Intervention de Frédéric Lefebvre

Réunion du 22 décembre 2011 à 14h45
Droits protection et information des consommateurs — Article 12, amendement 157

Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État :

Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

J’ai écouté avec attention le débat qui vient d’avoir lieu. Ce sujet a été évoqué à plusieurs reprises, y compris en commission.

M. Yung, qui défend depuis très longtemps le principe des actions de groupe à la française, m’a demandé de préciser ma position, en rappelant à juste titre que j’avais été l’un des promoteurs de cette idée en 2008. Je considérais en effet que notre droit ne prévoyait aucun dispositif de protection des consommateurs permettant de faire cesser rapidement un préjudice et de vite obtenir réparation.

Je tiens donc à vous rassurer, monsieur le sénateur. Tout comme, j’imagine, chacun d’entre vous, j’ai essayé de prendre en compte la réalité de la situation économique, en intégrant dans ma réflexion la crise mondiale qui touche notre pays.

J’ai expliqué dans mon livre Le mieux est l’ami du bien pourquoi j’avais changé d’avis sur la question de l’action de groupe, en esquissant un certain nombre de pistes de réflexion, qui ne se retrouvent pas nécessairement d’ailleurs dans le dispositif que je propose aujourd’hui dans le texte qui est examiné par le Sénat.

J’ai essayé de me placer, comme je l’ai fait pour l’ensemble du projet de loi, du point de vue du consommateur. Nous pouvons avoir des désaccords, mais je n’ai aucun doute sur la sincérité de l’action de M. Yung, pas plus que sur celle de M. Cornu, en faveur du droit des consommateurs. M. Yung et moi nous sommes suffisamment rencontrés, notamment lors de discussions avec des associations de consommateurs, pour respecter nos engagements respectifs, au-delà des divergences qui nous séparent.

Pour ma part, et je le dis sous le contrôle de M. Cornu, qui a bien compris, me semble-t-il, le sens de ma démarche, j’ai essayé de proposer un dispositif qui soit à la fois le plus rapide possible – aujourd'hui, l’important, pour les consommateurs, c’est la rapidité – et le plus protecteur possible, en permettant la meilleure indemnisation qui soit.

Voilà quelques mois, nous avons dressé à Bercy un bilan de la médiation, qui se développe progressivement dans notre pays. Nous avons entendu les points de vue d’un certain nombre d’acteurs. Le système de la médiation permet le plus souvent d’apporter une solution aux consommateurs ayant subi un préjudice – ils sont de plus en plus nombreux –, dans un délai allant de trois mois à six mois.

Par comparaison, avec les class actions à l’américaine, même si j’ai bien compris que ce n’était pas votre modèle de référence, les procédures durent entre six et dix ans. Imaginez ce que cela représente pour les victimes de préjudice ! Vous en conviendrez, il est tout de même préférable de trouver une solution dans les trois ou six mois…

Je voudrais également revenir sur un autre argument que vous avez avancé, monsieur Yung, car il m’interpelle ; j’ai d’ailleurs déjà eu l’occasion d’y réfléchir. Selon vous, puisque l’Union européenne envisage d’instituer un dispositif d’action de groupe, il serait peut-être utile que la France se dote d’abord de sa propre législation en la matière, quitte à inspirer ensuite nos voisins pour construire le droit protecteur que nous appelons tous de nos vœux.

Mais l’Union européenne, qui travaille beaucoup sur le sujet, est précisément en train de se rapprocher du modèle que nous construisons actuellement. Les intervenants européens qui se sont exprimés lors du colloque que j’ai organisé sur la médiation nous l’ont confirmé. Voilà qui devrait vous faire plaisir !

Outre la médiation, que nous devons généraliser, j’attire l’attention du Sénat sur un certain nombre de dispositions que nous avons examinées un peu rapidement, mais qui visent à répondre aux interrogations soulevées par M. Yung. Je pense notamment à la mesure sur les clauses abusives, que j’ai intégrée dans ce projet ; peut-être avez-vous eu, comme moi, l’occasion d’en discuter avec les associations concernées, notamment UFC-Que choisir, monsieur Yung. Je rappelle d’ailleurs que notre proposition a pu poser des problèmes, par exemple à la Chancellerie, qui s’est demandée s’il ne s’agissait pas d’une manière déguisée d’introduire une forme d’action collective dans notre droit. Le dispositif, dont nous avons longuement débattu en commission de l’économie, permet de faire tomber automatiquement et systématiquement toutes les clauses déclarées abusives lors d’un procès, et ce pour l’ensemble des consommateurs concernés par le même problème ! Avouez que c’est assez énergique et efficace.

Par ailleurs, nous renforçons les pouvoirs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, avec notamment – nous en avons débattu tout à l’heure – l’introduction de l’injonction et de la sanction administrative.

Vous le voyez, le système que nous voulons instituer permet de faire rapidement cesser un préjudice et d’obtenir réparation et, mieux encore, par un effet domino, de faire disparaître la totalité des clauses abusives qui pénalisent certains consommateurs, généralement assez nombreux. Voilà qui répond parfaitement, je crois, aux objectifs que vous avez fixés.

Mme la rapporteure pour avis a évoqué l’exemple américain. J’aimerais, pour ma part, faire référence à l’Italie, qui dispose de class actions privées depuis le 1er janvier 2010.

Depuis cette date, une seule action a été enclenchée. Elle a été déclarée recevable et est en attente de jugement ; cela fait maintenant deux ans. Les associations de consommateurs parlent d’une « arme émoussée » dont elles hésitent à se saisir du fait de la lourdeur du dispositif et du coût de l’action légale, qui pèse sur le plaignant.

Gérard Cornu connaît bien la situation de l’Allemagne, que nous avons évoquée ensemble. Il n’y a pas d’action collective proprement dite. Il existe dans ce pays une procédure modèle en faveur de l’investissement financier, du recours en cas de bénéfices indument acquis et des actions personnelles en rétablissement des droits. La procédure modèle, qui s’apparente à l’action de groupe, a été mise en place en 2005. Depuis cette date, vingt-cinq procédures ont été lancées. Seules deux d’entre elles ont abouti : une contre Chrysler en 2007 et une autre en 2009. Le recours en cas de bénéfices indument acquis est, lui, très peu utilisé.

Je pourrais multiplier les exemples. Le gain individuel moyen de ces actions serait entre quelques centimes et un millier d’euros, mais les dégâts sur l’économie sont considérables.

La médiation permet un niveau de réparation souvent plus favorable pour les plaignants, d’autant qu’elle est gratuite pour eux.

Tels sont les raisons qui m’amènent à soutenir activement l’amendement n° 157, défendu par Gérard Cornu. L’actuel projet de loi permet de répondre au souci qui a été évoqué, sans pour autant mettre en place l’action de groupe, qui n’est pas sans dégâts sur le plan économique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion