Intervention de Antoine Lefèvre

Réunion du 15 février 2012 à 14h30
Simplification des normes applicables aux collectivités territoriales — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Photo de Antoine LefèvreAntoine Lefèvre :

Que peuvent bien penser ces collectivités locales, qui doivent sans cesse mobiliser des crédits nouveaux pour financer les dispositifs pensés et conçus à l’échelon national ou européen ?

En effet, les finances de nos collectivités territoriales sont dans une situation très tendue – trop tendue –, et ce n’est pas en période de basses eaux, comme aujourd’hui, sur le plan des crédits alloués aux collectivités territoriales que la situation va s’arranger ! Il manquerait près de 10 milliards d’euros, et nous, élus locaux, craignons de devoir différer certains projets d’avenir.

Reste que l’annonce faite par le Premier ministre, lors de la toute récente conférence sur les finances locales, d’une nouvelle mise à disposition de fonds par la Caisse des dépôts et consignations apporte une première réponse avant la création, attendue par beaucoup, d’une nouvelle banque des collectivités territoriales.

Si une réglementation stricte est indispensable pour garantir la sécurité de tous, les politiques de prévention et de précaution nécessaires à la sécurité des administrés se heurtent non seulement à des problèmes de financement, mais aussi à la lenteur de certaines procédures, comme les fouilles archéologiques ou les procédures d’urbanisme – ces exemples ont déjà été évoqués par les précédents orateurs.

C’est ainsi que les plans locaux d’urbanisme devront être adoptés avec une évaluation environnementale, aux termes de l’article 8 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle II. L’application de cette disposition, initialement prévue en janvier 2013, a été repoussée à juillet 2013. Cependant, l’intégration des dispositions du Grenelle II dans les SCOT et les PLU approuvés avant le 12 janvier 2011 devra intervenir au plus tard le 1er janvier 2016.

Pour ce qui concerne les documents d’urbanisme en cours d’élaboration ou de révision, approuvés avant le 1er juillet 2013 et dont le projet de schéma ou de plan aura été arrêté avant le 1er juillet 2012, il sera possible d’opter pour l’application des dispositions antérieures, les dispositions du Grenelle II devant être appliquées avant le 1er janvier 2016…

Pourquoi faire compliqué quand on peut faire inextricable ?

En plus d’avoir un coût financier, l’inflation des normes porte gravement atteinte à la sécurité juridique : les règles changent, se superposent et deviennent incompréhensibles. Pourtant, les élus sont censés les connaître toutes, sous peine d’être poursuivis pénalement – nous savons que cela arrive, et nous le craignons. Un tiers des maires n’ont-ils pas renoncé à solliciter le renouvellement de leur mandat, car trop de responsabilités pesaient sur leurs épaules ?

Par exemple, la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 oblige les petites communes à créer un service public d’assainissement non collectif, un SPANC, afin de procéder à un certain nombre de contrôles sur les installations d’assainissement autonomes.

Mais comment doit-on faire quand une petite commune rurale est bâtie sur la roche et que les maisons n’ont pratiquement pas de terrain ? En effet, ce n’est pas parce qu’on est en zone rurale que toutes les habitations disposent d’un terrain suffisant pour accueillir les composantes de prétraitement, de traitement et d’exutoire qui composent un système d’assainissement.

Sans compter que les travaux à entreprendre représentent un coût prohibitif pour des populations aux revenus faibles, voire très faibles, comme certains retraités. Comment ces populations financeront-elles les milliers d’euros que coûte une installation et les centaines d’euros que coûtent les contrôles de conception, de réalisation, de fonctionnement et de cession ?

S’agissant du droit de la construction, ensuite, que penser de la norme dont M. Bourquin a parlé et qui impose, lors de l’acquisition d’un immeuble, la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique et d’un diagnostic termites, alors même que la démolition de l’immeuble en question a été décidée ? C’est tout bonnement absurde !

Enfin, pour prendre un dernier exemple, j’évoquerai de nouveau l’accessibilité des lieux publics, réaffirmée dans la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Entendons-nous bien : je ne cherche à stigmatiser personne ni à remettre en cause le bien-fondé de la loi de 2005, d’autant que ma ville de Laon vient d’être particulièrement bien classée, aujourd’hui même, dans le domaine de l’accessibilité.

La phase de production des textes d’application de cette loi est quasiment achevée ; il revient désormais à l’État et aux collectivités territoriales de garantir la soutenabilité budgétaire des engagements qu’elle contient.

Toutefois, concernant la mise en accessibilité des équipements publics, des transports en commun et des établissements recevant du public, la situation est assez préoccupante à moins de quatre ans d’une échéance que le législateur a fixée à 2015.

À ce sujet, je veux vous présenter un exemple des absurdités qui résultent de la stricte application de la norme. Inaugurant récemment, dans le nord de mon département – l’Aisne –, une gendarmerie comportant à l’étage des logements desservis par un escalier, et alors que je m’étonnais de la petitesse des deux chambres par rapport à la taille disproportionnée de la salle de bain, il m’a été répondu qu’il avait fallu satisfaire à la norme en aménageant une salle de bain compatible avec la rotation d’un fauteuil roulant qui, de toute évidence, ne pourrait jamais franchir l’escalier...

De plus, il convient de noter que les zones moins densément peuplées sont traitées avec beaucoup de zèle pour l’application des normes, à l’inverse des zones urbaines. Dans les communes rurales, dont les possibilités de financement sont pourtant moindres, nous savons que les contraintes sont plus fortes.

La concertation favorisant une application plus efficace des textes, il est nécessaire que les préfectures puissent jouer un rôle de pondérateur plutôt que d’accélérateur de normes.

Dans cet esprit, la proposition de loi présentée par notre collègue Éric Doligé prévoit que les compétences de la commission consultative d’évaluation des normes, installée par l’actuel Gouvernement voilà un peu plus de trois ans, seront renforcées et qu’une commission consultative départementale d’application sera créée. Voilà une initiative bienvenue !

Je le rappelle, en 1997 déjà, une demande avait été formulée en vue de la création d’une instance réunissant des représentants des différents départements ministériels et des représentants des élus locaux, afin que ces derniers puissent être consultés sur toute nouvelle directive européenne ; mais le Gouvernement de l’époque, celui de Lionel Jospin, n’avait pas donné suite.

Pour toutes ces raisons, je ne comprends pas la position de la majorité sénatoriale. Celle-ci, en effet, tout en reconnaissant qu’un certain nombre de dispositions de la proposition de loi vont dans le bon sens, demande, cette fois-ci, un renvoi à la commission… C’est ce que j’appelle botter en touche !

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