Intervention de Claude Jeannerot

Réunion du 8 février 2012 à 21h30
Débat sur la biodiversité

Photo de Claude JeannerotClaude Jeannerot :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat, une intervention supplémentaire est-elle encore utile ? L’essentiel a probablement été dit. Mais convenons-en, ce qui caractérise notre situation n’est pas un déficit de paroles ou de prise de conscience. En effet, les constats sont connus et partagés, ce qui explique peut-être d’ailleurs la désertion ce soir de nos travées... À l’évidence, le déficit réside dans l’action.

Aujourd’hui, c’est la crise qui fait l’objet de nos préoccupations et mobilise notre action. Pourtant, mes chers collègues, cette crise est non seulement financière, économique et sociale, mais aussi environnementale.

De ce point de vue, le simple constat de la situation actuelle de la biodiversité est exemplaire et alarmiste. Cela a été dit, le rythme d’extinction des espèces végétales et animales est aujourd’hui sans précédent : 50 % des espèces actuellement connues pourraient avoir disparu d’ici à la fin du xxie siècle. Si nous ne faisons rien, dans deux ou trois générations, ours blancs, hippopotames, gazelles, requins océaniques et poissons d’eau douce n’appartiendront qu’au domaine de la mémoire.

Face à ce constat d’urgence, quelles décisions ont mobilisé les pouvoirs publics ? Il y a eu, c’est vrai, le Grenelle de l’environnement, qui introduisait une démarche innovante et, reconnaissons-le, en rupture avec le passé. Celle-ci fixait des objectifs ambitieux, et c’est pourquoi nous l’avons soutenue.

Que s’est-il passé depuis lors ? Vous connaissez la réponse à cette question ! Trois ans plus tard, nous réalisons que les objectifs ne seront pas atteints sur au moins trois plans.

D’abord, pour ce qui concerne l’agriculture, si nous continuons de la sorte, nous ne parviendrons pas à atteindre l’objectif de réduction de moitié de l’usage des pesticides à l’horizon 2018. En effet, les consommations augmentent en volume grâce à l’emploi de produits souvent beaucoup plus actifs. Or, nous le savons, l’usage intensif de pesticides a un impact direct sur la biodiversité, ainsi que sur la pollution des eaux.

Ensuite, la trame verte et bleue, la TVB, était censée devenir un véritable outil d’aménagement du territoire. Or aujourd’hui sa mise en œuvre soulève des doutes. Le budget de l’État, sacrifié sur l’autel de la dette souveraine, n’y consacre que peu de moyens. Ce sont donc les collectivités locales, plus proches du territoire, qui sont en première ligne, alors que leurs moyens financiers – ai-je besoin de le rappeler ? – sont de plus en plus limités.

Enfin, en matière de fiscalité environnementale, nous n’avons fait que peu de progrès. Voilà quelques mois, un groupe de travail du Centre d’analyse stratégique, présidé par Guillaume Sainteny, publiait un rapport démontrant le caractère contreproductif d’un certain nombre d’aides publiques sur le plan environnemental.

Comment orienter les choix fiscaux pour limiter l’étalement urbain et les rejets industriels dans l’eau ou réduire les émissions atmosphériques de métaux lourds ? Il avait été suggéré d’étendre le champ d’application de la taxe générale sur les activités polluantes. Pourquoi ne pas avoir donné suite à cette proposition ? N’est-il pas temps de créer, comme vous l’aviez évoqué, un fonds national de préservation de la biodiversité, qui pourrait être alimenté par un redéploiement des incitations fiscales qui sont dommageables à cette dernière ?

La préservation de la biodiversité nécessite une forte volonté politique nationale, assortie d’une mise en œuvre concrète et efficace à l’échelon local. « Penser global, agir local », tel a été le credo des intervenants lors de la conférence française pour la biodiversité, qui s’est tenue à Chamonix au mois de mai 2010. Il faut établir aujourd’hui un nouveau contrat de confiance entre les territoires et l’État. Seule l’addition des volontés sera pleinement efficace.

Mon département, le Doubs, a apporté la preuve de sa capacité d’entreprendre. Je suis fier de profiter de cette tribune pour rappeler qu’il est le berceau de la première loi française de protection de l’environnement, adoptée grâce à Charles Beauquier. Ce député du Doubs, cofondateur et président de la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France, soutint les habitants de Nans-sous-Sainte-Anne, un magnifique village du pays de Gustave Courbet, quand ils s’organisèrent pour protéger « leur » source du Lison contre les sombres desseins d’un meunier mal intentionné.

Charles Beauquier fit voter le 21 avril 1906 la célèbre loi qui porte son nom. Comme quinze autres sites, la source du Lison fut classée site naturel le 2 mai 1912. Ces premiers classements, plus précoces et plus nombreux qu’ailleurs, font du Doubs le champion de la protection de la nature.

En tant que président du conseil général de ce département – je profite de mon intervention pour saluer mes collègues présidents de conseils généraux ici présents –, je m’attache aujourd’hui à poursuivre l’héritage que j’ai reçu, en préservant la qualité des sites, des paysages et des milieux naturels, ainsi qu’en assurant la sauvegarde des habitats.

Mes chers collègues, j’achèverai mon propos en soulignant que seul un nouveau pacte de confiance entre l’État et les territoires nous permettra de mieux protéger la biodiversité. Il faut sortir de la dictature de l’urgence et penser à long terme. Nous ne pouvons pas continuer, année après année, d’augmenter la dette écologique et de transmettre un tel fardeau aux générations futures. N’est-il pas temps d’agir ? §

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