Or, plutôt que de prévoir un remboursement au moyen de la ressource instituée à cette fin, à savoir la CRDS, la contribution au remboursement de la dette sociale, le gouvernement auquel vous appartenez, madame, monsieur le ministre, a préféré prélever des recettes sur d’autres instances, notamment – paradoxe incompréhensible ! – les organismes de sécurité sociale eux-mêmes, le Fonds de solidarité vieillesse, la Caisse nationale des allocations familiales et le Fonds de réserve pour les retraites. Au nom de quel dogme avez-vous préféré laisser filer ainsi la dette sociale, en choisissant de la financer par de nouveaux déficits ?

Comment qualifier une telle gestion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

On a voulu boucher un trou en en creusant d’autres ailleurs. Aujourd’hui, 29 février 2012, nous célébrons l’anniversaire de la naissance du sapeur Camember et constatons que vous avez repris à votre compte sa vieille méthode. On a peine à sourire devant une telle attitude.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Le choix de reporter l’intégralité des difficultés des dix dernières années sur les générations futures est injustifiable. Comment un gouvernement peut-il, en toute responsabilité, renvoyer le règlement de dépenses courantes actuelles, notamment de santé, aux contribuables et assurés de demain qui auront déjà leurs propres dépenses à financer ?

Dans un tel contexte, les mesures proposées par le collectif paraissent fort éloignées de la réalité et sont loin d’être à la mesure des besoins.

En particulier, la mesure dite « TVA sociale » introduite à l’article 1er ne règle rien, cela a été démontré à longueur d’interventions, ni le problème de compétitivité des entreprises, ni le sous-financement de la protection sociale, ni, bien sûr, l’explosion du chômage dans notre pays.

Notre commission des affaires sociales s’y est déclarée résolument opposée. Sans reprendre dans le détail l’ensemble des arguments qui ont été développés, j’évoquerai d’abord la méthode utilisée. Nous débattons aujourd’hui dans l’urgence, ce qui est inacceptable à moins de deux mois d’une échéance politique majeure pour notre pays. Par ailleurs, les dates d’entrée en vigueur de ces réformes laissent franchement perplexes : la mesure dite TVA sociale serait appliquée à compter du 1er octobre prochain, tandis que la disposition concernant l’apprentissage devrait être mise en œuvre à compter des rémunérations versées en 2015, c’est-à-dire pour le calcul de la taxe payée en 2016 !

Au-delà de ces questions de méthode, notre opposition à ce texte porte bien évidemment sur le fond. Nous l’avons dit, démontré, répété, la hausse de la TVA aura bien un effet inflationniste, cela a toujours été le cas, en France comme ailleurs. Une telle mesure aura donc un effet sur la consommation des ménages et, par voie de conséquence, sur la croissance.

Nous l’avons dit également, la TVA est un impôt injuste, qui touche particulièrement les plus modestes, dont la totalité du revenu est consommée. L’effet attendu en termes de compétitivité semble aussi devoir être relativisé, cela a été largement démontré. J’ai expliqué à cette tribune, la semaine dernière, ce qu’une étude de l’INSEE révélait de la comparaison avec l’Allemagne. Enfin, que dire de l’objectif affiché de 100 000 créations d’emploi ?

Concernant la protection sociale, je souhaite évoquer la branche famille, qui a été l’une des victimes de la politique des trous creusés et rebouchés. En effet, certaines prestations auparavant servies par la CNAV – la majoration de pension pour les assurés ayant élevé au moins trois enfants et l’assurance vieillesse des parents au foyer – ont été transférées à sa charge, tandis qu’une partie du produit de la CSG, transférée à la CADES, a été remplacée par un « panier » de taxes sur les contrats d’assurance, panier qualifié rapidement de « percé », car constitué partiellement de recettes non pérennes, comme l’a démontré la semaine dernière notre rapporteur Isabelle Pasquet.

L’article 1er de ce collectif budgétaire, qui tend à organiser, par une augmentation de la TVA, le transfert vers les ménages du financement de la branche famille, s’inscrit dans la même ligne de pensée, qui assimile les finances sociales à une véritable variable d’ajustement de la politique budgétaire. Certes, avec la création d’un nouveau compte de concours financiers, un mécanisme de compensation est prévu. Mais il ne garantit pas contre de nouvelles baisses ou ponctions.

Techniquement, ce transfert n’est donc pas aussi neutre que ce gouvernement le prétend et voudrait le laisser croire. Il l’est d’ailleurs d’autant moins que l’augmentation de 24, 1 % de la part de recettes fiscales de la branche, qui porterait l’ensemble des impôts et taxes affectés à plus de 55 % de son financement, opère nécessairement un changement de nature.

Il n’est par conséquent pas possible de s’en tenir à une analyse mécanique et comptable du processus de transfert, sauf à confirmer par là même l’absence de toute réflexion et projet sur la cohérence d’ensemble du système ainsi transformé.

Les structures, les modes de vie, les besoins des familles ont changé. Le choix d’intégrer les prestations familiales, qui sont effectivement de nature hybride, dans le système de sécurité sociale a été fait il y a un demi-siècle dans un contexte socio-économique qui n’est plus le nôtre. Le mode de financement de la branche famille, comme celui des autres branches, peut donc être sujet à débat.

Mais encore faut-il que ce débat ait lieu, que les arguments s’échangent, que les points de vue se confrontent, et que le nouveau système de protection sociale que nous proposons à nos concitoyens de construire soit clairement et ouvertement présenté !

Il n’est ni acceptable, ni loyal, ni responsable à l’égard de nos concitoyens qu’un tel changement, qui est loin d’être neutre, je le répète, soit opéré « par la bande », en catimini, réduit à l’accessoire d’un texte budgétaire relatif à la compétitivité et à l’emploi, qui plus est examiné dans l’urgence.

Tel est pourtant bien le choix de ce gouvernement, puisque vous proposez de franchir un nouveau palier dans la mutation sournoise de notre système de protection sociale, sous couvert de l’adoption, comme l’atteste l’intitulé de l’article 1er, de « dispositions fiscales améliorant la compétitivité des entreprises » !

L’institution de cette TVA sans nom, puisque vous ne voulez pas la nommer « sociale », mais que l’on pourrait qualifier de « TVA Sarkozy », est malheureusement exemplaire du sacrifice délibéré de notre système de protection sociale, en imposant une pensée unique arcboutée sur la seule maîtrise de court terme des dépenses, au détriment de toute justice sociale.

La question que nous devons nous poser est celle-ci : quelle serait la responsabilité du système social dans les problèmes de compétitivité, de croissance et d’emploi ?

Quelle serait la responsabilité de notre système social en termes d’emplois ? Je ne reviendrai pas, je l’ai dit, sur la comparaison avec l’Allemagne, rappelant simplement la baisse constante des charges sociales patronales en France depuis trente ans et la quasi-suppression des cotisations de sécurité sociale pour les salaires au niveau du SMIC, celles-ci étant passées de 33 % environ en 1980 à moins de 5 % en 2005.

L’efficacité commande donc une analyse plus fine des causes réelles de notre différentiel de compétitivité. Ne nous contentons pas d’une lecture trop simplifiée, qui risque de nous faire passer à côté des vraies évolutions attendues de l’économie française.

Parmi les éléments d’analyse dont nous disposons, rien ne justifie que soit sacrifié, morceau par morceau, notre système de protection sociale, lequel a justement permis d’amortir, mieux qu’ailleurs, les premiers effets de la crise. Rien ne justifie non plus d’engager un changement de nature de la sécurité sociale, au détour d’un texte budgétaire, en dehors de toute réflexion d’ensemble et d’un projet de réforme structurelle de long terme, dont nous avons besoin pour que les principes de justice et de solidarité de notre protection sociale puissent perdurer.

Mes chers collègues, vous l’avez compris, dans le cadre de cette nouvelle lecture, nous voterons donc de nouveau la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission des finances, pour marquer notre ferme opposition à la politique budgétaire et financière menée au cours des dernières années. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai bref, car la répétition d’arguments déjà invoqués n'a probablement pas beaucoup d'intérêt pour notre assemblée.

Néanmoins, je voudrais revenir sur les propos de notre excellent collègue rapporteur général de la commission des affaires sociales.

Il nous dit, fort justement, que le déséquilibre financier de nos comptes sociaux ne fait que s’amplifier. En revanche, il ne nous dit pas s'il préconise plus de cotisations, il ne nous dit pas quelles catégories seraient concernées

Mme Michèle André s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

, il ne nous dit pas quelles en seraient les conséquences. De même, il ne nous dit pas s’il préconise une diminution des dépenses, il ne nous dit pas, là non plus, qui serait concerné pas plus qu’il ne nous explique quels en seraient les effets.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Avec d’autres, il dénonce également le montant atteint par notre dette sociale. En revanche, il ne nous explique pas comment une augmentation de la CRDS s'inscrirait dans une politique fiscale touchant à l’impôt sur le revenu ni comment pourraient être articulés, le cas échéant, impôt sur le revenu et contributions sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La critique est facile !

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

De la même façon, mes chers collègues, quand Mme le rapporteur général de la commission des finances évoque l'augmentation de la dette publique au cours des dernières années, elle oublie – volontairement, car elle connaît parfaitement la macroéconomie – la crise, elle oublie le grand emprunt.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mais c'est vous qui parlez presque chaque jour des 500 milliards d'euros de dettes supplémentaires apparues au cours du mandat de M. Sarkozy !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Alors assumez vos propos ! Assumez également ceux que vous teniez, hier, lors de l’examen du projet de loi autorisant la ratification du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité. Que préconisiez-vous, en effet ?

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Des eurobonds et la stimulation de la croissance par des programmes d'infrastructures et d'équipements financés par emprunt au niveau européen !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Permettez-moi de vous dire que vos préconisations sont totalement contradictoires avec le discours que vous tenez aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Vous ne pouvez pas, d’un côté, critiquer le grand emprunt national de 35 milliards d'euros et, de l’autre, faire une proposition identique, mais à une échelle bien plus large, celle de l’Europe !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

De même, vous ne pouvez pas nier que cet emprunt européen devra faire l’objet d’une garantie, que sa mise en œuvre nécessitera des moyens financiers qui seront apportés par les États membres et pris sur les budgets nationaux de chacun d’entre eux.

Il n'y a pas de miracle, mes chers collègues

Mme Gisèle Printz s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

La réalité est têtue !

(Mme Christiane Demontès s’exclame.) en révisant les chiffres en fonction de la situation économique actuelle. C'est particulièrement important lorsqu'on a à cœur de rendre les comptes transparents.

M. Jacky Le Menn s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En soumettant au Parlement ce projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement a au moins le mérite de faire preuve d'un esprit d'innovation et d'imagination §

Je l'ai déjà dit, il est très rare qu'une majorité sortante se livre à cet exercice de transparence, et sans doute cela vous gêne-t-il beaucoup.

Non ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

À travers ce projet de loi de finances rectificative, dont c’est un autre mérite, la majorité prend toutes ses responsabilités en annonçant dans quel sens elle poursuivra son action dès lors qu’elle aura été reconduite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Elle aura bientôt l’occasion de se reposer !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Tourner le dos à ses propres contradictions, éluder le débat et la discussion des articles en votant une motion de procédure, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… c’est pratique, mais n'est-ce pas une solution de facilité ? Surtout, est-ce bien dans l'intérêt de notre assemblée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Dans la mesure où le Sénat ne dispose pas des mêmes prérogatives constitutionnelles que l'Assemblée nationale, il se marginalise dans le débat en refusant d’examiner un texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Vous l’avez affaibli avec le débat sur les retraites !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Sans doute est-ce le calendrier qui nous conduit à une décision aussi regrettable, mais je forme le vœu que de telles motions demeurent exceptionnelles…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ils n’arrêtent pas ! Même la proposition de loi d’Éric Doligé !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… et que le Sénat continue à exercer son rôle, à examiner les textes article par article afin de les améliorer.

Nous avons besoin d'un système bicaméral et un Sénat qui serait excessivement politisé, qui serait à la remorque des débats immédiats animant l'opinion publique, qui deviendrait le clone de l'Assemblée nationale, serait-il encore utile à nos institutions ?

M. Ronan Kerdraon s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voilà la crainte que je voulais exprimer devant vous, mes chers collègues. Bien entendu, je vous invite, vous l’aurez compris, à ne pas voter la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UCR. – M. Gilbert Barbier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous vous avions alors présenté des mesures dont nous attendions entre 4 et 5 milliards d'euros de recettes nouvelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Nous vous avions proposé, notamment, de taxer les retraites chapeaux, idée qu’a reprise, si j’ai bien compris, le candidat Sarkozy, qui envisagerait même de les supprimer carrément.

Mme la rapporteure générale de la commission des finances fait part de son scepticisme et Mme Christiane Demontès s’exclame.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre

Nous les avons déjà beaucoup taxés !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous vous proposions également de revenir sur certaines exonérations de charges patronales, mesures qui auraient représenté un vrai bol d'air pour nos comptes sociaux et notre protection sociale.

Vous avez beau dire, monsieur le président Marini, la commission des affaires sociales et son rapporteur général ont déjà formulé des propositions.

Vous trouvez dommage, également, de voter des motions de procédure. Comme vous, monsieur Marini, cela fait maintenant plusieurs années que je siège dans cet hémicycle et ce n'est ni la première fois ni la dernière fois qu’une motion est déposée sur un texte. Lorsque la majorité présidentielle, alors également majoritaire au Sénat, déposait des motions de procédure, cela ne vous posait aucun problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

On n’en proposait pas ! Vous faites comme si vous étiez toujours dans l’opposition ! Vous n’avez pas encore compris que vous étiez majoritaires ici !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Madame Des Esgaulx, je puis vous certifier que, à plusieurs reprises, votre groupe a déposé des motions, lesquelles ont bien sûr été adoptées puisque vous étiez alors majoritaires !

Enfin, monsieur le président de la commission des finances, vous trouvez qu’il serait bien dommage que le Sénat devienne « politisé » et qu'il se place à la remorque des débats nationaux.

Mais n’est-ce pas ce à quoi vous venez de vous livrer, à cette tribune, …

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

… en invoquant les propos de certains candidats ? À cet égard, je regrette que vous n’ayez pas évoqué les propositions formulées par l’ensemble des candidats en lice pour l’élection présidentielle.

Je le répète, alors même que vous contribuez à politiser les débats, vous faites ensuite le même reproche à la majorité sénatoriale et l’accusez d'être à la remorque de certains candidats.

En conclusion, je veux dire que M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales a parfaitement inscrit son propos dans le cadre du débat qui nous réunit aujourd’hui. Au passage, je trouve qu'il est bien dommage que le Gouvernement ait attendu l’examen de ce projet de loi de finances rectificative pour formuler des propositions et que la majorité se prenne à vouloir faire en quelques semaines ce qu’elle n’a pas fait durant toutes ces années où elle était aux manettes.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Au revoir, monsieur le ministre !

Ce sont là les deux mesures fiscales les plus importantes de ce texte. Elles ont d’ailleurs largement occupé les canaux médiatiques habituels et sont au centre du désaccord entre la majorité de l’Assemblée nationale et la majorité sénatoriale.

Deux autres aspects de ce projet de loi de finances rectificative retiennent évidemment l’attention et nécessitent, de notre point de vue, un commentaire particulier.

Le premier, c’est que, une fois de plus, à peine la loi de finances initiale a-t-elle été votée qu’un certain volume des crédits accordés par la représentation parlementaire se retrouvent immédiatement supprimés.

La réalité de la situation économique, avec la détérioration des recettes de l’État, vient une nouvelle fois de rattraper le Gouvernement.

Il faut être aveugle ou pratiquer la méthode Coué pour estimer, comme nous l’avons entendu hier, que 0, 4 % de croissance du PIB, c’est l’embellie !

La prévision de croissance pour 2012 pourrait d’ailleurs de nouveau être remise en cause. Il suffirait pratiquement d’une nouvelle poussée de fièvre des prix de l’énergie, et notamment du pétrole importé, pour que la « valeur » de la production nationale n’augmente pas dans les proportions attendues.

Ce n’est pas avec de tels indicateurs de croissance que nous pourrons inverser la courbe du chômage, qui vient de connaître, au mois de janvier, une nouvelle détérioration. Le quinquennat de M. Sarkozy se terminera avec 4, 25 millions de chômeurs à temps complet ou à temps partiel !

Qu’on ne vienne pas nous dire, d’ailleurs, que nous nous retrouvons dans cette situation parce que aucune réforme structurelle fondamentale n’a été engagée. Bien au contraire ! De la création, suivie de sa suppression, de la taxe professionnelle à la baisse continue du taux de l’impôt sur les sociétés ou au rétrécissement de son assiette, du développement intensif de la flexibilité du travail au temps partiel imposé à 3 millions de salariés, des allégements aveugles de cotisations sociales à la fiscalisation de notre sécurité sociale, des privatisations de l’appareil industriel aux liquidations d’entreprises et aux plans sociaux, bien des mesures structurelles ont été mises en œuvre !

Le résultat, nous le voyons et nous le connaissons : pas de jour sans qu’une entreprise soit concernée par un plan social, le déménagement subreptice des équipements, la fermeture pour motifs spéculatifs ou financiers !

Quant à l’augmentation de la TVA, on sait qu’elle concernera les foyers les plus modestes, comme ce fut le cas de toutes les mesures qui ont été prises pendant ce quinquennat.

Je citerai l’une des dernières, dont la presse vient tout juste de découvrir l’existence, et dont nous avions dénoncé les conséquences en décembre : le gel du barème de l’impôt sur le revenu. Cette disposition touche d’ores et déjà de 100 000 à 200 000 foyers – et peut être plus – devenus imposables alors qu’ils ne l’étaient pas, ce qui leur fera perdre des aides sociales et des réductions d’impôts locaux. M. Seillière qui s’inquiète de la proposition de M. Hollande d’une taxation à 75 % pour la part de revenu excédant un million d’euros a été bien silencieux sur cette mesure !

Pour ma part, je me réjouis que le candidat socialiste rejoigne le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, qui propose qu’au-dessus de 360 000 euros de revenu imposable, soit 20 fois le salaire médian, on applique un taux de 100 %. Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs de la majorité présidentielle, nous avons des propositions pour redresser notre situation économique. C’est une mesure dissuasive, une mesure de justice fiscale, une vraie mesure qui pourrait enfin permettre à l’État d’assurer une politique de solidarité.

Pour faire bonne mesure, si l’on peut dire, des crédits ont été annulés dans maints chapitres budgétaires, comme je l’ai indiqué tout à l’heure. Ces décisions auront des conséquences lourdes, même si elles n’ont pas été évaluées, d’autant qu’elles se greffent sur des budgets déjà insuffisants. Et ce ne sont pas les quelques ajustements de dernière minute pris lors du débat de l’Assemblée nationale qui permettront de régler le problème.

Il serait sans doute trop long de citer la totalité des mesures d’effacement de la « réserve de précaution », qui va finir par devenir une simple clause de style, et dont la raison d’être semble désormais de constituer un outil d’ajustement de début ou de milieu d’année en matière budgétaire. Comme le disait Mme la rapporteure générale, vous laissez ainsi au futur gouvernement issu du résultat des élections la responsabilité de supporter les conséquences de vos décisions.

Pendant ce temps, une ouverture importante de crédits est effectuée : 6, 5 milliards d’euros vont être immédiatement mobilisés pour le Mécanisme européen de stabilité – j’insiste sur ce mot – qui n’a pas grand-chose à voir avec la solidarité dont certains ont paré cet « outil » financier et technocratique. Ces crédits sont mobilisés afin de permettre à la France d’apporter son écot au nouveau plan pour la Grèce.

Nous avons expliqué hier notre opposition à ces choix, proposés par Mme Merkel et M. Sarkozy, qui épuisent le peuple grec et lui font payer les conséquences d’une politique européenne refusant de s’engager sur une harmonisation fiscale et sociale qu’exigent aujourd’hui les syndicats en action dans de nombreux pays européens.

La situation faite tant à la France qu’à la zone euro, à la Grèce en particulier, nécessite d’autres réponses. Et les Français méritent d’être consultés sur ce nouveau traité, comme le seront prochainement les Irlandais.

Le vrai problème n’est-il pas que les prétendus remèdes imposés aux Grecs depuis deux ans n’ont fait qu’aggraver les difficultés que traversent ce pays et sa population, alors même que des milliards d’euros d’avoirs grecs privés sont aujourd’hui cumulés dans les coffres-forts des banques – suisses, entre autres établissements – et que l’injustice fiscale continue de laisser de scandaleux privilèges aux armateurs et à l’Église orthodoxe locale ?

Il y a deux ans, nous nous étions demandé si le plan pour la Grèce était « un plus » pour ce pays, s’il ne visait pas plutôt à assurer les arrières de ceux qui avaient fait de la dette grecque un instrument de profit parmi d’autres.

Le désastre économique dans lequel ce pays est plongé – chômage en hausse, dette publique explosée, déficits croissants et récession économique absolue – montre que, si les recettes des Goldman Sachs boys d’antan n’étaient pas admissibles, les mesures prônées par la Commission européenne et par le FMI ne sont guère meilleures !

La France doit-elle prêter la main à cet asservissement d’une nation souveraine ? Nous ne le croyons pas et c’est donc en toute cohérence que nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable au présent projet de loi de finances rectificative. §

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, mes chers collègues, après nous avoir présenté quatre projets de loi de finances rectificative en 2011, le Gouvernement, deux mois seulement après le vote de la loi de finances pour 2012, revient déjà avec un nouveau collectif budgétaire ! Quelle en est la raison ?

Outre la volonté évidente de faire passer dans la précipitation des mesures d’affichage en pleine campagne électorale, ce collectif doit permettre, selon le Gouvernement, de s’adapter à des prévisions de croissance divisées par deux, et ainsi de respecter l’objectif de réduction du déficit à 4, 5 % du PIB pour 2012.

Mais la surestimation des hypothèses de croissance sur lesquelles se fondait le Gouvernement en décembre était déjà évidente. Ainsi, depuis la fin du mois de novembre 2011, l’OCDE prévoyait une croissance de 0, 3 % en 2012 alors que le Gouvernement s’obstinait à maintenir son chiffre de 1 %.

Aujourd’hui, le Gouvernement ramène sa prévision de croissance à 0, 5 % : espérons cette fois qu’il ne se trompe pas, d’autant que la Banque de France prévoit déjà une croissance nulle au premier trimestre.

Ce collectif s’apparente donc à un troisième plan de rigueur. Les coupes dans les dépenses et l’utilisation inappropriée de la réserve de précaution nous le montrent. La ponction inédite faite sur cette réserve est particulièrement inquiétante et elle limitera considérablement les marges de manœuvre pour faire face à de nouveaux aléas en cours de gestion.

La « TVA sociale » est l’une des principales mesures du texte que nous contestons. Tous ceux qui se sont penchés sur les effets d’une telle mesure ont souligné qu’elle ne pourrait pas favoriser à la fois l’emploi et la compétitivité. Madame la ministre, peut-être avez-vous oublié le rapport de M. Éric Besson qui, en 2007, faisait état du dilemme entre emploi et compétitivité à propos de la TVA sociale ?

Quoi qu’il en soit, la mesure telle qu’elle est déclinée par le Gouvernement, à savoir une baisse des charges sociales de 13, 2 milliards d’euros centrée sur les salaires entre 1, 6 et 2, 1 SMIC, compensée par un relèvement de la TVA de 1, 6 point et une hausse du prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, pourrait au final ne favoriser ni l’emploi ni la compétitivité.

En ce qui concerne l’emploi, comme l’a démontré Mme la rapporteure générale, si cette mesure crée des emplois, elle en créera bien moins que 100 000 – chiffre avancé par le Gouvernement – et elle pourrait même, selon certaines études, en détruire. C’est aussi l’analyse faite par Éric Heyer, directeur adjoint à l’Observatoire français des conjonctures économiques, qui estime que, dans le meilleur des cas, seuls 48 000 emplois pourraient être créés.

Dans l’hypothèse, la plus probable, où les entreprises profiteraient de la mesure pour augmenter leurs marges, les Français subiraient une double peine : d’une part, l’augmentation des prix jusqu’à 1, 1 % et, d’autre part, des destructions d’emplois, jusqu’à 16 000 si l’on en croit certains experts. §

Les estimations de notre commission des finances prévoient quant à elles que l’effet de la mesure proposée par le Gouvernement sera compris entre 20 000 destructions et 30 000 créations d’emploi.

Par conséquent, il ne s’agira en aucun cas d’une « TVA emploi », mais il ne s’agira pas non plus d’une « TVA compétitivité » ou d’une « TVA antidélocalisation ». Dès lors, on voit mal en effet comment une baisse des charges sociales de quelque 13 milliards d’euros pourrait avoir un effet significatif sur la compétitivité-prix, alors que les économistes favorables à la mesure préconisaient des baisses beaucoup plus importantes, de l’ordre de 30 milliards d’euros.

De surcroît, le Gouvernement part du postulat que notre faible compétitivité serait liée au coût du travail. En réalité, je crois plutôt que c’est la compétitivité hors prix qu’il faut stimuler en favorisant la recherche et l’innovation, qui sont les clés d’une croissance forte et durable. Les mesures prises par ce gouvernement en ce sens ne sont pas suffisantes pour rattraper notre « retard » de compétitivité. Il y faudra sans doute davantage de volonté politique.

