Intervention de Thierry Mariani

Réunion du 29 février 2012 à 14h30
Transport aérien de passagers — Rejet d'une proposition de loi en nouvelle lecture

Thierry Mariani, ministre chargé des transports :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici de nouveau réunis aujourd'hui afin de poursuivre l’examen de la proposition de loi déposée par M. Éric Diard, la commission mixte paritaire qui s’est réunie la semaine dernière n’étant pas parvenue à un accord.

Comme vous le savez, les membres de l’intersyndicale du transport aérien, à l’origine de la grève qui a eu lieu au début du mois de février, ont décidé, face à la détermination sur ce texte tant de la représentation nationale que du Gouvernement, de ne pas poursuivre leur mouvement.

Dans ces conditions, et alors que nous sommes en pleine période de congés scolaires, les familles peuvent bénéficier, en toute sérénité, des vacances auxquelles elles ont droit. J’y vois un premier effet bénéfique du texte que nous examinons.

Quant à l’accord signé entre la direction d’Air France et le SNPL, le syndicat national des pilotes de ligne, pour garantir des plannings stables, il règle une question d’organisation strictement interne à la compagnie. Il vise à mettre fin à une instabilité juridique sur l’interprétation, en période de grève, des dispositions de l’accord en vigueur depuis 2006.

Dans les faits, les vols continueront d’être normalement assurés par des pilotes non grévistes volontaires, comme c’est le cas aujourd’hui.

Par ailleurs, cet accord ne porte pas atteinte aux avantages dont bénéficieront les passagers grâce au présent texte.

Cette proposition de loi vise à améliorer l’information des passagers aériens en cas de mouvement social et à permettre aux compagnies aériennes d’organiser leur service, afin de garantir à nos concitoyens la possibilité de circuler librement, sans porter atteinte au droit de grève. Je pense très sincèrement que les salariés du transport aérien, qui ont globalement peu suivi l’appel des organisations syndicales au début du mois de février, ont bien compris l’objectif de ce texte.

Comme vous avez pu l’observer, la proposition de loi a été amendée lors de son examen en deuxième lecture par l’Assemblée nationale le 22 février dernier.

J’insisterai aujourd'hui sur trois évolutions du texte.

Tout d’abord, la modification rédactionnelle apportée à la disposition relative au champ d’application de la proposition de loi a permis de mieux circonscrire celui-ci, en précisant très clairement que l’ensemble des entreprises ou des établissements œuvrant dans le transport aérien ne sont concernés que dans la mesure où ils concourent directement à l’activité de transport aérien de passagers.

Ensuite, la portée des obligations de déclaration vingt-quatre heures à l’avance a été clarifiée afin de prévenir les interprétations abusives que certains d’entre vous avaient souhaité dénoncer. L’Assemblée nationale a donc adopté la semaine dernière un amendement tendant à préciser que l’obligation de déclarer sa renonciation à la participation à la grève n’a de sens qu’à la condition que la grève ne soit pas achevée.

En effet, dès lors qu’une grève a pris fin, ou qu’elle n’a pas commencé, il est légitime et utile d’affirmer que le salarié peut bien évidemment continuer son travail sans avoir à déclarer qu’il renonce à faire grève. De même, lorsqu’un salarié a participé à la grève et qu’il est mis un terme à celle-ci dans son entreprise, il peut reprendre immédiatement son travail, sans avoir à déclarer sa reprise vingt-quatre heures à l’avance.

Cette précision, qui est de l’intérêt bien compris de chacun, répond aux préoccupations qu’avaient exprimées un certain nombre d’orateurs, de droite comme de gauche, lors de l’examen du texte au Sénat.

Enfin, les dispositions prévoyant des sanctions disciplinaires ont été adaptées en cohérence avec les précisions apportées au régime de déclaration vingt-quatre heures à l’avance.

Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, en particulier aux organisations syndicales, l’objectif de cette proposition de loi n’est bien évidemment pas d’élargir l’arsenal disciplinaire à la disposition de l’employeur. Ce texte ne prévoit en effet qu’une possibilité de sanction, possibilité qui ne pourra être exercée que dans le cadre du droit commun du pouvoir disciplinaire de l’employeur, auquel il n’est pas question de déroger.

Les craintes que j’ai entendues sur d’éventuelles sanctions sans rapport avec la portée du non-respect de l’obligation déclarative sont donc infondées, d’autant plus que la faculté de sanction s’exercera sous le contrôle vigilant du juge et qu’en outre, comme cela a également été précisé par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, une sanction n’est encourue qu’en cas de manquement répété à l’obligation de déclaration de renoncement à la participation à la grève ou à l’obligation de déclaration de reprise de service après participation à la grève.

Ainsi, un oubli de bonne foi ne peut faire l’objet d’une sanction. En revanche, sera sanctionné le fait de chercher à contourner l’obligation de déclaration de renoncement ou de reprise de service dans le but d’empêcher l’organisation du service et ainsi l’information des passagers.

L’une des missions régaliennes de l’État est, je le rappelle, de veiller au respect du principe de libre circulation des personnes. En ce sens, l’information du passager en temps de grève vise à répondre à d’impérieux motifs d’intérêt général, tels que la sécurité et la santé publiques, lesquelles peuvent être menacées dans des aéroports paralysés.

L’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est précisément de reconnaître le droit à une information fiable et précise des passagers du transport aérien lorsqu’un mouvement social affecte ce secteur et d’organiser ce droit.

Comme je l’ai déjà indiqué, les Français, qui aspirent légitimement à voyager pour rejoindre leur famille ou pour affaires, ne peuvent pas continuer à être régulièrement laissés dans l’incertitude jusqu’au dernier moment et pénalisés lors des grands départs. Les clients d’une compagnie aérienne doivent pouvoir bénéficier de la prestation qu’ils ont achetée sans avoir à se reporter sur d’autres transporteurs, aériens ou terrestres, pour être sûrs de pouvoir effectuer le déplacement prévu.

La présente proposition de loi vise avant tout à donner la primauté au renforcement du dialogue social et à la négociation entre les entreprises et les organisations syndicales représentatives, qui auront la faculté, je le répète, de négocier un accord-cadre visant à prévenir les conflits. En cas de conclusion de cet accord-cadre, le recours à la grève ne pourra intervenir qu’après une négociation préalable.

Les salariés dont l’absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols en cas de grève auront l’obligation d’informer leur chef d’entreprise, ou son représentant, au plus tard quarante-huit heures avant de cesser le travail. En aucun cas cette déclaration n’empêchera les personnels concourant à l’activité de transport aérien de passagers de faire grève pour porter leurs revendications. En revanche, elle permettra aux entreprises de connaître à l’avance l’état de leurs effectifs et ainsi aux passagers de savoir si leur vol est assuré ou non la veille de leur départ.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui est l’occasion d’accomplir de véritables progrès. Elle respecte les équilibres indispensables entre droit de grève et sauvegarde de l’ordre public. En outre, elle permettra un dialogue social apaisé en évitant qu’à l’avenir des millions de Français ou de touristes venus découvrir notre pays soient pénalisés.

Je forme donc le vœu que la Haute Assemblée mesure les enjeux et comprenne combien ce texte est déterminant non seulement pour les Français mais aussi pour l’image de la France dans le monde.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion