Intervention de Jean-Jacques Lozach

Réunion du 15 février 2012 à 14h30
Simplification des normes applicables aux collectivités territoriales — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Photo de Jean-Jacques LozachJean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de M. Éric Doligé que nous examinons ce soir vise à simplifier les normes applicables aux collectivités locales. Ce texte, renvoyé à la commission des lois, reprend certaines des 268 préconisations formulées dans le rapport que l’auteur a remis le 16 juin dernier au Président de la république. Quinze domaines différents avaient alors été identifiés, au rang desquels figuraient l’accessibilité, la culture et le sport : ce sont aujourd’hui les trois thèmes que j’aborderai devant vous au nom de la commission de la culture.

En effet, la commission a décidé de se saisir pour avis des articles 1er et 2.

L’article 1er est notamment relatif aux dérogations aux normes d’accessibilité au regard des contraintes liées à la préservation du patrimoine architectural.

L’article 2 tend à compléter le code du sport pour soumettre le décret et les règlements fédéraux à l’avis de la commission consultative d’évaluation des normes, créée en 2008 et par ailleurs réformée par la présente proposition de loi.

Enfin, la commission des lois nous a délégué l’examen au fond de l’article 27, relatif à l’archéologie préventive.

Tout d’abord, permettez-moi de dire quelques mots de l’objectif de cette proposition de loi, qui s’inscrit dans la logique du rapport précité de M. Doligé. Trois préoccupations essentielles ont guidé l’auteur : la réduction des coûts et des contraintes normatives, l’accélération des procédures administratives structurant les projets des collectivités et l’instauration d’un dialogue autour de l’activité normative.

Ces préoccupations sont évidemment partagées par nombre d’élus locaux, eu égard aux situations complexes auxquelles sont confrontées les collectivités. Ces dernières sont victimes de l’« inflation normative », qui pèse en particulier sur les compétences transférées et qui devient une source de coûts croissants : coûts liés aux investissements concernés, aux personnels à déployer, à l’organisation qui découle de l’application des mesures, etc.

Le rapport sur les relations entre l’État et les collectivités locales de notre ancien collègue Alain Lambert soulignait dès 2007 la problématique de la libre administration des collectivités dans ce contexte de croissance normative exponentielle. Dans bien des domaines – environnement, social, sécurité alimentaire –, les collectivités sont insuffisamment associées à la production normative qui, en s’imposant, apparaît comme une entorse à la décentralisation. Or la gouvernance normative doit être partagée : le rôle de financeur et de maître d’ouvrage des collectivités justifie pleinement qu’elles soient des acteurs incontournables de la concertation préalable à la définition de nouvelles normes.

Malgré un constat global partagé avec M. Doligé, il nous semble que la réponse apportée par cette proposition de loi ne résout pas les problèmes constatés.

Prenons le cas de l’archéologie préventive, dont il est question à l’article 27. La rédaction proposée pour le deuxième alinéa de l’article L. 523-7 du code du patrimoine vise ainsi, selon l’exposé des motifs, « à permettre l’aboutissement des conventions de diagnostic dans des délais compatibles avec les opérations d’aménagement ».

Nous l’avons tous constaté sur le terrain, le sujet des délais constitue une « épineuse question », pour reprendre l’expression utilisée par Yves Dauge et Pierre Bordier dans leur rapport de juillet 2011 sur l’archéologie préventive et la valorisation scientifique.

De très nombreuses questions parlementaires – au moins 200 depuis 2003 ! – ont mis en évidence les coûts et les situations de blocage liés aux retards pris dans la mise en œuvre des prescriptions de l’État en matière d’archéologie préventive.

Cependant, le délai de signature de la convention de diagnostic, visé par l’article 27, soulève quelques difficultés. En effet, beaucoup de délais sont d’ores et déjà normés, le code du patrimoine prévoyant des durées relativement courtes pour chaque étape de la procédure. L’article R-323-30, par exemple, laisse deux mois à compter de l’attribution du diagnostic, pour que le service agréé de la collectivité ou l’INRAP – 'Institut national de recherches archéologiques préventives – transmette à l’aménageur un projet de convention.

L’article L. 523-7, quant à lui, prévoit déjà que les travaux doivent débuter dans les quatre mois suivant la conclusion de la convention.

En revanche, le délai de signature de la convention n’est pas normé. Ainsi constitue-t-il parfois un levier utilisé pour « gagner du temps », notamment par l’INRAP, lorsque sa situation financière ne lui permet plus de faire face aux diagnostics prescrits en fin d’exercice comptable. L’absence de signature de la convention empêche ainsi le délai de quatre mois à l’issue desquels doivent débuter les travaux de courir.

La rédaction du deuxième alinéa de l’article L. 523-7 du code du patrimoine proposée par le présent texte soulève plusieurs difficultés.

Tout d’abord, elle a pour effet de confier un rôle de médiateur et d’arbitre au préfet de département, alors que c’est le préfet de région qui intervient à tous les stades de mise en œuvre de la politique d’archéologie préventive.

Ensuite, elle vise à imposer une signature dans les deux mois suivant la réception du projet de convention sans que soient précisées certaines conditions pourtant essentielles, telles que les garanties de libération des terrains concernés, alors qu’en dépend une information indispensable à l’arrêt d’une date de début des travaux de diagnostic.

