Ces amendements en discussion commune ne visent pas tous le même dispositif, ce qui rend la présentation de l’avis du Gouvernement assez complexe. En effet, je suis favorable à certains amendements, mais je ne peux émettre un tel avis sur d’autres, auxquels je souscris pourtant sur le fond, parce qu’ils se raccrochent au texte de la commission auquel je suis hostile.
Tout d'abord, je suis favorable aux amendements identiques n° 86 rectifié et 171, qui visent à compléter la législation, sans se mêler du débat opposant M. Cornu et la commission sur la version du dispositif qu’il convient de retenir pour offrir aux consommateurs la possibilité de s’opposer au démarchage.
En réalité, deux visions s’opposent, celle de l’opt in et celle de l’opt out, la Haute Assemblée défendant la première.
Dans notre droit, notamment pour tout ce qui concerne Internet, nous appliquons généralement la règle de l’opt out, c'est-à-dire que l’envoi régulier d’informations commerciales doit obligatoirement être accompagné d’une proposition de désabonnement.
Le dispositif Pacitel obéit finalement à la même logique : si un consommateur ne veut pas être démarché, il doit le faire savoir.
Au moment de la discussion de la proposition de loi relative à cette question au Sénat, les discussions sur un système de type Pacitel étaient engagées, mais elles n’étaient pas abouties. Les inquiétudes sur les délais de sa mise en œuvre étaient tout à fait légitimes – beaucoup pensaient que le mécanisme ne serait pas opérationnel avant cinq à dix ans, ou qu’il serait un échec –, mais il se trouve que le système fonctionne ! Quelque 80 % des entreprises du secteur du démarchage, à l’issue de négociations avec le Gouvernement, ont rejoint Pacitel, qui, contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur le sénateur, n’est pas une entreprise. Un consommateur qui s’inscrit sur cette liste ne sera plus contacté par aucune de ces sociétés.
Depuis sa mise en place, plus de 550 000 Français se sont inscrits sur Pacitel ; plus d’un million de numéros de téléphone sont concernés. Le président de la commission de l’économie a eu l’occasion d’indiquer qu’il s’y était inscrit, et Mme la rapporteure pour avis nous apprend qu’elle aussi a fait la démarche… Ce dispositif mis en place par des professionnels est donc plébiscité par les consommateurs.
Or on nous propose de le remettre en cause pour adopter une autre solution, qui vise exactement le même objectif, mais qui serait, nous dit-on, plus efficace : les consommateurs devraient indiquer non pas qu’ils ne veulent plus être démarchés, mais s’ils veulent être démarchés un jour ! Au-delà des dispositifs classiques de protection généralement prévus par notre droit, cette proposition est une « surprotection » des consommateurs, qui va plus loin que les souhaits de ces derniers.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes, je le rappelle, en période de crise économique. Or cette disposition proposée par la commission aurait des répercussions immédiates en termes de suppressions d’emplois. Des personnes, des familles sont concernées.
Vous évoquez des emplois en Tunisie et dans divers autres pays, madame la rapporteure pour avis, mais je parle moi de 100 000 postes, en France, dans le secteur du démarchage, autrement dit des appels sortants, et j’espère que vous souhaitez comme moi qu’ils ne soient pas délocalisés. Et pour qu’ils ne le soient pas, il faut commencer par ne pas les détruire !
La répartition géographique des 273 000 emplois dont l’avenir est en jeu est la suivante : plus de 3 000 en Alsace, plus de 18 000 en Aquitaine, près de 4 000 en Auvergne, près de 3 000 en Basse-Normandie, plus de 5 500 en Bourgogne, plus de 9 000 en Bretagne, plus de 15 000 dans le Centre, plus de 6 000 en Champagne-Ardenne, 57 en Corse – ce n’est pas dans cette région que vous détruirez le plus d’emplois ! –, environ 2 500 en Franche-Comté, 6 500 en Haute-Normandie…