Monsieur le président, mes chers collègues, après nous avoir présenté quatre projets de loi de finances rectificative en 2011, le Gouvernement, deux mois seulement après le vote de la loi de finances pour 2012, revient déjà avec un nouveau collectif budgétaire ! Quelle en est la raison ?
Outre la volonté évidente de faire passer dans la précipitation des mesures d’affichage en pleine campagne électorale, ce collectif doit permettre, selon le Gouvernement, de s’adapter à des prévisions de croissance divisées par deux, et ainsi de respecter l’objectif de réduction du déficit à 4, 5 % du PIB pour 2012.
Mais la surestimation des hypothèses de croissance sur lesquelles se fondait le Gouvernement en décembre était déjà évidente. Ainsi, depuis la fin du mois de novembre 2011, l’OCDE prévoyait une croissance de 0, 3 % en 2012 alors que le Gouvernement s’obstinait à maintenir son chiffre de 1 %.
Aujourd’hui, le Gouvernement ramène sa prévision de croissance à 0, 5 % : espérons cette fois qu’il ne se trompe pas, d’autant que la Banque de France prévoit déjà une croissance nulle au premier trimestre.
Ce collectif s’apparente donc à un troisième plan de rigueur. Les coupes dans les dépenses et l’utilisation inappropriée de la réserve de précaution nous le montrent. La ponction inédite faite sur cette réserve est particulièrement inquiétante et elle limitera considérablement les marges de manœuvre pour faire face à de nouveaux aléas en cours de gestion.
La « TVA sociale » est l’une des principales mesures du texte que nous contestons. Tous ceux qui se sont penchés sur les effets d’une telle mesure ont souligné qu’elle ne pourrait pas favoriser à la fois l’emploi et la compétitivité. Madame la ministre, peut-être avez-vous oublié le rapport de M. Éric Besson qui, en 2007, faisait état du dilemme entre emploi et compétitivité à propos de la TVA sociale ?
Quoi qu’il en soit, la mesure telle qu’elle est déclinée par le Gouvernement, à savoir une baisse des charges sociales de 13, 2 milliards d’euros centrée sur les salaires entre 1, 6 et 2, 1 SMIC, compensée par un relèvement de la TVA de 1, 6 point et une hausse du prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, pourrait au final ne favoriser ni l’emploi ni la compétitivité.
En ce qui concerne l’emploi, comme l’a démontré Mme la rapporteure générale, si cette mesure crée des emplois, elle en créera bien moins que 100 000 – chiffre avancé par le Gouvernement – et elle pourrait même, selon certaines études, en détruire. C’est aussi l’analyse faite par Éric Heyer, directeur adjoint à l’Observatoire français des conjonctures économiques, qui estime que, dans le meilleur des cas, seuls 48 000 emplois pourraient être créés.
Dans l’hypothèse, la plus probable, où les entreprises profiteraient de la mesure pour augmenter leurs marges, les Français subiraient une double peine : d’une part, l’augmentation des prix jusqu’à 1, 1 % et, d’autre part, des destructions d’emplois, jusqu’à 16 000 si l’on en croit certains experts. §
Les estimations de notre commission des finances prévoient quant à elles que l’effet de la mesure proposée par le Gouvernement sera compris entre 20 000 destructions et 30 000 créations d’emploi.
Par conséquent, il ne s’agira en aucun cas d’une « TVA emploi », mais il ne s’agira pas non plus d’une « TVA compétitivité » ou d’une « TVA antidélocalisation ». Dès lors, on voit mal en effet comment une baisse des charges sociales de quelque 13 milliards d’euros pourrait avoir un effet significatif sur la compétitivité-prix, alors que les économistes favorables à la mesure préconisaient des baisses beaucoup plus importantes, de l’ordre de 30 milliards d’euros.
De surcroît, le Gouvernement part du postulat que notre faible compétitivité serait liée au coût du travail. En réalité, je crois plutôt que c’est la compétitivité hors prix qu’il faut stimuler en favorisant la recherche et l’innovation, qui sont les clés d’une croissance forte et durable. Les mesures prises par ce gouvernement en ce sens ne sont pas suffisantes pour rattraper notre « retard » de compétitivité. Il y faudra sans doute davantage de volonté politique.
Enfin, la TVA sociale se traduira nécessairement par une hausse des prix et affectera la consommation et les revenus des ménages, en particulier des plus défavorisés. C’est pourquoi nous ne pouvons que rejeter cette mesure inefficace économiquement et injuste socialement.
La seconde mesure très médiatique de ce collectif est l’instauration d’une taxe sur les transactions financières. Comme je l’ai dit voilà une semaine, mais je ne me lasse pas de le répéter, cette taxe me tient à cœur puisque j’avais été, avec mon groupe, le premier à la proposer au Parlement dans une proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières, examinée par notre assemblée le 23 juin 2010, et rejetée par la majorité sénatoriale de l’époque.
Mais si l’on peut se réjouir, et c’est mon cas, de la volonté du Gouvernement d’instaurer une telle taxe, qui avait dans un premier temps été refusée catégoriquement, on ne peut en revanche que regretter que la version envisagée, et Mme la rapporteure générale l’a dit, soit plus que limitée, notamment par rapport aux propositions de la Commission européenne. Son assiette, déjà étroite à l’origine, a encore été réduite par l’adoption d’un amendement du rapporteur général à l’Assemblée nationale.
En conclusion, les deux mesures phares du collectif – TVA sociale et taxe sur les transactions financières – sont donc révélatrices de la logique qui sous-tend l’ensemble du texte. Les mesures proposées, loin d’être à la hauteur des ambitions affichées, sont d’abord et avant tout l’illustration, une fois de plus, de l’utilisation du Parlement et du travail de ses membres à des fins exclusivement électoralistes. Dans ces conditions, la majorité des membres du RDSE soutiendra la motion tendant à opposer la question préalable, présentée par Mme la rapporteure générale de la commission des finances. §