Mes chers collègues, j’ai déjà longuement exposé, lors de la discussion générale, les raisons qui ont poussé la commission des affaires sociales à décider d’opposer la question préalable à cette proposition de loi. Je ne crois pas nécessaire d’y revenir en détail. Nous voulons rester en cohérence avec la position adoptée par le Sénat en première lecture : le texte n’a pas changé, ou si peu, et il n’est pas plus acceptable aujourd’hui qu’il y a quinze jours.
Je tiens simplement à rappeler quelques points importants.
Tout d’abord, pour nous, cette proposition de loi porte une atteinte manifestement disproportionnée au droit constitutionnellement protégé qu’est le droit de grève. Je note au passage que vous invoquez le principe constitutionnel de la liberté d’aller et venir, en l’occurrence le droit de voyager. Mais l’adoption de ce texte permettra non pas de mieux faire respecter ce droit, mais simplement d’informer les passagers afin de leur permettre de rester chez eux en attendant que les vols reprennent. Voilà pour ce qui constitue l’un de vos principaux arguments, monsieur le ministre !
Certaines dispositions de la proposition de loi, notamment le délai de dédit de vingt-quatre heures, seraient inopérantes dans le secteur du transport aérien, car les délais prévus sont de toute façon trop courts pour permettre une réorganisation de l’activité. Il faut bien mal connaître le déroulement d’un mouvement social ou d’une grève pour proposer d’encadrer le droit de grève dans de tels délais !
Ensuite, rien n’est fait ici pour améliorer les conditions de travail des personnels de l’assistance en escale ou de la sûreté, ou même de l’ensemble des personnels du secteur aérien, alors que c’est là que réside la véritable solution pour apaiser durablement les tensions dans les aéroports.
Par ailleurs, l’examen de ce texte dans la précipitation, pour des raisons électoralistes, est inacceptable. Je reviens sur l’argument que j’ai déjà développé et qui a été également repris par d’autres orateurs : l’absence, non pas d’auditions, mais de consultation préalable des partenaires sociaux, pourtant les premiers concernés par les effets de ce texte, démontre la méfiance infondée de la majorité gouvernementale pour le dialogue social.
Monsieur le ministre, auditionner des organisations syndicales dans le cadre de l’examen d’une proposition de loi est une chose ; ouvrir des négociations et suivre le protocole tel qu’il a été voté au Sénat et à l'Assemblée nationale en est une autre. Le protocole précise bien que les organisations syndicales doivent être consultées sur le texte et qu’elles doivent pouvoir s’exprimer sur leur demande d’ouverture, ou non, de négociations. Dans les quinze jours suivant cette consultation, les organisations syndicales doivent nous donner leur réponse. Si elles demandent l’ouverture de négociations avec le Gouvernement, alors le texte ne peut pas être étudié tant que les négociations n’ont pas eu lieu.
Chers collègues de l’opposition sénatoriale, voilà ce que prévoit le protocole qui a été adopté ici même, dois-je le rappeler, sur l’initiative de Gérard Larcher. Or ce protocole n’a absolument pas été respecté !
Si nous contestons le recours à une proposition de loi, c’est bien évidemment non pas parce que nous dénigrons l’initiative parlementaire, mais parce qu’il s’agit d’un détournement du travail des parlementaires au bénéfice du Gouvernement, afin notamment d’éviter le passage du texte devant le Conseil d’État. En l’espèce, il faut bien dire que cela arrange le Gouvernement !
Enfin, l’Assemblée nationale n’a pas modifié sensiblement sa position initiale en nouvelle lecture.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission a eu raison d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable et vous invite à en faire autant.