Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 8 février 2012 à 21h30
Débat sur la biodiversité

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

L’échouage du TK Bremen nous rappelle que nous sommes toujours sous la menace d’une catastrophe. Le renforcement des droits français et européen doit nous en prémunir.

Je ne m’attarderai pas dans cette intervention sur la question de la protection des espèces et habitats les plus remarquables, non que ce point n’ait pas aussi son importance, mais il m’a semblé qu’il était le plus connu.

Bien sûr, il faut réintroduire l’ours dans les Pyrénées et réapprendre à vivre avec cet emblème, facteur d’imaginaire et évidemment de développement touristique local. Bien sûr, il faut protéger de nouveaux espaces terrestres et marins remarquables, et le Grenelle avait permis de faire émerger des propositions très précises dans ce domaine. Je suis le premier convaincu de la nécessité de telles actions, mais il ne faudrait pas que les débats sur ces sujets, aussi importants et légitimes qu’ils soient, nous fassent oublier que la menace actuelle, c’est aussi la perte de la biodiversité banale, et que nous ne préserverons pas quelques espaces ou espèces remarquables si les écosystèmes dans lesquels ils s’inscrivent continuent de s’appauvrir.

De même, j’aurais pu longuement évoquer la question de la forêt, mais nous aurons l’occasion d’y revenir dans d’autres débats.

Préserver les territoires, limiter drastiquement les agressions contre le milieu naturel, protéger espèces et habitats remarquables : nous avons là la base d’une véritable politique de la biodiversité, d’un plan national stratégique, qui nécessite des outils d’intervention.

Il s’agit d’abord de se doter d’un appareil législatif complet et adapté, et voilà bien, mes chers collègues, notre premier métier ! Par exemple, nous devons rapidement traduire en droit français les engagements pris à Nagoya dans le cadre du suivi de la convention sur la diversité biologique, notamment pour refuser la captation par des intérêts privés de ce bien public qu’est le vivant. C’est aujourd’hui une véritable urgence politique !

Nous devons appliquer ce qui a été l’une des principales avancées du Grenelle, la notion de « trame verte et bleue », pour en finir avec le morcellement de la nature. Fondées sur de véritables études dynamiques du fonctionnement des écosystèmes, ces trames doivent devenir opposables aux autres documents d’urbanisme. Sinon, elles resteront des croquis pour documents d’études et nous aurons laissé passer l’occasion d’organiser, enfin, la cohabitation sur notre territoire entre activités humaines et préservation des écosystèmes.

J’espère que nous trouverons sur ce point une majorité car, malheureusement, nous le savons bien, si tout le monde, ou presque, est aujourd’hui prêt à s’ériger en protecteur de la nature, cette unanimité ne résiste toujours pas aux intérêts locaux.

Je vous sais, par exemple, tous préoccupés, mes chers collègues, par l’avenir du grand hamster d’Alsace… Pour autant, êtes-vous prêts à expliquer à certains de nos collègues alsaciens que le grand contournement de Strasbourg est une très mauvaise idée si l’on veut préserver le biotope de ce rongeur en voie de disparition rapide ?

Je vous sais tous attentifs à la chute des populations d’amphibiens, 55 % des espèces françaises étant jugées en mauvaise posture par la dernière grande étude du Muséum national d’histoire naturelle et du Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN… Mais aurez-vous la force de persuasion nécessaire pour convaincre quelques élus de Loire-Atlantique qu’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes, sur 2 000 hectares de zones humides, n’est pas vraiment raisonnable ?

Et, s’il y a un vrai consensus, je le sens, pour préserver lagunes et coraux, pour autant, qui va expliquer à Mayotte qu’allonger la piste de l’aéroport sur un récif corallien d’importance mondiale est totalement contraire à nos engagements internationaux ?

Il nous reste donc, mes chers collègues, encore un peu de travail pour nous mettre en totale cohérence, mais je ne doute pas que la nouvelle majorité de gauche du Sénat tournera le dos à l’approche sarkozo-pendulaire de l’environnement : « un coup je m’affiche, un coup je m’en fiche ! »

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