En outre, il est difficile d’apporter une réponse globale en termes de délais pour des projets d’aménagement très divers, dont la nature, les coûts et l’intérêt général peuvent considérablement varier.

Enfin, le fait que le préfet de département puisse imposer aux deux parties non seulement les délais, mais aussi les dispositions contenues dans la convention, semble d’autant plus dangereux que, s’il ne tranche pas les différentes questions dans un délai fixé par décret, la prescription est réputée caduque.

Cette disposition me paraît particulièrement critiquable, et toutes les personnes auditionnées sur le sujet partagent ce point de vue. En effet, la caducité n’efface pas les vestiges archéologiques dont on présume la présence sur les terrains pour lesquels des diagnostics ont été prescrits. Cela signifie que, si l’aménageur débute les travaux et tombe sur des vestiges, la loi du 27 septembre 1941 modifiée portant réglementation des fouilles archéologiques s’appliquera. Son titre III prévoit qu’en cas de découvertes fortuites, le chantier doit être immédiatement arrêté, les terrains étant considérés comme classés.

Autant dire que la solution proposée par l’article 27 fera naître, en termes de coûts et de perturbations pour les collectivités, une situation pire que la situation actuelle.

En outre, il serait étrange de cautionner cette attitude schizophrène de l’État, qui, par le préfet de région, définirait des prescriptions de diagnostic et qui, en raison du silence du préfet de département, entraînerait la caducité de ces mêmes prescriptions.

Enfin, deux éléments d’agenda doivent être pris en compte pour appréhender la question des délais.

Il s’agit tout d’abord de la réforme de la RAP, la redevance d’archéologie préventive, que nous avons votée en décembre dernier dans le cadre de la loi de finances rectificative et qui doit déboucher, en 2013, sur la création d’un compte d’affectation spéciale.

Cette évolution devrait s’accompagner d’une amélioration de la gouvernance financière, s’appuyant notamment sur un versement de la RAP en contrepartie de la réalisation des diagnostics. Une telle modification de la procédure devrait permettre de réduire considérablement le nombre de retards dus au délai de signature de la convention de diagnostic. Je rappelle en effet qu’aujourd’hui l’INRAP reçoit le produit de la RAP, qu’il gère sans réelle planification des besoins.

Je profite de cette occasion pour dire que nous serons particulièrement attentifs aux travaux menés par le ministère de la culture pour accompagner la réforme de la RAP et définir les barèmes sur la base desquels seront indemnisés l’établissement public et les services agréés des collectivités territoriales.

Le deuxième élément du calendrier que nous jugeons important est l’organisation, en octobre prochain, de rencontres de l’archéologie préventive par le ministère de la culture, qui reprend ainsi une des préconisations de notre commission. Associant tous les acteurs clés de la politique publique, y compris les aménageurs, ces rencontres devraient permettre de mieux préparer les modifications d’ordre législatif nécessaires.

Je passerai rapidement sur le contenu de l’article 1er.

Tout d’abord, les mesures de substitution aux normes d’accessibilité ne soulèvent pas de difficulté particulière.

En revanche, je note que le titre Ier, qui pose un principe de proportionnalité et d’adaptation des normes à la taille des collectivités, n’a pas de portée immédiate puisqu’il indique simplement qu’une loi peut autoriser le préfet de département à prendre des mesures dérogatoires.

L’article 1er prévoit par ailleurs le renvoi à des décrets en Conseil d’État pour préciser, dans les domaines visés par la loi, les dérogations qui pourraient être accordées. On peut s’interroger sur la portée d’une telle disposition et sur les modalités d’établissement d’une liste réglementaire de dérogations aux obligations dans le domaine de la culture, qu’il s’agisse d’archéologie préventive ou de protection des monuments historiques, par exemple.

Il apparaît ainsi clairement que, compte tenu des enjeux qu’elle sous-tend, l’examen de cette proposition mériterait des délais supplémentaires.

Enfin, l’article 2 prévoit de soumettre les évolutions des normes sportives prévues par les fédérations à un avis de la commission consultative d’évaluation des normes. Je n’ai pas besoin d’insister devant vous sur l’importance de cette question.

Malgré les efforts réalisés depuis 2009 et la mise en place de la commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, les modifications des normes sur les équipements sportifs peuvent avoir des conséquences lourdes pour les collectivités, propriétaires à 80 % des structures sportives, alors que ces modifications ne présentent souvent pas d’intérêt majeur pour les sports concernés.

Le rapport de M. Doligé sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales dresse un constat sévère sur cette question en faisant état d’absences de saisine préalable de la CERFRES dans certains cas, d’une représentation insuffisante des collectivités, de la perfectibilité des notices d’impact, de conditions de classement fédéral discutables, de délais d’application peu raisonnables, de jeux d’acteurs complexes ou bien encore d’un manque d’accompagnement au niveau local.

Bref, la mise en place d’un avis de la CCEN, qui compte une majorité d’élus locaux, semble indispensable. Cet avis serait donné sur un décret, se substituant ainsi à celui du Conseil national des activités physiques et sportives, disparu, à mon grand regret, avec la RGPP.

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