Enfin, la TVA sociale se traduira nécessairement par une hausse des prix et affectera la consommation et les revenus des ménages, en particulier des plus défavorisés. C’est pourquoi nous ne pouvons que rejeter cette mesure inefficace économiquement et injuste socialement.

La seconde mesure très médiatique de ce collectif est l’instauration d’une taxe sur les transactions financières. Comme je l’ai dit voilà une semaine, mais je ne me lasse pas de le répéter, cette taxe me tient à cœur puisque j’avais été, avec mon groupe, le premier à la proposer au Parlement dans une proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières, examinée par notre assemblée le 23 juin 2010, et rejetée par la majorité sénatoriale de l’époque.

Mais si l’on peut se réjouir, et c’est mon cas, de la volonté du Gouvernement d’instaurer une telle taxe, qui avait dans un premier temps été refusée catégoriquement, on ne peut en revanche que regretter que la version envisagée, et Mme la rapporteure générale l’a dit, soit plus que limitée, notamment par rapport aux propositions de la Commission européenne. Son assiette, déjà étroite à l’origine, a encore été réduite par l’adoption d’un amendement du rapporteur général à l’Assemblée nationale.

En conclusion, les deux mesures phares du collectif – TVA sociale et taxe sur les transactions financières – sont donc révélatrices de la logique qui sous-tend l’ensemble du texte. Les mesures proposées, loin d’être à la hauteur des ambitions affichées, sont d’abord et avant tout l’illustration, une fois de plus, de l’utilisation du Parlement et du travail de ses membres à des fins exclusivement électoralistes. Dans ces conditions, la majorité des membres du RDSE soutiendra la motion tendant à opposer la question préalable, présentée par Mme la rapporteure générale de la commission des finances. §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, lundi dernier, nous discutons de nouveau du premier collectif budgétaire pour l’année 2012.

Mon propos s’adressera avant tout à nos collègues de la majorité sénatoriale et de l’opposition présidentielle. Il portera tant sur le fond que sur la forme de ce débat.

Sur le fond, vous vous opposez à la création d’une TVA compétitivité ou antidélocalisation. Votre argumentation porte avant tout sur la hausse de la TVA, en insistant peu sur la baisse des charges patronales, qui est le vrai sujet.

La hausse ne concernera que le taux supérieur de la TVA, et sera limitée à 1, 6 point, ce qui nous placera dans la moyenne européenne des taux de TVA. Elle ne concernera donc pas les biens de première nécessité, comme l’alimentation ou les médicaments, et au total, ce sont 60 % du panier de consommation des Français qui ne seront pas concernés par cette hausse. Il n’y a pas là de quoi pousser des cris d’orfraie et brandir le spectre de l’augmentation des prix. Je vous rappelle qu’en Allemagne et au Danemark la hausse de la TVA n’a pas été inflationniste. Comme cela a été rappelé tout à l’heure, la hausse de 2 points de TVA sous le gouvernement Juppé avait entraîné une hausse des prix d’un demi-point seulement.

Par ailleurs, si, dans les médias, vous ne cessez d’insister sur la hausse de TVA, vous vous gardez bien d’expliquer aux Français que la baisse des charges sociales sera également compensée par une hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, la moitié de cet effort concernant les 5 % des ménages les plus aisés.

Votre argumentation porte aussi sur la faible création d’emplois attendue. De ce point de vue, je rappelle que les experts se contredisent.

Quoi qu’il en soit, il faut, dans ce débat, revenir aux fondamentaux : l’emploi ne se décrète pas. Il est conditionné par la compétitivité des entreprises. On ne peut à la fois s’émouvoir, comme vous le faites, de la désindustrialisation de notre pays, des mauvais chiffres du commerce extérieur, des délocalisations et ne pas regarder en face et avec courage la structure des charges que nos entreprises doivent supporter.

Il s’agit avant tout de les rendre plus compétitives par rapport à leurs voisines européennes, l’Allemagne, mais aussi l’Italie ou l’Espagne, nos principaux concurrents. Il s’agit aussi de dynamiser nos exportations et taxer davantage les produits importés.

Manuel Valls, porte-parole du candidat Hollande, ne s’était pas trompé lorsqu’il déclarait le 28 septembre lors de la primaire socialiste « la solution c’est la TVA sociale » §ou lorsqu’il récidivait le 7 octobre dans une tribune parue dans Les Échos, intitulée « Oui, la TVA sociale est une mesure de gauche » et il enfonçait le clou en ajoutant « je défends depuis longtemps le principe d’une TVA protection, mesure qui permettrait de trouver un antidote aux délocalisations » : on ne peut mieux dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Au-delà du fond, mon propos portera aussi sur la forme.

Je le regrette très profondément, pour ne pas dire que je m’en offusque, depuis que la gauche est majoritaire au Sénat, nous ne pouvons plus discuter normalement des textes qui nous sont soumis.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Je crois au bicamérisme et je considère que l’honneur du Sénat est d’approfondir, de modérer et d’amender les textes qui sont proposés par le Gouvernement ou qui proviennent de l’Assemblée nationale.

Il y a un an, face à des textes difficiles comme le projet de loi portant réforme des retraites, vous nous expliquiez que le Parlement est là pour débattre et qu’il ne fallait pas s’offusquer de la longueur des débats et de la multiplication des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Depuis que vous êtes majoritaires, on ne compte plus le nombre de motions de tout genre que vous déposez pour esquiver ou éviter la discussion, laissant ainsi à l’Assemblée nationale le soin d’écrire seule la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Je crains que, à force d’agir de la sorte, au moment où vous devenez majoritaires dans cette assemblée, vous n’affaiblissiez les travaux de celle-ci et n’introduisiez un doute sur l’intérêt du bicamérisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Je ne prendrai que trois exemples récents pour illustrer mon propos.

Le premier est le renvoi à la commission de l’excellente proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales présentée par notre collègue Éric Doligé, alors que le Sénat était au cœur de sa mission et répondait à une attente des élus locaux en s’attaquant enfin à ce sujet.

Que l’importance des sujets en cause conduise à ne pas traiter tout à la fois, peut-être, mais nous avons perdu, ensemble, une occasion d’envoyer un message fort aux collectivités, et vous en portez la responsabilité. §

Deuxième exemple : au final, les articles de ce collectif budgétaire n’auront pas été débattus sur le fond, puisque vous avez fait le choix de voter une motion tendant à opposer la question préalable dès la première lecture.

Vous avez donc estimé qu’il fallait rejeter l’ensemble du texte, d’un seul bloc, alors qu’il contenait pourtant des dispositions plus consensuelles, comme l’abondement du capital de la future banque publique de l’industrie, à hauteur de 1 milliard d’euros. Comment pouvez-vous vous y opposer alors même que votre candidat a proposé à la page 7 de son livre programme la création d’une banque publique d’investissement pour les PME industrielles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Démonstration est faite que, à partir du moment où la mesure est proposée par le Gouvernement, vous vous y opposez systématiquement. Calcul politicien au détriment de l’intérêt collectif…

Rejeter en bloc le présent collectif budgétaire, dès la première lecture, et de nouveau en nouvelle lecture, c’est également faire fi de dispositions qui auraient pu nous rassembler et qui vont avoir une incidence positive sur les finances publiques.

Je pense à la mise en œuvre de la taxe sur les transactions financières, que vous prônez depuis longtemps et qui pourrait rapporter 500 millions d’euros cette année puis 1, 1 milliard d’euros en année pleine, ou encore à l’intensification de la lutte contre la fraude fiscale, dont vous ne cessez de dire qu’elle n’est pas suffisante, et qui pourrait rapporter 300 millions d’euros en 2012.

C’est faire fi du renforcement des formations en alternance proposé, qui doit permettre d’offrir des formations supplémentaires à plusieurs centaines de milliers de jeunes.

Enfin, le troisième exemple est le relèvement du plafond de prêts accordés par la France au FMI et l’abondement du capital du futur Mécanisme européen de stabilité.

Vous nous avez encore fait la démonstration hier après-midi de votre scandaleux manque de courage, …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Alors que depuis plusieurs années les Verts et les socialistes au Parlement européen se sont battus pour l’existence d’un tel mécanisme de stabilité, la gauche en France, isolée, a fait le choix d’adopter une posture purement politicienne et électoraliste, au détriment d’intérêts bien supérieurs comme le sauvetage de la Grèce, la sauvegarde de la zone euro, la construction européenne et l’idéal européen. Vous voilà bien discrédités pour parler de l’Europe demain ! §

Quelle tristesse de constater que, dans un contexte où l’Europe et l’euro sont menacés, le courage ne soit pas unanime, au-delà des clivages politiques et des échéances électorales !

Le caractère abscons et tartufe de votre position est résumé par l’expression de Jean-Marc Ayrault, qui tente de la justifier ainsi : « Notre abstention est dynamique, offensive. Le vote “ non ” aurait donné l’impression de ne rien décider ». On ne peut mieux dire !

Voir du dynamisme dans de l’abstention et un acte de décision dans le refus de prendre position, il faut oser ! Si c’est ainsi que vous comptez gouverner la France, voilà qui devrait donner à réfléchir aux électeurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

J’espère que, dans deux mois, ils appliqueront ce concept d’abstention dynamique à votre candidat.

A contrario de votre irresponsabilité, le groupe UMP, pour sa part, votera le présent projet de loi de finances rectificative et s’opposera à la motion tendant à opposer la question préalable que vous défendrez dans quelques instants. §

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure générale de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, je commencerai mon intervention en approuvant les propos que vient de prononcer mon collègue breton sur l’importance du bicamérisme. Je suis tout nouveau sénateur, mais j’ai compris que la Chambre haute est l’assemblée où l’on peut justement approfondir la réflexion.

Toutefois, à l’approche des élections nationales, je découvre une frénésie de mesures graves qui nous sont proposées dans la précipitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Je n’avais pas envisagé le rôle du Sénat sous cet angle.

Entre les promesses de campagne, les renoncements, les mesures inefficaces, idéologiques et à contre-emploi pour certaines, l’échec du Gouvernement et de la politique du Président, candidat aujourd’hui, est éclatant. Le bilan est catastrophique concernant le chômage et la dette. La crise a trop souvent bon dos !

Cela fait cinq ans, cinq ans déjà, que vous avez engagé notre pays dans une certaine spirale : pendant que de plus en plus de personnes sont tombées dans une grande précarité, ont été offerts divers cadeaux fiscaux tel l’allégement de l’ISF, qui coûte à l’État pas moins de 1, 9 milliard d’euros.

Dans ce moment grave que nous vivons où solidarité, équité et justice doivent contribuer à une nécessaire unité nationale, en ces temps difficiles, vous persistez à prendre des mesures injustes.

Le 13 octobre 2007, Nicolas Sarkozy déclarait : « La croissance de 2007, je n’y suis pour rien, il faut la doper en 2008, et en 2009 ce sera la mienne. » En 2007, elle était de 1, 9 %, en 2008 de 0, 9 %, et en 2009 de moins 0, 4 %.

Quant à la dette publique, elle est passée de 64, 2 % du PIB en 2007 à 85, 3 % en 2011, soit près de 1 700 milliards d’euros !

Et aujourd’hui, le Président de la République ose se présenter en sauveur de la crise !

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Le capitaine dans la tempête qui régulera la finance, le Président du plein emploi, du pouvoir d’achat, qui ne laissera plus personne dormir dans la rue dans les deux ans, ne peut plus faire illusion.

Le bilan de l’emploi, pour n’évoquer que celui-ci, est catastrophique. Nicolas Sarkozy, toujours en avril 2007, déclarait sur le plateau de France 2 : « Je veux m’engager, par exemple, sur le plein emploi : 5 % de chômeurs à la fin de mon quinquennat. Et ce travail, on nous demande pas une obligation de moyens, […] on nous demande une obligation de résultats. […] Si on s’engage sur 5 % de chômeurs et qu’à l’arrivée il y en a dix, c’est qu’il y a un problème. […] Je [dirai] aux Français : c’est un échec et j’ai échoué. Et [ce sera] aux Français d’en tirer les conséquences. »

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Eh bien oui, il y a un problème ! Approcher la barre des 10 % comme taux de chômage, on y est presque : quel résultat ! Cela représente près de 1 million de personnes supplémentaires à Pôle emploi, une institution qui a été au passage fragilisée davantage en raison de la diminution de ses moyens : on compte désormais un conseiller pour 200 demandeurs d’emplois. Un pour 200 : c’est absolument effarant !

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Comment ces personnes peuvent-elles être correctement accompagnées dans de telles conditions ? Et comment les employés de Pôle emploi – j’en connais, dont certains travaillent dans des conditions de grande précarité – peuvent-ils jouer leur rôle ?

Mais au lieu de proposer des mesures réellement efficaces contre le chômage, vous stigmatisez les chômeurs à longueur de discours et prévoyez des dispositifs inefficaces !

Les heures supplémentaires, par exemple, n’ont pas permis de diminuer le chômage et coûtent néanmoins plus de 4 milliards d’euros par an. Il en est de même de la TVA sur la restauration, qui, elle, coûte 3 milliards d’euros par an.

Quant à la suppression de 100 000 postes de fonctionnaires dans le cadre de la RGPP, on en constate les effets désastreux sur nos services publics tous les jours, sans parler de ceux qui ont nécessairement été transférés vers les collectivités locales. Je pense notamment au service du droit des sols.

Donc, ce quinquennat, puisque nous en sommes au bilan, est celui du chômage de masse et de la précarisation du travail ; c’est un échec, et derrière cela, pour nous écologistes, c’est l’échec d’un modèle de société qui n’a décidément plus d’avenir.

Alors, en lançant des réformes à la dernière minute, vous pensez faire oublier ce bilan catastrophique. Mais les miracles, vous le savez bien, n’existent pas ! Vous montrez là que vous manquez d’une vision de long terme et que vous ne faites que multiplier les effets d’annonce.

Certes, pour qui que ce soit, l’exercice n’est pas et ne sera pas facile. Mais ce n’est pas avec des effets d’annonce et des mesures de dernier moment que l’on peut sauver la situation. La proposition d’une TVA sociale est à cet égard tristement emblématique : après avoir critiqué l’injustice de ce type d’impôt, le Président le présente comme une mesure de justice sociale. Il ne faut tout de même pas exagérer !

Avec cette mesure, c’est bien le pouvoir d’achat, l’ensemble du budget de nos concitoyens, notamment les plus défavorisés, qui va être touché, alors que nous sommes en pleine crise.

En effet, il faut cesser de mentir aux Français, une hausse de la TVA va inéluctablement faire augmenter les prix. Finalement, quel est l’objectif visé avec cette hausse de TVA ? Il s’agit de compenser l’exonération des charges patronales, un cadeau supplémentaire, alors même que les entreprises attendent des mesures autrement plus efficaces.

Vous demandez des sacrifices aux Français, mais vous gaspillez leurs efforts !

Vous le savez, vous nous engagez là dans une course folle de dumping social, une course que nous allons perdre et dont le prix sera lourd pour l’ensemble des Françaises et des Français. Au fond, le but recherché est-il de remettre en cause nos acquis sociaux afin que nous soyons de plus en plus compétitifs ? Mais plus compétitifs que qui ?

Pourquoi s’obstiner à refuser de construire une Europe solidaire où les droits sociaux s’ajusteraient par le haut ? Pourquoi persister à croire en un modèle de développement qui nous conduit droit dans le mur, et reporter le règlement de nos immenses problèmes sur les générations futures ?

Il s’agit maintenant d’investir dans les filières d’avenir, notamment le bâtiment, les économies d’énergies dont tout le monde profitera, les transports en commun, les énergies renouvelables.

Nous pouvons réindustrialiser notre pays, créer et localiser, relocaliser, refaire du lien entre l’économie et le territoire.

Ce projet de loi de finances rectificative est, selon nous, dangereux et inefficace. C’est, beaucoup le ressentent ainsi, un coup de communication de plus en vue des élections qui approchent !

Par conséquent, aux yeux des écologistes, ce texte est pour le moins inopportun, et comme nous l’avons déjà dit, un tel débat n’a pas lieu d’être au sein de la Chambre haute. C’est la raison pour laquelle nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable. §

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je voudrais, à l’occasion de cette nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2012, poser trois questions.

La multiplication des questions préalables qui empêchent le débat est-elle une bonne chose pour le Sénat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Sur le fond, ce projet de loi de finances rectificative va-t-il dans le bon sens ?

Enfin, pourquoi ne pas retenir les propositions que j’avais faites lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2012 ?

Tout d’abord, cette nouvelle lecture résonne étrangement dans cet hémicycle. En effet, le Sénat, sur proposition de la majorité de notre commission des finances, a préféré éluder la discussion de ce premier projet de loi de finances rectificative pour 2012 en déposant une motion tendant à opposer la question préalable.

Une fois de plus, nous devons nous prononcer sur une motion de procédure, bref, sur une énième manière de nous dédouaner de notre responsabilité…

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

… et de notre rôle de parlementaire, qui est, je le rappelle, de débattre, d’amender, de voter ou non la loi...

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Autant dire que nous nous défaussons sur nos collègues députés ! Ce procédé n’est pas acceptable !

Les auteurs de la question préalable déposée sur ce texte mettent en avant l’absence d’urgence comme de nécessité des dispositions en cause. Je m’étonne de ces arguments : de fait, la compétitivité de notre économie exige des mesures d’urgence. Quant aux dispositions relatives à l’équité fiscale, à la lutte contre la fraude, à la solidarité européenne, qui font également partie de ce texte, elles me semblent de nature à être adoptées dès maintenant.

On ne peut faire grief au Gouvernement de travailler jusqu’au bout et de proposer des mesures susceptibles de renforcer la compétitivité de notre économie et de créer des emplois.

J’ai écouté avec attention les propos de notre rapporteur général. C’est à croire que ce n’est jamais le bon moment pour aborder des sujets cruciaux. Nous ne parlons, somme toute, que de l’orientation à donner aux structures de notre économie pour les prochaines années : rien que cela !

Eh bien, je suis de ceux qui pensent que non, la croissance et l’activité n’attendent pas les élections ! Nos concitoyens continuent de travailler, de produire et de consommer. On n’arrête pas d’un trait la machine économique. Du reste, celle-ci a cruellement besoin d’une révision d’ensemble et de courageuses réformes structurelles, au regard de notre déficit commercial abyssal et d’un taux de chômage inacceptable.

Jusqu’à la dernière minute, le Gouvernement reste légitime à gouverner et à réformer. C’est là la substance même de ce que l’on nomme la continuité de l’État : il n’y a pas de vacance du pouvoir, surtout pas en pleine crise économique.

Alors que nous ne sommes même pas assurés d’éviter la récession en 2012, il est irresponsable d’affirmer qu’il est trop tard pour réformer. Au contraire, il faut poser les véritables questions, quel que soit le calendrier. Les citoyens trancheront au printemps prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Pour l’heure, notre devoir est d’assumer notre rôle institutionnel plutôt que d’apporter de l’eau au moulin de ceux qui appellent de leurs vœux la disparition du Sénat.

Or il est regrettable de constater que, depuis le mois d’octobre dernier, le Sénat n’assume plus véritablement ni totalement son rôle institutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Le Sénat ne saurait être réduit à une simple caisse de résonance de l’opposition à la majorité présidentielle !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous avons voté une loi de finances et une loi de financement de la sécurité sociale !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Nous ne pouvons pas nous permettre de devenir un simple frein aux rouages institutionnels de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Mais n’oublions pas le fond du présent texte. Il s’agit de poser les premiers jalons d’une refondation structurelle de notre économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Et le succès de cette entreprise passe par trois axes majeurs : stimuler notre compétitivité, renforcer l’équité de notre système fiscal et consolider nos outils pour lutter contre la crise des dettes souveraines.

Les différentes dispositions de ce collectif budgétaire vont dans le bon sens, indéniablement. L’OCDE a d’ailleurs salué récemment les différentes réformes entreprises par la France au cours des dernières années, à l’heure même où la Banque mondiale se montre de plus en plus pessimiste quant à l’avenir du régime de croissance de la Chine.

Le monde change plus vite qu’on ne pouvait le croire, et la France a son rôle à jouer dans le siècle à venir.

Certes, la TVA antidélocalisation aurait pu être mise en œuvre plus tôt, …

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

… elle aurait dû être plus forte car, comme chacun sait, cette mesure ne produira ses effets qu’à moyen voire à long terme.

Certes, la taxe sur les transactions financières n’est pas assez forte et son assiette n’est pas encore européenne.

Et pourtant le présent texte a le mérite de mettre en œuvre ces mesures, …

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

… que les centristes appellent de leurs vœux, …

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

… dans leur grande majorité, et depuis de nombreuses années !

À ce titre, je salue le travail accompli par notre collègue Jean Arthuis, qui s’est imposé comme un pionnier majeur de cette modernisation tant attendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Ce texte a également l’intérêt de créer une banque de l’industrie, permettant de renforcer le soutien dont les petites et moyennes entreprises ont besoin pour se développer et pour embaucher.

Par ailleurs, le présent projet de loi de finances rectificative permet de renforcer l’apprentissage, voie essentielle vers l’emploi pour tous les jeunes qui cherchent à fonder leur avenir sur des bases solides.

Oui, mes chers collègues, le sentier de la croissance, la voie de la création d’emplois en nombre ne se dessineront qu’à force de réformes structurelles, et non en arrosant d’argent public le sable de nos déficits. Si la relance budgétaire assurait nécessairement la croissance économique, notre taux de croissance serait bien supérieur à 2 % ! Or il n’en est rien.

À mes yeux, ce texte trace la voie de mesures structurelles qu’il faudra renforcer dans les mois à venir.

En outre, ce projet de loi de finances rectificative acte, malheureusement, une hausse sensible de notre déficit public.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je crains que nous ne soyons qu’au début d’un processus appelé à se poursuivre et à exercer ses effets néfastes sur nos finances publiques pendant un bout de temps ! De fait, il faudra bien payer nos dettes même si certains – y compris dans cet hémicycle – persistent dans l’illusion que l’on peut emprunter à perte de vue. §

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Cette illusion est dangereuse pour nos compatriotes, à qui, même en période électorale, il ne faut pas faire croire que l’on peut continuer impunément à vivre au-dessus de ses moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Ça, c’est vrai ! Il fallait le dire en 2007 !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Le texte dont nous discutons aujourd’hui corrige également la prévision de croissance qui, en définitive, avait été retenue à l’automne dernier.

J’en viens aux deux propositions que j’avais alors formulées sur ce point, et que je renouvelle aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Soyez bref, car le temps de parole dont vous disposiez est écoulé !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Tout d’abord, j’avais proposé d’adopter la prévision de croissance issue du consensus des économistes – celle-ci s’établissait alors entre 0, 9 % et 1 % – diminuée, par mesure de prudence, de 0, 5 %.

Vous le remarquerez, si cette proposition avait été retenue, nous n’aurions pas à revenir aujourd’hui sur cet élément majeur pour l’élaboration de nos prévisions budgétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La réalité nous a rattrapés : force est de constater que nous n’avons pu faire l’impasse sur un ajustement à la baisse de nos prévisions en matière de croissance et donc de recettes fiscales à périmètre constant.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Par ailleurs, nous devrons tôt ou tard – mais le plus tôt sera le mieux ! – opérer une importante réduction de nos dépenses publiques. Là aussi, il nous faut en finir avec cette trop grande timidité qui nous empêche de prendre le problème à bras-le-corps.

Si nous réduisons la dépense publique de 1 euro pour chaque euro d’impôt supplémentaire, comme je l’ai proposé, il y a fort à parier que nous trouverons une clef de réduction de notre déficit structurel.

Madame le ministre, mes chers collègues, la crise n’est pas terminée, en dépit des conditions plus favorables dont nous disposons actuellement pour financer notre dette. Le présent collectif budgétaire ne répondra pas à tous les défis posés à notre pays, à nos entreprises et à notre population active. Pourtant, il désigne une voie nouvelle qui mérite d’être explorée, mais qui, avant tout, aurait mérité d’être débattue !

Je regrette que la majorité sénatoriale nous prive de ce débat fondamental, …

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

… et même si, à mon sens, les mesures qui nous sont proposées sont à la fois trop tardives et trop peu fortes, sur le fond, ce texte va incontestablement dans le bon sens.

C’est pourquoi le groupe de l’Union centriste et républicaine votera, dans sa grande majorité, contre la motion tendant à opposer la question préalable qui nous est soumise aujourd’hui. §

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai souhaité intervenir dans ce débat pour évoquer un enjeu précis du présent projet de loi de finances rectificative, à savoir la culture.

En effet, dans le contexte de grave crise que nous traversons, la culture peut apparaître, chez tous les acteurs du débat public, comme le parent pauvre que l’on oublie, en considérant qu’il ne s’agit là que d’un « supplément d’âme » à l’heure où les difficultés matérielles et concrètes frappent l’ensemble de nos concitoyens.

Je l’affirme, il n’en est rien : de fait, la culture est non seulement au cœur de notre pacte républicain, de notre vivre ensemble, mais elle constitue également – précisément dans les périodes de grandes difficultés – un vecteur de cohésion essentiel et vital, pour l’ensemble des Français.

Mes collègues Nicole Bricq et Yves Daudigny ayant abordé le présent texte dans son ensemble, je tiens à concentrer mon propos plus précisément sur la question de la culture.

Vendredi dernier, plusieurs centaines de personnes du monde du spectacle vivant et des arts plastiques ont manifesté à Paris, à Rennes, à Amiens et à Strasbourg, pour protester contre les coupes claires que le projet de loi de finances rectificative dont nous débattons cet après-midi opère dans les crédits culturels.

Il faut le souligner, ce texte supprime plus de 62 millions d’euros de crédits pour les secteurs de la culture et de l’audiovisuel, somme à laquelle il convient d’ajouter 67 millions d’euros gelés. Et, jusqu’à présent, il n’y a pas eu de dégel !

En réalité, la culture n’a jamais fait partie des priorités du Président de la République sortant. Du reste, la lettre de mission qu’il adressait dès le mois d’août 2007 à sa ministre de la culture de l’époque donnait le ton du projet ultralibéral qu’il nourrissait pour la culture : « Vous exigerez de chaque structure subventionnée qu’elle rende compte de son action et de la popularité de ses interventions, vous leur fixerez des obligations de résultats et vous empêcherez la reconduction automatique des aides et des subventions. »

Derrière ces phrases, qui peuvent paraître de bon sens, …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… en suggérant d’évaluer les politiques menées avant de renouveler les crédits qui leur sont attribués, et en soulignant que rien n’est automatique en matière de subventions, de nombreux principes absolument essentiels à la culture, et grâce auxquels on a pu évoquer, au sujet de notre pays, une véritable exception culturelle, ont été mis à bas : de fait, la popularité – c'est-à-dire le nombre de visiteurs ou de spectateurs – n’est pas le critère essentiel d’attribution d’une aide ou d’une subvention publique en matière culturelle.

Vous le savez, Mozart et d’autres génies n’avaient guère d’audience et n’étaient pas très populaires de leur vivant. Quoi qu’il en soit, s’il est possible de faire émerger des Mozart dont la valeur sera reconnue dans un siècle, mieux vaut ne pas juger leurs œuvres uniquement à cette aune ! §

De surcroît, les projets culturels ont besoin de visibilité, de temps, de préparation, et les résultats ne se mesurent pas tout de suite ! Or les situations d’insécurité – engendrées par l’éventualité d’une suppression brutale des subventions – ont fragilisé nombre de structures et mis en péril une grande partie de notre production culturelle et du spectacle vivant.

Après quatre ans et demi d’exercice du pouvoir, cette tendance s’est accrue de manière inacceptable. Ainsi, au titre de l’exercice 2012, la seule mission « Culture » subit une baisse de 34, 1 millions d’euros en autorisations d’engagement, et même de 36, 1 millions d’euros en crédits de paiement : les coupes claires se multiplient dans un secteur dont les crédits enregistraient déjà une baisse de 5 % en autorisations d’engagement, lors du vote de la loi de finances initiale, en décembre 2011.

Ainsi, les 34 millions d’euros amputés seraient ainsi répartis : 21, 1 millions d’euros pour le programme « Patrimoine », 3, 5 millions d’euros pour le programme « Création », 9, 4 millions d’euros pour le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Il n’est pas anodin que le secteur du patrimoine soit, une fois de plus, le premier à subir les frais de la politique de démantèlement des moyens alloués à la culture. Je rappelle que l’État n’a plus, ou plutôt ne se donne plus les moyens d’entretenir ses monuments historiques, domaine qui, depuis 2003, accuse un déficit structurel de l’ordre de 50 à 60 millions d’euros par an en crédits de paiement.

Ainsi, dès le milieu de l’année civile, les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, sont fréquemment placées en situation de cessation de paiement, des chantiers de restauration sont stoppés, et, chaque jour, des entreprises de restauration au savoir-faire unique et pointu mettent la clef sous la porte !

Pour pallier ces difficultés, le Gouvernement n’a rien trouvé de mieux à faire que de liquider progressivement ce patrimoine, en en transférant les charges aux collectivités territoriales, qui plus est – nous le savons pour en avoir discuté ici même ! – dans des conditions qui ne garantissent pas la préservation de ces monuments dans le domaine public.

Cette politique à très court terme permet à l’État de renflouer ses caisses en utilisant comme de vulgaires marchandises des monuments historiques, patrimoine commun de tous les Français, pourtant en principe protégés par les clauses d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité applicables aux biens publics du domaine public.

Toujours dans le secteur du patrimoine, je rappelle le sort réservé à l’archéologie préventive, …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… qui a fait l’objet de sept réformes sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. À ce titre, il serait nécessaire de mener quelques évaluations et de prendre l’habitude, avant de voter une loi, d’étudier la législation en vigueur, afin de prévenir cette prolifération législative qui ne sert à rien et qui complique tout !

Nombreuses sont les régions et les structures qui feront les frais de ces coupes budgétaires. Ainsi, le Gouvernement a annoncé son intention de réaffecter aux DRAC les moins bien dotées les sommes prélevées sur celles des régions les « mieux » dotées, pour citer ses propres termes ! Ce faisant, la région Île-de-France devra rétrocéder 800 000 euros en quatre ans.

Première victime de cette hémorragie, l’orchestre national d’Île-de-France, structure itinérante qui verra sa subvention baisser de 700 000 euros, soit environ 25 % de son financement !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

À cette baisse de 34 millions d’euros des crédits de la mission « Culture », il convient d’ajouter la diminution de 11, 2 millions d’euros des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », tandis que le programme « Diplomatie culturelle et d’influence » voit ses crédits diminuer de 6, 2 millions d’euros.

L’audiovisuel public, qui perd 11 millions d’euros, n’a pas cessé de souffrir au cours de cette mandature. Lorsque nous avions débattu de sa réforme dans cet hémicycle, nous nous étions interrogés sur la volonté de supprimer les recettes publicitaires, ce qui revenait à alourdir la charge pour l’État. Si cette mesure ne pose peut-être pas de grand problème lorsque tout va bien, il en va différemment lorsque les caisses de l’État se vident. Et nous avions envisagé, à l’époque, ici même, le risque d’une diminution des moyens de l’audiovisuel public, solution dont on voit qu’elle est à l’œuvre aujourd’hui !

D’autant qu’il convient encore d’ajouter aux baisses que je viens de citer 7 millions d’euros de moins pour France Télévisions, 2, 25 millions d’euros de moins pour Radio France, 1 million d’euros de moins pour Arte France et 510 000 euros de moins pour l’INA…

Et dire que le président Sarkozy avait, au début de son quinquennat, insisté sur le fait que la consommation de certains biens culturels devait être encouragée par la baisse de la TVA, y compris en recourant au taux réduit de 5, 5 %...

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mais aujourd’hui, l’industrie du livre, comme d’autres industries culturelles d’ailleurs, subit une hausse de la TVA.

Donc, de manière générale, en ces temps de très grande difficulté financière, on décide de couper en catimini dans les budgets de la culture et de la communication, sans doute parce que l’on se dit qu’ils ne sont pas destinés à satisfaire les besoins les plus immédiats des Français. Pourtant, ne nous y trompons pas : ces coupes ne seront évidemment pas sans conséquences, car l’on n’imagine pas à quel point l’ensemble de ces activités permettent de maintenir le lien social sur le territoire !

C’est pour cette raison que le SYNDEAC, le syndicat national des entreprises artistiques et culturelles, la CGT et tout le spectacle vivant ont eu raison de nous alerter la semaine dernière.

Malheureusement, au vu de la situation qu’ils nous ont décrite, il y a fort à craindre que nous n’assistions, une nouvelle fois, à des manifestations et à des boycotts lorsqu’arrivera la saison des festivals, parce que les intermittents du spectacle, les créateurs n’auront plus que ce moyen pour protester et se faire entendre.

C’est pour donner à leurs appels au secours un prolongement dans cet hémicycle, mes chers collègues, que j’ai tenu à rappeler ces réalités dans la discussion générale.

Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons la proposition de la commission des finances qui nous invite à rejeter ce texte en adoptant la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur général, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord remercier tous les orateurs qui sont intervenus au cours de cette discussion générale, en particulier les membres de la commission des finances et l’ensemble de leurs collaborateurs, de l’efficacité avec laquelle ils ont examiné ce texte. Je salue également le travail de la commission des affaires sociales.

À l’instar des débats de première lecture, les différentes interventions à la tribune ont montré toute la distance qui sépare aujourd’hui la majorité présidentielle de la gauche et, si vous me permettez ce raccourci, l’Assemblée nationale du Sénat.

Le Gouvernement et la majorité présidentielle souhaitent, sans attendre, relever le défi de la croissance, en prenant des mesures courageuses pour permettre à notre pays de s’extraire de la spirale de la perte de compétitivité et des délocalisations, mais aussi pour renforcer la solidarité européenne.

En revanche, l’opposition, parce qu’elle refuse toujours de tirer les pleines conséquences de l’échec des 35 heures

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

… refuse aujourd’hui de voter une baisse des charges qui permettra aux entreprises de regagner des parts de marché et de créer des emplois.

Cette position ne nous surprend pas, au demeurant, puisque nous venons d’apprendre que le candidat socialiste, François Hollande, prévoyait une augmentation de charges de 5 milliards d’euros pour les retraites et de 4 milliards d’euros pour la dépendance, soit 9 milliards d’euros au total, lorsque nous prévoyons de les faire diminuer de 13, 6 milliards d’euros.

Protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

D’un côté, donc, la baisse d’impôts ; de l’autre côté, la hausse d’impôts…

M. David Assouline s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

D’un côté, les bons, de l’autre, les méchants ! Ben voyons !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Les Français sauront trancher !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Madame la rapporteur général, prendre, dès aujourd’hui, des mesures courageuses, c’est, dès demain, renforcer notre potentiel de croissance.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Dès lors, pourquoi attendre ?

L’attentisme ne saurait servir de politique, même à la veille d’échéances électorales importantes, et c’est pour cela que nous devons agir dès maintenant.

Monsieur Daudigny, à vous entendre, nous ferions cette réforme en catimini… Je ne peux accepter cette critique. En effet, y a-t-il démarche plus démocratique que de soumettre un texte à l’examen de la représentation nationale ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous en prie, n’abaissez pas le Sénat de la sorte, je vous en prie !

Nous vous avons proposé de débattre de cette réforme, et c’est bien vous qui avez refusé de vous engager dans la discussion.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Aujourd’hui, nous avons beaucoup entendu parler du bilan du quinquennat.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Je vous rappelle toutefois que l’objet de ce texte n’est pas seulement de faire le bilan du quinquennat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Il est bien le produit de votre bilan, pourtant !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Il vise aussi à mettre en œuvre des mesures destinées à améliorer la compétitivité de notre pays.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Je vous invite, monsieur le sénateur, à relire l’édition d’un quotidien du soir parue avant-hier, dans laquelle étaient détaillées toutes les réformes auxquelles François Hollande ne touchera pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Ce sont des journalistes qui écrivent tout cela !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Cette lecture vous permettra de découvrir tout le bilan du quinquennat.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Détrompez-vous, monsieur le sénateur, et M. Hollande en garderait beaucoup plus que je ne le pensais : la loi « HPST », l’autonomie des universités, le service minimum dans les transports : autant de réformes qui ne suscitent manifestement plus de discussions, bien qu’elles n’aient pas été votées par la gauche.

On se demande effectivement ce que serait la France sans le triplement du crédit d’impôt recherche, sans la loi sur l’autonomie des universités, sans la réforme de la taxe professionnelle et sans le service minimum dans les transports !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mais parlons aujourd’hui de l’avenir des Français et de l’avenir de notre économie.

Les salariés et les entreprises attendent cette réforme du financement de la protection sociale, en particulier dans les secteurs de l’industrie et de l’agriculture, mais plus généralement dans toutes les PME et les TPE.

La baisse des charges permettra aux entreprises de remporter des marchés, d’investir, de se développer, de recruter et, à terme, de redistribuer les fruits de la croissance.

Je le répète : notre mesure ne pèsera pas sur le pouvoir d’achat des ménages, contrairement à ce qu’affirme M. Collin. D’abord, la baisse du coût du travail sera supérieure, de 2, 6 milliards d’euros, à la hausse de la TVA. La diminution du coût des produits hors taxe sera donc supérieure à l’augmentation de la TVA.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Ensuite, comme l’a rappelé M. de Legge, 60 % des produits qui sont consommés tous les jours par les Français bénéficient d’un taux nul ou réduit de TVA – je pense notamment aux loyers, qui se voient appliquer un taux nul, aux produits alimentaires ou aux services publics, imposés à 5, 5 %, ou encore aux médicaments ou à la presse, taxés à 2 %. Ces produits ne sont pas concernés par cette réforme. Quant aux 40 % restants, ce sont pour les trois quarts des produits également fabriqués en France, qui verront donc leur prix hors taxe baisser.

Monsieur Assouline, vous savez que le Gouvernement est très attaché à la politique culturelle de notre pays.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Nous avons donc exaucé Martine Aubry avant même qu’elle ne prenne la parole, en augmentant de 20 % le budget de la culture.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Très franchement, monsieur Assouline, j’étais au festival d’Avignon l’an dernier et je n’y ai pas vu beaucoup d’indignés de la culture !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ce sont des démocrates : ils attendent de pouvoir s’exprimer dans les urnes !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Il me semble pourtant que, lorsqu’ils ne sont pas contents, les professionnels de la culture savent le manifester beaucoup plus vigoureusement, monsieur le sénateur.

Quant à la révision de la prévision de croissance à 0, 5 %, madame Bricq, elle s’explique par un souci de transparence et de sincérité, même si, de votre côté, vous prétendez qu’il n’était pas urgent de le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Dès lors que vous présentiez un projet de loi de finances rectificative, vous étiez obligée de procéder à une telle révision !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Comme l’a rappelé M. le président de la commission des finances, peu de gouvernements ont fait cet effort de transparence à la veille d’une élection.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Obligés par qui ? Obligés par quoi ?

Quand Lionel Jospin, quelques jours après le 11 septembre 2001, prétendait que rien n’avait changé et que l’on ne modifiait pas un budget dans l’urgence, la sincérité n’était pas franchement au rendez-vous !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Au point d’ailleurs que la première décision que nous avons dû prendre – je m’en souviens, il s’agissait du premier texte que j’examinais en qualité de députée – fut de voter 1 milliard d’euros pour financer l’allocation personnalisée d’autonomie, que vous aviez présentée comme une grande avancée sociale, mais dont vous n’aviez tout simplement pas prévu le moindre début du financement !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. Les présidents de conseil général s’en souviennent !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Cela s’appelle l’insincérité budgétaire, mesdames, messieurs les sénateurs !

Aujourd’hui, nous sommes sincères, et nous le sommes d’autant plus que nous sommes placés sous le regard scrutateur de Mme la rapporteur général de la commission des finances du Sénat et de M. le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale…

Le Gouvernement accompagne cette nouvelle prévision, désormais consensuelle, d’un effort supplémentaire de 1, 2 milliard d’euros sur les dépenses, à travers l’annulation de crédits mis en réserve.

À ce titre, madame Beaufils, vous ne pouvez pas dire que nous remettons en cause la loi de finances initiale, ni qu’il ne reste plus de marge de précaution, 4, 4 milliards d’euros étant encore disponibles pour absorber les aléas qui pourraient survenir en cours de gestion. Simplement, il est vrai que nous avons été très prudents, en plaçant 6 milliards d’euros en réserve de précaution pour pouvoir faire face à ces aléas. Voilà la nouveauté !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. Si, c’est nouveau, et c’est notre façon de gérer, à la fois prudente et avisée !

Exclamations ironiques sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Cela prouve bien que nous serons capables de tenir nos objectifs de dépenses publiques, monsieur Labbé. Vous semblez mettre globalement en doute la trajectoire des finances publiques que nous avons présentée voilà quelques mois. Mais si vous ne croyez pas à la réduction du déficit, c’est parce que vous ne croyez pas à la baisse des dépenses. Il est vrai que le mot « économies » semble étranger à votre vocabulaire.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. J’écoutais ce matin François Hollande sur RTL : il avait bien du mal à dire quelles dépenses il allait réduire !

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est la vertu du partage des temps de parole pendant la campagne électorale : nous sommes obligés d’écouter l’opposition la moitié du temps. Alors, nous l’écoutons !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, vous ne croyez pas à la baisse des dépenses, alors que nous la mettons concrètement en œuvre. C’est toute la différence entre nous !

Applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Nous avons réduit le nombre de fonctionnaires et le budget de l’État, qui, pour la première fois en 2011, va diminuer d’une année sur l’autre. Si seulement vous pouviez vous engager à faire la même chose que nous !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Et le chômage ? Il faut donner tous les indicateurs !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet, monsieur le sénateur. La stratégie qui consiste à bloquer les prix des carburants en demandant à l’État de diminuer les taxes n’est pas la bonne. Cela consiste en réalité à faire payer le contribuable à la place du consommateur, ou à faire supporter par le contribuable français les hausses de prix pour les Émirats !

Applaudissementssur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Les impôts et les taxes, voilà votre seule stratégie ! À l’inverse, nous misons, nous, sur la compétitivité des entreprises.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Eh oui, mesdames, messieurs les sénateurs, les deux solutions n’ont rien à voir l’une avec l’autre !

Je remercie également M. Marini, qui a rappelé que nous avons respecté nos objectifs de dépenses d’assurance maladie – M. Daudigny l’a souligné également –, et surtout nos objectifs de réduction des dépenses budgétaires.

Je rejoins également Vincent Delahaye sur nombre de points, notamment sur l’importance de la maîtrise des dépenses publiques.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je n’ai pas perdu une miette des propos de M. Delahaye, du miel à mes oreilles, mesdames, messieurs les sénateurs…

Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UCR. – Éclats de rire sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, je voudrais corriger une erreur, madame Bricq : l’Assemblée nationale n’a adopté, hier, aucune disposition visant à réduire l’assiette de la taxe sur les transactions financières.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Absolument aucune !

Par ailleurs, madame la rapporteur général, vous vous interrogez une nouvelle fois sur la crédibilité du Mécanisme européen de stabilité, en nous accusant de lier solidarité et discipline. Il me semble au contraire que l’équilibre de la construction européenne commandait précisément de renforcer simultanément la discipline budgétaire et la solidarité.

Quant aux capacités d’engagement des pare-feux, le Conseil européen de mars se prononcera sur le cumul éventuel des capacités d’engagement du Fonds européen de stabilité financière et du MES. Comme vous le savez, la France est favorable à un cumul, au moins partiel, des deux instruments. En effet, plus nos pare-feux européens seront solides, plus ils permettront de rétablir la confiance, préalable nécessaire au retour de la croissance et de la stabilité dans la zone euro.

Pour cette raison, votre abstention sur le Mécanisme européen de stabilité nous paraît la manifestation d’une grande irresponsabilité et nous la regrettons infiniment.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ne vous en déplaise, les mesures de compétitivité et de maîtrise budgétaire que vous présente aujourd’hui le Gouvernement sont, comme d’ailleurs toutes celles qu’il a prises depuis le début du quinquennat, absolument déterminantes, non seulement pour notre compétitivité et nos emplois, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Allons ! On a perdu 800 000 emplois en cinq ans !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. … mais aussi, à terme, pour la sauvegarde de notre modèle social !

Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis saisi, par Mme Bricq, au nom de la commission, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de finances rectificative pour 2012 (440, 2011-2012).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat a adopté, lors de la première lecture de ce projet de loi de finances rectificative, la motion tendant à opposer la question préalable que j’avais présentée. Les arguments que j’avais développés la semaine dernière restent pertinents.

Aucune des mesures fiscales n’est urgente, en particulier la mesure emblématique qui a justifié le dépôt de ce texte, à savoir la hausse de la TVA de 1, 6 point, dont la mise en œuvre est renvoyée au mois d’octobre prochain.

C’est le projet de loi de finances rectificative, madame la ministre, qui vous a obligée à réviser votre prévision de croissance. Je rappelle que François Hollande avait annoncé, dès le 25 janvier, une croissance pour 2012 de 0, 5 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Vous vous y êtes ralliée parce que vous étiez obligée de présenter votre mesure phare, la hausse de la TVA.

J’observe d’ailleurs que certains ici poussent des cris d’orfraie à l’annonce d’une tranche d’imposition à 75 %, mais on ne les entend pas beaucoup quand vous prévoyez une augmentation généralisée de la TVA…

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Il n’y a pas de hausse !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Puisque vous avez fait allusion au Mécanisme européen de stabilité, madame la ministre, ainsi que M. le ministre, je formulerai un reproche de fond : la seule mesure d’application immédiate de ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 est le versement par la France des deux premières annuités. Ce faisant, vous désarmez la France dans les négociations européennes concernant notamment le montant du « pare-feu »

Mme la ministre fait des signes de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

À partir du moment où vous opérez ce versement, vous nous privez d’un argument essentiel pour toutes les négociations à venir après l’élection présidentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Qu’en sera-t-il du rapport de force avec notre partenaire principal, l’Allemagne, qui a repoussé ce versement au mois d’avril ?

Vous dites toute votre satisfaction de voir la France être la première à s’exécuter, mais je vous reproche, moi, de désarmer notre pays. Je livre cette considération à nos collègues, car nous allons continuer de travailler pendant la campagne de la présidentielle.

Je vous donne rendez-vous, madame la ministre, pour l’examen par la commission des finances du programme de stabilité que soumettra la France à la Commission européenne !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Oui, monsieur le sénateur, je m’exprime sur cette motion tendant à opposer la question préalable. Et pourquoi n’en aurais-je pas le droit ? Si vous ne le souhaitez pas, cela confirmera que le Sénat, capturé par une partie de la classe politique française, n’est plus le lieu du débat démocratique !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

C’est une question non de légitimité démocratique, madame Bricq, mais de liberté d’expression dans un débat.

La liberté de parole est entière au Sénat, je me permettrai donc de vous répondre.

Nous avons signé un traité dont l’objectif est de stabiliser et de sauver la zone euro, de dynamiser la croissance dans chaque pays. Seule la stabilité permettra la confiance, l’investissement et la croissance dans la zone euro. Nous avons engagé la parole de la France, et nous serons les premiers à mettre en œuvre nos engagements !

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame Bricq, la parole de la France a été engagée, et l’alternance politique que vous appelez de vos vœux à l’occasion des prochaines échéances électorales ne sera pas de nature à remettre en cause la parole de la France !

Très bien ! et applaudissementssur les travées de l'UMP et de l’UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne comprends pas cette motion tendant à opposer la question préalable. Si nos collègues siégeant à la gauche de l’hémicycle avaient des arguments sur la compétitivité de notre économie, la taxe sur les transactions financières, bref, sur les mesures de compétitivité et d’ajustements judicieux de ce collectif budgétaire, ils les déploieraient !

Ils ne le font pas, et pour cause : il est bien compliqué de critiquer certaines décisions !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

L’allégement du coût du travail, ici de plus de 3, 6 milliards d'euros en 2012, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … dont bénéficieront les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale afin de lutter contre les délocalisations, contribuera à la création de dizaines de milliers d’emplois.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Parlez-nous de la hausse de 34 % des rémunérations des patrons du CAC 40 !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

En tout cas, l’UMP se félicite de cette mesure, ainsi que de l’instauration d’une taxe sur les transactions financières. Il me semblait d'ailleurs que certains d’entre vous y étaient favorables !

Je rappelle que cette taxe sur les transactions financières, beaucoup plus ambitieuse que l’impôt de bourse, mettra à contribution la finance, qui a une part de responsabilité dans la crise. Ce point me paraît très important. Elle participera en outre au désendettement de notre pays.

Comment peut-on être contre ?

L’UMP se félicite également, à l’occasion de la discussion de ce collectif, de la mise en œuvre du MES – nous en avons longuement débattu hier –, avec le versement des deux premières tranches annuelles de la dotation française, soit 6, 5 milliards d'euros.

Enfin, le groupe UMP souligne la pertinence de la révision de la prévision de croissance, dont l’effet est strictement compensé.

M. Jean-Marc Todeschini s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Et ne venez pas nous reprocher d’établir nos prévisions n’importe comment : les prévisions pour 2011 étaient bonnes, et nous avons même fait mieux, en 2011, que ce que nous avions prévu !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Vous n’avez cessé de déclarer qu’il n’y aurait pas de projet de loi de finances rectificative !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Avant de critiquer, monsieur le questeur, vous feriez bien de réfléchir à ce qui va se passer en 2012 !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Merci de me laisser la parole, monsieur le questeur !

M. Jean-Marc Todeschini s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je vous en prie, monsieur le questeur, Mme Des Esgaulx a la parole, et elle seule !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Pour un questeur, votre attitude me semble quelque peu déplacée : vous devriez donner l’exemple !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Pour être questeur, il n’en est pas moins homme.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je poursuis malgré les interruptions de M. le questeur

M. Jean-Marc Todeschini proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

et ma voix sera suffisamment forte pour vous faire entendre, chers collègues, que, dans ces conditions, le groupe UMP votera contre cette motion tendant à opposer la question préalable, comme il l’a fait contre les motions précédentes, qui est non seulement regrettable mais surtout extrêmement grave – cela a été dit excellemment – en ce sens qu’elle affaiblit la Haute Assemblée – et les vitupérations de M. le questeur n’y changeront rien !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Rendez-vous au mois de juin, madame Des Esgaulx !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Nous voterons, bien sûr, la motion tendant à opposer la question préalable.

Il faudrait nous écouter un peu mieux pour nous entendre un peu mieux, de temps à autre… Comme je l’ai précisé dans la discussion générale, nous souhaitons que l’Europe se construise sur d’autres bases, en harmonisant les questions sociales et fiscales à l’échelon européen, mais par le haut ! Nous n’avons pas envie que, demain, le niveau salarial des Français soit aligné sur celui qui est aujourd’hui proposé aux Grecs !

C’est sur ce point que nous sommes en désaccord profond avec vos propositions, madame la ministre.

Si l’on ne parvient pas à construire une Europe différente, avec plus de justice sociale et fiscale, la compétitivité que vous prônez tirera tout le monde vers le bas, excepté ceux qui ont su jusqu’à maintenant tirer leur épingle du jeu, les très hauts revenus, les très hauts salaires, ceux que vous nous accusez de vouloir asphyxier par un taux d’imposition légèrement supérieur aux 15 % qui s’appliquent à eux actuellement !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Mme Marie-France Beaufils. Nous défendons résolument une autre conception de l’Europe. Ce n’est pas en tirant l’Europe vers le bas, comme vous le faites, que nous parviendrons à définir une autre politique industrielle et à reconstruire notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Jacques Pignard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

M. Jean-Jacques Pignard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe de l’Union centriste et républicaine votera bien évidemment contre la motion tendant à opposer la question préalable. Je ne comptais d’ailleurs pas prendre la parole, mais, imitant mon collègue David Assouline, je me permettrai à mon tour une intervention hors sujet à propos de la culture.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

M. Assouline, avec lequel nous avons ce débat régulièrement, a quitté l’hémicycle aussitôt après son intervention, nous privant de toute possibilité d’échanges, mais le message est passé : il voulait dire au SYNDEAC, à la CGT, aux directeurs de festival que la droite tuait la culture et que seule la gauche pouvait la sauver !

Cessons ce petit jeu !

Avec la crise que traverse l’Europe aujourd'hui, la plupart des États ont coupé drastiquement dans les dépenses de culture : je pense au festival d’Athènes, qui a vu sa subvention réduite de 50 %, au Liceu de Barcelone, à la Scala de Milan, avec laquelle je suis en relation en tant que vice-président de l’Opéra de Lyon.

Or ce n’est pas ce qu’a fait la France, et je ne peux pas laisser M. Assouline dire le contraire, même si la culture, comme tous les domaines de notre vie publique, doit assumer sa part de la rigueur.

M. Assouline a cité les monuments historiques. Mme Férat a déposé une proposition de loi remarquable afin que l’État et les collectivités locales assument ensemble la gestion des monuments historiques : nous devons aller en ce sens.

M. Assouline a également abordé la question des recherches archéologiques, domaine que je connais bien. La situation en France était complètement figée ; nous l’avons fait évoluer, avec le président Legendre. C’est ainsi que nous ferons non pas plus ou moins de culture, mais mieux, et parfois avec moins d’argent.

Je conclurai, pour rester dans mon hors sujet

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

S’il y a bien une culture que je refuse, c’est cette culture assistée qui voit s’additionner les postes, mais au détriment de la création !

Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

M. Jean-Jacques Pignard. Voici ce que j’aurais aimé dire à M. Assouline, mais il n’est plus là pour m’entendre : la culture, comme le cœur, n’est pas le monopole de la gauche !

Très bien ! et nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Madame la ministre, vous accusez la gauche de vous faire un procès d’intention. Nous observons simplement une prudence élémentaire, compte tenu du vécu des cinq dernières années, au cours desquelles vos préconisations en matière de politique industrielle n’ont malheureusement pas fait la preuve de leur efficacité.

En 2008, l’État a accordé un soutien massif aux banques, sans pour autant lever leurs réticences – le mot est faible –, faute de volonté politique, à aider les PME et les entreprises de taille intermédiaire qui avaient besoin de liquidités. Vous n’avez pas fait grand-chose pour accompagner ces PME que vous prétendez maintenant aider d’une manière efficace à passer le gué.

Faut-il vous rappeler que, au cours de ce quinquennat, le secteur industriel de notre pays a perdu entre 350 000 et 400 000 emplois ? C’est que, précisément, vous n’avez pas misé sur cet atout et avez préférer céder à la facilité et privilégier le secteur tertiaire, pensant que l’un remplacerait l’autre.

J’évoquerai maintenant des problèmes que je connais un peu plus précisément.

De quelle crédibilité pensez-vous pouvoir vous prévaloir aujourd’hui, après avoir dit tout ce que vous avez dit aux portes de Molex ou de Continental ? Pour ma part, je vous donnerai un conseil élémentaire de prudence : surtout, évitez ces deux entreprises, car, pour le coup, vous y avez perdu toute crédibilité !

Vous nous permettrez de penser qu’il y a très peu de chances que vous fassiez dans les mois à venir ce à quoi vous et votre Gouvernement vous êtes constamment refusés au cours des cinq dernières années, sauf à afficher votre engagement sur le chemin de la rédemption…

Nous ne vous faisons pas de procès d’intention, simplement nous avons procédé à un examen lucide et sans concessions de ce que vous n’avez malheureusement pas su faire pendant cinq ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances rectificative.

Je rappelle également que le Gouvernement est défavorable à l’adoption de cette motion.

En application de l’article 59 du règlement, il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici le résultat du scrutin n° 112 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le projet de loi de finances rectificative est rejeté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports (proposition n° 428, rapport n° 438).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre chargé des transports

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici de nouveau réunis aujourd'hui afin de poursuivre l’examen de la proposition de loi déposée par M. Éric Diard, la commission mixte paritaire qui s’est réunie la semaine dernière n’étant pas parvenue à un accord.

Comme vous le savez, les membres de l’intersyndicale du transport aérien, à l’origine de la grève qui a eu lieu au début du mois de février, ont décidé, face à la détermination sur ce texte tant de la représentation nationale que du Gouvernement, de ne pas poursuivre leur mouvement.

Dans ces conditions, et alors que nous sommes en pleine période de congés scolaires, les familles peuvent bénéficier, en toute sérénité, des vacances auxquelles elles ont droit. J’y vois un premier effet bénéfique du texte que nous examinons.

Quant à l’accord signé entre la direction d’Air France et le SNPL, le syndicat national des pilotes de ligne, pour garantir des plannings stables, il règle une question d’organisation strictement interne à la compagnie. Il vise à mettre fin à une instabilité juridique sur l’interprétation, en période de grève, des dispositions de l’accord en vigueur depuis 2006.

Dans les faits, les vols continueront d’être normalement assurés par des pilotes non grévistes volontaires, comme c’est le cas aujourd’hui.

Par ailleurs, cet accord ne porte pas atteinte aux avantages dont bénéficieront les passagers grâce au présent texte.

Cette proposition de loi vise à améliorer l’information des passagers aériens en cas de mouvement social et à permettre aux compagnies aériennes d’organiser leur service, afin de garantir à nos concitoyens la possibilité de circuler librement, sans porter atteinte au droit de grève. Je pense très sincèrement que les salariés du transport aérien, qui ont globalement peu suivi l’appel des organisations syndicales au début du mois de février, ont bien compris l’objectif de ce texte.

Comme vous avez pu l’observer, la proposition de loi a été amendée lors de son examen en deuxième lecture par l’Assemblée nationale le 22 février dernier.

J’insisterai aujourd'hui sur trois évolutions du texte.

Tout d’abord, la modification rédactionnelle apportée à la disposition relative au champ d’application de la proposition de loi a permis de mieux circonscrire celui-ci, en précisant très clairement que l’ensemble des entreprises ou des établissements œuvrant dans le transport aérien ne sont concernés que dans la mesure où ils concourent directement à l’activité de transport aérien de passagers.

Ensuite, la portée des obligations de déclaration vingt-quatre heures à l’avance a été clarifiée afin de prévenir les interprétations abusives que certains d’entre vous avaient souhaité dénoncer. L’Assemblée nationale a donc adopté la semaine dernière un amendement tendant à préciser que l’obligation de déclarer sa renonciation à la participation à la grève n’a de sens qu’à la condition que la grève ne soit pas achevée.

En effet, dès lors qu’une grève a pris fin, ou qu’elle n’a pas commencé, il est légitime et utile d’affirmer que le salarié peut bien évidemment continuer son travail sans avoir à déclarer qu’il renonce à faire grève. De même, lorsqu’un salarié a participé à la grève et qu’il est mis un terme à celle-ci dans son entreprise, il peut reprendre immédiatement son travail, sans avoir à déclarer sa reprise vingt-quatre heures à l’avance.

Cette précision, qui est de l’intérêt bien compris de chacun, répond aux préoccupations qu’avaient exprimées un certain nombre d’orateurs, de droite comme de gauche, lors de l’examen du texte au Sénat.

Enfin, les dispositions prévoyant des sanctions disciplinaires ont été adaptées en cohérence avec les précisions apportées au régime de déclaration vingt-quatre heures à l’avance.

Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, en particulier aux organisations syndicales, l’objectif de cette proposition de loi n’est bien évidemment pas d’élargir l’arsenal disciplinaire à la disposition de l’employeur. Ce texte ne prévoit en effet qu’une possibilité de sanction, possibilité qui ne pourra être exercée que dans le cadre du droit commun du pouvoir disciplinaire de l’employeur, auquel il n’est pas question de déroger.

Les craintes que j’ai entendues sur d’éventuelles sanctions sans rapport avec la portée du non-respect de l’obligation déclarative sont donc infondées, d’autant plus que la faculté de sanction s’exercera sous le contrôle vigilant du juge et qu’en outre, comme cela a également été précisé par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, une sanction n’est encourue qu’en cas de manquement répété à l’obligation de déclaration de renoncement à la participation à la grève ou à l’obligation de déclaration de reprise de service après participation à la grève.

Ainsi, un oubli de bonne foi ne peut faire l’objet d’une sanction. En revanche, sera sanctionné le fait de chercher à contourner l’obligation de déclaration de renoncement ou de reprise de service dans le but d’empêcher l’organisation du service et ainsi l’information des passagers.

L’une des missions régaliennes de l’État est, je le rappelle, de veiller au respect du principe de libre circulation des personnes. En ce sens, l’information du passager en temps de grève vise à répondre à d’impérieux motifs d’intérêt général, tels que la sécurité et la santé publiques, lesquelles peuvent être menacées dans des aéroports paralysés.

L’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est précisément de reconnaître le droit à une information fiable et précise des passagers du transport aérien lorsqu’un mouvement social affecte ce secteur et d’organiser ce droit.

Comme je l’ai déjà indiqué, les Français, qui aspirent légitimement à voyager pour rejoindre leur famille ou pour affaires, ne peuvent pas continuer à être régulièrement laissés dans l’incertitude jusqu’au dernier moment et pénalisés lors des grands départs. Les clients d’une compagnie aérienne doivent pouvoir bénéficier de la prestation qu’ils ont achetée sans avoir à se reporter sur d’autres transporteurs, aériens ou terrestres, pour être sûrs de pouvoir effectuer le déplacement prévu.

La présente proposition de loi vise avant tout à donner la primauté au renforcement du dialogue social et à la négociation entre les entreprises et les organisations syndicales représentatives, qui auront la faculté, je le répète, de négocier un accord-cadre visant à prévenir les conflits. En cas de conclusion de cet accord-cadre, le recours à la grève ne pourra intervenir qu’après une négociation préalable.

Les salariés dont l’absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols en cas de grève auront l’obligation d’informer leur chef d’entreprise, ou son représentant, au plus tard quarante-huit heures avant de cesser le travail. En aucun cas cette déclaration n’empêchera les personnels concourant à l’activité de transport aérien de passagers de faire grève pour porter leurs revendications. En revanche, elle permettra aux entreprises de connaître à l’avance l’état de leurs effectifs et ainsi aux passagers de savoir si leur vol est assuré ou non la veille de leur départ.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui est l’occasion d’accomplir de véritables progrès. Elle respecte les équilibres indispensables entre droit de grève et sauvegarde de l’ordre public. En outre, elle permettra un dialogue social apaisé en évitant qu’à l’avenir des millions de Français ou de touristes venus découvrir notre pays soient pénalisés.

Je forme donc le vœu que la Haute Assemblée mesure les enjeux et comprenne combien ce texte est déterminant non seulement pour les Français mais aussi pour l’image de la France dans le monde.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme la présidente de la commission, en remplacement de M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence aujourd’hui de notre rapporteur, Claude Jeannerot, qui est retenu à l’étranger par ses obligations de président de conseil général.

Je vous rappelle que, le 15 février dernier, le Sénat a adopté, lors de l’examen en première lecture de ce texte, une motion tendant à opposer la question préalable. La commission mixte paritaire, réunie à l’Assemblée nationale la semaine dernière, s’est séparée sur un constat de désaccord, les positions de chaque assemblée s’étant révélées inconciliables. Il y a en effet plusieurs principes sur lesquels la majorité sénatoriale ne peut pas transiger, au premier rang desquels se place la préservation des droits sociaux des salariés.

Ce texte prétend concilier ces droits sociaux avec ceux des passagers, qui peuvent subir les conséquences d’une grève. C’est un exercice évidemment délicat, dont le résultat nous a paru particulièrement déséquilibré, car plutôt favorable aux entreprises de transport aérien de passagers et défavorable à celles et ceux qu’elles emploient.

Cette proposition de loi ne constitue décidément pas une réponse adaptée au problème qu’elle prétend régler. De plus, elle empêche le dialogue social. Je vous rappelle que, lors de la première lecture de ce texte au Sénat, un mouvement important était en cours dans le secteur aérien.

Permettez-moi de vous rappeler les deux points qui ont semblé les moins acceptables à la majorité sénatoriale.

D’abord, la transposition au secteur aérien de la loi du 21 août 2007 relative au dialogue social dans les transports terrestres, quasiment telle quelle, n’est pas réalisable, compte tenu des différences majeures qui existent entre ces deux secteurs.

Imposer aux salariés de déclarer à leur employeur leur intention de faire grève quarante-huit heures à l’avance aura pour effet principal de rendre l’exercice du droit de grève plus malaisé, tout particulièrement pour les dizaines de milliers de salariés de l’assistance en escale. En effet, alors que leur situation, souvent précaire, ne leur permet pas d’obtenir par la négociation une amélioration de leurs conditions de travail, leur voix risque de devenir inaudible si, du fait de pressions exercées par leur employeur, ils ne peuvent plus défendre leurs droits par la grève.

Ensuite, le second délai imposé aux salariés grévistes ou qui ont fait part de leur intention de faire grève aurait des effets plus néfastes encore. Les obliger à informer leur employeur, vingt-quatre heures à l’avance, qu’ils renoncent à faire grève ou veulent reprendre le travail, sous peine de sanction disciplinaire, constitue une atteinte à leur capacité de libre détermination. C’est d’autant plus injustifié que cette contrainte serait inopérante dans le secteur aérien, où il serait impossible de rétablir l’activité dans un si court délai. Plus encore, en poussant la logique de ce mécanisme à son terme, il en résulterait la poursuite du mouvement de grève, de manière purement artificielle, pendant une journée supplémentaire. En effet, un salarié qui renoncerait à faire grève un soir ne pourrait pas reprendre son service le lendemain matin. Est-ce vraiment l’intérêt des passagers ?

Il est vrai que, en nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a apporté à ce texte quelques modifications, que M. le ministre a rappelées.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Elles se révèlent cependant largement insuffisantes pour emporter notre adhésion.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Il est désormais prévu que le délai de dédit de vingt-quatre heures, pour les salariés qui changent d’avis et souhaitent poursuivre ou reprendre le travail, ne s’appliquera pas « lorsque la grève n’a pas lieu ou lorsque la prise du service est consécutive à la fin de la grève ». Une telle formulation traduit une méconnaissance du déroulement réel des mouvements sociaux dans les entreprises. La seule « fin de la grève » qui puisse exister relève avant tout de la décision de chaque salarié. Les salariés ne sont pas liés par les éventuelles décisions syndicales.

De même, l’Assemblée nationale a adopté une faible atténuation du dispositif de sanction du manquement à l’obligation d’information en cas de dédit. Désormais, la sanction ne s’appliquerait que si le salarié refuse « de façon répétée » de s’y soumettre. C’est évidemment insuffisant.

Tous les constats faits par le rapporteur en première lecture restent valables, aussi bien sur le fond et la forme que sur la méthode employée pour faire adopter ce texte. Il faut cesser d’opposer systématiquement les salariés aux passagers, qui seraient des victimes collatérales d’un désaccord auquel ils sont étrangers. Est-il encore besoin de le rappeler, la grève n’est pas une décision prise à la légère ou un choix opéré dans la joie ; c’est le dernier recours des salariés lorsque le fil du dialogue social est rompu et que l’employeur refuse de négocier.

D’ailleurs, je note qu’un accord a finalement été trouvé entre Air France et ses pilotes, accord qui ôte tout son sens à cette proposition de loi puisqu’il prévoit, en posant le principe de la stabilité des plannings, que les pilotes non grévistes ne pourront pas être contraints de remplacer les grévistes.

Quant à l’argument qui consiste à dire que les pilotes sont des privilégiés, je tiens à rappeler que ce texte concerne avant tout les dizaines de milliers d’employés de l’assistance en escale, dont je parlais il y a un instant, et dont la situation contractuelle et salariale est des plus précaires.

Monsieur le ministre, la signature de cet accord entre Air France et ses pilotes illustre donc bien le fait que le dialogue social peut aboutir quand on lui en donne les moyens et quand il est mis en œuvre dans le respect des salariés !

Les pilotes, parce qu’ils sont représentés par des organisations syndicales qui peuvent être entendues par la direction, ont obtenu cet accord. Les employés d’autres professions, notamment ceux de l’assistance en escale, ne sont pas respectés, et leurs représentants syndicaux ne le sont pas plus. Ils ne peuvent donc pas aboutir à un accord, car les entreprises refusent de dialoguer avec eux.

Je voudrais dire un dernier mot sur la procédure d’adoption à marche forcée de cette proposition de loi, à une semaine maintenant de la clôture des travaux parlementaires du quinquennat, et sur les raisons intrinsèques qui rendent cette proposition de loi inacceptable.

L’Assemblée nationale n’ayant pas fait jouer son protocole de consultation des partenaires sociaux, aucune concertation formelle avec eux n’a pu se tenir en amont, contrairement à ce que la commission des affaires sociales du Sénat fait traditionnellement, alors que ce texte encadre le droit de grève. Les consultations organisées par le protocole adopté à l’Assemblée nationale et au Sénat sont bien des négociations et non seulement des auditions comme celles que, je vous accorde ce point, monsieur le ministre, le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale a pu mener.

Enfin, je vous rappelle que le transport aérien n’est plus une activité de service public ; il n’est donc pas possible de lui appliquer les restrictions acceptées en 2007 par le Conseil constitutionnel pour le transport terrestre.

Mes chers collègues, comme vous le savez, au contraire d’un projet de loi, une proposition de loi, présentée par définition par les parlementaires, n’est pas soumise à l’avis du Conseil d’État. Il en va ainsi du présent texte, alors qu’il soulève de sérieuses questions de constitutionnalité. Cette situation est donc bien regrettable.

Je pense ainsi à l’atteinte disproportionnée portée au droit de grève, au nom des prétendus risques à l’ordre public que son exercice peut causer. Le législateur échoue ici dans son devoir de concilier l’exercice des libertés constitutionnellement reconnues.

Je crains également que, du fait de la définition générale et vague des activités ou des salariés concernés par cette proposition de loi, le législateur ne laisse trop de pouvoir aux employeurs pour déterminer lesquels de leurs salariés verront leur droit de grève encadré.

Ce texte s’expose donc, selon la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, à un risque de censure pour incompétence négative.

Je tiens également à souligner que nous ne disposons pas non plus d’une étude d’impact. Certaines organisations syndicales m’ont d’ailleurs fait parvenir une étude juridique qui démontre les risques d’inconstitutionnalité encourus par ce texte.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a fermement réitéré sa position de première lecture. Le texte transmis par l’Assemblée nationale ne corrige en rien les défauts que nous avions mis en lumière. C’est pourquoi la commission a adopté une motion tendant à opposer la question préalable à cette proposition de loi. Je vous invite, mes chers collègues, à confirmer ce choix.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne m’étendrai pas sur les conditions dans lesquelles cette proposition de loi est examinée, à la veille d’échéances électorales majeures pour notre pays.

Comme en première lecture, je vous rappellerai simplement que ce ne sont pas des manières de procéder, et qu’un texte de cette portée, qui touche au droit de grève, aurait mérité une concertation préalable avec les organisations représentatives de toutes les catégories de salariés concernées.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Un tel dispositif de remise à plat de l’exercice du droit de grève pour tout un secteur professionnel ne peut voir le jour dans de pareilles conditions.

Monsieur le ministre, vous n’avez eu de cesse de présenter cette proposition de loi comme un moyen de favoriser les négociations amiables entre les compagnies aériennes et les syndicats en vue de prévenir les conflits, objectif que nous pourrions partager, avec nombre de mes collègues du RDSE, s’il s’agit d’éviter qu’un conflit social aux motivations légitimes ne paralyse totalement les déplacements aériens de milliers de personnes.

Comment en effet ne pas comprendre et partager l’exaspération des passagers, qui supportent de plus en plus mal la quasi-paralysie du trafic ? Elle pousse la majorité d’entre eux à souhaiter une meilleure information en cas de perturbation du trafic aérien et certains à réclamer avec force la mise en place d’un service minimum.

Monsieur le ministre, nous pourrions donc vous suivre sur cette proposition de loi, allez-vous me dire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Mais la méthode utilisée est des plus contestables. Sur le fond, nous pourrions éventuellement donner notre accord, mais, pour le groupe RDSE, la forme compte beaucoup.

Les intérêts des uns et des autres sont-ils conciliables ? Voilà toute la question ! C’est en effet une véritable difficulté. Le droit de grève est forcément perturbateur, mais il est, la plupart du temps, le seul moyen de pression dont disposent les salariés pour amener leur direction à la table des négociations.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Il ne faut jamais l’oublier.

Actuellement, les salariés du secteur privé qui veulent exercer leur droit de grève n’ont pas à respecter de préavis. Sur le fond, mes chers collègues, la présente proposition de loi pose donc un vrai problème juridique, qu’il faudra bien résoudre, comme Mme la présidente de la commission des affaires sociales l’a d’ailleurs si bien dit. Le statu quo ne peut plus durer. Sur ce point, au moins, nous pouvons tous être d’accord.

Je pense que la disposition qui impose aux salariés désireux de reprendre le travail de respecter un délai de vingt-quatre heures va à l’encontre des objectifs affichés de la proposition de loi - prévenir les conflits sociaux – et est même susceptible de mettre de l’huile sur le feu dans un certain nombre de cas.

Certes, en nouvelle lecture, les députés ont apporté quelques modifications. Ainsi, l’obligation de déclarer la reprise du travail vingt-quatre heures à l’avance ne pèsera pas sur le salarié lorsque la grève n’aura pas eu lieu ou lorsqu’il y sera mis fin dans l’entreprise. Par ailleurs, les salariés ne seront sanctionnés que s’ils n’informent pas leur employeur « de façon répétée », de leur intention de renoncer à participer à la grève ou de reprendre leur service. Je doute que cela permette de résoudre les difficultés qu’une telle obligation engendre.

Monsieur le ministre, je regrette très sincèrement que vous n’ayez pas privilégié la restauration du dialogue social, pour permettre à une entreprise comme Air France d’aboutir le plus rapidement possible à des négociations avec les organisations professionnelles et de mettre un terme à cette situation, à un moment où la compagnie annonce des mesures draconiennes pour économiser deux milliards d’euros sur trois ans : gel des salaires et des embauches, fin des contrats à durée déterminée et de l’intérim, possibles licenciements « secs » après l’élection présidentielle.

Tout cela, bien entendu, n’est pas de nature à apaiser le climat dans l’entreprise.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, cette proposition de loi tente de résoudre une situation inacceptable qui se répète trop souvent dans notre pays : le blocage du trafic aérien par la volonté de quelques-uns, au détriment du plus grand nombre, parfois de familles entières, qui se trouvent contraintes à une attente interminable et ce, surtout, sans informations.

Toutefois, je crois que le moment choisi pour faire évoluer la législation sur cette question très sensible est d’autant moins opportun que les conditions de la présentation du texte – contournement du protocole social et présentation par la voie d’une proposition de loi – ne laissent personne ici ignorer certaines arrière-pensées.

Mes chers collègues, parce que, en la matière, la forme, la procédure et le calendrier ont leur importance, le groupe du RDSE, dans sa grande majorité, approuvera la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. – Mme la présidente de la commission applaudit également.

M. Thierry Foucaud remplace M. Jean-Claude Carle au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous retrouvons ce texte en nouvelle lecture, puisque la majorité sénatoriale l’a rejeté dans sa totalité, sans faire une seule proposition. Ayant participé à la commission mixte paritaire, je regrette que cette attitude revienne à rendre le Sénat muet. On peut alors s’interroger sur notre rôle exact dans le processus législatif. Nous donnons malheureusement des arguments à ceux qui mettent en cause l’utilité du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Je souhaite répéter que ce texte est le résultat du travail parlementaire mené par la Haute Assemblée. Catherine Procaccia avait ainsi déposé une proposition de loi sur ce sujet.

Aujourd'hui, dans un climat de campagne présidentielle, les sénateurs de gauche veulent stigmatiser ce texte en dénonçant une atteinte au droit de grève, alors que ce droit pourra continuer à être pleinement exercé, le seul objectif étant d’offrir aux usagers une meilleure prévisibilité du trafic dans les transports aériens.

La loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs avait déjà suscité une levée de boucliers de l’opposition, pour finalement être appliquée sans susciter d’ailleurs de difficultés particulières. Il n’y a plus aujourd’hui, comme on en a connu, des périodes de paralysie totale des transports ferroviaires et urbains. De nombreuses grèves ont pu être évitées par la négociation et l’information des usagers a été améliorée. D’ailleurs, je note que le candidat François Hollande ne compte pas revenir sur cette loi...

Aujourd’hui, il s’agit d’avancer sur la question des transports aériens.

Si le présent texte s’inspire du dispositif de la loi du 21 août 2007, il n’a cette fois pas pour objet d’instaurer un service minimum dans le transport aérien, ni même un service garanti, comme l’a d’ailleurs reconnu le rapporteur, M. Claude Jeannerot. Cela ne serait d’ailleurs pas possible, puisque le transport aérien de personnes – vous l’avez souligné tout à l’heure, madame la présidente de la commission des affaires sociales – est un secteur fortement concurrentiel et libéralisé et ne constitue pas une mission de service public.

En revanche, le dispositif que la loi de 2007 prévoyait pour l’information des usagers peut être transposé.

Il faut le souligner, la proposition de loi répond à une forte attente des Français, qui en ont assez d’être pris en otages lors des conflits sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Il suffit de se reporter aux incidents de la fin de l’année 2011 : en pleine période de vacances, en raison de la grève des personnels de sûreté aéroportuaire, les passagers ont vu leurs vols annulés sans savoir s’ils auraient la possibilité de partir par la suite. Le scénario est assez classique et on assiste toujours aux mêmes scènes : cohue des usagers, qui ne disposent pas d’informations ; attente à l’aéroport dans des locaux qui ne sont pas conçus pour cela ; saturation des capacités d’accueil des hôtels environnants... Bref, une totale désorganisation !

Je vous laisse imaginer – nous l’avons d’ailleurs tous vécu – le stress de ces passagers, qui, parfois, ne sont pas là seulement pour partir en villégiature !

La situation est d’autant plus regrettable qu’elle est fréquente. Comme vous l’aviez indiqué, monsieur le ministre, durant les trois dernières années, nous avons vécu 1 131 grèves dans le seul secteur aérien. Le trafic a été affecté presque 175 jours, quasiment la moitié d’une année !

Ce matin encore, à Orly, la grève des personnels au sol a perturbé le trafic aérien : l’un de nos collègues parti de Nice à sept heures du matin est arrivé à Orly à dix heures quinze !

Le droit de grève est un droit à valeur constitutionnelle, et nul ne songe à le remettre en cause. Mais que deviennent le droit de circuler librement et le respect de l’ordre public ?

Permettez-moi d’expliquer en quoi le texte concilie le respect des droits des travailleurs et celui des droits des usagers.

La proposition de loi vise trois objectifs : éviter les grèves, empêcher la paralysie dans le transport aérien, prévenir les usagers.

Premièrement, pour éviter les grèves, le texte institue un mécanisme de prévention des conflits inspiré de l’alarme sociale de la loi du 21 août 2007. Les employeurs et les organisations syndicales représentatives sont appelés à se réunir et à conclure des accords-cadres, mais il n’existe pour cela aucune contrainte. Les éléments contenus dans les accords-cadres sont précisés : conditions de notification, délai de trois jours, durée de la négociation inférieure à huit jours, conditions d’information des salariés.

Deuxièmement, pour empêcher la paralysie du transport aérien, les salariés qui voudront se mettre en grève devront le déclarer quarante-huit heures à l’avance. C’est cette disposition qui a suscité le débat autour du droit de grève.

Pourtant, chaque salarié sera libre de faire grève, comme c’est le cas actuellement. §C’est indispensable pour sortir de la situation actuelle. Aucune mesure ne sera prise contre les personnes qui font grève ; nous en avons reçu l’assurance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Pour que les passagers soient informés, il faut des prévisions et donc des données sur la grève à venir et sur le nombre de grévistes. Comment faire autrement ?

Troisièmement, et en conséquence, pour prévenir les passagers, les compagnies averties quarante-huit heures à l’avance du mouvement de grève devront informer les passagers vingt-quatre heures à l’avance du service qui sera assuré. Les passagers pourront donc rester chez eux en attendant.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Ah bon ? Ils ne pourront donc plus voyager ? Vous portez atteinte à leur droit constitutionnel d’aller et venir...

Souriressur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Cela leur évitera de rester inutilement à attendre dans les aéroports, parfois avec des enfants qui pleurent parce qu’ils n’ont pas eu leur lait… Car, sachez-le, il n’y a pas que des touristes qui prennent l’avion ; il y a aussi des personnes qui ont besoin d’être opérées ou qui vont voir un proche malade.

Quant au dispositif ajouté à l’Assemblée nationale prévoyant de sanctionner les « déclarations d’intention de faire grève » suivies de changement d’avis, il ne vise qu’à éviter une pratique constante de contournement de la loi. Il s’agit d’empêcher des manœuvres de désorganisation dont les usagers sont évidemment les premières victimes ; je n’y vois donc rien de scandaleux.

Les opposants à ce texte ne proposent rien d’autre que l’immobilisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Je pense que nos concitoyens attendent autre chose et que cette proposition de loi, en conciliant droit de grève et droit d’aller et venir, consacre un juste équilibre.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous avons entendu Mme Bruguière parler avec émotion de ces Français qui en ont assez d’être « pris en otages », de ces enfants qui pleurent, de ces personnes qui ont besoins d’être opérées…

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Voilà comment on stigmatise ! Voilà comment on accuse ! Voilà comment on divise !

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Pour ma part, je souhaite parler d’un véritable dialogue social.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

La proposition de loi relative aux transports aériens atterrit une nouvelle fois devant nous.

Comme l’a rappelé mon collègue Jean Desessard lors de la première lecture du texte au Sénat, c'est-à-dire la semaine dernière, l’UMP, madame Bruguière, n’a pas le monopole de l’empathie avec les usagers. Nous aussi, comme tous nos collègues, regrettons les files d’attentes dans les aéroports ; nous préférerions que cela n’existe pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Il nous importe que les usagers bénéficient effectivement de l’information concernant leur vol, mais cette proposition de loi, en plus d’être dangereuse et stigmatisante, n’aura pas l’efficacité nécessaire pour que cet objectif soit atteint.

Selon l’UMP, cette loi garantit l’information des usagers en renforçant le dispositif de « dialogue social préventif ». Mais, plutôt que de permettre ce dialogue entre les salariés et leur direction, le texte impose le monologue patronal.

En obligeant les salariés à se déclarer individuellement grévistes quarante-huit heures avant le début de la grève, puis à ne reprendre le travail que vingt-quatre heures après l’avoir décidé, cette proposition de loi restreint le droit de grève, mais pas seulement.

Elle est inefficace et manque complètement son objectif affiché, l’amélioration du service aux usagers.

Elle interdit à chaque salarié de se rétracter individuellement moins de vingt-quatre avant le début de la grève, sous peine de sanction.

On a vu mieux, monsieur le ministre, pour améliorer le dialogue social que vous prétendez défendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Les salariés doivent également informer leur direction vingt-quatre avant leur reprise de fonction. En reprenant le travail plus rapidement, afin de ne pas voir leur salaire gravement amputé, ils s’exposent à des sanctions… Vous évoquez un dispositif de dialogue social préventif, mais vous freinez les possibilités non seulement de se mettre en grève, mais aussi de terminer le mouvement plus rapidement.

Il s’agit bien d’une réforme au détriment des salariés et aux dépens des usagers ! À moins que cette réforme ne vise pernicieusement à faire en sorte qu’il n’y ait plus de possibilité de grève du tout ?

Quelle culture du dialogue social !

Vous n’avez même pas pris la peine de discuter avec les partenaires sociaux. Nous sommes tous conscients que les premiers concernés veulent donner leurs avis ; tous, sauf vous !

Comme sur d’autres enjeux, vous êtes en train de cliver la société française. Vous opposez salariés et usagers des transports aériens en espérant en tirer quelques bénéfices électoraux, manquant du même coup l’occasion de faire une loi cohérente et efficace.

Pour améliorer à la fois l’information et les conditions de transport des usagers, il faudrait s’attaquer aux problèmes sociaux qui minent les salariés de ce secteur. Car, des problèmes sociaux, il y en a !

Vous pourriez, par exemple, intervenir pour empêcher la compagnie française Air Méditerranée de délocaliser ses emplois en Grèce – comme par hasard ! –, là où les salaires et les protections sociales sont moins favorables aux salariés ! Cela risque d’amener par effet d’entraînement les autres voyagistes à faire de même. Autant d’emplois qui seront alors délocalisés !

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Vous pourriez faire en sorte d’intervenir pour améliorer les conditions de travail dans ce secteur fortement marqué par les contrats précaires et la sous-traitance.

Mais, plutôt que de vous attaquer aux délocalisations qui touchent le secteur aérien ou à la précarité et aux mauvaises conditions de travail qui touchent les salariés de ce secteur, vous choisissez la facilité du slogan et remettez en cause le droit de grève.

Le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises la valeur constitutionnelle du droit de grève. Il est possible de le limiter pour garantir la satisfaction des « besoins essentiels du pays », pour assurer la continuité du service public. Mais la notion de service public n’est clairement pas pertinente ici.

Les auteurs de la proposition de loi contournent donc cette difficulté en brandissant la « sauvegarde de l’ordre public » au nom de « la protection de la santé et de la sécurité des personnes ».

Vous faites là un amalgame particulièrement dangereux. Les mouvements sociaux de personnels ne sauraient être considérés comme des troubles à l’ordre public. Cette dérive d’abord sémantique que vous distillez maintenant à longueur de discours va l’encontre de nos principes républicains. La grève est un droit, un droit civique, un droit salarial. Les grévistes qui contestent une réforme ou un plan de licenciement ne sont pas des terroristes !

C’est proposition de loi relève de l’affichage politique, elle remet en cause le droit de grève et n’améliore en rien l’information et les conditions de voyage des usagers, qui nous tiennent à cœur à toutes et tous ici.

Et personne n’en veut, pas même la direction d’Air France, qui a signé un accord sur le droit de grève avec les syndicats.

Vous l’aurez compris, les sénateurs et sénatrices écologistes voteront pour la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous reprenons aujourd'hui la discussion de la proposition de loi relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports.

Nous la reprenons là où nous l’avons laissée voilà quinze jours. En adoptant une question préalable, la Haute Assemblée s’en est remise à l’Assemblée nationale du soin d’apporter plusieurs modifications au texte, bref de jouer le rôle du législateur. La majorité sénatoriale n’avait pas jugé utile d’en discuter et avait préféré le rejeter en bloc. Nous en sommes donc réduits à observer le travail de nos collègues députés.

Si les modifications apportées par l’Assemblée nationale sont pour la plupart rédactionnelles, d’autres améliorent sensiblement la proposition de loi et vont dans le sens de l’apaisement.

Je me félicite que l’Assemblée nationale ait repris les amendements déposés par notre collègue Francis Grignon – je les avais cosignés –, tendant à limiter les sanctions disciplinaires dont les salariés peuvent faire l’objet aux cas manifestement excessifs. C’est un acquis que nous devons à l’Assemblée nationale.

J’approuve également la solution trouvée par le rapporteur pour mettre fin aux détournements de la loi de 2007 auxquels certains se sont livrés à diverses occasions dernièrement. Pour ce faire, la proposition de loi prévoyait d’obliger un salarié qui s’était déclaré initialement en grève à prévenir vingt-quatre heures à l’avance de sa renonciation à faire grève. Paradoxalement, cette disposition pouvait entraîner un effet pervers, en obligeant un salarié à rester en grève alors qu’il souhaitait reprendre le travail.

Le texte précise désormais que la déclaration de renonciation vingt-quatre heures à l’avance ne vaut pas lorsque la grève n’a pas lieu ou lorsqu’il y est mis fin dans l’entreprise concernée. Cette mesure est d’ailleurs utilement étendue aux transports ferroviaires et terrestres. Voilà pour les modifications introduites par nos collègues députés.

Ce travail d’amélioration du texte, le Sénat aurait pu le faire, puisqu’une partie des amendements avaient été déposés par certains d’entre nous. En agissant comme il l’a fait, le Sénat en est réduit à un rôle de spectateur, contraint de saluer le travail réalisé par la chambre basse… L’institution sénatoriale, convenons-en, mérite pourtant mieux que ce rôle de figurant, fût-ce un figurant intelligent.

Sur le fond du texte, je me suis déjà exprimé en première lecture. J’ai rappelé que nous étions attachés aux deux piliers que sont le dialogue social, en particulier pour les sous-traitants et les salariés du bas de l’échelle, et le droit des passagers.

Contrairement à la présentation caricaturale qui a pu en être faite par la majorité sénatoriale, et c’était facile, ce texte n’ouvre pas la voie à un encadrement généralisé du droit de grève pour tous les salariés du transport aérien. Il ne s’agit pas, non plus, de mettre en œuvre un service minimum dans les transports aériens, ni même un service garanti à la manière de ce qui existe dans les transports ferroviaires terrestres.

Il ne s’agit pas plus de soumettre l’ensemble des salariés du transport aérien à l’obligation de déclaration individuelle d’intention. Cette obligation ne concerne que ceux dont l’absence serait de nature à affecter directement la réalisation des vols.

Il ne s’agit pas, enfin, d’un texte dont l’objet serait d’entraver le droit de grève : il s’agit, au contraire, d’affirmer la primauté du dialogue social, et de valoriser la négociation entre organisations représentatives des salariés et direction, afin de prévenir les conflits.

Vous avez cherché à faire de ce texte un épouvantail, alors qu’il ne bafoue nullement le droit de grève. Au contraire, il défend le droit de circuler librement, qui est un droit de valeur constitutionnelle. Ce texte répond à l’intérêt général et à l’intérêt des consommateurs, qui ont également des droits, notamment ceux de travailler et de circuler.

Souvenons-nous de ce que vous disiez en 2007 contre la loi relative au service garanti dans les transports ferroviaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Ce texte était, selon vous, une atteinte intolérable au droit de grève. Que dites-vous aujourd’hui de cette même loi ? Que vous ne la remettrez pas en cause si vous revenez au pouvoir, …

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

… car vous reconnaissez, comme tout le monde, qu’elle a permis des progrès indéniables en matière de dialogue social et d’information des passagers.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Dans quelques années, je ne doute pas que, de même, vous reconnaîtrez que le dispositif dont nous sommes en train de discuter aura permis d’améliorer le dialogue social et la prévention des conflits dans les transports aériens.

C’est un progrès pour les passagers d’être prévenus à l’avance de l’annulation de leur vol.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Oui, mais ils le sauront à l’avance !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Comme pour la loi du 21 août 2007, vous ne reviendrez pas sur cette loi si vous vous trouvez aux responsabilités.

Le cœur de cette proposition de loi est l’amélioration de la prévisibilité du transport aérien en cas de grève.

Alors que les activités du transport aérien sont libéralisées et ont un caractère concurrentiel, le texte réussit à adapter les principes directeurs du dispositif existant depuis 2007 dans les transports terrestres. Il s’inspire des trois volets de ce dispositif, validé par le Conseil constitutionnel et aujourd’hui reconnu comme positif par la grande majorité des syndicats de la RATP et de la SNCF.

Le premier volet concerne l’encouragement au dialogue social et à la prévention des conflits par la négociation d’accords-cadres. Le deuxième volet consacre l’obligation pour les compagnies aériennes d’informer les passagers vingt-quatre heures avant le début des perturbations. Le troisième volet prévoit l’obligation pour les seuls salariés dont l’absence est susceptible d’affecter directement des vols d’informer leur employeur de leur intention de participer au mouvement de grève au plus tard quarante-huit heures à l’avance.

Qui peut nier les blocages qui existent aujourd’hui dans ce secteur ? Au cours des trois dernières années, le transport aérien a été perturbé par des mouvements de grèves pendant 176 jours.

Les enjeux sont importants, voire graves pour le secteur aérien. Ils sont importants, car les aéroports français reçoivent tous les ans près de 150 millions de passagers. Les conséquences du défaut d’organisation lors des grèves sont désastreuses pour le secteur du transport aérien.

Je prendrai l’exemple de la dernière grève organisée au début du mois de février, au moment où l’Assemblée nationale examinait ce texte. Outre l’annulation d’un millier de vols, dont certains à la dernière minute, et les conséquences de ces annulations sur des dizaines de milliers de passagers, le mouvement de grève a entraîné de lourdes pertes pour Air France, de l’ordre de 8 millions à 10 millions d’euros par jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Ces paralysies à répétition donnent une mauvaise image de la France aux touristes et aux professionnels étrangers, alors qu’Air France réalise aujourd’hui 30 % des vols vers l’Europe.

L’accord passé entre Air France et le Syndicat national des pilotes de ligne, le SNPL, qui a fait couler beaucoup d’encre dans la presse, outre qu’il ne concerne que les pilotes, n’entamera pas le dispositif. Il viendra simplement limiter la capacité de la compagnie à fournir des équipages « de secours ». On peut, d’ailleurs, s’interroger de nouveau sur le poids des pilotes dans le dialogue social : le vrai problème est sans doute, comme je l’ai souligné en première lecture, du côté des agents proches du bas de l’échelle salariale et du côté des sous-traitants.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Nous sommes convaincus que ce texte va dans le bon sens. Il participe à l’amélioration de l’image de la France et à la compétitivité de la place aéroportuaire de Paris dans une économie mondialisée. Les milliers de passagers désemparés, errant ou dormant à même le sol dans les aéroports, …

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

… alors que ces lieux ne sont pas adaptés à un tel hébergement du public, donnent une image déplorable de nos aéroports, de nos compagnies aériennes et de notre pays.

Pour terminer, je souhaite souligner combien ce domaine de notre économie est stratégique.

Une étude récente nous donne quelques éléments chiffrés de l’importance économique du secteur du transport aérien et du secteur aéroportuaire.

Le système aéroportuaire parisien produit une valeur ajoutée directe de 13, 5 milliards d’euros et profite ainsi largement à l’économie locale, régionale et nationale.

L’aéroport de Roissy - Charles-de-Gaulle crée 248 000 emplois et le système aéroportuaire francilien engendre, quant à lui, plus de 340 000 emplois directs et indirects. En outre, la croissance des emplois sur Paris - Charles-de-Gaulle est sept fois plus dynamique que dans l’ensemble de la région d’Île-de-France.

Au moment où nos compagnies aériennes, notamment la première d’entre elles, sont dans une situation fragile et confrontées à une très forte concurrence tant européenne qu’internationale, cette proposition de loi est un moyen parmi d’autres pour leur apporter davantage de sécurité, pour favoriser le développement de leur activité et pour concourir au maintien de l’emploi.

C’est un enjeu majeur aujourd’hui, qui passe par un dialogue social rénové. Nous regrettons donc qu’une nouvelle fois vous persistiez dans le refus de discuter de ce texte.

Pour leur part, les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine renouvelleront leur soutien à cette proposition de loi équilibrée et raisonnable en refusant de voter la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi et non un projet de loi, ce qui n’est pas un hasard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Ce choix stratégique permet au Gouvernement de contourner le dispositif obligatoire de consultation des partenaires sociaux créé par la loi Larcher et d’éviter un examen préalable du texte par le Conseil d’État. Cela a déjà été souligné en première lecture.

Pour mémoire, je rappelle que le Sénat, comme l’Assemblée nationale, a adopté des protocoles de consultation des partenaires sociaux sur toute proposition de loi entrant dans le champ de la négociation collective. En résumé, avant son inscription à l’ordre du jour, le texte doit être transmis aux organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives afin de recueillir leurs observations et de connaître leur intention d’engager ou non une négociation sur le sujet. Ce point est important. Les organisations consultées disposent alors de quinze jours pour faire connaître leurs intentions.

En l’espèce, il est clair que ces protocoles n’ont pas été respectés. Comment, d’ailleurs, auraient-ils pu l’être, dans la mesure où nous avons affaire à un texte de pure opportunité et de pure réactivité ? Encore une fois, c’est dans la précipitation et la volatilité – sans jeu de mot – du temps médiatique que l’on somme le Parlement de légiférer.

Nous refusons de nous prêter à cet exercice, qui manque aux procédures que nous avons nous-mêmes adoptées pour favoriser le dialogue social et ne nous laisse pas le temps nécessaire à la réflexion. Nous sommes, ici, devant un contre-exemple flagrant de ce que doit être le travail parlementaire.

Dans les faits, cette hyperréactivité a inutilement crispé les esprits et exacerbé les tensions. Tenter de faire adopter au pas de charge ce texte, en plein conflit social, pourrait être considéré comme une regrettable erreur. À moins que l’on ne veuille satisfaire la frange la plus conservatrice de l’opinion publique au détriment du dialogue social, des droits des salariés et d’une bonne législation, auquel cas, ce serait une faute.

Pour notre part, nous entendons favoriser et surtout respecter les partenaires sociaux dans leurs efforts pour revaloriser le statut et améliorer les conditions de travail de tous ceux qui concourent, directement ou non, au transport aérien.

Le champ d’application de ce texte est considérable : le transport aérien, au sens strict, compte près de 100 000 salariés et fait travailler 600 entreprises, dont Air France est la plus importante et la plus significative. J’y reviendrai.

Les activités de sûreté emploient 10 000 personnes environ. Les missions d’assistance les plus diverses visées par le texte donnent du travail à environ 4 000 ou 5 000 salariés.

Au total, nous parlons donc d’un bon millier d’entreprises, pour la plupart des sous-traitants, et de 120 000 salariés, dont beaucoup ont des contrats précaires et travaillent trop souvent dans des conditions déplorables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Cette situation rend le texte que nous examinons aujourd’hui à bien des égards inacceptable.

Tout d’abord, la plupart des salariés ne travaillent pas dans des entreprises gestionnaires d’un service public. Ils n’ont donc pas à déposer de préavis s’ils souhaitent se mettre en grève comme cela est imposé par l’article L. 2512-2 du code du travail dans les entreprises de service public.

Nous relevons aussi une différence par rapport à la loi de 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. L’obligation de continuité du service public, reconnue par le Conseil constitutionnel dans une jurisprudence constante, fait ici défaut. Or seule cette obligation est de nature à limiter l’exercice du droit de grève lorsque celui-ci lui porte atteinte.

Seule demeure l’obligation de desserte dans le cadre de la continuité territoriale des îles, au champ par définition limité.

La sauvegarde de l’ordre public ainsi que la protection de la santé et de la sécurité des personnes en cas d’afflux massif de passagers dans un aéroport ont été invoquées. Elles relèvent, en fait, de l’obligation d’information, qui est à la charge des compagnies aériennes ; n’ayant donc pas de rapport direct avec l’exercice du droit de grève par les salariés, elles ne sauraient être utilisées pour y porter atteinte, vous le savez très bien, monsieur le ministre.

Chacun peut d’ailleurs constater que cette obligation d’information n’est pas toujours mise en œuvre dans les cas fréquents de pannes en tous genres, retards et autres désagréments, dans le transport aérien comme dans le transport terrestre. C’est un sujet d’irritation très fort pour de nombreux passagers. Mais, dans ce cas, ni le Gouvernement ni les députés de la majorité n’envisagent de sanction envers les entreprises en cas de carence. On laisse aux passagers le soin de mettre en cause la responsabilité de l’entreprise concernée devant les tribunaux.

L’objet réel de cette proposition de loi est donc de créer, pour des salariés du secteur privé, un préavis ex nihilo de quarante-huit heures !

Cette disposition a pour effet de limiter l’exercice du droit de grève dans les entreprises privées que sont les entreprises de transport aérien de passagers et leurs innombrables partenaires et sous-traitants. Elle constitue une pression à l’encontre des salariés en vue, nous ne sommes pas dupes, de les faire renoncer à la grève.

Cela traduit, d’ailleurs, une méconnaissance de la situation réelle des salariés. Décider la grève est un choix grave, lourd de conséquences, puisque cela aboutit à une perte de salaire souvent significative. Selon la formule consacrée, on ne se met pas en grève par plaisir !

La grève est le symptôme, vous le savez, monsieur le ministre, de relations dégradées dans l’entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Tout à fait ! Elle est le symptôme d’un dysfonctionnement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Elle est le signe que la négociation n’a pas permis d’améliorer les salaires et les conditions de travail. Or il y a dans ces domaines beaucoup à faire pour tous ces salariés « invisibles », « travaillant dans l’ombre », qui sont indispensables au transport aérien.

La vraie responsabilité du législateur est de mettre en place toutes les obligations et tous les instruments de la négociation collective pour que le sort de ces personnels soit amélioré et qu’ils n’aient plus besoin de recourir à la grève.

Vous avez cru bon d’ajouter à votre texte un article selon lequel tout salarié qui décide de reprendre le travail doit en informer l’employeur vingt-quatre heures à l’avance, sous peine de sanctions disciplinaires. C’est évidemment un obstacle à la libre détermination des salariés reconnue par la loi. Nous avons déjà eu l’occasion de démontrer l’absurdité d’une disposition qui contraindrait des employés à rester en grève vingt-quatre heures de plus pour ne pas être sanctionnés, ce qui est totalement contre-productif.

