Intervention de Didier Migaud

Réunion du 8 février 2012 à 14h30
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

En juin dernier, la Cour avait de nouveau relevé l’importance du déficit structurel de la France. Nous avions conclu que la crise expliquait environ un tiers du déficit de 2010 ; pour le reste, donc pour l’essentiel, il était de nature structurelle.

Notre pays est entré dans la crise avec un déficit structurel qui était déjà de 3, 7 % du PIB en 2007 et, pendant plus de trente ans, le déficit public avait presque toujours été supérieur aux moyennes communautaires, quel que soit le gouvernement en place, y compris pendant les périodes de reprise de la croissance.

Dans ses précédents rapports, la Cour a montré la nécessité de faire disparaître les cinq points de déficit structurel qu’elle a constatés en 2010, c’est-à-dire 100 milliards d’euros, par un effort structurel de redressement, suffisamment rapide et vigoureux, d’un point de PIB par an, soit 20 milliards d’euros par an pendant cinq ans.

Analysant les résultats provisoires de l’année 2011, la Cour confirme, dans le présent rapport, qu’un effort de réduction du déficit structurel a été engagé. Alors qu’il avait été quasi nul en 2010, cet effort structurel a représenté environ un demi-point de PIB en 2011. Ce résultat est encourageant, mais il aurait fallu le double pour s’inscrire dans le processus de redressement dont la Cour a montré la nécessité.

Un élément nouveau de l’année 2011 a été le ralentissement de la dépense publique, qui a augmenté de 1, 4 % en volume, contre 2, 2 % par an au cours de la dernière décennie. Toutefois, l’accroissement de la dépense publique a encore été du même ordre que la croissance du PIB. De ce fait, l’amélioration structurelle a reposé en 2011 sur les hausses de prélèvements obligatoires, qui ont apporté 11, 5 milliards d’euros de mesures pérennes, soit 0, 6 point de PIB.

Selon les annonces les plus récentes du Gouvernement, le déficit total de 2011 serait inférieur à sa prévision, qui était de 5, 7 % du PIB. En toute hypothèse, ce niveau de déficit, même un peu inférieur à 5, 7 % et moindre qu’en 2009 et 2010, demeure trop élevé. Il signifie que 110 milliards d’euros de dépenses n’ont pas été couverts par des recettes, soit, par exemple, l’équivalent de l’ensemble des dépenses du budget de l’État consacrées à l’enseignement scolaire, la justice et la défense réunis. Avec un tel déficit, la dette publique continue d’augmenter à un rythme dont le maintien serait difficilement soutenable.

Aussi, pour conduire le redressement, les étapes qui restent à franchir pour la réduction de notre déficit structurel seront à la fois plus importantes et plus difficiles que celle qui a déjà été franchie. Si les objectifs de réduction du déficit que vous avez voté pour 2012 sont respectés, le déficit structurel n’aura été réduit, sur les cinq points que j’évoquais, que de 1, 75 point depuis 2010, ce qui signifie que la plus grande part du chemin restera à parcourir en 2013 et 2014. Ce message, la Cour des comptes le renouvelle pour que chacun en mesure l’importance.

C’est d’ailleurs au cours des deux années à venir que doit être accompli l’essentiel de l’effort de redressement des comptes publics, selon le programme de stabilité remis à la Commission européenne : il prévoit un déficit public de 4, 5 % du PIB en 2012 et de 3 % en 2013.

En juin dernier, la Cour avait jugé trop optimistes les hypothèses de croissance retenues pour 2012 et les années suivantes. Le Gouvernement les a progressivement réduites depuis septembre, notamment pour 2012. Cette prévision vient encore d’être révisée, ce qui est plus conforme à l’analyse de la Cour et confirme, si besoin en était, que les budgets doivent être préparés à partir d’hypothèses suffisamment prudentes.

Le projet de loi de finances rectificative présenté ce matin en conseil des ministres conforte le constat de la Cour selon lequel seule une partie de la réserve budgétaire est mobilisable pour tenir compte de la révision à la baisse de l’hypothèse de croissance. Cette opération a, par ailleurs, pour conséquence que presque toutes les marges de gestion du budget de 2012 ont désormais disparu.

Le solde primaire en 2012, c’est-à-dire après versement des intérêts de la dette, demeurerait négatif en France, de 1, 7 % du PIB, alors qu’en Allemagne, il serait positif à hauteur de 1, 3 % du PIB. La décroissance du ratio dette/PIB de l’Allemagne se poursuivrait donc, revenant à 81 % du PIB, alors que la dette française poursuivrait encore son augmentation, pour avoisiner 90 % du PIB.

L’ajustement doit donc se poursuivre. La mobilisation de nouvelles recettes atteignant ses limites, le volet des dépenses devrait apporter une contribution beaucoup plus importante au redressement des comptes publics. Cela implique inévitablement la réduction de la dépense publique dans certains domaines, qu’il convient de repérer, et les mesures envisagées pour y parvenir doivent être explicitées.

Le recours à des règles générales relatives à la dépense publique ou à la réduction des effectifs ne suffira pas à cet effort sur la dépense. Il faut que l’effort soit ciblé : les dépenses inefficaces doivent être identifiées et réduites, voire supprimées. À lui seul, je le rappelle, l’État finance aujourd’hui plus de 1 300 dispositifs d’intervention. Qui peut dire qu’il n’y en a pas d’inutiles ?

La mise en œuvre d’une revue triennale des politiques publiques et le développement de l’évaluation des politiques publiques doivent permettre de faire porter les efforts sur l’argent public mal dépensé, en préservant les dépenses essentielles. Cet effort doit aussi pleinement concerner les collectivités territoriales, ainsi que les dépenses de protection sociale.

Certes, les finances locales pèsent peu dans la dégradation globale des finances publiques et l’endettement des collectivités locales apparaît, dans l’ensemble, bien maîtrisé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion