Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence aujourd’hui de notre rapporteur, Claude Jeannerot, qui est retenu à l’étranger par ses obligations de président de conseil général.
Je vous rappelle que, le 15 février dernier, le Sénat a adopté, lors de l’examen en première lecture de ce texte, une motion tendant à opposer la question préalable. La commission mixte paritaire, réunie à l’Assemblée nationale la semaine dernière, s’est séparée sur un constat de désaccord, les positions de chaque assemblée s’étant révélées inconciliables. Il y a en effet plusieurs principes sur lesquels la majorité sénatoriale ne peut pas transiger, au premier rang desquels se place la préservation des droits sociaux des salariés.
Ce texte prétend concilier ces droits sociaux avec ceux des passagers, qui peuvent subir les conséquences d’une grève. C’est un exercice évidemment délicat, dont le résultat nous a paru particulièrement déséquilibré, car plutôt favorable aux entreprises de transport aérien de passagers et défavorable à celles et ceux qu’elles emploient.
Cette proposition de loi ne constitue décidément pas une réponse adaptée au problème qu’elle prétend régler. De plus, elle empêche le dialogue social. Je vous rappelle que, lors de la première lecture de ce texte au Sénat, un mouvement important était en cours dans le secteur aérien.
Permettez-moi de vous rappeler les deux points qui ont semblé les moins acceptables à la majorité sénatoriale.
D’abord, la transposition au secteur aérien de la loi du 21 août 2007 relative au dialogue social dans les transports terrestres, quasiment telle quelle, n’est pas réalisable, compte tenu des différences majeures qui existent entre ces deux secteurs.
Imposer aux salariés de déclarer à leur employeur leur intention de faire grève quarante-huit heures à l’avance aura pour effet principal de rendre l’exercice du droit de grève plus malaisé, tout particulièrement pour les dizaines de milliers de salariés de l’assistance en escale. En effet, alors que leur situation, souvent précaire, ne leur permet pas d’obtenir par la négociation une amélioration de leurs conditions de travail, leur voix risque de devenir inaudible si, du fait de pressions exercées par leur employeur, ils ne peuvent plus défendre leurs droits par la grève.
Ensuite, le second délai imposé aux salariés grévistes ou qui ont fait part de leur intention de faire grève aurait des effets plus néfastes encore. Les obliger à informer leur employeur, vingt-quatre heures à l’avance, qu’ils renoncent à faire grève ou veulent reprendre le travail, sous peine de sanction disciplinaire, constitue une atteinte à leur capacité de libre détermination. C’est d’autant plus injustifié que cette contrainte serait inopérante dans le secteur aérien, où il serait impossible de rétablir l’activité dans un si court délai. Plus encore, en poussant la logique de ce mécanisme à son terme, il en résulterait la poursuite du mouvement de grève, de manière purement artificielle, pendant une journée supplémentaire. En effet, un salarié qui renoncerait à faire grève un soir ne pourrait pas reprendre son service le lendemain matin. Est-ce vraiment l’intérêt des passagers ?
Il est vrai que, en nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a apporté à ce texte quelques modifications, que M. le ministre a rappelées.