Les députés de la majorité gouvernementale ont fini par mesurer l’erreur. Le texte a donc été complété par une petite phrase : « Cette information n’est pas requise lorsque la grève n’a pas lieu ou lorsque la prise du service est consécutive à la fin de la grève ».

Pour faire bonne mesure, vous introduisez aussi cette disposition dans la loi de 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Fort bien ! Mais quand la grève se poursuit, que se passe-t-il ? Encore une fois, cette disposition traduit une méconnaissance grave des relations du travail et du déroulement des conflits collectifs.

Vous avez introduit cette disposition pour empêcher que ne se reproduisent des comportements minoritaires, et regrettables, auxquels les grandes organisations représentatives n’ont aucune part. Ces comportements nuisent à la crédibilité des mouvements sociaux et exaspèrent les passagers auxquels ils portent parfois gravement préjudice.

Mais votre ajout au texte que nous examinons ce jour ne résout rien.

J’en vois l’aveu dans cette phrase significative de notre collègue député François Rochebloine, énoncée en désespoir de cause, après que l’inutilité de cet ajout lui eut été démontrée : « Eh bien, ils seront en grève, point barre ! » C’est un peu court, mais c’est le constat bien senti que le problème n’est pas résolu.

Mais ce n’est pas tout. Nous avons appris hier, notamment par la presse, que la direction d’Air France venait de signer un accord avec les organisations de pilotes de ligne.

Cet accord stipule que le planning du personnel navigant technique est stable et que toute modification doit faire l’objet d’un accord entre la compagnie et le navigant concerné. En clair, il n’y aura pas de réaffectation improvisée en cas de grève, et votre proposition de loi devient de facto sans aucun effet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Sans effet quand vous prétendez imposer un service minimum dans le transport aérien, ce qui est, de toute façon, parfaitement impossible dans la pratique, sauf à réquisitionner des dizaines de milliers de salariés. Bonjour la difficulté !

Sans effet quand vous prétendez infliger des sanctions disciplinaires à des salariés par trop indociles. Bonjour l’approche sociale !

Et c’est notre première compagnie aérienne qui vous le signifie avec la simplicité de l’évidence, avec aussi un vrai souci de ne pas hypothéquer le dialogue social en son sein par des mesures inutilement agressives.

J’en terminerai par une dernière préoccupation, et non la moindre.

Nous observons que ce texte est apparu dans l’ordre du jour du Parlement à la suite de la grève des personnels de sûreté des aéroports en décembre 2011.

Il faut dire que ces salariés travaillent dans des conditions particulièrement difficiles, avec de longues stations debout, des horaires décalés, qui changent en fonction des retards, et des relations parfois difficiles avec les voyageurs qu’ils doivent contrôler.

Or ces personnels, en raison de la mission de service public qu’ils exercent, relèvent de l’article L.2512-2 du code du travail et doivent donc déposer un préavis de cinq jours avant toute grève. Dès le départ, ils ne sont donc pas concernés par votre texte.

En revanche, la plupart des autres personnels des compagnies aériennes, de leurs partenaires et sous-traitants le sont.

Ce qui, au final, est le plus clair, c’est que la majorité à l’Assemblée nationale et le Gouvernement ont saisi l’occasion des perturbations entraînées par cette grève pour inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour du Parlement.

Ce faisant, nul ne peut ignorer que cette proposition de loi n’est pas seulement une extension au transport aérien de la législation de 2007 sur les transports terrestres. Nous l’avons dit : les entreprises de transport aérien sont privées et ne sont pas chargées d’une mission de service public.

Ce texte est en fait une ouverture très inquiétante vers des restrictions à l’exercice du droit de grève dans le secteur privé, ce que nous ne pouvons admettre. C’est une brèche dans un droit constitutionnel reconnu aux salariés.

Le groupe socialiste est pleinement conscient des enjeux, qui dépassent très largement les circonstances présentes.

Ce texte participe du projet global de limiter les moyens de revendication des salariés, ceux du secteur public comme ceux du secteur privé, dans un contexte imposé d’austérité en matière salariale et de restrictions de notre protection sociale.

Nous observons les effets néfastes de cette politique dans bien des pays, y compris le nôtre, et nous sommes déterminés à y mettre un terme.

Nous constatons parallèlement les effets positifs du dialogue social et de la négociation collective, qui permettent de maintenir un climat favorable à l’implication des salariés dans leur entreprise, et donc au développement de notre économie.

Évidemment, pour toutes ces raisons, et notamment pour nous opposer à la tentative du Gouvernement – ne soyons pas naïfs ! – visant à restreindre l’exercice du droit constitutionnel de grève, le groupe socialiste adoptera la motion tendant à opposer la question préalable déposée par notre rapporteur et adoptée par la commission des affaires sociales.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons une nouvelle et ultime fois la proposition de loi imposant un service garanti dans le transport aérien.

Il ne nous aura fallu que quelques heures de débat pour porter une atteinte déterminante à un droit constitutionnel, le droit de grève. Nous continuons pourtant de penser que ce texte n’est qu’un projet gouvernemental, ni plus ni moins, et que la procédure accélérée dont il fait l’objet ne se justifie en rien. À l’inverse, la réforme de la biologie médicale, par exemple, justifiait, elle, d’être examinée en urgence, d’autant qu’elle était demandée par les professionnels concernés.

Rien donc ne justifie l’urgence de la démarche, si ce n’est la volonté du Gouvernement et de sa majorité de passer en force, ce qui traduit au fond votre mépris total des salariés et de leurs organisations syndicales.

Nous déplorons ainsi l’état du dialogue social, de la relation de confiance qui doit exister entre les organisations syndicales, patronales et le Gouvernement. Cela fait de ce dernier non le garant de l’intérêt général, mais plutôt le plus fidèle serviteur du MEDEF en déséquilibrant les rapports de force au sein des entreprises. Le PDG d’Air France, fort de ce soutien, n’a pas hésité, dans cette période, à dénoncer les accords d’entreprise à seule fin d’améliorer la rentabilité pour les actionnaires en demandant aux salariés des sacrifices supplémentaires.

La politique de rigueur et d’austérité se fait donc une nouvelle fois uniquement au détriment des salariés, sans que soit abordée la question, cruciale, d’un rééquilibrage entre revenus du capital et revenus du travail. Vous profitez de la crise pour atomiser les droits des salariés et des organisations syndicales.

Vous nous dites pourtant que le droit de grève n’est pas remis en cause par cette proposition loi. Qu’on en juge : le salarié devra se déclarer quarante-huit heures en amont du mouvement, et surtout ne pas renoncer moins de vingt-quatre heures avant, sous peine de sanction disciplinaire dont le niveau n’est pas précisé, même si l’Assemblée nationale a adouci le principe de la sanction en mentionnant que celle-ci ne peut intervenir qu’en cas de manquement répété.

Le salarié qui souhaite mettre fin à son action de grève, devra également attendre vingt-quatre heures avant de pouvoir reprendre effectivement le travail, ce qui l’oblige ainsi à une journée supplémentaire de perte de salaire, sauf en cas de fin de mouvement. Et je n’entrerai pas dans le détail du cas où une organisation syndicale propose la reprise du travail et que l’assemblée générale décide, elle, la poursuite de la grève, car cela devient alors très compliqué !

Il s’agit d’un procédé bien plus subtil que l’interdiction pure et simple de la grève : en rendant son exercice plus difficile et en l’individualisant, vous permettez que s’exercent sur les salariés des pressions inacceptables.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que le droit de grève s’exerce de façon collective, que c’est un droit utile qui a permis de nombreuses avancées sociales pour l’ensemble de nos concitoyens. Il n’y a donc aucun fondement à votre volonté d’opposer entre eux les vacanciers et les salariés.

Vous arguez également, pour justifier de cette atteinte à ce droit fondamental, que le Conseil constitutionnel a rendu un avis de conformité sur la loi de 2007. Cependant, comment ignorer que cette décision est de nature politique, en contradiction totale avec les jurisprudences des autres cours de justice ?

Ainsi, dans l’arrêt Air France de 2003, la Cour de cassation a reconnu de manière très claire « qu’il ne pouvait être imposé à un salarié d’indiquer à son employeur son intention de participer à la grève avant le déclenchement de celle-ci ».

Dans l’affaire de la société Rhodia Chimie, la cour d’appel de Grenoble a également jugé, le 29 avril 2002, que « la société ne pouvait interroger chaque salarié sur ses motivations sans exercer une pression inacceptable sur chaque salarié pris individuellement. »

Nous continuons donc légitiment d’affirmer que la déclaration préalable de grève quarante-huit heures à l’avance et, pire encore, celle de vingt-quatre heures sont inconstitutionnels.

Par ailleurs, la constitutionnalité s’apprécie de façon fondamentalement différente entre le transport terrestre et le transport aérien. Il s’agit, dans le premier cas, d’un service public et, dans l’autre, d’un service pleinement ouvert à la concurrence et à la déréglementation. Les obligations des compagnies, même si nous pouvons le regretter, ne se posent pas dans les mêmes termes ; il n’existe en l’espèce aucune obligation de continuité du service public.

En outre, la différence majeure entre ce texte et la loi du 21 août 2007 réside dans ce constat : il n’y a pas ici deux entreprises publiques aux procédures connues, au dialogue social sans doute imparfait mais qui préexistait à la loi. Le secteur aérien est très diversifié, avec des personnels aux statuts différents auxquels la loi applique une même logique, sans avoir pris le temps de discussions avec les partenaires sociaux. À ce titre, il est particulièrement choquant qu’il n’y ait eu aucune saisine du Conseil supérieur de l’aviation civile.

D'ailleurs, tout ce que nous dénonçons en termes d’inconstitutionnalité a été confirmé par une étude demandée par les organisations syndicales des pilotes. Nous trouvons là une nouvelle démonstration que le renforcement du dialogue social n’est pas l’objectif de cette proposition de loi, puisque, loin de le renforcer, ce texte risque au contraire de cristalliser la conflictualité existante.

Force est de constater que l’instauration d’une sorte de « préavis du préavis » par le dispositif d’alarme sociale dans le secteur terrestre n’a pas permis d’enrayer la conflictualité puisque, si les demandes de consultation immédiate ont significativement augmenté, les dirigeants des entreprises continuent d’attendre de constater l’état réel des rapports de force avant d’engager toute négociation. En même temps, « on ne négocie pas pendant la grève », disent-ils. Cela peut durer…

Or, si l’article L. 521-3 du code du travail précise d’ores et déjà que « pendant la durée du préavis, les parties intéressées sont tenues de négocier », cette obligation est souvent méconnue par les dirigeants d’entreprise. Allonger la durée du temps de négociation, dans les transports terrestres comme dans les transports aériens, apparaît donc inutile si rien ne contraint ces mêmes chefs d’entreprises à se présenter à la table de négociation avec des propositions.

De manière circonstanciée, il n’est pas anodin que le Gouvernement cherche à limiter les grèves de salariés dans le secteur aérien, qui a connu, depuis plusieurs années, des luttes nombreuses et retentissantes : la sûreté, les navigants, les mécaniciens, le cargo et l’escale d’Air France, mais aussi de nombreuses autres compagnies aériennes et entreprises d’assistance aéroportuaire.

Cette proposition de loi, comme le titrait Le Figaro, vise donc bien non à favoriser le dialogue social mais à mettre fin aux grèves.

Je voudrais pour finir revenir sur un abus de langage de la part du ministère. En effet, vous n’avez eu de cesse d’affirmer que la loi de 2007 était un succès.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

C’est vrai, et vous la garderez !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Ce « succès » justifierait selon vous l’élargissement de son périmètre, ouvrant même la voie à une remise en cause du droit de grève pour l’ensemble des salariés.

Mais d’après vous, monsieur le ministre, la galère quotidienne des usagers a-t-elle cessé pour autant ? Bien sûr que non, parce que, ce qui mine les transports terrestres comme les transports aériens, ce ne sont pas les grèves, comme vous l’affirmez, c’est bien le désengagement de l’État de ses missions de service public et d’intérêt général.

Et justement, parce que les salariés dans les conflits sociaux sont porteurs de revendications d’intérêt général, parce que ce que réclament les usagers, ce sont des transports de qualité, nous demandons une nouvelle fois le retrait de cette proposition de loi inefficace et rétrograde, en contradiction totale avec nos principes républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Madame Bruguière, comme vous l’avez affirmé, cette proposition de loi est effectivement un texte indispensable qui répond aux demandes et aux préoccupations de nos concitoyens.

Comme vous en avez souligné la nécessité, monsieur Fortassin, il est essentiel de reconnaître le droit à une information fiable et précise des passagers du transport aérien. Ce texte organise bien un service garanti aux passagers et non un service minimum imposé aux salariés. C’est bien pourquoi la proposition de loi vise l’ensemble des entreprises qui concourent directement au transport aérien de passagers.

Monsieur Labbé, ce texte n’est pas un simple affichage politique pour contourner le droit, notamment le droit de grève, auquel je suis, comme l’ensemble des membres de cette assemblée, attaché.

Il n’ouvre en rien le droit à un encadrement généralisé du droit de grève pour tous les salariés.

Il ne s’agit pas davantage, monsieur Le Menn, de soumettre à l’obligation de déclaration individuelle d’intention l’ensemble des salariés du transport aérien : sont concernés simplement ceux dont l’absence est de nature à empêcher directement la réalisation des vols.

Monsieur Labbé, s’agissant d’Air Méditerranée, le Gouvernement a diligenté deux enquêtes visant à s’assurer de la légalité du plan de sauvegarde de l’emploi.

Pourquoi cette compagnie aérienne est-elle en difficulté ? C’est très simple. Avant les événements du « printemps arabe », il y avait, durant l’été, une cinquantaine de vols par semaine à destination de la Tunisie et de l’Égypte ; il n’y en a eu que deux cette année ! Si vous connaissez un moyen pour faire partir massivement les vacanciers Français en Tunisie et en Égypte et pour sauver la compagnie, dites-le nous !

Malheureusement, mesdames, messieurs les sénateurs, il arrive que les compagnies aériennes soient confrontées à des situations exceptionnelles en raison d’événements fortuits.

Je l’ai dit, avec ce texte, nous ne cherchons pas à jeter le discrédit sur les organisations syndicales. Comme M. Capo-Canellas l’a fait remarquer avec raison, notre objectif est non pas de diviser, mais d’apaiser.

Madame David, monsieur Le Menn, les rapporteurs du projet ont mené de nombreuses consultations avec l’ensemble des partenaires sociaux. Pour avoir été parlementaire pendant dix-sept ans, j’ai beaucoup de mal à comprendre votre argumentation sur l’initiative parlementaire et les propositions de loi. Franchement, si demain il est interdit d’avoir recours à des textes d’origine parlementaire, ce sera la paralysie et vous en serez vous aussi victimes !

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Avec ce texte, les entreprises pourront connaître à l’avance l’état de leur effectif disponible. À une époque où nos compagnies aériennes sont dans une situation fragile et doivent évoluer dans un environnement très fortement concurrentiel, nous avons peut-être trouvé là un moyen parmi d’autres de favoriser le développement.

Madame Pasquet, vous et les vôtres avez condamné en 2007, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, le service minimum dans les transports ferroviaires. Je constate qu’une partie de la gauche est prête à conserver ce dispositif si elle était, par un hasard malheureux, élue.

Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Ce qui prouve que vous êtes aujourd’hui désavoués par vos propres amis !

Cette proposition de loi va être adoptée et je suis convaincu que la gauche s’empressera de ne pas y toucher le jour lointain où elle sera de retour aux affaires !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi, par Mme David et M. Jeannerot, au nom de la commission, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, de son règlement, le Sénat,

Considérant que, au nom du droit à l’information des passagers, la présente proposition de loi a pour conséquence de limiter l’exercice du droit de grève dans les entreprises de transport aérien de passagers ;

Considérant qu’en imposant à un très grand nombre de salariés du secteur du transport aérien de déclarer quarante-huit heures à l’avance leur intention de faire grève, elle n’organise pas une conciliation équilibrée entre ce droit constitutionnellement protégé et des impératifs concurrents à la portée mal définie ;

Considérant que l’obligation pour tout salarié d’informer, vingt-quatre heures à l’avance, son employeur de son souhait de poursuivre ou reprendre le travail sera inopérante dans le secteur aérien, la multiplicité des acteurs concernés ne permettant pas de rétablir le service au niveau initialement prévu ;

Considérant que le texte ne règle en rien les véritables problèmes qui sont sources de tension sur les plates-formes aéroportuaires, et notamment les conditions de travail déplorables de certaines catégories de personnels et le manque de considération dont ils font l’objet ;

Considérant que cette proposition de loi a été examinée dans la précipitation, à moins de trois semaines de la fin de la session parlementaire, afin de paraître répondre à une prétendue urgence médiatique ;

Considérant que l’Assemblée nationale n’a pas fait jouer son protocole de consultation des partenaires sociaux alors que ce texte porte avant tout sur les droits sociaux des salariés ;

Considérant qu’après l’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale a confirmé, en nouvelle lecture, les orientations du texte d’origine sans tenir compte des observations du Sénat ;

Décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (428, 2011-2012).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mes chers collègues, j’ai déjà longuement exposé, lors de la discussion générale, les raisons qui ont poussé la commission des affaires sociales à décider d’opposer la question préalable à cette proposition de loi. Je ne crois pas nécessaire d’y revenir en détail. Nous voulons rester en cohérence avec la position adoptée par le Sénat en première lecture : le texte n’a pas changé, ou si peu, et il n’est pas plus acceptable aujourd’hui qu’il y a quinze jours.

Je tiens simplement à rappeler quelques points importants.

Tout d’abord, pour nous, cette proposition de loi porte une atteinte manifestement disproportionnée au droit constitutionnellement protégé qu’est le droit de grève. Je note au passage que vous invoquez le principe constitutionnel de la liberté d’aller et venir, en l’occurrence le droit de voyager. Mais l’adoption de ce texte permettra non pas de mieux faire respecter ce droit, mais simplement d’informer les passagers afin de leur permettre de rester chez eux en attendant que les vols reprennent. Voilà pour ce qui constitue l’un de vos principaux arguments, monsieur le ministre !

Certaines dispositions de la proposition de loi, notamment le délai de dédit de vingt-quatre heures, seraient inopérantes dans le secteur du transport aérien, car les délais prévus sont de toute façon trop courts pour permettre une réorganisation de l’activité. Il faut bien mal connaître le déroulement d’un mouvement social ou d’une grève pour proposer d’encadrer le droit de grève dans de tels délais !

Ensuite, rien n’est fait ici pour améliorer les conditions de travail des personnels de l’assistance en escale ou de la sûreté, ou même de l’ensemble des personnels du secteur aérien, alors que c’est là que réside la véritable solution pour apaiser durablement les tensions dans les aéroports.

Par ailleurs, l’examen de ce texte dans la précipitation, pour des raisons électoralistes, est inacceptable. Je reviens sur l’argument que j’ai déjà développé et qui a été également repris par d’autres orateurs : l’absence, non pas d’auditions, mais de consultation préalable des partenaires sociaux, pourtant les premiers concernés par les effets de ce texte, démontre la méfiance infondée de la majorité gouvernementale pour le dialogue social.

Monsieur le ministre, auditionner des organisations syndicales dans le cadre de l’examen d’une proposition de loi est une chose ; ouvrir des négociations et suivre le protocole tel qu’il a été voté au Sénat et à l'Assemblée nationale en est une autre. Le protocole précise bien que les organisations syndicales doivent être consultées sur le texte et qu’elles doivent pouvoir s’exprimer sur leur demande d’ouverture, ou non, de négociations. Dans les quinze jours suivant cette consultation, les organisations syndicales doivent nous donner leur réponse. Si elles demandent l’ouverture de négociations avec le Gouvernement, alors le texte ne peut pas être étudié tant que les négociations n’ont pas eu lieu.

Chers collègues de l’opposition sénatoriale, voilà ce que prévoit le protocole qui a été adopté ici même, dois-je le rappeler, sur l’initiative de Gérard Larcher. Or ce protocole n’a absolument pas été respecté !

Si nous contestons le recours à une proposition de loi, c’est bien évidemment non pas parce que nous dénigrons l’initiative parlementaire, mais parce qu’il s’agit d’un détournement du travail des parlementaires au bénéfice du Gouvernement, afin notamment d’éviter le passage du texte devant le Conseil d’État. En l’espèce, il faut bien dire que cela arrange le Gouvernement !

Enfin, l’Assemblée nationale n’a pas modifié sensiblement sa position initiale en nouvelle lecture.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission a eu raison d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable et vous invite à en faire autant.

Debut de section - Permalien
Thierry Mariani, ministre

Le Gouvernement est défavorable à l’adoption de cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Chers collègues de la majorité sénatoriale, je suis très surprise de cet acharnement contre une proposition de loi qui répond simplement aux attentes des Français.

Je répondrai rapidement aux arguments que vous avez avancés.

Vous avez tout d’abord et principalement reproché au texte de limiter l’exercice du droit de grève.

Ce jugement est totalement en décalage avec la portée réelle de la proposition de loi. Après son adoption, les grèves dans les transports aériens pourront en effet avoir lieu comme aujourd’hui. Ce qui change, c’est la prévisibilité du trafic, l’information des usagers et le respect de ces derniers.

On parle beaucoup du respect des droits des salariés, auquel nous sommes nous aussi attachés, mais on oublie les droits des usagers, notamment le principe fondamental de la liberté d’aller et venir, ainsi que le respect de l’ordre public !

Ce ne sont pas, me semble-t-il, « des impératifs concurrents à la portée mal définie », pour reprendre les termes d’un considérant de la motion.

Vous avez ensuite évoqué le manque de considération dont seraient victimes certaines catégories de personnels, mais vous faites preuve d’un remarquable manque de considération pour les passagers, dont nous faisons tous partie.

D’après les considérants de la motion, il n’y aurait pas eu de dialogue préalable avec les partenaires sociaux. Je tiens à le dire, la procédure suivie pour l’examen des propositions de loi a pourtant été respectée, les partenaires sociaux ayant été auditionnés par le rapporteur de l’Assemblée nationale.

Nous aurions aimé assister à de telles auditions ici, au Sénat. M. le rapporteur nous a informés qu’elles avaient eu lieu, mais, comme nous l’avons déjà souligné en commission, nous n’y avons pas été conviés. Lorsque nous rapportons sur des textes sociaux, il serait normal de convier l’ensemble des collègues à prendre part à ces travaux – viendra qui veut ! –, et c’est d’ailleurs ce qui se passait habituellement avant le changement de majorité au Sénat.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Par l’adoption de cette motion tendant à opposer la question préalable, nous allons conclure au rejet du texte et laisser l’Assemblée nationale souveraine, sans même avoir formulé de propositions.

Finalement, cela revient à refuser tout dialogue sur une question pourtant jugée importante par nos concitoyens. Notre groupe et moi-même le regrettons sincèrement et voterons contre cette motion.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Monsieur le président, je demande la parole pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mon cher collègue, je vous rappelle que seul un représentant de chaque groupe est autorisé à prendre la parole en explication de vote.

La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Mes chers collègues, une impression de déjà-vu émane de cette discussion, puisque nous avons examiné cette proposition de loi voilà deux semaines. Cet effet est quelque peu contrebalancé par le fait que, contrairement à ce que disait Mme David, l’Assemblée nationale a apporté, en nouvelle lecture, des améliorations notables au texte.

Mon explication de vote est une nouvelle occasion de dire, comme l’a fait mon collègue Vincent Capo-Canellas, tout le bien que le groupe UCR pense de cette proposition de loi, un texte nécessaire et équilibré.

M. le rapporteur, qui est bien évidemment opposé cette proposition de loi, a tout de même reconnu en première lecture la nécessité d’agir : il s’est dit tout à fait « conscient des difficultés que rencontrent les voyageurs en cas de perturbation du trafic aérien consécutive à un conflit social ».

Lorsque l’on est effectivement conscient de ces difficultés et de l’impact que de tels conflits peuvent avoir sur la vie de nombreux usagers, l’on est aussi conscient de la nécessité de faire quelque chose, et sans tarder, en respectant naturellement le droit de grève, droit constitutionnel auquel nous sommes tous attachés.

Autrement dit, il s’agit de concilier droit de grève et organisation du service, ni plus ni moins ! C’est précisément ce que fait le texte et c’est en cela qu’il est équilibré, particulièrement depuis qu’il a été modifié en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale.

La proposition de loi ne remet pas en cause le droit de grève et n’instaure absolument pas un service minimum dans le service du transport aérien. Cela supposerait de pouvoir limiter le droit de grève ou de réquisitionner certains personnels, ce qui n’est pas l’objet du texte.

En revanche, la proposition de loi permettra de contribuer à prévenir les conflits en relançant le dialogue social. Malgré les polémiques qui avaient entouré sa création, ce dispositif a été mis en place pour les transports terrestres, et il fonctionne plutôt bien. J’émettrai cependant un bémol important dans cette comparaison : contrairement à ce qui existe pour les transports terrestres, la négociation d’accords-cadres de prévention des conflits est en l’espèce facultative.

En tout état de cause, la proposition de loi améliore sensiblement l’information des usagers.

Il n’y a rien de choquant à demander aux grévistes de se déclarer individuellement quarante-huit heures avant de cesser le travail afin que le service soit organisé au mieux et que les usagers puissent disposer d’une information fiable. Encore une fois, ce dispositif existe déjà dans les transports terrestres, et il ne choque personne.

