Madame la présidente, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, lutter contre l’inflation normative et simplifier le droit : deux enjeux qui sont d’autant plus d’actualité que les normes coûtent cher aux collectivités locales, lesquelles doivent aujourd’hui faire face à un contexte financier de plus en plus tendu.
Je souhaite, à cet instant, citer quelques chiffres qui illustrent parfaitement la nécessité de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui : 400 000, c’est le nombre de textes, lois, décrets et circulaires, qui encadrent l’action des élus locaux ; 2 000 ans, c’est le temps qu’il faudrait à la commission consultative d’évaluation des normes pour examiner et évaluer tous ces textes ; 693, c’est le nombre de textes examinés par ladite commission, depuis sa création, en 2008, jusqu’à la fin de l’année 2011 ; 2, 34 milliards d’euros, c’est, estimé à la fin de 2011, le coût cumulé pour les collectivités locales des travaux de mise aux normes qui leur ont été imposés entre 2008 et 2009.
La démonstration me semble claire ! Et pourtant, le problème n’est pas nouveau. Du reste, les élus montrent une exaspération de plus en plus grande à l’égard des normes imposées par l’État.
La conférence des déficits, convoquée par le Président de la République en mai 2010, avait d’ailleurs conclu sur la nécessité d’un moratoire sur l’édiction de normes nouvelles.
À la suite d’une circulaire de juillet 2010 allant dans ce sens, le Premier ministre avait annoncé qu’il saisirait les associations représentatives des élus locaux, afin qu’elles fassent connaître « les domaines dans lesquels une révision générale des normes devait être prioritairement engagée en raison de dépenses qu’elles engendrent pour les collectivités ».
Votre texte, cher Éric Doligé, est issu des 268 propositions du rapport sur le sujet que vous avez rendu, en juin dernier, au Président de la République.
On peut, à la lumière de votre travail, regrouper en quatre thématiques essentielles les préoccupations des collectivités locales concernant les normes.
Premièrement, vous vous êtes intéressé aux coûts, et notamment ceux qui sont engendrés par la mise aux normes en matière d’accessibilité pour les personnes handicapées, ceux qu’impliquent les fouilles archéologiques préalables à des travaux d’aménagement, ainsi que le coût des équipements sportifs, de l’eau, de l’assainissement et de la fonction publique.
À ce sujet, il devenait difficile d’entendre que les collectivités augmentaient leurs dépenses de manière inconsidérée, alors même que, dans une grande majorité des cas, ces dépenses n’étaient que la conséquence d’une nouvelle législation imposée par l’État.
Deuxièmement, vous avez abordé le sujet sous l’angle du temps : les élus pointent en effet la lenteur des procédures, notamment dans le cadre des fouilles archéologiques et des procédures d’urbanisme.
Troisièmement, vous avez étudié les problèmes liés à la gouvernance : les collectivités regrettent de « subir la norme » et de n’être pas associés suffisamment à son élaboration.
Enfin, quatrièmement, vous avez pointé le besoin d’accompagnement : la plupart des collectivités, notamment les plus petites, ne disposent pas de services juridiques ou techniques pour les aider à la mise en œuvre des normes nouvelles.
Ces thèmes concernent en tout quinze domaines, dont vous avez dressé l’inventaire.
Vous nous proposez donc, judicieusement, d’assouplir l’application des normes et d’alléger les procédures.
Vous prévoyez ainsi, par exemple, l’introduction d’un principe de proportionnalité et d’adaptation des normes en fonction de la taille de la collectivité. Le préfet pourrait prendre des mesures réglementaires pour adapter la mise en œuvre d’une disposition qui se heurterait à des impossibilités techniques avérées ou entraînerait des conséquences manifestement disproportionnées au regard des objectifs recherchés et des capacités financières des personnes qui y seraient assujetties. Cette proposition intéressante mérite que nous y réfléchissions collectivement.
