Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du 15 février 2012 à 14h30
Simplification des normes applicables aux collectivités territoriales — Demande de renvoi à la commission

Photo de Jacqueline GouraultJacqueline Gourault, rapporteur :

J’en viens maintenant au fond de mon intervention.

Plusieurs dispositions de la présente proposition de loi soulèvent quelques questions.

J’aborderai tout d’abord les dispositions que comportent les quatre premiers articles relatifs au principe de proportionnalité et à la création de nouvelles instances d’évaluation des normes.

Aujourd'hui, la CCEN ne dispose pas de la capacité suffisante pour endiguer et contrôler les flux normatifs. Dès lors, que faire ? Accroître les moyens de la commission ? Renforcer l’autorité attachée à ses avis ? Décliner localement le principe de cette structure ? En instituer de nouvelles ? Toutes ces questions méritent d’être approfondies.

Une même attention doit être portée à l’introduction d’un principe de proportionnalité des normes.

Si l’objectif mérite d’être approuvé, les collectivités n’étant pas toutes également armées pour mettre en œuvre toutes les mesures réglementant leurs champs d’intervention, le contour proposé est-il le plus adapté ? La capacité financière des entités décentralisées est-elle le seul critère pertinent ? Sa valeur est-elle universelle, quel que soit le domaine abordé ? Ne convient-il pas, plutôt, de l’adapter au cas par cas ?

En tout état de cause, il conviendrait de veiller à ce que le principe d’égalité entre les usagers ne soit pas altéré, comme l’a rappelé le Conseil d’État : l’essence du service public doit être préservée, quelle que soit la taille de la collectivité chargée de le mettre en place.

Les réponses à l’ensemble de ces questions mériteraient donc d’être affinées.

Pour sa part, l’article 18 tend à rendre facultative l’existence d’un centre communal d’action sociale dans chaque commune et simplifie le régime des centres intercommunaux d’action sociale.

Différents mécanismes peuvent être envisagés : fixation d’un seuil en deçà duquel la création d’un CCAS serait rendue facultative ; simplification de la dissolution des structures déjà existantes ; clarification des conditions de création d’un CIAS en imaginant le transfert automatique des compétences d’action sociale d’intérêt communautaire de la part des centres des communes membres ; transfert à l’EPCI par délibérations concordantes de l’organe délibérant de l’EPCI et des conseils municipaux des autres attributions des CCAS.

Convenons que l’ensemble de ces questions méritent également d’être approfondies.

L’article 33, que Mme Meunier vient d’évoquer, vise à fusionner, au sein d’une nouvelle structure – les centres d’information, de dépistage et de diagnostic gratuit – financée par l’assurance maladie, les deux réseaux d’établissements intervenant actuellement dans le dépistage et la lutte contre les infections sexuellement transmissibles.

Si la commission approuve l’esprit de cette mesure, elle s’interroge néanmoins sur l’anonymat, dont le principe semblerait ne plus être respecté.

Plusieurs articles modifient ou complètent le code de l’urbanisme ou le code de la construction et de l’habitation. Ils soulèvent un certain nombre d’interrogations, auxquelles les réponses s’avèrent complexes.

J’évoquerai d’abord la difficulté de délivrer des autorisations de construire sur la base d’objectifs : l’absence totale et définitive de règlement dans les secteurs de projets ne facilitera pas l’instruction des autorisations déposées dans ces périmètres.

Cette suppression de tout règlement en la matière revient à se priver de certains outils : c’est le cas de la faculté de réserver un certain pourcentage d’un programme de constructions de logements, destiné à favoriser la mixité sociale. Ce point est important, le logement étant un sujet d’actualité.

L’article 23 nécessite une clarification du champ d’application des stipulations ayant pour effet de limiter le droit de construire : doivent-elles s’appliquer à l’ensemble du droit privé ou seulement en matière d’urbanisme ? Par ailleurs, ajouter à ce mécanisme le principe de la caducité des dispositions d’urbanisme en cas d’absence de publications au bureau des hypothèques, c’est-à-dire leur anéantissement pur et simple, conduit à conférer à la publicité foncière un effet qui n’est pas le sien aujourd’hui.

L’article 24 vise à autoriser la signature d’une promesse de vente ou de location d’un terrain avant la délivrance du permis d’aménager un lotissement. Par conséquent, il appelle également la plus grande vigilance pour éviter toute pression sur les maires ou présidents d’EPCI compétents pour délivrer les permis d’aménager. Rappelons que la signature d’une promesse de vente implique la constitution préalable des lots ainsi que leur bornage. La réalisation de ces derniers rend plus difficile le refus du maire d’accorder le permis d’aménager.

Les dispositions gérant la tacite reconduction de la promesse paraissent incomplètes. Il faut éviter de dénaturer l’esprit du texte, par le jeu de reconductions multiples, au motif d’impératifs d’une pré-commercialisation.

L’article 25 est relatif à la convention de projet urbain partenarial conclue entre la personne publique et le porteur du projet. La prise en considération du projet par la personne publique ne doit pas être créatrice de droits pour le porteur dudit projet. Rappelons que la notion de « prise en considération » existe déjà en droit de l’urbanisme et qu’elle est créatrice de droits dans le cadre du sursis à statuer.

Enfin, l’article 26 a pour objet de rendre inopposables les dispositions des PLU qui prescriraient la réalisation de plus d’une aire de stationnement par logement dans les zones tendues : il s’avère trop général et ne tient pas suffisamment compte des circonstances locales, notamment de la typologie des ménages. Par ailleurs, il entraînerait la suppression potentielle de l’exigibilité de la participation pour non-réalisation d’aires de stationnement qui sert le plus souvent à financer des parcs de stationnement.

L’article 32 de la proposition de loi prévoit pour toutes les collectivités la faculté de recourir au concours sur titre dans les filières sociale, médico-sociale et médico-technique qui connaissent des difficultés de recrutement.

La commission des lois a récemment examiné une réforme du cadre juridique des centres de gestion de la fonction publique territoriale dont certains éléments ont été introduits par le Sénat dans le projet de loi relatif à la fonction publique. Nous allons très prochainement y revenir en commission mixte paritaire. Le renforcement de ces structures, les coordinations entre centres, les regroupements des examens concernant l’ensemble des filières sociales et médico-sociales ne seraient-ils pas appropriés ? Une réponse plus coordonnée à la question que vous avez soulevée, monsieur Doligé, semble nécessaire.

La présente proposition de loi soulève donc un ensemble d’interrogations, qui méritent une réflexion poussée, que ne permet pas l’ordre du jour des travaux du Sénat. C’est pourquoi, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Michel et des membres du groupe socialiste, la commission des lois a décidé de proposer à la Haute Assemblée d’adopter une motion de renvoi du texte à la commission.

Il ne s’agit pas, pour elle, de retenir une procédure dilatoire ni de renoncer à examiner la proposition de loi. Je le répète : l’objectif affiché par l’auteur de celle-ci est impératif.

Prenons toutefois le temps de débattre et d’approfondir la réflexion engagée par notre collègue Éric Doligé. C’est ce que vous propose la commission des lois.

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