Quant au délai minimum de dédit, ne nous racontons pas d’histoires ! Nous savons pourquoi il est nécessaire : l’abus de déclarations d’intention est une réalité qui vide de son contenu tout le dispositif du service minimum dans les transports terrestres. Il fallait donc réagir.

Les modifications du texte apportées par l'Assemblée nationale constituent donc de véritables progrès par rapport au dispositif initial. Avec ces apports, l’équilibre et le réalisme du texte sont difficilement contestables.

Ces améliorations, qui étaient pour nous autant de raisons supplémentaires de voter ce texte, sont autant de preuves supplémentaires du caractère quelque peu idéologique du rejet proposé par la commission.

Pour toutes ces raisons, le groupe UCR votera une fois de plus contre la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.

M. Jean-Claude Carle remplace M. Thierry Foucaud au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, le président et premier actionnaire d’Air Méditerranée, Antoine Ferretti, annonçait aux salariés qu’ils devaient choisir entre perdre leur emploi ou aller travailler en Grèce moyennant, entre autres, une perte d’environ 30 % de leurs salaires.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, ces salariés ont écrit au Président de la République, car ils craignent non seulement le départ de toute leur flotte et la disparition de leur entreprise, mais « pire encore […] que la méthode se propage aux autres compagnies aériennes françaises qui ne sauront résister à ce dumping social ».

Voilà, mes chers collègues, une nouvelle illustration du combat que doivent mener les salariés face à cet odieux chantage à l’emploi qui est mené sous couvert de crise.

Et vous voudriez, monsieur le ministre, que l’on vote une proposition de loi pour affaiblir encore les droits des salariés, pour les réduire un peu plus vite au silence et les désarmer complètement face au nivellement par le bas, continu, de leurs conditions de travail et de leurs rémunérations ?

Quant aux arguments tirés de la continuité du service public, de la sécurité des personnes et du maintien de l’ordre public, nous avons déjà montré qu’ils ne résistent pas à l’analyse juridique. Il est vrai que le principe à valeur constitutionnelle de la continuité du service public doit être concilié avec le droit de grève. Cependant, les entreprises visées ont été largement délestées de leurs missions de service public quand vous les avez privatisées !

Il n’y a pas lieu de prendre en compte ce principe au-delà du service minimum déjà assuré dans le domaine de la navigation aérienne par la loi du 31 décembre 1984.

Ces quelques considérations justifient à elles seules notre vote de la motion tendant à opposer la question préalable. Mais il en existe bien d’autres que je n’ai pas le temps de développer à nouveau ici.

À ceux qui croient que le droit de grève est une sorte de privilège, je tiens cependant à dire que son exercice est un véritable sacrifice pour les travailleurs. Ceux qui n’ont jamais fait grève semblent ignorer que les obligations des parties au contrat de travail sont suspendues pendant la grève et que, si un accident survient, il sera considéré comme un accident de droit commun, tout comme ils font mine d’ignorer que les grévistes ne sont pas payés.

Mais cela ne suffit pas aux patrons ! Il faut encore que, avec la complicité du Gouvernement, ils affaiblissent les droits des travailleurs par cette proposition de loi et par bien d’autres pratiques qui participent de la même logique rétrograde. Je pense ici à la réquisition de salariés de droit privé dans la raffinerie de Grandpuits lors des manifestations contre la réforme des retraites, réquisition sur ordre de votre gouvernement qui a ensuite été annulée par le juge.

Je pense aussi ici à la validation, par le ministre du travail, Xavier Bertrand, du licenciement d’élus du personnel de l’entreprise NextiraOne, contre l’avis de l’inspection du travail, ou encore à la décision du conseil de discipline de la compagnie maritime SNCM, lequel a émis un avis favorable au licenciement de deux délégués du personnel. Ces pratiques sont inacceptables. Elles témoignent d’un profond mépris pour les salariés qui se battent pour préserver leur outil de travail.

Votre proposition de loi s’inscrit fidèlement dans cette politique inhumaine, que nous combattons, aux côtés des travailleurs.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai bref.

Je veux tout d'abord dire à ma collègue Marie-Thérèse Bruguière qu’elle a quelque peu « forcé la note » ! En effet, pour justifier sa position, elle assimile une grève dans les transports publics à une situation quasi insurrectionnelle, mettant véritablement en cause l’ordre public. Point trop n’en faut, ma chère collègue !

Pour sa part, M. Bockel nous explique que l’attitude, dans ce débat, des sénateurs de gauche ne serait qu’une posture idéologique. Rien de moins ! Mes chers collègues, à trop vouloir prouver, on ne prouve rien.

Quant à notre position, elle obéit à des choix fondamentaux que plusieurs d’entre nous ont exprimés. Nous considérons que cette proposition de loi est un texte de circonstance, visant à répondre à des situations déterminées, dans une période donnée. En tout cas, elle ne prend pas en considération un point pourtant très sérieux : la recherche des causes d’une grève.

En effet, quand des travailleurs salariés, se mettant en grève, bloquent le système aérien d’un pays comme le nôtre, avec toutes les perturbations qui en découlent, ils doivent tout de même avoir quelques raisons pour le faire !

Notre collègue Jacky Le Menn a rappelé qu’on ne se mettait pas en grève par plaisir. Pour sa part, la droite considère, bien sûr, qu’il convient d’user du droit de grève sans gêner personne !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Notre réponse est donc très claire : nous voterons avec détermination la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

Je rappelle également que le Gouvernement s’est déclaré défavorable à l’adoption de cette motion.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici le résultat du scrutin n° 113 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Mes chers collègues, en application de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, et en application du décret n° 93-861 du 18 juin 1993, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, lors de sa réunion du mercredi 29 février 2012, a émis un vote favorable (21 voix pour, 0 voix contre et 0 abstention), en faveur de la reconduction de M. François Jacq, en qualité de président-directeur général de l’établissement public Météo France.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la majoration des droits à construire (projet n° 422, texte de la commission n° 437 rectifié, rapport n° 436 et avis n° 435).

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Mes chers collègues, je vous confirme que je souhaite réunir la commission de l’économie pour l’examen des amendements extérieurs, non pas à la fin de la discussion générale, mais juste après la suspension de nos travaux, à l’heure que vous choisirez pour celle-ci, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. le président. Mon cher collègue, je vous propose de suspendre la séance vers dix-neuf heures trente.

M. le président de la commission acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre chargé du logement

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis pour examiner un projet de loi qui, à l’origine, avait vocation à augmenter les droits à construire. Pour le Gouvernement, ce texte devait être emblématique et traduire ce que nous appelons de nos vœux, à savoir la mise en place d’un nouveau modèle économique pour la production de logements dans notre pays.

Pourquoi un nouveau modèle économique me semble-t-il nécessaire en la matière ?

Jusqu’à présent, vous le savez, notre politique du logement reposait principalement sur un niveau exceptionnellement élevé d’intervention publique. La Nation a ainsi consacré, en 2010, près de 41 milliards d’euros, soit plus de 2 % du PIB, aux politiques du logement. Ce niveau est historiquement élevé.

Cette intervention massive n’a empêché ni la hausse des prix ni celle des loyers, notamment dans les territoires dits « tendus », portés par une dynamique démographique et économique.

Pour que l’on mesure bien l’importance des choix que nous aurons à opérer aujourd'hui et dans les semaines à venir, j’ajoute que, pour l’année 2000, les encours de crédits liés à la production de logement se sont élevés à 290 milliards d’euros, tous types de production confondus, à savoir aussi bien le logement social et la promotion immobilière que l’investissement privé et, bien évidemment, l’accession à la propriété.

Si l’on se réfère maintenant à l’année 2010, on constate que ces encours de crédits sont passés à 900 milliards d’euros. Ils ont donc été multipliés par trois en l’espace de dix ans.

Parallèlement, sur la même période, la production de logements en tant que telle n’a augmenté que suivant un facteur 0, 3. Autrement dit, la progression des masses financières en cause résulte de la hausse des prix, non de la production de logements.

Notre économie du logement est donc aujourd'hui davantage une économie de rente qu’une économie de production. Tel est d'ailleurs le problème majeur auquel nous sommes actuellement confrontés dans l’élaboration des politiques du logement.

C’est la raison pour laquelle nous sommes persuadés qu’il nous faut changer de modèle économique. Si ce dernier repose, d’une façon ou d’une autre, sur l’investissement public ou sur la solvabilisation d’une clientèle, qu’il s’agisse d'ailleurs de la demande privée, du logement social ou de la promotion immobilière, il n’offre pas de solution adaptée à la réalité du monde du logement.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu

ministre. Dans ce cas, j’espère que nous en tirerons tous les mêmes conséquences, monsieur le président de la commission ! Or j’avais cru comprendre que d’aucuns, sur certaines travées de cet hémicycle, avaient dans l’idée de continuer à investir massivement dans la politique du logement et d’y consacrer davantage d’argent public…

Comme vous tous, j’ai la conviction que les crises du logement que nous pouvons actuellement observer sur certains territoires sont essentiellement dues à une pénurie de l’offre. À l’évidence, le problème est lié au jeu traditionnel de l’offre et de la demande : lorsque la demande est forte ou l’offre faible, les prix montent, et inversement, comme nous pouvons d'ailleurs l’observer dans d’autres territoires.

Certes, notre pays construit beaucoup : 425 000 logements ont été mis en chantier en 2011. Ce chiffre représente une progression très importante par rapport à l’année 2010 et nous rapproche du record de l’année 2007.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous rappelle que, entre 2007 et 2010, en raison de la crise, nous avons enregistré globalement un déficit de construction de 100 000 logements par an. Toutefois, nous sommes à peu près parvenus à reconstituer l’offre depuis lors. La France est ainsi le premier producteur européen de logements : en 2011, le Royaume-Uni en a construit 120 000 et l’Allemagne 180 000. La différence des niveaux de production est donc considérable.

Malgré ce motif de satisfaction, il n’en reste pas moins vrai que, sur certains territoires, la production n’est pas suffisante pour répondre à la demande : il en résulte naturellement une hausse des prix, donc une augmentation des moyens financiers consacrés au logement.

Si nous connaissons ces difficultés dans le domaine de la production et de l’offre, c’est parce que nous subissons une série de contraintes que je voudrais évoquer devant vous.

La première d’entre elles est liée à notre droit de l’urbanisme, qui ne favorise pas assez la réalisation de projets ; il s’agit davantage d’un corpus de règles contraignantes que d’un encouragement à l’innovation. Avec un certain nombre de sénateurs, le Gouvernement a développé une réflexion sur l’urbanisme de projet et la nécessaire refonte du droit de l’urbanisme. Ce travail s’était concrétisé au travers de la proposition de loi déposée par Éric Doligé, que la Haute Assemblée n’a malheureusement pas eu le temps d’examiner complètement. Je le regrette, car l’adoption de ce texte aurait permis une évolution profonde du droit de l’urbanisme.

Le deuxième type de contrainte que nous devons affronter tient – j’ose le dire – à une forme de réticence des élus, notamment franciliens, à l’égard de la production massive de logements. Je peux le comprendre, parce que la construction de logements, en particulier en Île-de-France, représente des coûts induits très importants pour les collectivités locales : il faut bâtir aussi des écoles, des crèches, notamment, autant d’équipements sources d’importantes dépenses de fonctionnement.

C’est la raison pour laquelle je suis convaincu que nous devrons, dans les mois à venir, engager une réflexion sur une aide aux « maires bâtisseurs », que ce soit sous la forme d’une péréquation fiscale ou d’une modulation des aides de l’État : il faudra aider ou encourager ces élus à produire des logements.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Le troisième élément de contrainte que je relève est la trop grande dispersion des compétences en matière d’urbanisme, alors que ce domaine nécessite une expertise rare.

Nous devrons travailler à une échelle différente : l’échelle intercommunale, telle que nous la connaissons notamment dans les communautés urbaines, représente, me semble-t-il, l’avenir. Certes, il sera difficile de concrétiser cette évolution, parce de nombreux élus sont opposés au transfert de cette compétence à l’échelon intercommunal, mais je suis convaincu que cette option va dans le sens de l’histoire, selon l’expression consacrée.

Le quatrième élément de contrainte que nous avons tous en tête est évidemment le contentieux, de caractère parfois abusif, voire mafieux. Certains contentieux ralentissent la réalisation des projets et les renchérissent, tout en retardant la livraison des logements.

Il nous faudra travailler à renforcer le cadre réglementaire : un projet de décret devrait être soumis au Conseil d’État dans le courant du mois de mars. Ce décret n’aura pas pour objet de limiter le droit au recours, car telle n’est pas notre volonté, mais de réduire le nombre des contentieux qui sont abusifs, pour ne pas dire – je me répète – mafieux.

Un autre élément vient brider la production de logements dans notre pays : les terrains constructibles ne sont pas nécessairement rares en France, mais ils sont trop peu mis sur le marché.

À titre d’exemple, je citerai un chiffre que les élus franciliens connaissent bien : l’Île-de-France dispose de 13 000 hectares de terrains constructibles non construits. Pour vous donner une échelle de comparaison, la Ville de Paris, sans le bois de Boulogne et le bois de Vincennes, a une superficie de 8 700 hectares : vous avez ainsi une idée de ce que représentent les terrains disponibles dans les plans locaux d’urbanismes existants. Il me semble que le schéma directeur de la région Île-de-France, le SDRIF – je parle sous le contrôle des élus concernés – prévoit même d’ajouter 7 000 hectares constructibles. Nous disposerons donc, pour les années à venir, de masses de terrains considérables dans les plans locaux d’urbanisme actuels ou futurs pour construire les logements dont nous avons besoin.

Il n’en demeure pas moins que ces terrains sont trop rarement mis sur le marché. C’est pourquoi il nous faut réfléchir aux solutions envisageables.

Tout d’abord, nous devons bien évidemment agir sur la fiscalité. Un premier pas a été franchi à l’Assemblée nationale et confirmé au Sénat, lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 : le Parlement a adopté le principe d’une majoration de la taxe foncière sur les propriétés non bâties en zones tendues applicable aux terrains constructibles non construits.

L’Assemblée nationale a discuté un amendement visant à inverser la fiscalité des plus-values sur les propriétés non bâties : en effet, dans le schéma actuel, plus les propriétaires pratiquent la rétention foncière, moins ils sont taxés. Nous sommes convaincus qu’il faudra inverser ce mode de fonctionnement.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Un amendement a donc été déposé sur cette question par un député de la majorité.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

En accord avec le rapporteur général de la commission des finances, le Gouvernement a souhaité, pour des raisons techniques, que cet amendement soit repoussé, mais il n’a exprimé en aucun cas des objections de fond. En effet, le Gouvernement a clairement affirmé son acceptation de cette évolution…

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Vous la mettrez en œuvre si vous en avez la possibilité, monsieur le rapporteur ! Ne vendez pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué ! Je sais que vos amis ont pris l’habitude de se distribuer des portefeuilles dont ils ne disposent pas encore, mais, de grâce, attendez le résultat des élections…

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

M. Benoist Apparu, ministre. C’est vrai, monsieur Mirassou, et nous allons nous efforcer de leur conserver le statut d’espèce protégée, dans l’intérêt même de la France !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Le Gouvernement est donc pleinement favorable à cette inversion de la fiscalité et il s’efforcera de la concrétiser dans les semaines à venir.

Nous devrons également travailler sur la cession des terrains publics. Il me semble d’ailleurs que nous en discuterons dans quelques instants, si j’ai bien lu le texte adopté par la commission de l’économie.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Des programmes de cessions de terrains publics ont été engagés dans le passé. Pendant la période 2008-2012, un programme devait permettre la construction de 70 000 logements sur des terrains publics : à la fin de 2011, il était déjà réalisé à hauteur de 55 000 logements. Aucun retard n’a été pris et l’objectif initial devrait être atteint d’ici à la fin de l’année.

Nous avons relancé cette dynamique, puisqu’un nouveau programme a été établi pour la période 2012-2016, portant sur la construction de 100 000 logements, dont 50 000 en Île-de-France. En ce qui concerne cette seule région, 994 terrains ont été identifiés, représentant 880 hectares.

Au-delà de ces éléments, qui ont vocation à faire évoluer ce modèle économique, une mesure nous semble particulièrement emblématique pour produire plus de logements en France : il s'agit de mieux utiliser le foncier existant.

Lorsque l’on observe l’évolution des plans locaux d’urbanisme depuis un certain nombre d’années, on remarque des baisses de densité : les taux de densité prévus ne sont pas entièrement utilisés lorsque des opérations urbaines sont réalisées. Il nous faut donc accroître la densité, pour deux raisons essentielles.

Tout d’abord – les élus du monde rural qui siègent ici se reconnaîtront dans ce propos –, il faut consommer moins d’espace agricole.

On ne peut pas se battre contre la surconsommation d’espace agricole, ni regretter, discours après discours, que disparaisse tous les dix ans, dans notre pays, l’équivalent de la superficie d’un département en terres agricoles, et s’opposer, en même temps, à la densification urbaine. Ce serait incohérent ! S’il faut consommer moins de terres agricoles et produire plus de logements, c’est donc qu’il faut renforcer la densité des zones urbaines. La mesure que nous proposons vise à mieux utiliser les terrains publics. C’est clairement une mesure de densité.

Ensuite, si nous voulons durablement lutter contre la hausse des prix, il nous faudra construire plus de logements sur le même espace. Bien sûr, certains nous diront dans quelques instants qu’une telle mesure va faire augmenter le prix des terrains. C’est vrai, mais le prix des opérations n’augmentera pas, ni le prix de sortie au mètre carré. Or c’est ce dernier élément qui nous paraît essentiel ; j’ajouterai même que l’on pourrait s’attendre à un effet inverse.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement a souhaité vous présenter un projet de loi permettant d’augmenter de 30 % les droits à construire. Très concrètement, là où l’on pouvait bâtir dix logements sur une parcelle, on pourra en construire treize. J’imagine que les fédérations d’organismes HLM doivent se réjouir de ce type de mesure permettant de construire davantage de logements sociaux ; de la même façon, je pense que l’ensemble des partenaires du monde du logement se réjouissent de ce type d’initiative.

Bien évidemment, ce projet de loi est respectueux des droits des collectivités locales : nous avons tenu à respecter le principe de libre administration des collectivités locales, en leur permettant de refuser l’application de cette norme.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

J’entends déjà un certain nombre d’élus affirmer que cette mesure existait déjà. Il est vrai que trois dispositions législatives permettent d’augmenter de 50 % les droits à construire pour le logement social, de 30 % pour la construction de logements énergétiquement performants et de 20 % pour tout type de logement. Toutefois, ces dispositions ne sont pas appliquées : je crois que 31 collectivités locales seulement ont adopté une délibération afin d’appliquer l’une de ces majorations.

Nous souhaitons aller beaucoup plus loin. C’est pourquoi le texte initial du projet de loi prévoyait de passer d’un système où les communes pouvaient décider d’appliquer la majoration à un système où elles auraient seulement le droit de refuser de l’appliquer, afin de les inciter à s’engager dans cette voie et à lutter contre l’étalement urbain.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Ce changement respecte strictement la liberté d’administration des collectivités locales, comme je viens de le rappeler.

Bien évidemment, ce projet de loi n’a pas pour objet de rendre constructibles des terrains qui ne le sont pas. Si un terrain n’est pas constructible aujourd’hui, il ne le sera pas davantage demain : une augmentation de 30 % des droits à construire, appliquée à un terrain où ces droits sont nuls, aboutit évidemment à un résultat nul. L’objet exclusif de ce texte est d’augmenter les droits à construire sur les terrains déjà constructibles, bien entendu.

Cette mesure a vocation à définir une politique du logement soutenable, en produisant plus de logements avec moins de fonds publics, une politique du logement durable, …

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

… grâce à une meilleure utilisation du foncier et une densification de l’habitat, enfin une politique adaptée aux besoins des ménages, car cette mesure permettra à ceux qui possèdent une maison individuelle de l’agrandir, s’ils ont déjà atteint la limite de densité.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Cette mesure représente pour nous la pierre d’angle d’une nouvelle politique du logement mobilisant moins qu’auparavant les financements massifs et l’investissement public. Elle devra s’accompagner d’autres réformes que j’ai évoquées dans l’introduction de mon propos et qui me paraissent essentielles si nous souhaitons répondre à l’attente des Français, notamment dans les zones tendues, pour produire plus de logements en dépensant moins d’argent public.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les objectifs visés par ce projet de loi, tel que le Gouvernement l’avait initialement présenté.

Certes, ce texte a connu quelques évolutions lors de son examen par la commission, mais je ne doute pas un seul instant, après l’éclairage que je viens de donner, que la grande sagesse des sénateurs leur permettra, après un examen très attentif, d’émettre un vote positif sur les amendements du Gouvernement visant à rétablir son texte initial.

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 30 janvier dernier, le chef de l’État a donc annoncé la mise en place rapide de mesures fortes pour répondre à la crise du logement.

Ce n’est pas la première fois, au cours de la décennie écoulée, qu’un tel engagement a été pris. Il a d’ailleurs donné lieu à une accumulation de textes : la loi portant engagement national pour le logement en 2006, la loi instituant le droit au logement opposable en 2007, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion en 2009 et, dans la mesure où l’un de ses principaux objectifs était de densifier les zones urbaines, la loi portant engagement national pour l’environnement en 2010. Le fait de déposer ce texte très tardif est, en soi, un constat d’échec des textes précédents.

Ce énième texte sera-t-il en mesure de changer la donne ? Je ne le crois pas, car il cumule plusieurs inconvénients.

Insuffisamment préparé, il est à la fois redondant avec le droit existant – vous l’avez vous-même évoqué, monsieur le ministre –, doté d’une efficacité improbable – j’y reviendrai –, porteur de risques contentieux lourds et contraire à l’esprit d’un urbanisme de projet responsable et d’une coopération intercommunale apaisée.

Le premier défaut de ce texte est, je le répète, son impréparation manifeste. Il n’a donné lieu en amont – vous n’en êtes d'ailleurs sans doute pas responsable –, à aucune consultation digne de ce nom. L’annonce du Président de la République a surpris…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

… aussi bien les associations d’élus que les acteurs de la construction. Nous les avons auditionnés, René Vandierendonck et moi-même, et tous ont regretté de n’avoir pas été entendus. Tous, sans exception, ont fait part de nombreuses réserves quant au dispositif qui nous est proposé.

La précipitation se retrouve également dans la procédure d’examen de ce texte. J’ai dû, en tant que rapporteur, réaliser les auditions préparatoires sans même connaître le texte sur lequel porterait la discussion au Sénat, puisque le projet de loi n’avait pas encore été adopté par l’Assemblée nationale à ce moment-là.

Par ailleurs, le délai limite de dépôt des amendements en séance est intervenu au début de la présente discussion générale – il y a quelques instants – et l’examen de ces mêmes amendements par la commission aura lieu juste après. Nous devons donc prendre connaissance des amendements déposés pendant la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Les flottements sur le contenu de la réforme constituent un dernier indice de son impréparation.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Le projet de loi déposé par le Gouvernement s’écarte, en effet, sensiblement – d’une certaine façon, c’est assez heureux – de l’annonce présidentielle. Le principe d’une majoration automatique s’imposant de manière uniforme aux communes sans qu’elles puissent en délibérer a, en effet, été abandonné. Le texte en discussion constitue donc, en quelque sorte, la version édulcorée de l’annonce présidentielle.

Le deuxième défaut de ce texte est sa redondance, que vous avez vous-même évoquée, monsieur le ministre, avec le droit existant.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Non, on ne peut pas dire cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

La loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, la loi MOLLE – qui n’est pas molle, d’ailleurs –, a mis en place en 2009 un dispositif qui permet déjà aux communes de majorer les droits à construire.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Il existe par ailleurs deux autres dispositifs, ciblés sur les logements sociaux et les bâtiments à haute performance énergétique, qui autorisent une majoration des règles de densité.

Par rapport à ces trois dispositifs, quels nouveaux éléments ce texte apporte-t-il ? Le premier est un relèvement de 20 % à 30 % du plafond de la majoration, ce qui constitue un changement assez mineur. Le second point, plus significatif, est la création d’un quatrième – j’y insiste – dispositif de majoration des droits à construire, les trois déjà existants étant maintenus. Cette multiplication de dispositifs en grande partie similaires est inutile et contraire à la simplification du droit pourtant régulièrement appelée de ses vœux par le Gouvernement.

Le troisième défaut de ce texte tient à son efficacité improbable.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

C’est vrai, mon cher collègue.

Les estimations qui figurent dans l’étude d’impact reposent sur des hypothèses non étayées, qui sont aussi optimistes que fantaisistes. Dans l’hypothèse basse du Gouvernement, en effet, un tiers des communes conserveraient la majoration de 30 % que vous nous proposez. Or environ 0, 5 % des communes dotées d’un PLU ou d’un POS ont jusqu’à présent, c’est vrai, utilisé les possibilités de majoration prévues dans le code de l’urbanisme. Cela signifie que, dans l’hypothèse la plus pessimiste envisagée par le Gouvernement, le taux d’utilisation par les communes du nouveau dispositif serait donc plus de soixante fois supérieur à celui du mécanisme en vigueur.

