Cette situation rend le texte que nous examinons aujourd’hui à bien des égards inacceptable.
Tout d’abord, la plupart des salariés ne travaillent pas dans des entreprises gestionnaires d’un service public. Ils n’ont donc pas à déposer de préavis s’ils souhaitent se mettre en grève comme cela est imposé par l’article L. 2512-2 du code du travail dans les entreprises de service public.
Nous relevons aussi une différence par rapport à la loi de 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. L’obligation de continuité du service public, reconnue par le Conseil constitutionnel dans une jurisprudence constante, fait ici défaut. Or seule cette obligation est de nature à limiter l’exercice du droit de grève lorsque celui-ci lui porte atteinte.
Seule demeure l’obligation de desserte dans le cadre de la continuité territoriale des îles, au champ par définition limité.
La sauvegarde de l’ordre public ainsi que la protection de la santé et de la sécurité des personnes en cas d’afflux massif de passagers dans un aéroport ont été invoquées. Elles relèvent, en fait, de l’obligation d’information, qui est à la charge des compagnies aériennes ; n’ayant donc pas de rapport direct avec l’exercice du droit de grève par les salariés, elles ne sauraient être utilisées pour y porter atteinte, vous le savez très bien, monsieur le ministre.
Chacun peut d’ailleurs constater que cette obligation d’information n’est pas toujours mise en œuvre dans les cas fréquents de pannes en tous genres, retards et autres désagréments, dans le transport aérien comme dans le transport terrestre. C’est un sujet d’irritation très fort pour de nombreux passagers. Mais, dans ce cas, ni le Gouvernement ni les députés de la majorité n’envisagent de sanction envers les entreprises en cas de carence. On laisse aux passagers le soin de mettre en cause la responsabilité de l’entreprise concernée devant les tribunaux.
L’objet réel de cette proposition de loi est donc de créer, pour des salariés du secteur privé, un préavis ex nihilo de quarante-huit heures !
Cette disposition a pour effet de limiter l’exercice du droit de grève dans les entreprises privées que sont les entreprises de transport aérien de passagers et leurs innombrables partenaires et sous-traitants. Elle constitue une pression à l’encontre des salariés en vue, nous ne sommes pas dupes, de les faire renoncer à la grève.
Cela traduit, d’ailleurs, une méconnaissance de la situation réelle des salariés. Décider la grève est un choix grave, lourd de conséquences, puisque cela aboutit à une perte de salaire souvent significative. Selon la formule consacrée, on ne se met pas en grève par plaisir !
La grève est le symptôme, vous le savez, monsieur le ministre, de relations dégradées dans l’entreprise.