Vous proposez également de simplifier le fonctionnement des collectivités. Ainsi, la dématérialisation du recueil des actes administratifs et de leur publication deviendrait systématique. II s’agit donc de conférer une valeur juridique à la forme électronique du recueil des actes administratifs, tout en prévoyant le maintien obligatoire d’un exemplaire papier du recueil à disposition du public.
À l’heure où chacun d’entre nous possède un ordinateur ou a au moins un accès facilité à l’outil informatique, cette proposition semble frappée au coin du bon sens
De plus, la clarification de différentes procédures, la simplification du fonctionnement des assemblées locales, l’allégement de certaines procédures de commande publique pourraient être prévues utilement.
La question de l’évaluation partagée des normes et celle de la consultation préalable doivent être au cœur de notre discussion. Il s’agit, en effet, comme l’a régulièrement rappelé Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France, « d’une absolue nécessité pour que la législation soit applicable ».
Il faut bien reconnaître que l’évaluation des politiques locales est peu, voire pas du tout structurée. Cette absence d’évaluation partagée cristallise des conflits entre les collectivités et l’État. C’est pourquoi votre idée d’une instance indépendante comprenant des personnels de l’État et des collectivités semble plus que pertinente.
Vous proposez aussi le renforcement des compétences de la commission consultative d’évaluation des normes, laquelle pourrait s’attaquer au stock normatif afin d’en proposer le toilettage, car cet excès de normes entrave bien souvent la capacité d’initiative de nos territoires.
Par ailleurs, vous souhaitez la création d’une commission consultative départementale d’application des normes, qui serait chargée de contrôler, dans chaque département, les mesures réglementaires résultant des transferts de compétences de l’État et d’émettre un avis sur les propositions du préfet visant à simplifier la réglementation applicable aux collectivités.
Dans un certain nombre de domaines, la France ne peut évidemment pas ignorer les normes communautaires qui s’imposent à elle. Cependant, l’administration pourrait s’abstenir d’aller au-delà de ce qu’imposent les textes européens, comme cela arrive malheureusement trop souvent.
J’arrêterai là la liste des sujets sur lesquels vous proposez des solutions nouvelles et adaptées aux besoins des élus et des collectivités.
En vérité, comme le titrait récemment un grand quotidien, l’État est « champion des normes ubuesques », lesquelles sont pourtant le plus souvent édictées avec de bonnes intentions : qui pourrait être opposé à l’accès des handicapés aux locaux accueillant du public ou à l’instauration d’une sécurité maximale dans les bâtiments ? Mais voilà, de telles normes coûtent cher et sont parfois trop contraignantes pour être effectivement appliquées !
Permettez-moi de vous rapporter, sur la question de l’accessibilité, un cas plutôt cocasse dont m’a fait part un maire du Haut-Rhin. La largeur minimale des trottoirs a été fixée à 1, 40 mètre pour permettre aux personnes handicapées en fauteuil roulant de se déplacer plus facilement. Or la distance entre le bord des panneaux de signalisation et le bord du trottoir doit être de 70 centimètres. En conséquence, ces panneaux sont implantés en plein milieu des trottoirs !
C’est pourquoi, en conclusion, je dirai que nous déplorons l’attitude du groupe socialiste, rejoint en l’occurrence par les groupes RDSE et CRC, qui consiste à refuser que nous discutions et adoptions aujourd’hui des mesures importantes et attendues par les élus. Nous connaissons tous leur attachement au respect des normes, dont nous avons souvent nous-mêmes défini les contours législatifs.
Ainsi, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous proposez ou plutôt vous imposez aux élus le diktat de votre politique politicienne, pétrie de tactique électoraliste ! §
Vous avez peur de voter des mesures voulues et élaborées par notre majorité dans des domaines dont votre candidat du Bourget ne souffle mot !
Le groupe UMP soutient cette proposition de loi tant souhaitée par les élus locaux. La lutte contre l’inflation normative est désormais en marche, comme le Président de la République nous l’a rappelé, pour un meilleur fonctionnement des collectivités locales. §