Franchement, je ne vois pas ce qui pourrait conduire à un résultat pareil. La décision de majorer les droits à construire reste, en effet, entre les mains des communes.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Leur autonomie sera certes, monsieur le ministre, exagérément réduite avec votre projet de loi…

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Il faudrait savoir : c’est l’un ou l’autre !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

… puisque, au lieu d’avoir le droit de décider de la majoration, elles n’auraient plus que la liberté de refuser de l’appliquer. Mais c’est, malgré tout, le conseil municipal qui conserve la maîtrise pratique du dispositif. Je voudrais vraiment comprendre pourquoi les collectivités, qui utilisent peu le dispositif actuel, changeraient subitement d’avis et adopteraient en masse un outil bâti selon une architecture similaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Ces doutes semblent d’ailleurs partagés par le Gouvernement lui-même. Son étude d’impact indique, en effet, que le nouveau dispositif doit constituer « un élément déclencheur d’une prise de conscience ». « La mesure proposée [...] doit contribuer au changement d’état d’esprit attendu des décideurs locaux et des habitants ».

Monsieur le ministre, est-ce bien raisonnable ? Les Français et les collectivités territoriales, en première ligne face à la crise du logement, ont-ils véritablement besoin qu’on leur fasse prendre conscience du problème du logement et des enjeux de la densification ? C’est mal connaître les élus de la République.

L’optimisme des prévisions du Gouvernement concerne aussi le nombre de projets de construction susceptibles d’être affectés par la mesure. Sans justifier ses hypothèses, il estime, en effet, qu’un projet de construction sur deux utiliserait le supplément de droits à construire dans les communes où s’appliquerait la majoration. J’ignore sur quoi repose cette estimation, qui n’est pas étayée. En revanche, je sais que de nombreuses dispositions techniques et juridiques constitueront un frein.

Premièrement, la majoration des règles de densité n’exempte pas du respect des autres règles d’urbanisme, comme celles qui sont relatives au prospect, ce qui réduit fortement la portée potentielle de la majoration.

Deuxièmement, la majoration des droits à construire ne pourra pas non plus déroger aux servitudes d’utilité publique et aux dispositions des lois montagne et littoral, ce qui la rend inapplicable dans de nombreuses zones.

Troisièmement, l’utilisation des droits à construire majorés se heurtera également à des conventions privées.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Ainsi, dans une copropriété, la surélévation ou la construction de bâtiments pour créer de nouveaux locaux à usage privatif ne peut être réalisée, sauf exception, que si la décision est prise à l’unanimité des copropriétaires.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Cela dépend !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

De même, dans les lotissements – vous avez cité tout à l’heure l’exemple d’une personne qui voudrait agrandir son pavillon, monsieur le ministre –, si un permis de construire majorant, par exemple, les règles de hauteur est délivré en contravention avec les règles du cahier des charges du lotissement, qui est une convention privée, les colotis pourront intenter une action en démolition.

Sur le plan technique, la modification des bâtiments est parfois très difficile, sinon impossible. C’est, par exemple, le cas de la surélévation d’un bâtiment dont les fondations ne sont pas adaptées.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

M. Thierry Repentin, rapporteur. Enfin, comme l’ont souligné les professionnels du secteur, on observe une tendance à la baisse de la taille des projets, car c’est là souvent le seul moyen de faire face à l’augmentation des prix du foncier et de l’immobilier. Les projets, du fait des contraintes économiques, n’utilisent donc d'ores et déjà pas toutes les possibilités de densification autorisées par le droit en vigueur. Les constructeurs nous l’ont confirmé lors de nos auditions.

Marques d’approbationsur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Plus que son inefficacité, cependant, ce que je redoute le plus, c’est le caractère contre-productif du dispositif. On peut s’attendre, en effet, à des comportements de rétention du foncier de la part des propriétaires ayant l’intention de vendre ou d’utiliser leur terrain, car, avant de s’engager, ils voudront avoir une idée précise des droits à construire associés à leur bien.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

C’est déjà le cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Une partie des transactions et, par suite, des chantiers, va ainsi être gelée. D’après des professionnels du secteur – vous les connaissez aussi bien que nous –, cet effet de rétention serait déjà à l’œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Par la suite, les prix des biens finalement mis sur le marché seront tirés vers le haut. En effet, si le nombre de logements supplémentaires construits grâce au nouveau dispositif est trop faible pour accroître significativement l’offre, alors le marché restera déséquilibré par la pénurie d’offre.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Ce n’est pas le même sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

La seule conséquence tangible de la mesure sera donc un effet d’aubaine pour les propriétaires de biens dont les droits à construire ont été augmentés.

La quatrième critique que je formulerai contre ce texte – cette assemblée ne peut pas rester insensible à cette réalité –, est qu’il culpabilise les communes dans la crise du logement.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

C’est vrai que vous ne le faites jamais avec la loi SRU !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Votre projet de loi véhicule l’idée que, par frilosité, par ignorance des textes ou par malthusianisme, les communes seraient coupables de mettre en place des règles de constructibilité trop restrictives.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

M. Thierry Repentin, rapporteur. Cette mise en accusation est exprimée sans ambages d’ailleurs dans le discours prononcé à Longjumeau le 2 février 2012 par le Président de la République : « Les communes qui voudront refuser cette possibilité – la possibilité de majorer – en auront le droit, mais cela devra faire l’objet d’une délibération explicite du conseil municipal pour en refuser la possibilité. Chacun va prendre ses responsabilités ».

M. le ministre fait un signe d’approbation.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

L’inversion du sens de la délibération est bien conçue comme l’outil de la « responsabilisation » des communes, responsabilisation synonyme de mise en accusation. C’est pourquoi le Sénat, représentant des collectivités territoriales, ne peut que s’y opposer avec force.

Le Gouvernement, dans sa précipitation à légiférer, croit qu’il faut rendre la majoration des droits à construire plus contraignante pour « responsabiliser » les communes, alors que, en réalité, c’est parce que les communes prennent leurs responsabilités en élaborant des PLU que la majoration des droits à construire n’a pour elles qu’un intérêt limité.

En effet, il est absurde, pour une commune, de mettre plusieurs années à définir des règles de constructibilité adaptées à un projet de territoire, pour ensuite déroger aux règles qu’elle a elle-même fixées en décidant de majorer les droits à construire. Généraliser la majoration ne peut avoir de sens que si on estime que les PLU actuels sont mal conçus.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

C’est le cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Il serait regrettable que le Gouvernement se représente ainsi le travail accompli par les communes et les intercommunalités. En tout cas, ce n’est pas ma vision. Ma conviction est qu’il y a une antinomie entre une démarche urbanistique de projet conduite par les communes à travers leur PLU et un dispositif technocratique de majoration généralisée des droits à construire.

Pour mémoire, mes chers collègues – et je m’adresse aussi aux sénateurs de l’UMP – je rappelle que, dans sa rédaction initiale, la loi MOLLE de 2009, aussi appelée loi Boutin, d’après le nom de la ministre qui l’a portée, prévoyait déjà la même chose : une majoration automatique des droits à construire et une délibération contraire des collectivités pour y déroger.

Le Sénat, à la suite de son rapporteur, Dominique Braye, s’y était opposé avec succès en utilisant les mêmes arguments que je viens de donner. Il me semble que ceux-ci n’ont rien perdu de leur pertinence. Je vous renvoie sur ce point au rapport rédigé à l’époque par Dominique Braye. Je précise aussi que le groupe socialiste, s’il n’avait pas voté la loi MOLLE dans son ensemble, avait cependant voté en faveur de cet article…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

… dans la rédaction issue de l’amendement de Dominique Braye, identique à l’époque à un amendement que nous avions nous-mêmes défendu.

Le dernier défaut majeur de ce texte que je veux souligner est l’insécurité juridique. La première source d’insécurité tient à la procédure de consultation du public que vous souhaitez mettre en place.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Que nous allons mettre en place !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Je doute que vous puissiez le faire, monsieur le ministre.

Le texte prévoit que les communes mettront à sa disposition une « note d’information » présentant les conséquences de l’application du dispositif. Or on peut se demander quel doit être le degré de précision de cette note. Si celle-ci est insuffisamment précise, il y a un risque que la délibération de la commune et la modification subséquente du PLU soient attaquées sur le fondement de l’article 7 de la Charte de l’environnement au motif que le niveau d’information délivré au public était insuffisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Il y a là un risque d’inconstitutionnalité.

Plus grave : si, pour des raisons de coût notamment, les communes – je pense en particulier aux plus petites d’entre elles – ne sont pas en mesure de produire une note et qu’elles laissent s’appliquer la majoration automatique, on se retrouvera devant une absence totale d’information du public.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

La deuxième source d’insécurité concerne la cohérence interne des PLU. Trois cas paraissent problématiques.

Le premier est celui d’une commune dans laquelle, en l’absence de délibération, le nouveau dispositif s’appliquerait d’office. N’ayant pas fait l’objet d’une adaptation aux circonstances locales, la majoration des droits à construire peut tout à fait se heurter aux objectifs fondamentaux d’équilibre au sein d’un PLU. Or, il ne s’agit pas d’un cas de figure théorique, puisque l’on compte à ce jour plus de 17 300 PLU ou POS approuvés. Les maires concernés, particulièrement dans les plus petites communes, seront-ils bien informés de l’existence de la mesure et en situation de l’écarter ? Auront-ils les moyens financiers de mener une étude d’impact suffisante ? Je n’en suis pas sûr.

Le deuxième cas problématique est celui des PLU intercommunaux, auxquels vous êtes attaché, comme plusieurs d’entre nous, monsieur le ministre. Le texte prévoit, en effet – c’est une novation étonnante –, qu’une commune puisse appliquer la majoration alors que l’intercommunalité compétente en matière d’urbanisme aurait décidé de ne pas l’appliquer sur son territoire, ou inversement.

C’est là non seulement une remise en cause de la coopération intercommunale et une reprise – sans le dire – de la compétence d’élaborer des PLU, mais également une manière d’ouvrir la porte aux comportements opportunistes. Cela pourrait complètement déséquilibrer un PLU intercommunal.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Le troisième cas problématique est celui des PLU en cours d’élaboration ou de révision. Les communes ou leurs groupements devront-ils mettre en œuvre une procédure d’évaluation des effets du dispositif et consulter la population alors même qu’une enquête publique est en cours ou vient de s’achever dans le cadre de la procédure d’élaboration ou de révision du PLU ?

Enfin, il faut souligner qu’il existe des risques d’incohérence entre le PLU et le programme local de l’habitat, le PLH, voire le schéma de cohérence territoriale, le SCOT, surtout si une commune adopte – le texte que vous nous proposez le permet – une position opposée à celle de l’établissement public de coopération intercommunale, ou EPCI.

Compte tenu des nombreux défauts que je viens d’évoquer, vous comprendrez aisément que la commission de l’économie ait décidé hier de supprimer ce dispositif. Pour montrer qu’une autre voie est possible, elle lui a substitué une mesure plus ambitieuse, à savoir l’assouplissement des conditions de cession des immeubles du domaine privé de l’État pour y réaliser des logements. Cette disposition a été adoptée à l’unanimité des suffrages exprimés en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Comme vous le savez, l’État peut actuellement céder ses terrains avec une décote de 25 %, qui peut être portée à 35 % dans les zones tendues.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

La mesure adoptée hier, sur ma proposition, par la commission de l’économie, permettra à l’État d’être un acteur plus dynamique qu’il ne l’est aujourd'hui, puisqu’elle consiste à porter la décote potentielle à 100 %. Il ne s’agit pas d’une obligation, mais uniquement d’une possibilité. J’ajoute que la décote de 100 % ne concerne que la partie du programme en logement social, ce qui empêchera le détournement de la plus-value latente par des acteurs privés ou publics.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Votre projet est plus ambitieux que celui de François Hollande !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Plusieurs raisons justifient le choix de cette mesure.

En premier lieu, c’est une mesure simple et rapide. Nul besoin de demander aux 17 300 communes dotées d’un PLU ou d’un plan d’occupation des sols, un POS, de délibérer. Nul besoin de modifier des documents d’urbanisme complexes, au risque de provoquer un contentieux abondant.

En deuxième lieu, c’est une mesure qui souligne clairement la différence de philosophie – elle existe – entre l’opposition et la majorité gouvernementale sur la question du logement. Le Gouvernement explique l’insuffisance de l’offre de logements par des réglementations locales malthusiennes. À partir de ce diagnostic, il avance une solution très libérale : s’affranchir des règles de constructibilité pour « libérer » les droits à construire ; moins d’État, moins de règles et, miraculeusement, les choses iraient mieux !

La mesure que nous proposons traduit une autre vision de l’État : un État qui s’engage, qui n’est pas là pour tout faire, certes, mais qui répond présent pour impulser, donner l’exemple et accomplir sa part du travail. En effet, l’État ne peut pas, d’un côté, constater le manque de foncier pour construire du logement, et, de l’autre, se contenter de se tourner vers les communes en les mettant en demeure d’appliquer strictement la proposition du Gouvernement.

C’est dans ce cadre, monsieur le ministre, que s’ouvre le débat sur ce projet de loi. J’espère que la Haute Assemblée, dans sa sagesse, légendaire mais bien réelle, adoptera le texte issu des travaux de la commission de l'économie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme elle le fait pour tous les textes relatifs au droit de l’urbanisme dont l’examen au fond revient à la commission de l’économie, la commission des lois s’est saisie pour avis de ce projet de loi relatif à la majoration des droits à construire.

Si le constat d’une pénurie de logements en France est amplement partagé, la réponse de circonstance que le Gouvernement souhaite apporter à ce problème n’est pas à la hauteur des enjeux.

Force est de constater que, lors de toutes les auditions auxquelles Thierry Repentin et votre serviteur ont procédé, les acteurs du secteur de la construction et de l’urbanisme ont fait preuve d’un véritable scepticisme, et même, pour certains d’entre eux, ont exprimé leur rejet de la proposition du Gouvernement. Quant aux élus locaux et leurs associations, ils n’ont pas été consultés avant l’annonce du chef de l’État ; autant dire que les élus du terrain ne souhaitent pas la mise en œuvre de cette réforme à l’élaboration de laquelle le Gouvernement ne les a pas associés. Tous ont souligné, lors des auditions, l’absence de concertation préalable, le caractère improvisé de la mesure et, surtout, sa déconnexion des réalités locales.

La mesure principale du projet de loi est la majoration de 30 % des droits à construire résultant des règles de gabarit, de hauteur, d’emprise au sol ou de coefficient d’occupation des sols, fixés par les PLU.

Cette hausse généralisée des droits à construire prend deux voies. D’une part, le projet de loi prévoit une modification de l’actuel article L. 123-1-11 du code de l’urbanisme, qui a été introduit – cela vient d’être rappelé – par la loi MOLLE de 2009 et qui permet déjà aux autorités locales de décider une majoration pouvant aller jusqu’à 20 % ; ce taux maximal serait porté à 30 %. D'autre part, le projet de loi prévoit d’insérer un nouvel article L. 1231-11-1 dans le même code, qui imposerait une majoration automatique de 30 % des droits à construire sur l’ensemble du territoire national pendant trois ans, sauf délibération contraire de l’autorité locale compétente, commune ou EPCI. Ces deux majorations ne pourraient pas se cumuler puisque, en tout état de cause, l’ensemble des majorations existantes et à venir resteraient limitées à un plafond de 50 %.

Pour respecter la Charte de l’environnement de 2004, et plus précisément son article 7, qui dispose que la population a le droit de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement, le projet de loi prévoit une consultation du public, qui consistera essentiellement à recueillir les observations de la population pendant un mois.

Lors de l’examen en commission de ce texte à l’Assemblée nationale, les députés, qui ont bien perçu le coût important que cette procédure risque d’entraîner pour les collectivités territoriales, ont remplacé l’obligation de réaliser une étude d’impact par celle de rédiger une simple note d’information.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté en séance publique un amendement visant à lever une autre ambiguïté rédactionnelle. En effet, dans sa version initiale, le projet de loi prévoyait que l’assemblée délibérante statuerait « au vu des résultats » de la consultation du public, ce qui pouvait laisser penser que l’organe délibérant devait se conformer à l’avis de la population. Il est désormais précisé que l’organe délibérant se prononcera « à l’issue » de la consultation.

Vous l’aurez compris, la commission des lois ne partage pas l’enthousiasme du Gouvernement quant à l’utilité de ce projet de loi. La situation du logement est pourtant préoccupante : selon la Fondation Abbé Pierre, 3, 6 millions de personnes sont sans logement ou mal-logées en France, soit plus de 5 % de nos concitoyens !

On estime que, pour faire face à cette pénurie, il faudrait construire 400 000 à 500 000 logements par an pendant dix ans.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

C’est pour cela que nous en avons construit 425 000 en 2011 !

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Je vais tenter de vous montrer que les deux postulats qui sous-tendent ce projet de loi sont erronés et que ce texte est même contraire aux objectifs visés par le Gouvernement.

Le premier postulat, chacun l’a en tête, est que la contrainte réglementaire que font peser les PLU limiterait l’offre privée de logements. Le Gouvernement espère donc que la majoration des droits à construire peut libérer un potentiel inexploité, cette mesure ayant en outre l’avantage de n’entraîner aucune dépense supplémentaire pour l’État.

Qui plus est, selon le Gouvernement – M. le ministre l’a confirmé lors de son audition –, l’impact inflationniste de cette mesure sur les prix du foncier serait compensé par l’augmentation du nombre de logements construits, si bien que les prix de vente des logements demeureraient inchangés. Le Gouvernement a même évoqué un effet modérateur sur l’évolution des prix.

Nous estimons que ce raisonnement est biaisé : même en admettant qu’aucun acteur de la chaîne ne conservera la plus-value acquise, ce qui serait étonnant, rien ne permet d’espérer que s’enclenchera un tel mécanisme vertueux, la majoration n’étant assortie d’aucune condition.

Nous risquons d’assister au contraire à une augmentation du prix des logements, non seulement parce que le foncier conserve, notamment en Île-de-France, un poids déterminant dans le prix des habitations, mais aussi, comme l’a souligné Thierry Repentin, parce que plus les constructions sont denses, plus le coût de la construction augmente de façon exponentielle. C’est donc assez inexactement que l’étude d’impact jointe au projet de loi cite, parmi les effets attendus de la majoration, une « modération des prix du foncier ».

Je tiens également à souligner, monsieur le ministre, que le nombre de logements – l’ensemble des associations de constructeurs nous l’ont dit – est limité bien moins par les PLU que par le pouvoir d’achat des ménages. La prétendue – car je la nie – saturation des droits à construire qui briderait le marché de la construction ne se rencontre que rarement ; en revanche, le décalage de plus en plus évident entre la stagnation des revenus et la flambée des prix immobiliers constitue le quotidien de beaucoup de territoires et de nombreux ménages.

Le second postulat, tout aussi discutable, sur lequel repose le projet de loi, est que le problème du logement appellerait une solution unique sur l’ensemble du territoire national, qui devrait venir d’en haut et être imposée aux collectivités territoriales et à leurs groupements.

Mes chers collègues, votre commission des lois étant attachée à l’autonomie locale et à la préservation de l’esprit de la décentralisation, elle ne peut admettre un tel postulat.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Je rappelle que les règles d’urbanisme contenues dans les PLU constituent l’expression d’un équilibre politique au niveau communal ou intercommunal et, surtout, sont le résultat d’un travail de contextualisation d’un projet urbain à l’échelle locale, qui permet d’adapter la densité aux besoins de la population et aux contraintes de la collectivité. Pourquoi remettre autoritairement en cause ce travail de longue haleine ?

De fait, c’est bien le caractère autoritaire du dispositif qui le distingue des mécanismes de majoration des droits à construire préexistants. Ceux-ci, au nombre de trois, sont exempts d’autoritarisme, puisqu’ils relèvent des autorités locales ; ils sont modulables, pour tenir compte du contexte urbain ; enfin, ils sont assortis d’un minimum de conditions d’intérêt général – je pense notamment à la construction de logements sociaux ou à la performance énergétique des logements.

Autre désavantage pour les élus locaux : le projet de loi constitue – ce point a été relevé par toutes les commissions – un véritable nid à contentieux. Fort habilement – qui peut en douter ? –, M. le ministre affirme que la note d’information pourra aisément être rédigée par les services municipaux ou intercommunaux, et que, de toute manière, elle ne pourra pas être directement attaquée en justice puisqu’elle ne fait pas grief. En réalité, si la note d’information ne sera effectivement pas attaquée, la délibération prise au vu de ce document le sera, et les insuffisances de la note pourront alors conduire à l’annulation de la procédure.

Je voudrais vraiment mettre les choses au clair. Le Gouvernement prétend que cette note d’information pourra être courte et ne consister qu’en une simple et rapide évaluation des conséquences de la majoration de 30 % pour la réalisation des objectifs des documents locaux d’urbanisme.

Cependant, ces objectifs, énumérés à l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme, sont si nombreux que, dans la dernière édition de ce code, ils occupent une page entière. L’obligation de présenter une note d’information emporte donc un risque réel de contentieux, les délibérations de l’assemblée locale pouvant faire l’objet d’un recours devant le juge administratif.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

En tout état de cause, les collectivités territoriales doivent s’attendre à des coûts supplémentaires, puisqu’elles seront obligées, pour se prémunir contre le risque de contentieux, de recourir à des bureaux d’études.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Dans un second temps de mon intervention, je voudrais montrer que ce texte est également en contradiction avec les objectifs affichés par le Gouvernement.

Il va tout d’abord à l’encontre – c’est un constat, même si je ne pense pas que ce soit prémédité – de la volonté de démocratiser et de faciliter l’accès au logement pour les plus démunis.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Je vais vous l’expliquer, monsieur le ministre.

Aujourd’hui, le code de l’urbanisme permet la majoration des droits à construire pour le logement social et les logements à haute performance énergétique, en vertu des dispositions résultant de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, ou loi MOLLE. Mais cela ne sera plus possible.

Si, par extraordinaire, le nouveau système que vous proposez était adopté, on pourrait atteindre le plafond de 50 % sans avoir de logements sociaux, simplement en cumulant la majoration inconditionnelle de 30 % que vous établissez de manière non modulable et la majoration pour logements à haute performance énergétique. Cela risque d’aller à l’encontre de la priorité donnée aux logements sociaux ou très sociaux, dont la production est insuffisante en France, comme le dénonçait encore récemment la Fondation Abbé Pierre.

La première contradiction est donc un effet d’éviction, voulu ou non – personnellement, je présume l’innocence –, du logement social. Et le risque est ici réel.

La deuxième contradiction a déjà été évoquée, mais j’y reviendrai. La loi dite « Grenelle II » a tout de même constitué un progrès et, quoi qu’on en dise, elle a permis de mettre en place le seul échelon cohérent pour construire un projet urbain à échelle intercommunale, dont la traduction est le plan local d’urbanisme, avec une compétence relevant des communes et une possibilité de délégation – c’est vrai dans les grandes agglomérations – à un établissement public de coopération intercommunale.

Or, pour la première fois, en contradiction avec les principes de la décentralisation territoriale, une compétence déléguée, en l’occurrence la mise en œuvre de la planification urbaine, les plans locaux d’urbanisme, peut être démentie par une sorte de droit de veto exercé par une commune membre de l’EPCI.

Je vais vous raconter une anecdote à ce propos. Quand j’ai expliqué cela, les grands sages de la commission des lois, tels que M. Hyest ou d’autres, m’ont d’abord dit que ce n’était pas vrai. Toutefois, la lecture à haute voix de l’article correspondant l’a confirmé : ce texte porte en germe une contradiction assez frontale, susceptible de démanteler les cohérences territoriales des plans locaux d’urbanisme ou des programmes locaux de l’habitat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Il ne sert à rien ou il démantèle ? C’est l’un ou l’autre !

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Sur ce point, votre commission s’est montrée très critique.

Enfin, monsieur le ministre, par rapport aux majorations des droits à construire qui préexistaient, que n’avez-vous profité de ce texte pour assortir la majoration d’un certain nombre de conditions d’intérêt général ?

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Le logement social est d’intérêt général !

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

J’attire votre attention sur deux risques.

À supposer que la majoration de 30 % soit généralisée, on ne trouve pas, dans le texte, un mot sur les conséquences de cette mesure sur le financement des équipements, ...

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

... des voiries, des réseaux divers, pas un mot non plus sur les conditions nécessairement changées de la maîtrise foncière ou, si vous préférez, sur les conditions d’exercice du droit de préemption urbain.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Vous constaterez nécessairement une majoration automatique ! C’est déjà le cas dans la métropole lilloise, où les propriétaires se disent que, d’un coup d’un seul, tout va être majoré de 30 %. Ensuite, la collectivité locale qui voudra exercer le droit de préemption urbain dans un objectif d’intérêt général devra grimper aux rideaux...

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

... et suivre le propriétaire dans ses velléités de vendre son bien à une valeur « de constructibilité future ».

En effet, dans le texte que nous examinons ce soir, à aucun moment il n’est prévu une condition d’intérêt général à la majoration des droits à construire !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Monsieur le ministre, on a bien vu dans quelles conditions vous avez dû, avec le talent qui vous caractérise, reprendre l’annonce du Président de la République.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

C’est moi qui l’ai proposé !

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Quoi qu’il en soit, je vois pour ma part dans ce texte le cheval de Troie d’une réaction de méfiance, de recentralisation, d’urbanisme jacobin, au détriment de tous les acquis de la décentralisation en matière territoriale et d’un urbanisme de projet !

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Charles Guené.